Dessin de Walter Crane
Mais il y tenait absolument et on dut appeler Cendrillon. Alors elle se lava d'abord les mains et le visage, puis elle vint s'incliner devant le fils du roi, qui lui tendit le soulier d'or. Elle s'assit sur un escabeau, retira son pied du lourd sabot de bois et le mit dans la pantoufle qui lui allait comme un gant. Et quand elle se redressa et que le fils du roi vit sa figure, il reconnut la belle jeune fille avec laquelle il avait danse et s'ecria:
– Voila la vraie fiancee!
La belle-mere et les deux s?urs furent prises de peur et devinrent blemes de rage. Quant au prince, il prit Cendrillon sur son cheval et partit avec elle. Lorsqu'ils passerent devant le noisetier, les deux petits pigeons blancs crierent:
«
Dessin de Walter Crane
Chat et souris associes
– Il nous faudra faire nos reserves de nourriture pour l'hiver, dit le chat, sinon nous risquons de mourir de faim. Toi, ma petite souris, tu ne peux pas aller partout, tu pourrais te faire prendre dans un piege. C'etait une bonne idee. Ils acheterent alors un petit pot de saindoux mais ne savaient pas ou le cacher. Ils reflechirent longtemps et, finalement, le chat decida: – Sais-tu ce que nous allons faire? Nous le cacherons dans l'eglise; on ne peut imaginer meilleure cachette! Personne n'oserait emporter quelque chose d'une eglise. Nous poserons le pot sous l'autel et nous ne l'entamerons qu'en cas de necessite absolue. Ils porterent donc le pot en ce lieu sur, mais tres vite le chat eut envie de saindoux. Il dit a la souris: – Je voulais te dire, ma petite souris, ma cousine m'a demande d'etre le parrain de leur petit dernier. Ils ont eu un petit, blanc avec des taches marron et je dois le tenir pendant le bapteme. Laisse-moi y aller, et occupe-toi aujourd'hui de la maison toute seule, veux-tu? – Bien sur, sans probleme, acquiesca la souris, vas-y, si tu veux, et pense a moi quand tu mangeras des bonnes choses. J'aurais bien voulu, moi aussi, gouter de ce bon vin doux qu'on donne aux jeunes mamans. Mais tout cela etait faux; le chat n'avait pas de cousine et personne ne lui avait demande d'etre parrain. Il s'empressa d'aller a l'eglise, rampa jusqu'au petit pot de saindoux et lecha jusqu'a avoir mange toute la graisse du dessus. Ensuite, il partit se promener sur les toits pour voir ce qui se passait dans le monde, et puis surtout pour trouver encore quelque chose de bon a manger. Puis il s'allongea au soleil. Et chaque fois qu'il se souvenait du petit pot de saindoux, il se lechait les babines et se caressait la moustache. Il ne rentra a la maison que dans la soiree. – Te voila enfin de retour! l'accueillit la petite souris. T'es-tu bien amuse? Vous avez du bien rire. – Oui, ce n'etait pas mal, repondit le chat. – Et quel nom avez-vous donne a ce chaton? demanda la souris. – Sanledessu, repondit sechement le chat. – Sanledessu? chicota la souris, quel drole de nom! Assez rare, dirais-je. Est-il courant dans votre famille? – Tu peux dire ce que tu veux, retorqua le chat, mais ce n'est pas pire que Volemiettes, le nom de tes filleuls. Peu de temps apres, le chat se sentit de nouveau l'eau venir a la bouche. – Sois gentille, supplia-t-il, occupe-toi encore une fois de la maison toute seule. Fais cela pour moi, petite souris; on m'a encore demande d'etre le parrain. Le chaton a une collerette blanche au cou, je ne peux pas refuser. La gentille souris fut d'accord. Et le chat se glissa a travers le mur de la ville, s'introduisit dans l'eglise et vida la moitie du pot de saindoux. – Rien a faire, se dit-il, c'est bien meilleur quand on mange tout seul. Et il se felicita de son exploit. Lorsqu'il arriva a la maison, la petite souris demanda: – Comment avez-vous baptise le bebe? – Miparti, repondit le chat. – Miparti? Pas possible! je n'ai jamais entendu un nom pareil. Je parie qu'il n'est meme pas dans le calendrier. Le chat ne tarda pas a se sentir de nouveau l'eau a la bouche en pensant au pot de saindoux. – Jamais deux sans trois, dit-il a la souris. On me demande de nouveau d'etre le parrain. L'enfant est tout noir, seules les pattes sont blanches, elles mis a part, il n'a pas un seul poil blanc. Un enfant comme ca ne nait qu'une fois par siecle! Tu me laisseras y aller, n'est-ce pas? – Sanledessu! Miparti! repondit la souris, ce sont des noms si etranges. Cela ne s'est jamais vu. Ils me trottent dans la tete sans arret. – C'est parce que tu restes tout le temps ici, avec ta vilaine robe gris fonce a longue natte, tu passes toutes tes journees enfermee ici, pas etonnant que tout se brouille dans ta tete, dit le chat. Voila ce qui arrive quand on passe sa vie dans ses pantoufles. Le chat parti, la petite souris fit le menage dans toute la maison. Pendant ce temps-la, le chat gourmand vida entierement le pot de saindoux. – Et voila, pensa-t-il, maintenant que j'ai tout mange, je ne serai plus tente. Si repu qu'il s'essoufflait en marchant, il ne rentra a la maison que la nuit, mais serein. La petite souris lui demanda aussitot le nom du troisieme chaton. – Je suis sur que tu n'aimeras pas, repondit le chat. Il s'appelle Toufini. – Toufini! chicota la souris. Cela parait suspect, ce nom ne me dit rien qui vaille. Je ne l'ai jamais vu imprime quelque part. Toufini! Qu'est ce que cela veut dire, en fait? Elle hocha la tete, se roula en boule et s'endormit. Depuis ce jour, plus personne n'invita le chat a un bapteme. L'hiver arriva, et dehors, il n'y avait rien a manger. La petite souris se rappela qu'ils avaient quelque chose en reserve. – Viens, mon chat, allons chercher notre pot de saindoux que nous avons cache pour les temps durs. On va se regaler. – Tu te regaleras, tu te regaleras, marmonna le chat, cela sera comme si tu sortais ta petite langue fine par la fenetre. Ils s'en allerent et lorsqu'ils arriverent dans l'eglise, le pot etait toujours a sa place mais vide. – «Ca y est, dit la souris, je comprends tout, j'y vois clair a present. Tu parles d'un ami! Tu as tout mange quand tu allais «faire le parrain»: d'abord «Sanledessu», puis «Miparti» et pour finir… – Tais-toi, coupa le chat, encore un mot et je te mange!» Mais la petite souris avait le «Toufini» sur la langue, et a peine l'eut-elle prononce que le chat lui sauta dessus, l'attrapa et la devora. Eh oui, ainsi va le monde.
Chat et souris emmenagent
Il est bien connu que chat et souris ne font pas bon menage; en voici la preuve.
Un chat avait fait la connaissance d'une souris et lui avait tellement conte fleurette qu'elle avait finalement accepte d'habiter dans la meme maison que lui et de partager les depenses. «Avant que l'hiver arrive, nous devions faire des preparatifs si nous ne voulons pas mourir de faim», dit le chat a la souris. Le bon conseil fut observe et un petit pot de beurre fut achete. Mais ils ne savaient pas ou il serait mieux de l'entreposer. Finalement, apres de longues reflexions, le chat dit: «Je ne connais aucun endroit qui soit plus sur que l'eglise; la, personne n'osera venir l'y chercher. Nous placerons le petit pot de beurre sous l'autel, et nous n'y toucherons plus.»
C'est ainsi que le petit pot fut mis en surete. Mais il fallut peu de temps avant que l'envie prenne au chat d'en manger. Il alla donc voir la souris et lui dit: «Ce que je veux te dire, petite souris, c'est que j'ai ete demande comme temoin par ma cousine. Elle vient de mettre au monde un petit, tout blanc avec des taches brunes. Laisse-moi aller a son bapteme et occupe-toi toute seule de la maison!» «Bien sur, repondit la souris, va! Et si tu fais un bon repas, pense un peu a moi! Je boirais bien volontiers une goutte de bon vin!»
Mais tout cela n'etait que mensonge. Le chat n'avait pas de cousine et nul ne lui avait demande d'etre temoin. Il se dirigea tout droit vers l'eglise, se faufila jusqu'au petit pot de beurre et en degusta un peu. Puis, il alla faire une promenade sur les toits de la ville et prit un bain de soleil, tout en se pourlechant les babines a chaque fois qu'il songeait au petit pot de beurre. Il revint a la maison seulement lorsque le soir fut tombe. «Ah, te voila enfin de retour!», dit la souris. «Tu as surement passe une belle journee.» «Ca pouvait aller», repondit le chat. «Et quel nom a-t-on donne au chaton?», demanda la souris. «Un peu», repondit sechement le chat. «Un peu, s'exclama la souris, voila un nom assez singulier! Est-ce courant dans ta famille?» «Que trouves-tu donc a ce nom!», dit le chat. «Il n'est pas pire que Breuseldip, le nom de ton parrain.»
Peu de temps apres, le chat eut encore une autre fringale. Il alla voir la souris et lui dit: «Tu dois me rendre un service et t'occuper encore une fois du menage toute seule; on m'a encore demande comme temoin. Le petit a un collet tout blanc; je ne puis refuser». La bonne souris acquiesca, mais le chat, longeant les murs de la ville, se faufila plutot jusqu'a l'eglise et mangea, cette fois-ci, la moitie du beurre. «Comme c'est bon!», se dit le chat.
Lorsqu'il revint a la maison, la souris lui demanda: «Quel nom a-t-on donne a ce chaton?» «La moitie», repondit le chat. «La moitie! Mais que me dis-tu la! Jamais de toute ma vie je n'ai entendu de nom pareil. Je parie qu'il n'existe meme pas.» Il ne tarda pas avant que le chat songe encore a sa friandise et que l'eau lui vienne a la bouche. «Jamais deux sans trois», dit-il a la souris. «Je dois encore assister a un bapteme. Le petit est tout noir et avec du blanc au bout de ses pattes, mais il n'a pas un seul poil blanc sur tout le reste du corps. Cela n'arrive qu'une fois aux deux ans. Alors, tu me laisses y aller encore?» «Un peu, La moitie», repondit la souris, «ce sont la des noms bien etranges, des noms qui me rendent soucieuse.» «C'est que tu restes la, coiffee d'une tresse et vetue de ta jupe gris fonce, a attraper des grillons», dit le chat. «Voila ce qui arrive quand on reste cloitre toute la journee!»
La souris rangea et fit de l'ordre dans la maison pendant que le chat s'absentait et qu'il mangeait tout le reste du beurre. Lorsqu'il fut de retour a la maison, bien repu et bien dodu, la souris s'enquit aupres de lui du nom qu'avait recu le troisieme chaton. «Cela ne te plaira evidemment pas, dit le chat, il s'appelle Toutlereste.» «Toutlereste!», s'ecria la souris. «Mais qu'est ce que ca peut bien signifier?» Elle hocha la tete, se mit en boule et s'endormit. A partir de ce moment, plus personne ne demanda au chat d'etre temoin.
Lorsque l'hiver fut venu et qu'aucune nourriture ne put etre trouvee a l'exterieur, la souris se souvint de leurs provisions et dit: «Viens, mon ami le chat. Allons au petit pot de beurre que nous avons eu la sagesse de mettre de cote! Nous allons faire un festin.» «Certainement», repondit le chat.
Ils allerent donc a l'eglise et quand ils arriverent, le petit pot de beurre etait bel et bien encore la, mais il etait completement vide. «Ha! ha!, dit la souris, maintenant je comprends ce qui s'est passe! Maintenant tout s'eclaire. Tu etais pour moi un veritable ami! Mais pendant que tu pretendais assister a des baptemes, en cachette, tu mangeais le beurre: d'abord un peu, puis la moitie, et enfin…» «Veux-tu la fermer!» cria le chat. «Encore un seul mot, et je te devore!» «… et enfin, tout le reste», avait deja dit la pauvre souris. A peine avait-elle prononce ces mots, que le chat bondissait sur elle, en faisait une boule, et l'avalait goulument.
Le Clou
Un marchand avait fait d'excellentes affaires a la foire: il avait vendu tout ce qu'il avait comme marchandises et gonfle sa bourse de pieces d'or et d'argent. Comme il voulait etre rentre chez lui avant la tombee de la nuit, il decida de se mettre en route aussitot, serra sa bourse dans sa sacoche de selle, monta a cheval et s'en fut. Vers midi, il fit etape dans une ville; le palefrenier, quand il lui ramena son cheval pour repartir, lui fit remarquer:
– Il lui manque un clou au fer de son pied gauche, derriere, monsieur!
– Laisse courir, dit le marchand, pour les six lieues qu'il me reste a faire, le fer tiendra bien. Je suis presse. Au milieu de l'apres-midi, alors qu'il avait fait halte de nouveau et fait donner de l'avoine a sa monture, le valet de l'auberge vint lui dire:
– Monsieur, il manque un fer a votre cheval, au pied gauche de derriere. Faut-il que j'aille le faire chausser?
– Laisse, dit le marchand, je suis presse et la bete supportera bien les deux lieues qu'il me reste a faire. Il remonta en selle et continua sa route, mais peu apres le cheval se mit a boiter; et il ne boita pas longtemps avant de broncher; et il ne broncha pas longtemps avant de faire une chute et de se casser la jambe. Aussi fallut-il que le marchand debouclat ses sacoches et, abandonnant la son cheval, les mit sur son epaule et rentrat a pied chez lui, ou il n'arriva que tard dans la nuit.
– Tout cela, conclut-il c'est de la faute de ce maudit clou qui a fait tout le mal. Hatez-vous lentement!