Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm 7 стр.


Cinq seulement frappaient encore:

– Non, dit l’oiseau, je ne chante pas deux fois pour rien. Donne-moi la meule et je chanterai encore une fois.

– Tu l’aurais, bien sur, si elle etait a moi tout seul, repondit le garcon meunier.

– S’il chante encore une fois, approuverent tous les autres, il est juste qu’il l’ait, et il n’a qu’a la prendre.

L’oiseau descendit de l’arbre et les vingt garcons meuniers, avec des leviers, souleverent la lourde meule, ho-hop! ho-hop! ho-hop! ho-hop! Et l’oiseau passa son cou par le trou du centre, prenant la meule comme un collier avec lequel il s’envola de nouveau sur son arbre pour chanter:

Le pere, la mere et petite Marlene sont la, assis a table. Et le pere dit:

– C’est drole comme je me sens bien, tout rempli de lumiere!

– Oh! pas moi, dit la mere, je me sens accablee comme s’il allait eclater un gros orage.

Petite Marlene est sur sa chaise, qui pleure et qui pleure sans rien dire. L’oiseau donne ses derniers coups d’ailes, et quand il se pose sur le toit de la maison, le pere dit:

– Ah! je me sens vraiment tout joyeux et le soleil est si beau: il me semble que je vais revoir une vieille connaissance.

– Oh! pas moi, dit la mere, je me sens oppressee et tout apeuree, j’ai les dents qui claquent, et dans mes veines on dirait qu’il y a du feu!

Elle se sent si mal qu’elle dechire son corsage pour essayer de respirer et se donner de l’air. Et la petite Marlene, dans son coin, est la qui pleure, qui pleure, et qui se tient son tablier devant les yeux; et elle pleure tellement qu’elle a completement mouille son assiette. L’oiseau est venu se percher sur le genevrier; il se met a chanter:

– Oh! mere, dit le pere, dehors il y a un splendide oiseau qui chante merveilleusement, le soleil brille et chauffe magnifiquement, on respire un parfum qui ressemble a de la cannelle.

La petite Marlene cache sa tete dans ses genoux et pleure de plus en plus.

– Je sors, dit le pere, il faut que je voie cet oiseau de tout pres.

– Oh non, n’y va pas! proteste la mere. Il me semble que toute la maison tremble sur sa base et qu’elle s’effondre dans les flammes!

L’homme alla dehors neanmoins et regarda l’oiseau.

La femme retomba sur le dos, blanche comme une morte.

– Je vais sortir aussi et voir quel cadeau l’oiseau me fera!

Elle se leva et sortit.

Kywitt, kywitt, bel oiseau que je suis!

La petite Marlene sentit que tout devenait lumineux et gai pour elle; elle enfila les souliers rouges et neufs et se mit a danser et a sauter, tellement elle s’y trouvait bien, rentrant toute heureuse dans la maison.

– Oh! dit-elle, moi qui me sentais si triste quand je suis venue dehors, et a present tout est si clair! C’est vraiment un merveilleux oiseau que celui-la, et il m’a fait cadeau de souliers rouges!

– Que non! que non! dit la femme en revenant a elle et en se relevant, et ses cheveux se dressaient sur sa tete comme des langues de feu. Pour moi, c’est comme si le monde entier s’aneantissait: il faut que je sorte aussi, peut-etre que je me sentirai moins mal dehors!

Mais aussitot qu’elle eut franchi la porte, badaboum! l’oiseau laissa tomber la meule sur sa tete et la lui mit en bouillie. Le pere et petite Marlene entendirent le fracas et sortirent pour voir. Mais que virent-ils? De cet endroit s’elevait une vapeur qui s’enflamma et brula en montant comme un jet de flammes, et quand ce fut parti, le petit frere etait la, qui les prit tous les deux par la main. Et tous trois, pleins de joie, rentrerent dans la maison, se mirent a table et mangerent.

Les Creatures de Dieu et les betes du Diable

Le Seigneur Dieu avait cree tous les animaux et avait fait du loup son chien de garde. Seulement, voila: Il avait oublie la chevre. Alors le Diable se mit a l'?uvre pour creer, lui aussi, et il crea des chevres avec de longues et fines queues. Mais quand elles etaient au paturage, elles restaient le plus souvent accrochees aux buissons par leurs queues, et il fallait que le Diable y vint et travaillat peniblement pour les desempetrer. Il finit par en avoir assez et, dans sa colere, toc et toc, il leur coupa leurs queues d'un coup de dents, ne leur laissant que le petit moignon qu'on leur voit encore aujourd'hui. Et desormais, il les laissa pacager seules; mais il se trouva que le Seigneur Dieu les vit faire et constata queues ecorcaient ici les jeunes arbres fruitiers, gataient la les nobles ceps, broutaient ailleurs les tendres pousses, bref, qu’elles saccageaient et detruisaient tout. Le Seigneur s'en desola et dans Sa grace et Sa bonte y envoya ses loups, qui devorerent et dechiqueterent en un rien de temps les chevres qui se trouvaient la. Lorsque le Diable s'apercut de la chose, il vint devant le Seigneur et protesta:

– Tes creatures ont dechire les miennes! – Pourquoi les as-tu creees pour la destruction? dit le Seigneur.

– J'y etais bien force, dit le Diable, puisque toutes mes pensees ne vont qu'au dommage et a la destruction, ce que je cree ne peut pas non plus revetir une autre nature. Il faut que tu me payes reparation!

– Je te paierai des que les chenes auront perdu leurs feuilles, dit le Seigneur. Reviens alors, et tu seras regle: le prix t'est deja compte. Des que le feuillage des chenes eut disparu, le Diable revint et reclama son du. Mais le Seigneur lui repondit:

– Dans l'eglise de Constantinople, il y a un grand chene qui porte encore toutes ses feuilles. Pestant et tempetant, jurant et maudissant, le Diable s'en alla a la recherche du chene et erra pendant six mois dans les deserts avant de le trouver. Et lorsqu'il revint, les autres chenes avaient deja tous reverdi. Il se trouva donc dans l'obligation de renoncer a son du. Alors, dans sa rage furieuse, il creva les yeux de toutes les chevres qui restaient et leur donna les siens a sa place. Voila pourquoi toutes nos chevres ont les yeux du diable et la queue coupee court; et c'est pour cela aussi que le Diable aime bien prendre leur apparence.

Dame Trude, la sorciere

Il etait une fois une petite fille extremement tetue et imprudente qui n'ecoutait pas ses parents et qui n'obeissait pas quand ils lui avaient dit quelque chose. Pensez-vous que cela pouvait bien tourner?

Un jour, la fillette dit a ses parents:

– J'ai tellement entendu parler de Dame Trude que je veux une fois aller chez elle: il parait que c'est fantastique et qu'il y a tant de choses etranges dans sa maison, alors la curiosite me demange.

Les parents le lui defendirent rigoureusement et lui dirent:

– Ecoute: Dame Trude est une mauvaise femme qui pratique toutes sortes de choses mechantes et impies; si tu y vas, tu ne seras plus notre enfant!

La fillette se moqua de la defense de ses parents et alla quand meme la-bas. Quand elle arriva chez Dame Trude, la vieille lui demanda:

– Pourquoi es-tu si pale?

– Oh! dit-elle en tremblant de tout son corps, c'est que j'ai eu si peur de ce que j'ai vu.

– Et qu'est-ce que tu as vu? demanda la vieille.

– J'ai vu sur votre seuil un homme noir, dit la fillette.

– C'etait un charbonnier, dit la vieille.

– Apres, j'ai vu un homme vert, dit la fillette.

– Un chasseur dans son uniforme, dit la vieille.

– Apres, j'ai vu un homme tout rouge de sang.

– C'etait un boucher, dit la vieille.

– Ah! Dame Trude, dans mon epouvante, j'ai regarde par la fenetre chez vous, mais je ne vous ai pas vue: j'ai vu le Diable en personne avec une tete de feu.

– Oh oh! dit la vieille, ainsi tu as vu la sorciere dans toute sa splendeur! Et cela, je l'attendais et je le desirais de toi depuis longtemps: maintenant tu vas me rejouir.

Elle transforma la fillette en une grosse buche qu'elle jeta au feu, et quand la buche fut bien prise et en train de flamber, Dame Trude s'assit devant et s'y chauffa delicieusement en disant:

– Oh! le bon feu, comme il flambe bien clair pour une fois!

La Demoiselle de Brakel

Une demoiselle de Brakel alla un jour a la chapelle de Sainte- Anne, au-dessous d'Hunenbourg. Et comme elle desirait beaucoup trouver un mari, se croyant seule dans la chapelle, elle se mit a chanter:

«Tu l'auras pas! Tu l'auras pas!»

La demoiselle eut dans l'idee que c'etait le petit Enfant Jesus, tout pres d'elle dans les bras de la Sainte Vierge, qui lui avait crie cela, et elle lui retorqua, furieuse:

«Taratata, petit benet, tu ferais mieux de boucler ton museau et de laisser parler la mere!»

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