Contes Merveilleux Tome II - Grimm Jakob et Wilhelm 4 стр.


Le Loup et les sept chevreaux

Il etait une fois une vieille chevre qui avait sept chevreaux et les aimait comme chaque mere aime ses enfants. Un jour, elle voulut aller dans la foret pour rapporter quelque chose a manger, elle les rassembla tous les sept et leur dit:

– Je dois aller dans la foret, mes chers enfants. Faites attention au loup! S’il arrivait a rentrer dans la maison, il vous mangerait tout crus. Ce bandit sait jouer la comedie, mais il a une voix rauque et des pattes noires, c’est ainsi que vous le reconnaitrez.

– Ne t’inquiete pas, maman, repondirent les chevreaux, nous ferons attention. Tu peux t’en aller sans crainte.

La vieille chevre bela de satisfaction et s’en alla.

Peu de temps apres, quelqu’un frappa a la porte en criant:

– Ouvrez la porte, mes chers enfants, votre mere est la et vous a apporte quelque chose.

Mais les chevreaux reconnurent le loup a sa voix rude.

– Nous ne t’ouvrirons pas, crierent- ils. Tu n’es pas notre maman. Notre maman a une voix douce et agreable et ta voix est rauque. Tu es un loup!

Le loup partit chez le marchand et y acheta un grand morceau de craie. Il mangea la craie et sa voix devint plus douce. Il revint ensuite vers la petite maison, frappa et appela a nouveau:

– Ouvrez la porte, mes chers enfants, votre maman est de retour et vous a apporte pour chacun un petit quelque chose.

Mais tout en parlant, il posa sa patte noire sur la fenetre; les chevreaux l’apercurent et crierent:

– Nous ne t’ouvrirons pas! Notre maman n’a pas les pattes noires comme toi. Tu es un loup!

Et le loup courut chez le boulanger et dit:

– Je me suis blesse a la patte, enduis-la-moi avec de la pate.

Le boulanger lui enduisit la patte et le loup courut encore chez le meunier.

– Verse de la farine blanche sur ma patte! commanda-t-il.

– Le loup veut duper quelqu’un, pensa le meunier, et il fit des manieres. Mais le loup dit:

– Si tu ne le fais pas, je te mangerai.

Le meunier eut peur et blanchit sa patte. Eh oui, les gens sont ainsi!

Pour la troisieme fois le loup arriva a la porte de la petite maison, frappa et cria:

– Ouvrez la porte, mes chers petits, maman est de retour de la foret et vous a apporte quelque chose.

– Montre-nous ta patte d’abord, crierent les chevreaux, que nous sachions si tu es vraiment notre maman.

Le loup posa sa patte sur le rebord de la fenetre, et lorsque les chevreaux virent qu’elle etait blanche, ils crurent tout ce qu’il avait dit et ouvrirent la porte. Mais c’est un loup qui entra.

Les chevreaux prirent peur et voulurent se cacher. L’un sauta sous la table, un autre dans le lit, le troisieme dans le poele, le quatrieme dans la cuisine, le cinquieme s’enferma dans l’armoire, le sixieme se cacha sous le lavabo et le septieme dans la pendule. Mais le loup les trouva et ne traina pas: il avala les chevreaux, l’un apres l’autre. Le seul qu’il ne trouva pas etait celui cache dans la pendule.

Lorsque le loup fut rassasie, il se retira, se coucha sur le pre vert et s’endormit.

Peu de temps apres, la vieille chevre revint de la foret. Ah, quel triste spectacle l’attendait a la maison! La porte grande ouverte, la table, les chaises, les bancs renverses, le lavabo avait vole en eclats, la couverture et les oreillers du lit trainaient par terre. Elle chercha ses petits, mais en vain. Elle les appela par leur nom, l’un apres l’autre, mais aucun ne repondit. C’est seulement lorsqu’elle prononca le nom du plus jeune qu’une petite voix fluette se fit entendre:

– Je suis la, maman, dans la pendule!

Elle l’aida a en sortir et le chevreau lui raconta que le loup etait venu et qu’il avait mange tous les autres chevreaux. Imaginez combien la vieille chevre pleura ses petits!

Toute malheureuse, elle sortit de la petite maison et le chevreau courut derriere elle. Dans le pre, le loup etait couche sous l’arbre et ronflait a en faire trembler les branches. La chevre le regarda de pres et observa que quelque chose bougeait et grouillait dans son gros ventre.

– Mon Dieu, pensa-t-elle, et si mes pauvres petits que le loup a manges au diner, etaient encore en vie?

Le chevreau dut repartir a la maison pour rapporter des ciseaux, une aiguille et du fil. La chevre cisailla le ventre du monstre, et aussitot le premier chevreau sortit la tete; elle continua et les six chevreaux en sortirent, l’un apres l’autre, tous sains et saufs, car, dans sa hate, le loup glouton les avait avales tout entiers. Quel bonheur! Les chevreaux se blottirent contre leur chere maman, puis gambaderent comme le tailleur a ses noces. Mais la vieille chevre dit:

– Allez, les enfants, apportez des pierres, aussi grosses que possible, nous les fourrerons dans le ventre de cette vilaine bete tant qu’elle est encore couchee et endormie.

Et les sept chevreaux roulerent les pierres et en farcirent le ventre du loup jusqu’a ce qu’il soit plein. La vieille chevre le recousit vite, de sorte que le loup ne s’apercut de rien et ne bougea meme pas.

Quand il se reveilla enfin, il se leva, et comme les pierres lui pesaient dans l’estomac, il eut tres soif. Il voulut aller au puits pour boire, mais comme il se balancait en marchant, les pierres dans son ventre grondaient.

Cela grogne, cela gronde, mon ventre tonne!

J’ai avale sept chevreaux, n’etait-ce rien qu’une illusion?

Et de lourdes grosses pierres les remplacerent.

Il alla jusqu’au puits, se pencha et but. Les lourdes pierres le tirerent sous l’eau et le loup se noya lamentablement. Les sept chevreaux accoururent alors et se mirent a crier:

– Le loup est mort, c’en est fini de lui!

Et ils se mirent a danser autour du puits et la vieille chevre dansa avec eux.

Les Lutins

I

C’etait un cordonnier qui etait devenu si pauvre, sans qu’il y eut de sa faute, qu’a la fin, il ne lui reste a plus de cuir que pour une seule et unique paire de chaussures. Le soir, donc, il le decoupa, comptant se remettre au travail le lendemain matin et finir cette paire de chaussures; et quand son cuir fut taille, il alla se coucher, l’ame en paix et la conscience en repos; il se recommanda au bon Dieu et s’endormit.

Au lieu du cuir le lendemain matin, apres avoir fait sa priere, il voulait se remettre au travail quand il vit, sur son etabli, les souliers tout faits et completement finis. Il en fut tellement etonne qu’il ne savait plus que dire. Il prit les chaussures en main et les examina de pres: le travail etait impeccable et si finement fait qu’on eut dit un chef-d’?uvre: pas le moindre point qui ne fut parfait. Un acheteur arriva peu apres, trouva les souliers fort a son gout et les paya plus cher que le prix habituel. Avec l’argent, le cordonnier put acheter assez de cuir pour faire deux paires de chaussures, qu’il tailla le soir meme, pensant les achever le lendemain en s’y mettant de bonne heure. Mais le matin, quand il arriva au travail, les deux paires de souliers etaient faites, posees sur son etabli, sans qu’il se fut donne la moindre peine; au surplus, les acheteurs ne lui manquerent point non plus: et c’etaient de vrais connaisseurs, car il lui laisserent assez d’argent pour qu’il put acheter de quoi faire quatre paires de chaussures. Et ces quatre paires-la aussi, il les trouva finies le matin quand il venait, plein de courage, pour se mettre au travail. Et comme par la suite, il en alla toujours de meme et que ce qu’il avait coupe le soir se trouvait fait le lendemain matin, le cordonnier se trouva non seulement tire de la misere, mais bientot dans une confortable aisance qui touchait presque a la richesse.

Peu de temps avant la Noel, un soir, apres avoir taille et decoupe son cuir, le cordonnier dit a sa femme au moment d’aller au lit:

– Dis donc, si nous restions eveilles cette nuit pour voir qui nous apporte ainsi son assistance genereuse?

L’epouse en fut heureuse et alluma une chandelle neuve, puis ils allerent se cacher, tous les deux, derriere les vetements de la penderie et ou ils resterent a guetter. A minuit, arriverent deux mignons petits nains tout nus qui s’installerent a l’etabli et qui, tirant a eux les coupes de cuir, se mirent de leurs agiles petits doigts a monter et piquer, coudre et clouer les chaussures avec des gestes d’une prestesse et d’une perfection telles qu’on n’arrivait pas a les suivre, ni meme a comprendre comment c’etait possible. Ils ne s’arreterent pas dans leur travail avant d’avoir tout acheve et aligne les chaussures sur l’etabli; puis ils disparurent tout aussi prestement.

Le lendemain matin, l’epouse dit au cordonnier:

– Ces petits hommes nous ont apporte la richesse, nous devrions leur montrer notre reconnaissance: ils sont tout nus et il doivent avoir froid a courir ainsi. Sais-tu quoi? Je vais leur coudre de petits calecons et de petites chemises, de petites culottes et de petites vestes et je tricoterai pour eux de petites chaussettes; toi, tu leur feras a chacun une petite paire de souliers pour aller avec.

– Cela, dit le mari, je le ferai avec plaisir!

Et le soir, quand ils eurent tout fini, ils deposerent leurs cadeaux sur l’etabli, a la place du cuir decoupe qui s’y entassait d’habitude, et ils allerent se cacher de nouveaux pour voir comment ils recevraient leur present. A minuit, les lutins arriverent en sautillant pour se mettre au travail; quand ils trouverent sur l’etabli, au lieu du cuir, les petits vetements prepares pour eux, ils marquerent de l’etonnement d’abord, puis une grande joie a voir les jolies petites choses, dont ils ne tarderent pas a s’habiller des pieds a la tete en un clin d’?il, pour se mettre aussitot a chanter:

– Maintenant nous voila comme de vrais dandys!

Pourquoi jouer encor les cordonniers ici?

Joyeux et bondissants, ils se mirent a danser dans l’atelier, a gambader comme de petits fous, sautant par-dessus chaises et bancs, pour gagner finalement la porte et s’en aller, toujours dansants. Depuis lors, on ne les a plus revus; mais pour le cordonnier tout alla bien jusqu’a son dernier jour, et tout lui reussit dans ses activites comme dans ses entreprises.

II

Il y avait une fois une pauvre servante qui etait travailleuse et propre, qui balayait soigneusement chaque jour la maison et portait les ordures sur un grand tas devant la porte. Un matin, de bonne heure, comme elle arrivait deja pour se mettre au travail, elle y trouva une lettre; mais comme elle ne savait pas lire, elle laissa son balai dans un coin, ce matin-la, et alla montrer la lettre a ses maitres. C’etait une invitation des lutins qui demandaient a la servante de servir de marraine a l’un de leurs enfants. Elle n’etait pas decidee et ne savait que faire, mais a la fin, apres beaucoup de paroles, ses maitres reussirent a la convaincre qu’on ne pouvait pas refuser une invitation de cette sorte, et elle l’admit. Trois lutins vinrent la chercher pour la conduire dans une montagne creuse ou vivaient les petits hommes. Tout y etait petit, mais si delicat, si exquis qu’on ne peut pas le dire. L’accouchee reposait dans un lit noir d’ebene poli, a rosaces de perles, avec des couvertures brodees d’or; le minuscule berceau etait d’ivoire et la baignoire d’or massif.

La servante tint l’enfant sur les fonts baptismaux, puis voulut s’en retourner chez ses maitres, mais les lutins la prierent instamment de demeurer trois jours avec eux. Elle accepta et demeura ces trois jours, qu’elle passa en plaisir est en joie, car les petits hommes la comblerent de tous ce qu’elle aimait. Quand enfin elle voulut prendre le chemin du retour, ils lui bourrerent les poches d’or et l’accompagnerent gentiment au bas de la montagne. Arrivee a la maison, comme elle pensait avoir perdu assez de temps, elle s’en alla tout droit chercher le balai qui etait toujours dans son coin. Elle commencait a balayer, quand des gens qu’elle n’avait jamais vus descendirent et virent lui demander qui elle etait et ce qu’elle desirait. Parce que ce n’etaient pas trois jours, mais bien sept ans qu’elle avait passes chez les petits hommes de la montagne; et ses anciens patrons etaient morts dans l’intervalle.

III

Une mere avait eu son enfant enleve du berceau par les lutins qui avaient mis a sa place un petit monstre a grosse tete avec le regard fixe, occupe seulement de boire et de manger. Dans sa detresse, elle alla demander conseil a sa voisine, qui lui dit de porter le petit monstre a la cuisine, de l’installer devant la cheminee et d’allumer le feu pour faire bouillir de l’eau dans deux coquilles d’?uf:

– Le monstre ne pourra pas s’empecher de rire, lui dit-elle, et des l’instant qu’il rit, c’en est fini de lui.

La femme fit tout ce que sa voisine lui avait dit de faire, et Grosse-Tete, en la voyant mettre l’eau a bouillir dans des coquilles d’?ufs, parla:

– Moi qui suis vieux pourtant

Comme les bois de Prusse,

Je n’avais jamais vu cuisiner et dans un ?uf!

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