L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Сувестр Пьер 12 стр.


— Vous avez l’air content que l’on ait volé la clef. Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Rien, affirma Juve.

— Comprenez-vous, monsieur Havard ?

— Non, répondait le chef de la Sûreté. Mais j’ai confiance en Juve.

Et M. Havard ajouta, souriant lui aussi :

— C’est bien Juve, soyez-en persuadé.

Le gouverneur de la Banque commençait à se demander s’il n’avait point le cauchemar, s’il n’était pas victime d’un rêve, tant les attitudes des agents de la Sûreté et de Juve lui paraissaient bizarres, lorsqu’à nouveau, on frappa à la porte du cabinet.

— Il est dix heures et demie, remarqua Juve tranquillement, cependant que, de son côté, M. Châtel-Gérard ordonnait :

— Entrez !

L’huissier qui avait introduit Juve fit de nouveau son apparition.

— Monsieur le gouverneur, déclara cet homme, on vient de faire porter ce petit paquet en priant de vous le remettre d’urgence. Il paraît que c’est excessivement pressé.

— J’avais dit qu’on ne me dérangeât point ! tonnait M. Châtel-Gérard. Laissez cela là, ça n’a point d’importance. Je ne sais même pas ce que c’est.

L’huissier se retira. Juve, en souriant, se leva :

— Monsieur Châtel-Gérard, disait-il, je vous en prie, ne vous gênez pas pour nous, ouvrez donc ce paquet.

Et, en même temps, le policier prit sur un meuble la petite boîte que l’huissier venait d’abandonner.

— Ouvrez donc, monsieur le gouverneur.

L’insistance de Juve surprenait bien un peu M. Havard, mais, à un clignement d’œil du policier, il comprit que Juve ne parlait point au hasard.

— Ouvrez donc, répéta M. Havard.

M. Châtel-Gérard s’exécuta.

— Ah, murmurait rageusement le gouverneur, je vous assure que je me moque pas mal, en ce moment, de ce qu’il peut y avoir dans cette boîte. Quelque cadeau, je pense…

Il défit un papier blanc, du meilleur aspect, coupa une ficelle rouge scellée avec de la cire, arracha encore un autre papier et parvint à reconnaître qu’il s’agissait d’un petit coffret d’acajou ciré.

— Cela n’a pas d’importance, murmura encore M. Châtel-Gérard.

— Ouvrez donc, insistait Juve.

Une seconde plus tard, le gouverneur hurlait de surprise.

— Ah, mon Dieu !

Le coffret ouvert lui échappa des mains. Sur le sol, trois clefs, les trois clefs volées venaient de tomber.

Juve, cependant, ne paraissait nullement surpris ; simplement, au moment où les trois clefs s’étaient éparpillées, il avait eu un bon sourire et s’était frotté les mains.

En revanche, M. Havard, tout comme Léon et Michel, semblaient eux, stupéfiés.

— Ah çà, observa le chef de la Sûreté, c’est plus fort que n’importe quoi. Comment diable, Juve, avez-vous fait pour voler ces trois clefs à Fantômas ? Car c’est vous, évidemment, qui venez de faire porter cette boîte.

— Non, ce n’est pas moi, répondit Juve.

— Mais vous saviez que les trois clefs étaient dedans ?

— Je m’en doutais.

— C’est donc vous qui les y avait fait mettre ?

— Mais, pas du tout !

— Qui donc envoie ce paquet ?

— Qui donc ? Mais parbleu, celui qui avait les clefs.

— Fantômas, alors ?

— Évidemment, Fantômas !

La surprise de M. Havard croissait et Juve paraissait au contraire de moins en moins étonné.

— Monsieur, dit M. Châtel-Gérard en s’emparant des mains de Juve qu’il serrait avec une cordialité nerveuse, monsieur, vous m’avez sauvé la vie. J’étais décidé à me tuer…

— Sottise.

— J’aurais été déshonoré si ces trois clefs avaient été volées, si la Banque avait été pillée.

Mais, à ces mots, la figure de Juve se rembrunit.

— Ah cela, déclara-t-il, c’est autre chose. Je vous avaient promis de vous faire rendre les clefs, je ne vous ai point promis de protéger la Banque. Je tâcherai, évidemment…

Mais, au scepticisme qu’il affectait quelques minutes avant, M. Châtel-Gérard avait substitué un optimisme triomphant :

— Oh, déclarait le gouverneur, vous craignez sans doute qu’on ait pris des empreintes de ces clefs, mais cela, je m’en moque. J’ai. maintenant le temps voulu pour faire changer les serrures avant qu’un scandale éclate.

Il allait continuer, Juve l’interrompit :

— Fantômas n’est pas assez sot, dit-il, pour avoir pris l’empreinte de ces clefs.

— Alors ?

— Alors, il y a autre chose, conclut le policier, autre chose à craindre.

M. Châtel-Gérard allait évidemment protester, mais M. Havard, à son tour, voulait être renseigné.

— Nous examinerons cela tout à l’heure, dit-il. Ce qu’il faut savoir avant tout, Juve, et je vous avoue que je brûle d’impatience de le connaître, c’est la façon dont vous avez décidé Fantômas à vous restituer ces trois clefs.

— À les restituer à la Banque, corrigea Juve. Eh bien, j’ai opéré très simplement : il m’a suffi, monsieur Havard, de raisonner deux minutes. Voyons. Quelle était la situation d’hier ? Deux clefs sur trois avaient été volées, n’est-il pas vrai ? Fantômas ayant deux clefs, mais n’ayant pas la troisième, ne pouvait pas pénétrer dans les caves. M. Châtel-Gérard, n’ayant plus qu’une clef, en était également empêché. Que faire ? J’ai raisonné de cette façon : si Fantômas vole les clefs, c’est qu’il s’imagine, grâce à ces clefs, pouvoir atteindre les réserves. Si, au contraire, je lui persuade que peu m’importe qu’il ait les clefs, il pensera immédiatement qu’elles ne sont pas suffisantes pour lui permettre d’accomplir le vol. Autrement dit, il redoutera un piège, et s’abstiendra, surtout si moi, Juve, j’apparais mêlé à l’affaire.

— Pas mal, approuva M. Havard.

— Oui, c’est assez bien. Donc, ayant sous la main un individu complice de Fantômas, je me suis arrangé pour qu’il me vole la clef et aille la porter à Fantômas. Oh je n’avais pas la moindre illusion ! Fantômas apprenant que moi, Juve, je m’étais laissé soustraire la troisième clef, après une comédie plus ou moins habile, devait soupçonner immédiatement le piège tendu. Dès lors, étant donné qu’il est beau joueur, j’avais bien quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent pour que, afin de se moquer de moi, il ait la magnanimité de retourner ces clefs à M. Châtel-Gérard. C’est précisément ce qui est arrivé.

Il n’y avait rien à répondre à cela, il n’y avait qu’à féliciter Juve pour l’extraordinaire habileté dont il venait une fois encore de donner la preuve, et M. Chàtel-Gérard tout comme M. Havard n’y manquèrent point.

— C’est merveilleux, dit le chef de la Sûreté.

— C’est infernal, dit le gouverneur de la Banque.

Juve, toutefois, appréciait peu les compliments.

— Possible, murmurait-il, mais tout n’est pas fini.

— Qu’allons-nous faire, en effet ? demanda M. Havard. Vous êtes persuadé, Juve, qu’il va y avoir une tentative ici ? Contre les coffres ?

— Oui, chef.

— Pourtant vous avez dit vous-même, monsieur Juve, remarquait le gouverneur, que Fantômas n’avait pas dû prendre l’empreinte des clefs.

— Certes, ce serait enfantin. Il avait les clefs, pourquoi en aurait-il fait fabriquer d’autres ?

— Eh bien, alors ?

— Alors, voilà…

Juve paraissait à son tour, embarrassé.

— Fantômas, reprenait le policier, après quelques instants d’une courte méditation, Fantômas, monsieur, il ne faut pas l’oublier, est le Roi du Crime. Comment, dans ces conditions, supposer qu’il peut abandonner un instant, l’idée d’un cambriolage aussi profitable que le cambriolage de la Banque ?

— Mais, les caves sont à l’abri.

Juve, pour toute réponse, sourit. Hélas, lui qui, depuis des années, s’acharnait à la poursuite de Fantômas, tour à tour triomphant et vaincu, n’aurait jamais prononcé la parole imprudente que venait de lancer M. Chàtel-Gérard. Les caves étaient à l’abri de Fantômas ? Vraiment ? Y avait-il, au monde, précautions suffisantes pour qu’on pût tenir pour certain que Fantômas renonçât à réaliser ses desseins ?

M. Chàtel-Gérard, pourtant, s’emballait littéralement sur sa propre affirmation.

— Mais si, répétait-il en voyant l’énigmatique sourire par lequel Juve venait d’accueillir sa déclaration, je vous assure que les caves, ici, ne risquent rien ! Songez donc, un escalier barré par trois portes de fer, des sous-sols dont les murs sont inattaquables à la mine, des locaux que l’on peut noyer en une seconde, qui, en quelques minutes, peuvent être comblés de sable, cela ne se cambriole pas aisément. Et puis, enfin, nous allons avoir l’œil, nous surveillerons. Tenez, il y a mieux encore. Savez-vous, monsieur Juve, qu’en cas de besoin, rien qu’en pressant sur un commutateur électrique, je peux ouvrir des réserves d’acide carbonique comprimé, qui rendraient irrespirables pendant près de quatre jours, au moins, les souterrains où sont nos lingots d’or ?

— Je sais tout cela.

— Et malgré tout, malgré tout cela, comme vous dites, vous croyez qu’il faut craindre Fantômas ?

— Oui, répondit gravement le policier.

Juve, à nouveau, s’était levé. Sa voix devenait vibrante. Il affirma avec une énergie farouche :

— Fantômas, monsieur Chàtel-Gérard, est partout et nulle part. Il n’y a pas de portes fermées pour lui. Il n’y a point de murailles infranchissables pour lui. Il passe au travers de tout, quand bon lui semble. Il est invisible, s’il lui plaît. Il est dans cette chambre peut-être, tandis que nous nous entretenons. Ailleurs, s’il y a plus d’intérêt. Ah, vraiment, vous dites que Fantômas ne saurait entrer dans vos caves ? Cela me fait rire et cela me fait peur de vous en entendre parler, monsieur Chàtel-Gérard. Tenez, moi qui, depuis dix ans, poursuis Fantômas, je n’oserais pas vous dire que Fantômas n’y est pas, en ce moment, dans ces caves. Vous m’avez demandé de vous parler franc, je vous ai répondu comme vous le désiriez.

La déclaration de Juve, naturellement, émut au plus haut point ceux qui l’entendaient. M. Havard tout comme Léon et Michel, connaissaient trop Juve pour douter qu’il ne parlait sérieusement et qu’il ne pensait point ce qu’il disait. Quant à M. Châtel-Gérard, il était encore trop stupéfait par l’habileté dont Juve avait fait preuve en forçant Fantômas à restituer les trois clefs disparues, pour ne pas accepter comme parole d’évangile ce que Juve affirmait avec une si sombre énergie.

— Tout cela est donc possible… remarqua le gouverneur. Mais alors si Fantômas est aussi puissant que vous le dites, monsieur Juve, que faire ? Comment éviter la vengeance qu’il prépare, sans doute ?

Juve, d’abord, ne répondit pas. Il réfléchissait, avec de temps à autre des mouvements nerveux qui lui contractaient le front, lui crispaient les lèvres.

— Messieurs, déclara enfin le roi des policiers, le péril est certain. Il me semble que, logiquement, ce qu’il faut d’abord faire, si nous voulons l’enrayer, c’est de tâcher de le deviner. Je crois qu’avant toute autre précaution, il serait bon que nous nous rendions dans les caves. Peut-être, en examinant les dispositions des lieux, pourrai-je deviner, pressentir au moins ce que va tenter Fantômas. Et alors…

Mais tandis que Juve parlait, M. Châtel-Gérard pâlit visiblement. Un instant avant, au moment où il retrouvait les clefs, le gouverneur ne prenait plus au sérieux Fantômas. Après ce qu’en venait de dire Juve, un revirement se faisait dans son esprit et il lui semblait subitement des moins plaisants de courir le risque de rencontrer le Maître de l’Épouvante dans les sous-sols de son établissement.

— Ah, demanda M. Châtel-Gérard, vous croyez qu’il convient de descendre aux caves ? Si, pourtant… ?

— Peut-être, conseillait M. Havard, serait-il bon que je fasse venir d’autres inspecteurs ? Qu’en pensez-vous, Juve ? Désirez-vous du renfort ?

Le policier secoua la tête :

— En temps ordinaire, demanda-t-il, qui a le droit ici d’aller dans ces souterrains ?

— Moi, répondit M. Châtel-Gérard, Tissot et Roquevaire.

— Personne autre ?

— Non, personne autre.

— Alors, il faut que ce soit vous, monsieur, et vous seulement qui descendiez. Il ne serait pas bon d’attirer l’attention.

Et, comme M. Châtel-Gérard, à cette déclaration de principe, paraissait des moins rassurés, Juve se hâta d’ajouter :

— Oh n’ayez crainte, je considère qu’il serait mauvais de descendre en groupe aux caves, mais je considère aussi qu’il serait dangereux de vous laisser y aller seul. Je vous accompagne, monsieur Châtel-Gérard.

— Et si Fantômas surgissait ?

— S’il surgissait, monsieur, lui ou moi, sans doute, ne sortirions pas vivants de vos caves.

Et, à la façon dont Juve parlait, il était visible que le roi des policiers était en effet décidé à tout pour arrêter les exploits du sinistre et terrifiant Homme à la Cagoule.

9 – DANS LES CAVES DE LA BANQUE DE FRANCE

En affirmant que Fantômas n’était pas homme à renoncer à un vol décidé par lui, en proclamant que le bandit, coûte que coûte, arriverait à s’emparer des richesses de la Banque s’il avait véritablement résolu de s’en emparer, en estimant que la restitution des trois clefs ne prouvait absolument rien, Juve ne se trompait pas.

Fantômas, après s’être emporté de terrible façon contre le malheureux Tête-de-Lard, s’était calmé presque subitement :

— Tête-de-Lard, avait déclaré le bandit, en contemplant son complice terrorisé, tu n’es qu’un imbécile, mais je te pardonne. D’ailleurs, tu vas racheter ton imbécillité en te rendant utile.

— Que devrai-je donc faire ?

— Quelque chose de bien simple. Tête-de-Lard, voici les trois clefs volées, je vais les enfermer dans une boîte, tu les porteras demain à la première heure, à la Banque de France en recommandant qu’elles soient remises directement entre les mains du gouverneur général.

Tête-de-Lard, en recevant cet ordre, pensa mourir d’effroi, car il ne lui semblait pas très prudent de se rendre à la Banque de France, mais il n’osa refuser, sachant par expérience que Fantômas n’aimait pas que l’on discutât ses instructions.

Quelques instants plus tard, Tête-de-Lard s’éloignait, porteur du paquet que lui avait remis Fantômas, et le bandit demeurait seul.

Fantômas alors parut en proie à un grand énervement. Il allait et venait dans sa chambre, fumant avec rage et, de temps à autre, poussant un sourd juron. Il faisait évidemment appel aux dernières ressources de son génie, à son imagination toujours en éveil. Il cherchait le moyen de prendre sur Juve une revanche éclatante.

Mais soudain, Fantômas rit, de ce rire gouailleur et infernal qui lui était propre et dont il accompagnait, le plus souvent, ses plus terribles résolutions :

— Juve, grommela le bandit, je crois que vous n’avez pas songé à cela.

L’homme à la cagoule vérifia l’heure : il était près de minuit et demi. Puis, ayant dépouillé son sinistre manteau noir, ayant rejeté le masque qui voilait ses traits, marchant vite, il se rendit jusqu’aux petites rues étroites qui entourent l’immeuble de la Banque de France.

Fantômas, assurément, disposait de multiples complices. Le génie du Crime, depuis qu’il terrorisait Paris, depuis qu’il avait paré son nom d’une gloire sanglante et effroyable, s’était ménagé des alliés dans les endroits les plus divers.

Il sonna bientôt de façon particulière trois coups, puis deux, puis trois encore, à la porte d’un immeuble de la rue Radziwill. Il pénétra dans une sorte d’hôtel borgne dont il monta l’escalier.

Fantômas, une demi-heure plus tard, se trouvait sur le toit de la maison. La largeur de la rue, cinq mètres à peine, le séparait des toits de la Banque. Il eut pour le vide un sourire de dédain.

— Je crois que cette fois, murmurait le bandit, je suis prêt à donner l’attaque.

Au pied d’une cheminée, il ramassa un paquet de cordes volontairement abandonné là. Avec une adresse consommée, il s’en empara, et, ayant fixé le bout du cordage à un crampon de fer, il jeta le câble par-dessus la rue sur le toit de la Banque. Le câble se terminait par un nœud coulant. Fantômas avait lancé la corde avec une si grande habileté que ce lasso improvisé s’enroula autour d’une saillie de la toiture. Il tendit lentement le câble et sourit encore :

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