Jean-Christophe Tome V - Rolland Romain 2 стр.


Quand je dis: mon lit me consolera, le repos assoupira ma plainte, alors tu m’?pouvantes par des songes, et tu me troubles par des visions…

Jusqu’? quand ne m’?pargneras-tu point? Ne me donneras-tu point quelque rel?che, pour que je puisse respirer? Ai-je p?ch?? Que t’ai-je fait, ? gardien des hommes?…

Tout revient au m?me: Dieu afflige le juste aussi bien que le m?chant…

Qu’il me tue! Je ne laisserai pas d’esp?rer en Lui…

Les c?urs vulgaires ne peuvent comprendre le bienfait, pour un malheureux, de cette tristesse sans bornes. Toute grandeur est bonne, et le comble de la douleur atteint ? la d?livrance. Ce qui abat, ce qui accable, ce qui d?truit irr?m?diablement l’?me, c’est la m?diocrit? de la douleur et de la joie, la souffrance ?go?ste et mesquine, sans force pour se d?tacher du plaisir perdu, et pr?te secr?tement ? tous les avilissements pour un plaisir nouveau. Christophe ?tait ranim? par l’?pre souffle qui montait du vieux livre: le vent du Sina?, des vastes solitudes et de la mer puissante, balayait les miasmes. La fi?vre de Christophe tomba. Il se recoucha, plus calme, et il dormit d’un trait jusqu’au lendemain. Quand il rouvrit les yeux, le jour ?tait venu. Il vit plus nettement encore l’ignominie de sa chambre; il sentit sa mis?re et son isolement; mais il les regarda en face. Le d?couragement ?tait parti; il ne lui restait plus qu’une virile m?lancolie. Il redit la parole de Job:

Quand Dieu me tuerait, je ne laisserais pas d’esp?rer en Lui…

Il se leva et commen?a le combat, avec tranquillit?.

*

Il d?cida le matin m?me, de faire les premi?res d?marches. Il connaissait deux seules personnes ? Paris, deux jeunes gens de son pays: son ancien ami, Otto Diener, qui ?tait associ? ? un oncle, marchand de draps, dans le quartier du Mail; et un petit juif de Mayence, Sylvain Kohn, qui devait ?tre employ? dans une grande maison de librairie, dont il n’avait pas l’adresse.

Il avait ?t? tr?s intime avec Diener, vers quatorze ou quinze ans [1] . Il avait eu pour lui une de ces amiti?s d’enfance, qui devancent l’amour, et qui sont d?j? de l’amour. Diener aussi l’avait aim?. Ce gros gar?on timide et compass? avait ?t? s?duit par la fougueuse ind?pendance de Christophe; il s’?tait ?vertu? ? l’imiter d’une fa?on ridicule: ce qui irritait Christophe et le flattait. Alors ils faisaient des projets qui bouleversaient le monde. Puis Diener avait voyag?, pour son ?ducation commerciale, et ils ne s’?taient plus revus; mais Christophe avait de ses nouvelles par les gens du pays, avec qui Diener ?tait rest? en relations r?guli?res.

Quant ? Sylvain Kohn, ses rapports avec Christophe avaient eu un autre caract?re. Ils s’?taient connus, tout gamins, ? l’?cole, o? le petit singe avait jou? des tours ? Christophe, qui l’?trillait en ?change, quand il voyait le pi?ge o? il ?tait tomb?. Kohn ne se d?fendait pas; il se laissait rouler, et frotter la figure dans la poussi?re, en pleurnichant; mais il recommen?ait aussit?t apr?s, avec une malice inlassable, – jusqu’au jour o? il prit peur, Christophe l’ayant menac? s?rieusement de le tuer.

Christophe sortit de bonne heure. Il s’arr?ta en route, pour d?jeuner ? un caf?. Il s’obligeait, malgr? son amour propre, ? ne perdre aucune occasion de parler en fran?ais. Puisqu’il devait vivre ? Paris, peut-?tre des ann?es, il lui fallait s’adapter le plus vite possible aux conditions de la vie, et vaincre ses r?pugnances. Il s’imposa donc de ne pas prendre garde, bien qu’il en souffr?t cruellement, ? l’air goguenard du gar?on qui ?coutait son charabia; et sans se d?courager, il b?tissait pesamment des phrases informes, qu’il r?p?tait avec t?nacit?, jusqu’? ce qu’il f?t compris.

Il se mit ? la recherche de Diener. Suivant son habitude, quand il avait une id?e en t?te, il ne voyait rien autour de lui. Paris lui faisait, dans cette premi?re promenade, l’impression d’une vieille ville et mal tenue. Christophe ?tait habitu? ? ses villes du nouvel Empire allemand, ? la fois tr?s vieilles et tr?s jeunes, o? l’on sent monter l’orgueil d’une force nouvelle: et il ?tait d?sagr?ablement surpris par les rues ?ventr?es, les chauss?es boueuses, la bousculade des gens, le d?sordre des voitures, – des v?hicules de toute sorte, de toute forme: des v?n?rables omnibus ? chevaux, des tramways ? vapeur, ? ?lectricit?, et de tous les syst?mes, – des baraques sur les trottoirs, des man?ges de chevaux de bois (ou plut?t de monstres, de gargouilles), sur les places encombr?es de statues en redingote; je ne sais quelle pouillasserie de ville du moyen ?ge, initi?e aux bienfaits du suffrage universel, mais qui ne peut se d?faire de son vieux fond truand. Le brouillard de la veille s’?tait chang? en une petite pluie p?n?trante. Dans beaucoup de boutiques, le gaz ?tait allum?, bien qu’il f?t plus de dix heures.

Christophe arriva, non sans avoir err? dans le d?dale de rues qui avoisinent la place des Victoires, au magasin qu’il cherchait, rue de la Banque. En entrant, il crut voir, au fond de la boutique longue et obscure, Diener occup? ? ranger des ballots, au milieu d’employ?s. Mais il ?tait un peu myope et se d?fiait de ses yeux, bien que leur intuition le tromp?t rarement. Il y eut un remue-m?nage parmi les gens du fond, quand Christophe eut dit son nom au commis qui le recevait; et, apr?s un conciliabule, un jeune homme se d?tacha du groupe, et dit en allemand:

– Monsieur Diener est sorti.

– Sorti? Pour longtemps?

– Je crois. Il vient de sortir.

Christophe r?fl?chit un instant; puis il dit:

– Tr?s bien. J’attendrai.

L’employ?, surpris, se h?ta d’ajouter:

– C’est qu’il ne rentrera peut-?tre pas avant deux ou trois heures.

– Oh! cela ne fait rien, r?pondit Christophe avec placidit?. Je n’ai rien ? faire ? Paris. Je puis attendre, tout le jour, s’il le faut.

Le jeune homme le regarda avec stup?faction, croyant qu’il plaisantait. Mais Christophe ne songeait d?j? plus ? lui. Il s’?tait assis tranquillement dans un coin, le dos tourn? ? la rue, et il semblait pr?t ? y camper.

Le commis retourna au fond du magasin, et chuchota avec ses coll?gues; ils cherchaient, avec une consternation comique, un moyen de se d?barrasser de l’importun.

Apr?s quelques minutes d’incertitude, la porte du bureau s’ouvrit. Monsieur Diener parut. Il avait une large figure rouge, balafr?e sur la joue et le menton d’une cicatrice violette, la moustache blonde, les cheveux aplatis, avec une raie sur le c?t?, un lorgnon d’or, des boutons d’or ? son plastron de chemise, et des bagues ? ses gros doigts. Il tenait son chapeau et son parapluie. Il vint ? Christophe, d’un air d?gag?. Christophe, qui r?vassait sur sa chaise, eut un sursaut d’?tonnement. Il saisit les mains de Diener, et s’exclama avec une cordialit? bruyante, qui fit rire sous cape les employ?s et rougir Diener. Le majestueux personnage avait ses raisons pour ne pas vouloir reprendre avec Christophe ses relations d’autrefois; et il s’?tait promis de le tenir ? distance, d?s le premier abord, par ses mani?res imposantes. Mais ? peine retrouvait-il le regard de Christophe, qu’il se sentait de nouveau un petit gar?on en sa pr?sence; il en ?tait furieux et honteux. Il bredouilla pr?cipitamment:

– Dans mon cabinet… Nous serons mieux pour causer.

Christophe reconnut sa prudence habituelle.

Mais, dans le cabinet, dont la porte fut soigneusement referm?e, Diener ne s’empressait pas de lui offrir une chaise. Il restait debout, expliquant, avec une lourde maladresse:

– Bien content… J’allais sortir… On croyait que j’?tais sorti… Mais il faut que je sorte… Je n’ai qu’une minute… Un rendez-vous urgent…

Christophe comprit que l’employ? lui avait menti tout ? l’heure, et que le mensonge ?tait convenu avec Diener, pour le mettre ? la porte. Le sang lui monta ? la t?te; mais il se contint, et dit s?chement:

– Rien ne presse.

Diener en eut un haut-le-corps. Il ?tait r?volt? d’un tel sans-g?ne.

– Comment! rien ne presse! dit-il. Une affaire…

Christophe le regarda en face:

– Non.

Le gros gar?on baissa les yeux. Il ha?ssait Christophe, de se sentir si l?che devant lui. Il balbutia avec d?pit. Christophe l’interrompit:

– Voici, dit-il. Tu sais…

(Ce tutoiement blessait Diener, qui s’?tait vainement efforc?, d?s les premiers mots, d’?tablir entre Christophe et lui, la barri?re du: vous.)

– … Tu sais pourquoi je suis ici?

– Oui, je sais, dit Diener.

(Il avait ?t? inform? par ses correspondants de l’algarade de Christophe, et des poursuites dirig?es contre lui.)

– Alors, reprit Christophe, tu sais que je ne suis pas ici pour mon plaisir. J’ai d? fuir. Je n’ai rien. Il faut que je vive.

Diener attendait la demande. Il la re?ut avec un m?lange de satisfaction – (car elle lui permettait de reprendre sa sup?riorit? sur Christophe) – et de g?ne – (car il n’osait pas lui faire sentir cette sup?riorit?, comme il l’e?t voulu.)

– Ah! fit-il avec importance, c’est bien f?cheux, bien f?cheux. La vie est difficile ici. Tout est cher. Nous avons des frais ?normes. Et tous ces employ?s…

Christophe l’interrompit avec m?pris:

– Je ne te demande pas d’argent.

Diener fut d?contenanc?. Christophe continua:

– Tes affaires vont bien? Tu as une belle client?le?

– Oui, oui, pas mal, Dieu merci… dit prudemment Diener. (Il se m?fiait.)

Christophe lui lan?a un regard furieux, et reprit:

– Tu connais beaucoup de monde dans la colonie allemande?

– Oui.

– Eh bien, parle de moi. Ils doivent ?tre musiciens. Ils ont des enfants. Je donnerai des le?ons.

Diener prit un air embarrass?.

– Qu’est-ce encore? fit Christophe. Est-ce que tu doutes par hasard que j’en sache assez pour un pareil m?tier?

Il demandait un service, comme si c’?tait lui qui le rendait. Diener qui n’e?t jamais rien fait pour Christophe que pour avoir le plaisir de le sentir son oblig?, ?tait bien r?solu ? ne pas remuer un doigt pour lui.

– Tu en sais mille fois plus qu’il n’en faut… Seulement…

– Eh bien?

– Eh bien, c’est difficile, tr?s difficile, vois-tu, ? cause de ta situation.

– Ma situation?

– Oui… Enfin, cette affaire, ce proc?s… Si cela venait ? se savoir. C’est difficile pour moi. Cela peut me faire beaucoup de tort.

Il s’arr?ta, voyant le visage de Christophe se d?composer de col?re; et il se h?ta d’ajouter:

– Ce n’est pas pour moi… Je n’ai pas peur… Ah si j’?tais seul!… C’est mon oncle… Tu sais la maison est ? lui, je ne peux rien sans lui…

De plus en plus effray? par la figure de Christophe et par l’explosion qui se pr?parait, il dit pr?cipitamment – (il n’?tait pas mauvais au fond; l’avarice et la vanit? luttaient en lui: il e?t voulu obliger Christophe mais ? bon compte):

– Veux-tu cinquante francs?

Christophe devint cramoisi. Il marcha vers Diener, d’une telle fa?on que celui-ci recula en toute h?te jusqu’? la porte, qu’il ouvrit, pr?t ? appeler. Mais Christophe se contenta d’approcher de lui sa t?te congestionn?e:

– Cochon! dit-il, d’une voix retentissante.

Il le repoussa du chemin, et sortit, au milieu des employ?s. Sur le seuil, il cracha de d?go?t.

*

Il marchait ? grands pas dans la rue. Il ?tait ivre de col?re. La pluie le d?grisa. O? allait-il? Il ne savait. Il ne connaissait personne. Il s’arr?ta, pour r?fl?chir, devant une librairie, et il regardait, sans voir, les livres ? l’?talage. Sur une couverture, un nom d’?diteur le frappa. Il se demanda pourquoi. Il se rappela, apr?s un instant, que c’?tait le nom de la maison o? ?tait employ? Sylvain Kohn. Il prit note de l’adresse… Que lui importait? Il n’irait certainement pas… Pourquoi n’irait-il pas? Si ce gueux de Diener, qui avait ?t? son ami, le recevait ainsi, qu’avait-il ? attendre d’un dr?le qu’il avait trait? sans m?nagement et qui devait le ha?r? D’inutiles humiliations? Son sang se r?voltait. – Mais un fond de pessimisme natif, qui lui venait peut-?tre de son ?ducation chr?tienne, le poussait ? ?prouver jusqu’au bout la vilenie des gens.

– Je n’ai pas le droit de faire des fa?ons. Il faut avoir tout tent?, avant de crever.

Une voix ajoutait en lui:

– Et je ne cr?verai pas.

Il s’assura de nouveau de l’adresse, et il alla chez Kohn. Il ?tait d?cid? ? lui casser la figure, ? la premi?re impertinence.

La maison d’?dition se trouvait dans le quartier de la Madeleine. Christophe monta ? un salon du premier ?tage, et demanda Sylvain Kohn. Un employ? ? livr?e lui r?pondit «qu’il ne connaissait pas». Christophe, ?tonn?, crut qu’il pronon?ait mal, et il r?p?ta la question; mais l’employ?, apr?s avoir ?cout? attentivement, affirma qu’il n’y avait personne de ce nom dans la maison. Tout d?contenanc?, Christophe s’excusait, et il allait sortir, quand au fond d’un corridor une porte s’ouvrit; et il vit Kohn lui-m?me, qui reconduisait une dame. Sous le coup de l’affront qu’il venait de subir de Diener, il ?tait dispos? ? croire en ce moment que tout le monde se moquait de lui. Sa premi?re pens?e fut donc que Kohn l’avait vu venir, et qu’il avait donn? l’ordre au gar?on de dire qu’il n’?tait pas l?. Une telle impudence le suffoqua. Il partait, indign?, lorsqu’il s’entendit appeler. Kohn de ses yeux per?ants, l’avait reconnu de loin; et il courait ? lui, le sourire aux l?vres, les mains tendues, avec toutes les marques d’une joie exag?r?e.

Sylvain Kohn ?tait petit, trapu, la face enti?rement ras?e, ? l’am?ricaine, le teint trop rouge, les cheveux trop noirs, une figure large et massive, aux traits gras, les yeux petits, pliss?s, fureteurs, la bouche un peu de travers, un sourire lourd et malin. Il ?tait mis avec une ?l?gance, qui cherchait ? dissimuler les d?fectuosit?s de sa taille, ses ?paules hautes et la largeur de ses hanches. C’?tait l? l’unique chose qui chagrin?t son amour propre; il e?t accept? de bon c?ur quelques coups de pied au derri?re pour avoir deux ou trois pouces de plus et la taille mieux prise. Pour le reste, il ?tait fort satisfait de lui; il se croyait irr?sistible. Le plus fort est qu’il l’?tait. Ce petit juif allemand, ce lourdaud, s’?tait fait le chroniqueur et l’arbitre des ?l?gances parisiennes. Il ?crivait de fades courriers mondains, d’un raffinement compliqu?. Il ?tait le champion du beau style fran?ais, de l’?l?gance fran?aise, de la galanterie fran?aise, de l’esprit fran?ais, – R?gence, talon rouge, Lauzun. On se moquait de lui; mais cela ne l’emp?chait point de r?ussir. Ceux qui disent que le ridicule tue ? Paris ne connaissent point Paris: bien loin d’en mourir, il y a des gens qui en vivent; ? Paris, le ridicule m?ne ? tout, m?me ? la gloire, m?me aux bonnes fortunes. Sylvain Kohn n’en ?tait plus ? compter les d?clarations que lui valaient, chaque jour, ses marivaudages francfortois.

Il parlait avec un accent lourd et une voix de t?te.

– Ah! voil? une surprise! criait-il gaiement, en secouant la main de Christophe dans ses mains boudin?es aux doigts courts, qui semblaient tass?s dans une peau trop ?troite. Il ne pouvait se d?cider ? l?cher Christophe. On e?t dit qu’il retrouvait son meilleur ami. Christophe interloqu?, se demandait si Kohn se moquait de lui. Mais Kohn ne se moquait pas. Ou bien, s’il se moquait, ce n’?tait pas plus qu’? l’ordinaire. Kohn n’avait pas de rancune: il ?tait trop intelligent pour cela. Il y avait beau temps qu’il avait oubli? les mauvais traitements de Christophe; et, s’il s’en ?tait souvenu, il ne s’en f?t gu?re souci?. Il ?tait ravi de cette occasion de se faire voir ? un ancien camarade, dans l’importance de ses fonctions nouvelles et l’?l?gance de ses mani?res parisiennes. Il ne mentait pas, en disant sa surprise: la derni?re chose du monde ? laquelle il se f?t attendu ?tait bien une visite de Christophe; et s’il ?tait trop avis? pour ne pas savoir d’avance qu’elle avait un but int?ress?, il ?tait des mieux dispos?s ? l’accueillir, par ce seul fait qu’elle ?tait un hommage rendu ? son pouvoir.

– Et vous venez du pays? Comment va la maman? demandait-il avec une familiarit? qui, en un autre jour, e?t choqu? Christophe, mais qui lui faisait du bien, maintenant, dans cette ville ?trang?re.

– Mais comment se fait-il, demanda Christophe, encore un peu soup?onneux, qu’on m’ait r?pondu tout ? l’heure que Monsieur Kohn n’?tait pas l??

– Monsieur Kohn n’est pas l?, dit Sylvain Kohn, en riant. Je ne me nomme plus Kohn. Je m’appelle Hamilton.

Il s’interrompit.

– Pardon! fit-il.

Il alla serrer la main ? une dame qui passait, et grima?a des sourires. Puis il revint. Il expliqua que c’?tait une femme de lettres, c?l?bre par des romans d’une volupt? br?lante. La moderne Sapho avait une d?coration violette ? son corsage, des formes plantureuses, et des cheveux blond ardent sur une figure r?jouie et pl?tr?e; elle disait des choses pr?tentieuses d’une voix m?le, qui avait un accent franc-comtois.

Kohn se remit ? questionner Christophe. Il s’informait de tous les gens du pays, demandait ce qu’?tait devenu celui-ci celui-l?, mettant une coquetterie ? montrer qu’il se souvenait de tous. Christophe avait oubli? son antipathie; il r?pondait, avec une cordialit? reconnaissante, donnant une foule de d?tails, qui ?taient absolument indiff?rents ? Kohn, et qu’il interrompit de nouveau.

– Pardon, fit-il encore.

Et il alla saluer une autre visiteuse.

– Ah! ?a, demanda Christophe, il n’y a donc que les femmes qui ?crivent en France?

Kohn se mit ? rire, et dit avec fatuit?:

– La France est femme, mon cher. Si vous voulez arriver, faites-en votre profit.

Christophe n’?couta point l’explication, et continua les siennes. Kohn, pour y mettre fin, demanda:

– Mais comment diable, ?tes-vous ici?

Voil?! pensa Christophe. Il ne savait rien. C’est pourquoi il ?tait si aimable. Tout va changer, quand il saura.

Il mit un point d’honneur ? conter tout ce qui pouvait le compromettre: la rixe avec les soldats, les poursuites contre lui, sa fuite du pays.

Kohn se tordit de rire:

– Bravo! criait-il, bravo! Ah! la bonne histoire!

Назад Дальше