Jean-Christophe Tome V - Rolland Romain 3 стр.


Il lui serra la main chaleureusement. Il ?tait enchant? de tout pied de nez ? l’autorit?; et celui-ci l’amusait d’autant plus qu’il connaissait les h?ros de l’histoire: le c?t? comique lui en apparaissait.

– ?coutez, continua-t-il. Il est midi pass?. Faites-moi le plaisir… D?jeunez avec moi.

Christophe accepta avec reconnaissance. Il pensait:

– C’est un brave homme, d?cid?ment. Je me suis tromp?.

Ils sortirent ensemble. Chemin faisant, Christophe hasarda sa requ?te:

– Vous voyez maintenant quelle est ma situation. Je suis venu ici chercher du travail, des le?ons de musique, en attendant que je me sois fait conna?tre. Pourriez-vous me recommander?

– Comment donc! fit Kohn. ? qui vous voudrez. Je connais tout le monde ici. Tout ? votre service.

Il ?tait heureux de faire montre de son cr?dit.

Christophe se confondait en remerciements. Il se sentait le c?ur d?charg? d’un grand poids.

? table, il d?vora, de l’app?tit d’un homme qui ne s’?tait pas repu depuis deux jours. Il s’?tait nou? sa serviette autour du cou, et mangeait avec son couteau. Kohn-Hamilton ?tait horriblement choqu? par sa voracit? et ses mani?res paysannes. Il ne fut pas moins bless? du peu d’attention que son convive pr?tait ? ses vantardises. Il voulait l’?blouir par le r?cit de ses belles relations et de ses bonnes fortunes; mais c’?tait peine perdue; Christophe n’?coutait pas, il interrompait sans fa?ons. Sa langue se d?liait; il devenait familier. Il avait le c?ur gonfl? de gratitude et il assommait Kohn, en lui confiant na?vement ses projets d’avenir. Surtout, il l’exasp?rait par son insistance ? lui prendre la main par-dessus la table et ? la presser avec effusion. Et il mit le comble ? son irritation, en voulant ? la fin trinquer, ? la mode allemande, et boire, avec des paroles sentimentales, ? ceux qui ?taient l?-bas et au Vater Rhein . Kohn vit, avec ?pouvante, le moment o? il allait chanter. Les voisins de table les regardaient ironiquement. Kohn pr?texta des occupations urgentes, et se leva. Christophe s’accrochait ? lui; il voulait savoir quand il pourrait avoir une recommandation, se pr?senter chez quelqu’un, commencer ses le?ons.

– Je vais m’en occuper. Aujourd’hui. Ce soir m?me, promettait Kohn. J’en parlerai tout ? l’heure. Vous pouvez ?tre tranquille.

Christophe insistait.

– Quand saurai-je?

– Demain… Demain… ou apr?s-demain.

– Tr?s bien. Je reviendrai demain.

– Non, non, se h?ta de dire Kohn, je vous le ferai savoir. Ne vous d?rangez pas.

– Oh! cela ne me d?range pas. Au contraire! N’est-ce pas? Je n’ai rien d’autre ? faire ? Paris, en attendant.

– Diable, pensa Kohn… Non, reprit-il tout haut j’aime mieux vous ?crire. Vous ne me trouveriez pas, ces jours-ci. Donnez-moi votre adresse.

Christophe la lui dicta.

– Parfait. Je vous ?crirai demain.

– Demain?

– Demain. Vous pouvez y compter.

Il se d?gagea des poign?es de main de Christophe, et il se sauva.

Ouf! pensait-il. Voil? un raseur!

Il avertit, en rentrant, le gar?on de bureau qu’il ne serait pas l?, quand «l’Allemand» viendrait le voir. – Dix minutes apr?s, il l’avait oubli?.

Christophe revint ? son taudis. Il ?tait attendri.

– Le bon gar?on! pensait-il. Comme j’ai ?t? injuste envers lui! Et il ne m’en veut pas!

Ce remords lui pesait; il fut sur le point d’?crire ? Kohn combien il ?tait pein? de l’avoir mal jug? autrefois, et qu’il lui demandait pardon du tort qu’il lui avait fait. Il avait les larmes aux yeux en y pensant. Mais il lui ?tait moins ais? d’?crire une lettre qu’une partition; et apr?s avoir pest? dix fois contre l’encre et la plume de l’h?tel, qui en effet ?taient ignobles, apr?s avoir barbouill?, ratur?, d?chir? quatre ou cinq feuilles de papier, il s’impatienta et envoya tout promener.

Le reste de la journ?e fut long ? passer; mais Christophe ?tait si fatigu? par sa mauvaise nuit et par les courses du matin qu’il finit par s’assoupir sur sa chaise. Il ne sortit de sa torpeur, vers le soir, que pour se coucher; et il dormit douze heures de suite, sans s’arr?ter.

*

Le lendemain, d?s huit heures, il commen?a d’attendre la r?ponse promise. Il ne doutait pas de l’exactitude de Kohn. Il ne bougea point de chez lui, se disant que Kohn passerait peut-?tre ? l’h?tel, avant de se rendre au bureau. Pour ne pas s’?loigner, vers midi, il se fit monter son d?jeuner de la gargote d’en bas. Puis, il attendit de nouveau, s?r que Kohn viendrait au sortir du restaurant. Il marchait dans sa chambre, s’asseyait, se remettait ? marcher, ouvrant sa porte, quand il entendait monter des pas dans l’escalier. Il n’avait aucun d?sir de se promener dans Paris, pour tromper son attente. Il se mit sur son lit. Sa pens?e revenait constamment vers la vieille maman, qui pensait aussi ? lui, en ce moment, – qui seule pensait ? lui. Il se sentait pour elle une tendresse infinie et un remords de l’avoir quitt?e. Mais il ne lui ?crivit pas. Il attendit de pouvoir lui apprendre quelle situation il avait trouv?e. Malgr? leur profond amour, il ne leur serait pas venu ? l’id?e, ni ? l’un ni ? l’autre, de s’?crire pour se dire simplement qu’ils s’aimaient: une lettre ?tait faite pour dire des choses pr?cises. – Couch? sur le lit, les mains jointes sous sa t?te, il r?vassait. Bien que sa chambre f?t ?loign?e de la rue, le grondement de Paris remplissait le silence; la maison tr?pidait. – La nuit vint de nouveau, sans avoir apport? de lettre.

Une journ?e recommen?a, semblable ? la pr?c?dente.

Le troisi?me jour, Christophe, que cette r?clusion volontaire commen?ait ? rendre enrag?, se d?cida ? sortir. Mais Paris lui causait, depuis le premier soir, une r?pulsion instinctive. Il n’avait envie de rien voir: nulle curiosit?; il ?tait trop pr?occup? de sa vie pour prendre plaisir ? regarder celle des autres; et les souvenirs du pass?, les monuments d’une ville, le laissaient indiff?rent. ? peine dehors, il s’ennuya tellement que, quoiqu’il e?t d?cid? de ne pas retourner chez Kohn avant huit jours, il y alla, tout d’une traite.

Le gar?on, qui avait le mot d’ordre, dit que M. Hamilton ?tait parti de Paris pour affaires. Ce fut un coup pour Christophe. Il lui demanda en b?gayant quand M. Hamilton devait revenir. L’employ? r?pondit, au hasard:

– Dans une dizaine de jours.

Christophe s’en retourna, constern?, et se terra chez lui, pendant les jours suivants. Il lui ?tait impossible de se remettre au travail. Il s’aper?ut avec terreur que ses petites ?conomies, – le peu d’argent que sa m?re lui avait envoy?, soigneusement serr? dans un mouchoir, au fond de sa valise, – diminuait rapidement. Il se soumit ? un r?gime s?v?re. Il descendait seulement, vers le soir pour d?ner, dans le cabaret d’en bas, o? il avait ?t? rapidement connu des clients, sous le nom du «Prussien», ou de «Choucroute». – Il ?crivit, au prix de p?nibles efforts, deux ou trois lettres ? des musiciens fran?ais, dont le nom lui ?tait vaguement connu. Un d’eux ?tait mort depuis dix ans. Il leur demandait de vouloir bien lui donner audience. L’orthographe ?tait extravagante, et le style agr?ment? de ces longues inversions et de ces formules c?r?monieuses, qui sont habituelles en allemand. Il adressait l’?p?tre: «Au Palais de l’Acad?mie de France». – Le seul qui la lut en fit des gorges chaudes avec ses amis.

Apr?s une semaine, Christophe retourna ? la librairie. Le hasard le servit, cette fois. Sur le seuil, il croisa Sylvain Kohn, qui sortait. Kohn fit la grimace, en se voyant pinc?; mais Christophe ?tait si heureux qu’il ne s’en aper?ut pas. Il lui avait ressaisi les mains, suivant son habitude aga?ante, et il demandait, joyeux:

– Vous ?tiez en voyage? Vous avez fait bon voyage.

Kohn acquies?ait, mais ne se d?ridait pas. Christophe continua:

– Je suis venu, vous savez… On vous a dit, n’est-ce pas?… Eh bien, quoi de nouveau? Vous avez parl? de moi? Qu’est-ce qu’on a r?pondu?

Kohn se renfrognait de plus en plus. Christophe ?tait surpris de ses mani?res guind?es: ce n’?tait plus le m?me homme.

– J’ai parl? de vous, dit Kohn; mais je ne sais rien encore, je n’ai pas eu le temps. J’ai ?t? tr?s pris depuis que je vous ai vu. Des affaires par-dessus la t?te. Je ne sais comment j’en viendrai ? bout. C’est ?crasant. Je finirai par tomber malade.

– Est-ce que vous ne vous sentez pas bien? demanda Christophe, d’un ton de sollicitude inqui?te.

Kohn lui jeta un coup d’?il narquois, et r?pondit:

– Pas bien du tout. Je ne sais ce que j’ai, depuis quelques jours. Je me sens tr?s souffrant.

– Ah! mon Dieu! fit Christophe, en lui prenant le bras. Soignez-vous bien! Il faut vous reposer. Comme je suis f?ch? de vous avoir donn? encore cette peine de plus! Il fallait me le dire. Qu’est-ce que vous sentez, au juste?

Il prenait tellement au s?rieux les mauvaises raisons de l’autre que Kohn, gagn? par une douce hilarit? qu’il cachait de son mieux, fut d?sarm? par cette candeur comique. L’ironie est un plaisir si cher aux Juifs – (et nombre de chr?tiens ? Paris sont Juifs sur ce point) – qu’ils ont des indulgences sp?ciales pour les f?cheux et pour les ennemis m?mes, qui leur offrent une occasion de l’exercer ? leurs d?pens. D’ailleurs, Kohn ne laissait pas d’?tre touch? par l’int?r?t que Christophe prenait ? sa personne. Il se sentit dispos? ? lui rendre service.

– Il me vient une id?e, dit-il. En attendant les le?ons, feriez-vous des travaux d’?dition musicale?

Christophe accepta avec empressement.

– J’ai votre affaire, dit Kohn. Je connais intimement un des chefs d’une grande maison d’?ditions musicales, Daniel Hecht. Je vais vous pr?senter; vous verrez ce qu’il y aura ? faire. Moi, vous savez, je n’y connais rien. Mais lui est un vrai musicien. Vous n’aurez pas de peine ? vous entendre.

Ils prirent rendez-vous pour le jour suivant. Kohn n’?tait pas f?ch? de se d?barrasser de Christophe, tout en l’obligeant.

*

Le lendemain, Christophe vint prendre Kohn ? son bureau. Il avait, sur son conseil, emport? quelques compositions pour les montrer ? Hecht. Ils trouv?rent celui-ci ? son magasin de musique, pr?s de l’Op?ra. Hecht ne se d?rangea pas ? leur entr?e; il tendit froidement deux doigts ? la poign?e de main de Kohn, ne r?pondit pas au salut c?r?monieux de Christophe, et, sur la demande de Kohn, il passa avec eux dans une pi?ce voisine. Il ne leur offrit pas de s’asseoir. Il resta adoss? ? la chemin?e sans feu, les yeux fix?s au mur.

Daniel Hecht ?tait un homme d’une quarantaine d’ann?es, grand, froid, correctement mis, un type ph?nicien tr?s marqu?, l’air intelligent et d?sagr?able, figure renfrogn?e, poil noir, barbe de roi assyrien, longue et carr?e. Il ne regardait presque jamais en face, et il avait une fa?on de parler glaciale et brutale, qui frappait comme une insulte, m?me quand il disait bonjour. Cette insolence ?tait plus apparente que r?elle. Sans doute, elle r?pondait ? une disposition m?prisante de son caract?re; mais elle tenait encore plus ? ce qu’il y avait en lui d’automatique et de guind?.

Les juifs de cette esp?ce ne sont point rares; et l’opinion n’est pas tendre pour eux: elle taxe d’arrogance cette raideur cassante, qui est souvent le fait d’une gaucherie incurable de corps et d’?me.

Sylvain Kohn pr?sentait son prot?g?, sur un ton de pr?tentieux badinage, avec des ?loges exag?r?s. Christophe, d?contenanc? par l’accueil, se balan?ait, son chapeau et ses manuscrits ? la main. Lorsque Kohn eut fini, Hecht, qui jusque-l? ne semblait pas s’?tre dout? que Christophe f?t l?, tourna d?daigneusement la t?te vers lui, et, sans le regarder, dit:

– Krafft… Christophe Krafft… Je n’ai jamais entendu ce nom.

Christophe re?ut cette parole, comme un coup de poing en pleine poitrine. Le rouge lui monta au visage. Il r?pondit avec col?re:

– Vous l’entendrez plus tard.

Hecht ne sourcilla point, et continua imperturbablement, comme si Christophe n’existait pas:

– Krafft… non je ne connais pas.

Il ?tait de ces gens, pour qui c’est d?j? une mauvaise note que de n’?tre pas connu d’eux.

Il continua, en allemand:

– Et vous ?tes du Rhein-Land ?… C’est ?tonnant combien il y a de gens l?-bas qui se m?lent de musique! Je crois qu’il n’y en a pas un qui ne pr?tende ?tre musicien.

Il voulait dire une plaisanterie et non une insolence; mais Christophe le prit autrement. Il e?t r?pliqu?, si Kohn ne l’avait devanc?.

– Ah! pardon, pardon, disait-il ? Hecht, vous me rendrez cette justice que moi, je n’y entends rien.

– Cela fait votre ?loge, r?pondit Hecht.

– S’il faut ne pas ?tre musicien pour vous plaire, dit s?chement Christophe, je suis f?ch?, je ne fais pas l’affaire.

Hecht, la t?te toujours tourn?e de c?t?, reprit, avec la m?me indiff?rence:

– Vous avez d?j? ?crit de la musique? Qu’est-ce que vous avez ?crit? Des lieder , naturellement?

– Des lieder , deux symphonies, des po?mes symphoniques, des quatuors, des suites pour piano, de la musique de sc?ne, dit Christophe bouillonnant.

– On ?crit beaucoup en Allemagne, fit Hecht, avec une politesse d?daigneuse.

Il ?tait d’autant plus m?fiant, ? l’?gard du nouveau venu, que celui-ci avait ?crit tant d’?uvres, et que lui, Daniel Hecht, ne les connaissait pas.

– Eh bien, dit-il, je pourrais peut-?tre vous occuper, puisque vous m’?tes recommand? par mon ami Hamilton. Nous faisons en ce moment une collection, une Biblioth?que de la jeunesse , o? nous publions des morceaux de piano faciles. Sauriez-vous nous «simplifier» le Carnaval de Schumann, et l’arranger ? quatre, six et huit mains?

Christophe tressauta:

– Et voil? ce que vous m’offrez, ? moi, ? moi!…

Ce «moi» na?f fit la joie de Kohn; mais Hecht prit un air offens?:

– Je ne vois pas ce qui peut vous ?tonner, dit il. Ce n’est point l? un travail si facile! S’il vous para?t trop ais?, tant mieux! Nous verrons ensuite. Vous me dites que vous ?tes bon musicien. Je dois vous croire. Mais enfin, je ne vous connais pas.

Il pensait, ? part lui:

– Si on croyait tous ces gaillards-l?, ils feraient la barbe ? Johannes Brahms lui-m?me.

Christophe, sans r?pondre, – (car il s’?tait promis de r?primer ses emportements) – enfon?a son chapeau sur sa t?te, et se dirigea vers la porte. Kohn l’arr?ta, en riant:

– Attendez, attendez donc! dit-il.

Et, se tournant vers Hecht:

– Il a justement apport? quelques-uns de ses morceaux, pour que vous puissiez vous faire une id?e.

– Ah! dit Hecht ennuy?. Eh bien, voyons cela.

Christophe, sans un mot, tendit les manuscrits. Hecht y jeta les yeux n?gligemment.

– Qu’est-ce que c’est? Une suite pour piano … (Lisant:) Une journ?e … Ah! toujours de la musique ? programme…

Malgr? son indiff?rence apparente, il lisait avec grande attention. Il ?tait excellent musicien, poss?dait son m?tier, d’ailleurs ne voyait rien au del?; d?s les premi?res mesures, il sentit parfaitement ? qui il avait affaire. Il se tut, feuilletant l’?uvre, d’un air d?daigneux; il ?tait tr?s frapp? du talent qu’elle r?v?lait; mais sa morgue naturelle et son amour-propre froiss? par les fa?ons de Christophe lui d?fendaient d’en rien montrer. Il alla jusqu’au bout, en silence, ne perdant pas une note:

– Oui, dit-il enfin, d’un ton protecteur, c’est assez bien ?crit.

Une critique violente e?t moins bless? Christophe.

– Je n’ai pas besoin qu’on me le dise, fit-il, exasp?r?.

– J’imagine, pourtant, dit Hecht, que si vous me montrez ce morceau, c’est pour que je vous dise ce que j’en pense.

– En aucune fa?on.

– Alors, fit Hecht, piqu?, je ne vois pas ce que vous venez me demander.

– Je vous demande du travail, pas autre chose.

– Je n’ai rien autre ? vous offrir, pour le moment, que ce que je vous ai dit. Encore n’en suis-je pas s?r. J’ai dit que cela se pourrait.

– Et vous n’avez pas d’autre moyen d’occuper un musicien comme moi?

– Un musicien comme vous? dit Hecht, d’un ton d’ironie blessante. D’aussi bons musiciens que vous, pour le moins, n’ont pas cru cette occupation au-dessous de leur dignit?. Certains, que je pourrais nommer, et qui sont maintenant bien connus ? Paris, m’en ont ?t? reconnaissants.

– C’est qu’ils sont des jean-foutre, ?clata Christophe. (Il connaissait d?j? des finesses de la langue fran?aise.) – Vous vous trompez, si vous croyez que vous avez affaire ? quelqu’un de leur esp?ce. Croyez-vous m’en imposer avec vos fa?ons de ne pas me regarder en face et de me parler du bout des dents? Vous n’avez m?me pas daign? r?pondre ? mon salut, quand je suis entr?. Mais qu’est-ce que vous ?tes donc, pour en user ainsi avec moi? ?tes-vous seulement musicien? Avez-vous jamais rien ?crit? Et vous pr?tendez m’apprendre comment on ?crit, ? moi, dont c’est la vie d’?crire!… Et vous ne trouvez rien de mieux ? m’offrir, apr?s avoir lu ma musique, que de ch?trer de grands musiciens et de faire des saloperies sur leurs ?uvres, pour faire danser les petites filles!… Adressez-vous ? vos Parisiens, s’ils sont assez l?ches pour se laisser faire la le?on par vous! Pour moi, j’aime mieux crever!

Impossible d’arr?ter le torrent.

Hecht dit, glacial:

– Vous ?tes libre.

Christophe sortit, en faisant claquer les portes. Hecht haussa les ?paules, et dit ? Sylvain Kohn, qui riait:

– Il y viendra, comme les autres.

Au fond, il l’estimait. Il ?tait assez intelligent pour sentir la valeur non seulement des ?uvres, mais des hommes. Sous l’emportement injurieux de Christophe il avait discern? une force, dont il savait la raret?, – dans le monde artistique plus qu’ailleurs. Mais son amour-propre s’?tait but?: ? aucun prix il n’e?t consenti ? reconna?tre ses torts. Il avait le besoin loyal de rendre justice ? Christophe, et il ?tait incapable de le faire, ? moins que Christophe ne s’humili?t devant lui. Il attendit que Christophe lui rev?nt: son triste scepticisme et son exp?rience de la vie lui avaient fait conna?tre l’avilissement in?vitable des volont?s par la mis?re.

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