– Et qu’est encore ceci, s’écrie-t-il en jouant du rein…
Mais il a beau faire, à moins que d’y laisser la pièce, il est impossible de s’en tirer; cependant son absence fait une sorte de sensation, on s’informe où il peut être, et ses cris qu’on entend attirent enfin toute la compagnie en face du cabinet fatal.
– Que diable faites-vous donc là si longtemps, mon ami, lui dit d’Olincourt, êtes-vous donc affligé de quelque colique?
– Eh ventrebleu, dit le pauvre diable en redoublant de soins pour se relever, ne voyez-vous pas bien que je suis pris…
Mais pour donner un spectacle plus plaisant à la société, pour augmenter les efforts du président à se lever de ce maudit siège, on lui passait en dessous, sur les fesses, une petite flamme d’esprit de vin qui lui grésillant le poil, et le piquant quelquefois un peu ferme, lui faisait faire les bonds les plus extraordinaires et les plus horribles grimaces. Plus on éclatait de rire, plus le président se mettait en colère, il invectivait les femmes, il menaçait les hommes et plus il s’irritait, plus sa figure enluminée devenait comique à voir; des mouvements qu’il se donnait, la perruque s’était séparée du crâne, et cet occiput découvert répondait plus plaisamment encore aux contorsions des muscles de la face; enfin le gentilhomme accourt, il fait mille excuses au président de ce qu’on ne l’a point averti que ce cabinet n’était pas en état de le recevoir; ses gens et lui décollent de leur mieux l’infortuné patient, non sans lui faire perdre un cordon circulaire de peau qui, malgré qu’on en ait, reste attaché au rond du siège que des peintres détrempaient en colle forte pour y faire prendre ensuite la teinte dont on avait dessein de le décorer.
– En vérité, dit Fontanis en reparaissant avec effronterie, vous êtes bien heureux de m’avoir et je sera bien à votre amusement.
– Injuste ami, repartit d’Olincourt, pourquoi faut-il que vous vous en preniez toujours à nous des malheurs que vous envoie la fortune, j’ai cru qu’il suffisait d’avoir le licol de Thémis, pour que l’équité devînt une vertu naturelle, mais je vois bien que je me suis trompé.
– C’est que vos idées ne sont pas nettes sur ce qu’on appelle équité, dit le président, nous admettons au barreau plusieurs sortes d’équité, il y a ce qu’on appelle l’équité relative et l’équité personnelle…
– Doucement, dit le marquis, je n’ai jamais vu qu’on pratiquât beaucoup la vertu qu’on analyse autant; ce que j’appelle équité, moi, mon ami, c’est tout simplement la loi de la nature; on est toujours intègre quand on la suit, on ne devient injuste que quand on s’en écarte. Dis-moi, président, si tu t’étais livré à quelque caprice de fantaisie au fond de ta maison, trouverais-tu fort équitable une troupe de balourds qui, venant apporter le flambeau jusqu’au sein de ta famille, y démêlant à force de ruses inquisitoires, de fourberies, et de délations achetées, quelques travers excusables à trente ans, profiteraient de ces atrocités, pour te perdre, pour te bannir, pour flétrir ton honneur, déshonorer tes enfants, et piller ton bien, dis, mon ami, dis ce que tu penses, trouverais-tu ces coquins-là bien équitables? s’il est vrai que tu admettes un Être suprême, adorerais-tu ce modèle de justice s’il l’exerçait ainsi envers les hommes et ne frémirais-tu pas de lui être soumis?
– Et comment l’entendez-vous, je vous prie? Quoi! vous nous blâmerez de rechercher le crime… c’est notre devoir.
– Cela est faux, votre devoir ne consiste qu’à le punir quand il se découvre de lui-même; laissez aux stupides et féroces maximes de l’inquisition, le soin barbare et plat de le rechercher comme de vils espions ou d’infâmes délateurs; quel citoyen sera tranquille quand, environné de valets soudoyés par vos soins, son honneur ou sa vie seront à tout instant dans les mains de gens qui, seulement aigris de la chaîne qu’ils portent, croiront s’y soustraire ou l’alléger en vous vendant celui qui la leur impose? Vous aurez multiplié les coquins dans l’État, vous aurez fait des femmes perfides, des valets calomniateurs, des enfants ingrats, vous aurez doublé la somme des vices et n’aurez pas fait naître une vertu.
– Il ne s’agit pas de faire naître des vertus, il n’est question que de détruire le crime.
– Mais vos moyens le multiplient.
– A la bonne heure, mais c’est la loi, nous devons la suivre: nous ne sommes pas des législateurs, nous autres, mon cher marquis, nous sommes des opérateurs .
– Dites mieux, président, dites mieux, répliqua d’Olincourt qui commençait à s’échauffer, dites que vous êtes des exécuteurs , d’insignes bourreaux qui, naturellement ennemis de l’État, n’avez de délices qu’à vous opposer à sa prospérité, qu’à placer des entraves à son bonheur, qu’à flétrir sa gloire et qu’à faire couler sans raison le sang précieux de ses sujets.
Malgré les deux bains d’eau froide qu’avait pris Fontanis dans sa journée, la bile est une chose si difficile à détruire dans un homme de robe que le pauvre président frémissait de rage d’entendre dénigrer ainsi un métier qu’il croyait aussi respectable: il ne concevait pas que ce qu’on appelle la magistrature fût dans le cas d’être bâtonné de la sorte, et peut-être allait-il répliquer en matelot marseillais, lorsque les dames s’approchèrent et proposèrent de s’en retourner. La marquise demanda au président si quelque nouveau besoin ne l’appelait pas au cabinet secret.
– Non, non, madame, dit le marquis, ce respectable magistrat n’a pas toujours la colique, il faut lui pardonner s’il en a vu l’attaque un peu sérieusement; c’est une maladie conséquente à Marseille ou à Aix, qu’un petit mouvement d’entrailles, et depuis que nous avons vu une troupe de coquins, confrères de ce gaillard-là, juger comme empoisonnées quelques catins qui avaient la colique, il ne faut pas s’étonner qu’une colique soit une affaire sérieuse chez un magistrat provençal.
Fontanis, l’un des juges le plus acharné dans cette affaire qui avait à jamais couvert de honte les magistrats de Provence, était dans un état difficile à peindre, il balbutiait, il trépignait, il écumait, il ressemblait aux dogues d’un combat de taureaux quand ils ne peuvent parvenir à mordre l’adversaire, et d’Olincourt saisissant sa situation:
– Regardez-le, regardez-le, mesdames, et dites-moi, je vous prie, si vous trouveriez bien doux le sort d’un malheureux gentilhomme qui, se reposant sur son innocence et sa bonne foi, verrait aboyer près de sa culotte quinze mâtins comme celui-là.
Le président allait se fâcher sérieusement, mais le marquis qui ne voulait point encore d’éclat, ayant prudemment gagné sa voiture, laissa Mlle de Téroze mettre le baume sur les plaies qu’il venait de faire. Elle eut beaucoup de peine à y réussir, elle y parvint pourtant, le bac se retraversa sans que le président eût envie de danser sous la corde, et on arriva paisiblement au château. On soupa et le docteur eut soin de rappeler à Fontanis la nécessité d’observer son abstinence.
– Ma foi, la recommandation est inutile, dit le président, comment voulez-vous qu’un homme qui a passé la nuit avec une négresse, qu’on a traité d’hérétique le matin, à qui on a fait prendre un bain à la glace pour son déjeuner, qui est tombé peu après dans la rivière, qui se trouvant pris sur des commodités, comme un pierrot dans de la glu, a eu le derrière calciné pendant qu’il poussait ses selles, et à qui l’on a osé dire en face que des juges qui recherchaient le crime n’étaient que de méprisables fripons et que des catins qui avaient la colique n’étaient pas des catins empoisonnées, comment voulez-vous, dis-je, qu’un tel homme pense encore à dévirginer une fille?
– Je suis bien aise de vous voir raisonnable, dit Delgatz, en accompagnant Fontanis dans la petite chambre de garçon qu’il occupait quand il n’avait point de projet sur sa femme, je vous exhorte à continuer et vous sentirez bientôt tout le bien qui en résultera.
Le lendemain, les bains glacés recommencèrent: de tout le temps qu’on en fit usage, le président ne se fit point redire la nécessité de son régime et la délicieuse Téroze put au moins jouir en repos, pendant cet intervalle, de tous les plaisirs de l’amour dans les bras de son charmant d’Elbène: enfin au bout de quinze jours, Fontanis, tout rafraîchi qu’il était, commença à refaire le galant auprès de sa femme.
– Oh vraiment, monsieur, lui dit la petite personne quand elle se vit au point de ne pouvoir plus reculer, j’ai maintenant bien d’autres affaires en tête que l’amour; lisez ce qu’on m’écrit, monsieur, je suis ruinée.
Et elle présente en même temps une lettre à son mari dans laquelle celui-ci voit que le château de Téroze, éloigné de quatre lieues de celui où l’on est et situé dans un coin de la forêt de Fontainebleau où jamais personne ne pénètre, habitation dont le revenu forme la dot de son épouse, est depuis six mois habité par des revenants qui y font un tapage effroyable, nuisent au fermier, dégradent la terre et empêchent et le président et sa femme, si l’on n’y met ordre, de jamais toucher un sol de ce bien-là.
– Voilà une nouvelle affreuse, dit le magistrat en remettant la lettre, mais ne pourrait-on pas dire à votre père de nous donner autre chose que ce vilain château?
– Et que voulez-vous qu’il nous donne, monsieur, observez que je ne suis qu’une cadette, il a beaucoup donné à ma sœur, il serait mal à moi de vouloir exiger autre chose, il faut se contenter de cela et tâcher d’y mettre ordre.
– Mais votre père savait cet inconvénient quand il vous a mariée.
– J’en conviens, mais il ne le croyait pas à ce point-là, cela n’ôte rien d’ailleurs à la valeur du don, cela ne fait qu’en retarder les effets.
– Et le marquis sait-il cela?
– Oui, mais il n’ose vous en parler.
– Il a tort, il faut bien que nous en raisonnions ensemble.
On appelle d’Olincourt, il ne peut nier les faits, et l’on convient pour résultat que ce qu’il y a de plus simple à faire est d’aller, quelques dangers qu’il puisse y avoir, habiter ce château deux ou trois jours pour mettre fin à de tels désordres et voir enfin le parti que l’on peut tirer du revenu.
– Avez-vous un peu de courage, président? demande le marquis.
– Moi, c’est selon, dit Fontanis, le courage est une vertu de peu de mise dans notre ministère.
– Je le sais bien, dit le marquis, il ne vous en faut que la férocité, il en est de cette vertu-là, à peu près comme de toutes les autres, vous avez l’art de les dépouiller si bien que vous n’en prenez jamais que ce qui les gâte.
– Bon, vous voilà encore dans vos sarcasmes, marquis, parlons raison je vous conjure, et laissons là les méchancetés.
– Eh bien, il faut partir, il faut aller nous établir à Téroze, détruire les revenants, mettre ordre à vos baux et revenir coucher avec votre femme.
– Attendez, monsieur, un moment, je vous prie, n’allons pas tout à fait si vite, réfléchissez-vous aux dangers qu’il y a d’aller faire société avec de telles gens? Une bonne procédure suivie d’un décret vaudrait beaucoup mieux que tout cela.
– Bon, nous y voilà, des procédures, des décrets… que n’excommuniez-vous aussi comme les prêtres? Armes atroces de la tyrannie et de la stupidité! quand tous ces cafards enjuponnés, tous ces cuistres en jaquette, tous ces suppôts de Thémis et de Marie cesseront-ils donc de croire que leur bavardage insolent et leur imbécile papier puissent être de quelque effet dans le monde? Apprends, frère, que ce n’est pas avec des chiffons pareils qu’on en impose à des coquins aussi déterminés, mais avec des sabres, de la poudre et des balles; résous-toi donc à mourir de faim ou au courage de les combattre ainsi.
– Monsieur le marquis, vous raisonnez de cela en colonel de dragons, permettez-moi de voir les choses en homme de robe dont la personne sacrée et intéressante à l’État, ne s’expose jamais aussi légèrement.
– Ta personne intéressante à l’État, président, il y avait longtemps que je n’avais ri, mais je vois bien que tu as envie d’obtenir de moi cette convulsion; et par où diable t’es-tu figuré, je te prie, qu’un homme communément d’une naissance obscure, qu’un individu toujours révolté contre tout le bien que peut désirer son maître, ne le servant jamais ni de sa bourse ni de sa personne, s’opposant sans cesse à toutes ses bonnes intentions, dont l’unique métier est de fomenter la division des particuliers, d’entretenir celle du royaume et de vexer les citoyens… je le demande, comment peux-tu t’imaginer qu’un tel être puisse jamais être précieux à l’État?
– Je ne réponds plus dès que l’humeur s’en mêle.
– Eh bien, au fait, mon ami, j’y consens, au fait, dusses-tu réfléchir trente jours sur cette aventure, dusses-tu la faire burlesquement opiner à tes pantalons de confrères, je te dirai toujours qu’il n’est à tout ceci d’autre moyen que d’aller nous établir nous-mêmes chez les gens qui veulent nous en imposer.
Le président marchanda encore, se défendit par mille paradoxes tous plus absurdes, tous plus orgueilleux les uns que les autres, et finit enfin par conclure avec le marquis qu’il partirait le lendemain avec lui et deux laquais de la maison; le président demanda La Brie, nous l’avons dit, on ne sait trop pourquoi, mais il avait une grande confiance en ce garçon. D’Olincourt, trop au fait des importantes affaires qui allaient retenir La Brie au château pendant cette absence, répondit qu’il était impossible de l’emmener, et le lendemain dès la pointe du jour on se prépara au départ: les dames qui s’étaient levées exprès, revêtirent le président d’une vieille armure qu’on avait trouvée dans le château, sa jeune épouse posa le casque en lui souhaitant toute sorte de prospérités, et le pressa de revenir promptement recevoir de sa main les lauriers qu’il allait cueillir; il l’embrasse tendrement, monte à cheval et suit le marquis. On avait eu beau faire prévenir dans les environs de la mascarade qui allait passer, l’efflanqué président sous son accoutrement militaire parut si tellement ridicule qu’il fut suivi d’un château à l’autre avec des éclats de rire et des huées. Pour toute consolation, le colonel qui ne quittait pas le plus grand sérieux, s’approchait quelquefois de lui, et lui disait:
– Vous le voyez, mon ami, ce monde-ci n’est qu’une farce, tantôt acteur, tantôt public, ou nous jugeons la scène, ou nous y paraissons.
– Soit, mais ici nous sommes sifflés, disait le président.
– Croyez-vous? répondait flegmatiquement le marquis.
– N’en doutons pas, répliquait Fontanis, et vous m’avouerez que cela est dur.
– Eh quoi, disait d’Olincourt, n’êtes-vous donc point accoutumés à ces petits désastres, et vous imaginez-vous qu’à chaque imbécillité que vous faites sur vos bancs fleurdelisés, le public ne vous siffle pas aussi; naturellement faits pour être bafoués dans votre métier, costumés d’une manière grotesque qui fait rire aussitôt qu’on vous voit, comment voulez-vous imaginer qu’avec tant de choses défavorables d’un côté, on vous pardonne des bêtises de l’autre?
– Vous n’aimez pas la robe, marquis.
– Je ne vous le cache pas, président, je n’aime que les états utiles: tout être qui n’a d’autre talent que de faire des dieux ou de tuer des hommes, me paraît dès lors un individu dévoué à l’indignation publique et qu’il faut ou bafouer ou faire travailler de force; croyez-vous, mon ami, qu’avec les deux excellents bras que vous a donnés la nature, vous ne seriez pas infiniment plus utile à une charrue qu’à une salle de justice? vous honoreriez dans le premier état toutes les facultés que vous avez reçues du ciel… vous les avilissez dans le second.
– Mais il faut bien qu’il y ait des juges.
– Il vaudrait bien qu’il n’y eût que des vertus, on en acquérerait sans juges, on les foule aux pieds avec eux.
– Et comment voulez-vous qu’un État se gouverne…
– Par trois ou quatre lois simples déposées dans le palais du souverain, maintenues dans chaque classe par les vieillards de cette classe: de cette façon chaque rang aurait ses pairs, et il ne resterait pas au gentilhomme condamné la honte affreuse de l’être par des faquins comme toi, si prodigieusement loin de le valoir.
– Oh! tout cela entraîne dans des discussions…
– Qui seront bientôt terminées, dit le marquis, car nous voilà dans Téroze.
Effectivement on entrait au château; le fermier se présente, il prend les chevaux de ses seigneurs et l’on passe dans une salle, où l’on raisonne bientôt avec lui sur les choses chagrinantes de cette habitation.
Chaque soir un bruit épouvantable se faisait entendre également dans toutes les parties de la maison, sans qu’on pût en deviner la cause; on avait guetté, on avait passé des nuits, plusieurs paysans employés par le fermier y avaient été, disait-on, complètement battus et personne ne se souciait plus de s’y exposer. Mais que soupçonnait-on, il était impossible de le dire; le bruit public était seulement que l’esprit qui revenait était celui d’un ancien fermier de cette maison qui avait eu le malheur de perdre injustement la vie sur un échafaud, et qui avait juré de revenir toutes les nuits faire un tapage affreux dans cette maison jusqu’à ce qu’il eût eu la satisfaction d’y tordre le col d’un homme de justice.
– Mon cher marquis, dit le président en gagnant la porte, il me semble que ma présence est assez inutile ici, nous ne sommes pas accoutumés à ces sortes de vengeance et nous voulons comme les médecins tuer indifféremment qui bon nous semble, sans que le défunt ait jamais rien à nous dire.
– Un moment, frère, un moment, dit d’Olincourt en arrêtant le président tout prêt à se sauver, achevons d’entendre les éclaircissements de cet homme; puis s’adressant au fermier:
– Est-ce là tout, maître Pierre, n’avez-vous nulle autre particularité à nous dire de cet événement singulier, et est-ce généralement à tous les gens de robe que ce lutin en veut?
– Non pas, monsieur, répondit Pierre, il laissa l’autre jour un écrit sur une table dans lequel il disait qu’il n’en voulait qu’aux prévaricateurs; tout juge intègre ne risque rien avec lui, mais il n’épargnera pas ceux qui seulement guidés par le despotisme, par la bêtise ou la vengeance, auront sacrifié leurs semblables à la sordidité de leurs passions.
– Eh bien, vous voyez qu’il faut que je me retire, dit le président consterné, il n’y a pas la plus petite sûreté pour moi dans cette maison.
– Ah! scélérat, dit le marquis, voilà donc tes crimes qui commencent à te faire frémir… Hein, des flétrissures, des exils de dix ans pour une partie de filles, d’infâmes connivences avec des familles, de l’argent reçu pour ruiner un gentilhomme, et tant d’autres malheureux sacrifiés à ta rage ou à ton ineptie, voilà les fantômes qui viennent troubler ton imagination, n’est-ce pas? Combien donnerais-tu maintenant pour avoir été honnête homme toute ta vie! Puisse cette cruelle situation te servir de quelque chose un jour, puisses-tu sentir d’avance de quel poids affreux sont les remords, et qu’il n’est pas une seule félicité mondaine de quelque prix qu’elle nous ait paru, qui vaille la tranquillité de l’âme et les jouissances de la vertu.