Nouveaux mystères et aventures - Конан-Дойль Артур 5 стр.


Et, sapprochant de lHindou, elle lui adressa quelques mots dans le dialecte de son pays.

Jamais je noublierai leffet que produisirent ces quelques syllabes.

Sans prononcer un mot, le voyageur se jeta la face contre terre sur la poussière de la route, et se traîna littéralement aux pieds de ma compagne.

Javais vu dans des livres de quelle façon les Orientaux manifestent leur abaissement en présence dun supérieur, mais je naurais jamais pu mimaginer quaucun être humain descendît jusquà une humilité aussi abjecte que lindiquait lattitude de cet homme.

Miss Warrender reprit la parole dun ton tranchant, impérieux.

Aussitôt il se redressa et resta les mains jointes, les yeux baissés, comme un esclave devant sa maîtresse.

Le petit rassemblement qui semblait croire que ce brusque prosternement était le prélude de quelque tour de passe-passe ou dun chef dœuvre dacrobatie, avait lair de samuser et de sintéresser à lincident.

 Consentiriez-vous à emmener les enfants et à mettre les lettres à la poste? demanda la gouvernante. Je voudrais bien dire un mot à cet homme.

Je fis ce quelle me demandait.

Quelques minutes après, quand je revins, ils causaient encore.

LHindou paraissait raconter ses aventures ou expliquer les motifs de son voyage.

Ses doigts tremblaient; ses yeux pétillaient.

Miss Warrender écoutait avec attention, laissant échapper de temps à autre un mouvement brusque ou une exclamation, et montrant ainsi combien elle était intéressée par les détails que donnait cet homme.

 Je dois vous prier de mexcuser pour vous avoir tenu si longtemps au soleil, dit-elle enfin en se tournant vers moi. Il faut que nous rentrions. Autrement nous serons en retard pour le dîner.

Elle prononça ensuite quelques phrases sur un ton de commandement et laissa son noir interlocuteur debout dans la rue du village.

Puis nous rentrâmes avec les enfants.

 Et bien! demandai-je, poussé par une curiosité bien naturelle, lorsque nous ne fûmes plus à portée dêtre entendus des visiteurs. Qui est-il? quest-il?

 Il vient des Provinces centrales, près du pays des Mahrattes. Cest un des nôtres. Jai été réellement bouleversée de rencontrer un compatriote dune manière aussi inattendue. Je me sens tout agitée.

 Voilà qui a dû vous faire plaisir, remarquai-je.

 Oui, un très grand plaisir, dit-elle vivement.

 Et comment se fait-il quil se soit prosterné ainsi?

 Parce quil savait que je suis la fille dAchmet Genghis Khan, dit-elle avec fierté.

 Et quel hasard la amené ici?

 Oh! cest une longue histoire, dit-elle négligemment. Il a mené une vie errante. Comme il fait sombre dans cette avenue et comme les grandes branches sentrecroisent là-haut! Si lon saccroupissait sur lune delles, il serait facile de se laisser tomber sur le dos de quelquun qui passerait. On ne saurait jamais que vous êtes là, jusquau moment où vous auriez vos doigts serrés autour de la gorge du passant.

 Quelle horrible pensée! mécriai-je.

 Les endroits sombres me donnent toujours de sombres pensées, dit-elle dun ton léger. À propos, jai une faveur à vous demander, M. Lawrence.

 De quoi sagit-il? demandai-je.

 Ne dites pas un mot à la maison au sujet de mon pauvre compatriote. On pourrait le prendre pour un coquin, un vagabond, vous savez, et donner lordre de le chasser du village.

 Je suis convaincu que M. Thurston naurait jamais cette dureté.

 Non, mais M. Copperthorne en est capable.

 Je ferai ce que vous voudrez, dis-je, mais les enfants parleront certainement.

 Non, je ne crois pas, répondit-elle.

Je ne sais comment elle sy prit pour empêcher ces petites langues bavardes, mais, en fait, elles se turent sur ce point, et ce jour-là on ne dit pas un mot de létrange visiteur qui, de course en course, était venu jusque dans notre petit village.

Javais quelque soupçon subtil que ce fils des régions tropicales nétait point arrivé par hasard jusquà nous, mais quil sétait rendu à Dunkelthwaite pour y remplir une mission déterminée.

Le lendemain, jeus la preuve la plus convaincante possible quil était encore dans les environs, car je rencontrai miss Warrender pendant quelle descendait par lallée du jardin avec un panier rempli de croûtes de pain et de morceaux de viande.

Elle avait lhabitude de porter ces restes à quelques vieilles femmes du pays.

Aussi je moffris à laccompagner.

 Est-ce chez la vieille Venables ou chez la bonne femme Taylforth que vous allez aujourdhui? demandai-je.

 Ni chez lune ni chez lautre, dit-elle en souriant. Il faut que je vous dise la vérité, M. Lawrence. Vous avez toujours été un bon ami pour moi et je sais que je puis avoir confiance en vous. Je vais suspendre le panier à cette branche-ci et il viendra le chercher.

 Il est encore par ici? remarquai-je.

 Oui, il est encore par ici.

 Vous croyez quil le découvrira?

 Oh! pour cela, vous pouvez vous en rapporter à lui, dit-elle. Vous ne trouverez pas mauvais que je lui donne quelque secours, nest-ce pas? Vous en feriez tout autant si vous aviez vécu parmi les Hindous, et que vous vous trouviez brusquement transplanté chez un Anglais. Venez dans la serre, nous jetterons un coup dœil sur les fleurs.

Nous allâmes ensemble dans la serre chaude.

À notre retour, le panier était resté suspendu à la branche, mais son contenu avait disparu.

Elle le reprit en riant et le rapporta à la maison.

Il me parut que depuis cette entrevue de la veille avec son compatriote, elle avait lesprit plus gai, le pas plus libre, plus élastique.

Cétait peut-être une illusion, mais il me sembla aussi quelle avait lair moins contrainte quà lordinaire en présence de Copperthorne, quelle supportait ses regards avec moins de crainte, et était moins sous linfluence de sa volonté.

Et maintenant jen viens à la partie de mon récit où jai à dire comment jarrivai à pénétrer les rotations qui existaient entre ces deux étranges créatures, comment jappris la terrible vérité au sujet de miss Warrender, ou de la Princesse Achmet Genghis; jaime mieux la désigner ainsi, car elle tenait assurément plus de ce redoutable et fanatique guerrier, que de sa mère, si douce.

Cette révélation fut pour moi un coup violent, dont je noublierai jamais leffet.

Il peut se faire que daprès la manière dont jai retracé ce récit, en appuyant sur les faits qui y ont quelque importance, et omettant ceux qui nen ont pas, mes lecteurs aient déjà deviné le projet quelle avait au cœur.

Quant à moi, je déclare solennellement que jusquau dernier moment je neus pas le plus léger soupçon de la vérité.

Jignorais tout de la femme, dont je serrais amicalement la main et dont la voix charmait mon oreille.

Cependant, je crois aujourdhui encore quelle était vraiment bien disposée envers moi et quelle ne maurait fait aucun mal volontairement.

Voici comment se fit cette révélation.

Je crois avoir déjà dit quil se trouvait au milieu des massifs une sorte dabri, où javais lhabitude détudier pendant la journée.

Un soir, vers dix heures, comme je rentrais chez moi, je me rappelai que javais oublié dans cet abri un traité de gynécologie, et comme je comptais travailler un couple dheures avant de me coucher, je me mis en route pour aller le chercher.

Loncle Jérémie et les domestiques étaient déjà au lit.

Aussi descendis-je sans faire de bruit, et je tournai doucement la clef dans la serrure de la porte dentrée.

Une fois dehors, je traversai à grands pas la pelouse, pour gagner les massifs, reprendre mon bien et revenir aussi promptement que possible.

Javais à peine franchi la petite grille de bois, et jétais à peine entré dans le jardin que jentendis un bruit de voix.

Je me doutai bien que jétais tombé sur une de ces entrevues nocturnes que javais remarquées de ma fenêtre.

Ces voix étaient celles du secrétaire et de la gouvernante, et il était évident pour moi, daprès la direction doù elles venaient, quils étaient assis dans labri, et quils causaient sans se douter le moins du monde quil y eut un tiers.

Jai toujours regardé le fait découter aux portes comme une preuve de bassesse, en quelque circonstance que ce fût, et si curieux que je fusse de savoir ce qui se passait entre ces deux personnes, jallais tousser ou indiquer ma présence par quelque autre signal, quand jentendis quelques mots prononcés par Copperthorne, qui marrêtèrent brusquement et mirent toutes mes facultés en un état de désordre et dhorreur.

 On croira quil est mort dapoplexie.

Tels furent les mots qui marrivèrent clairement, distinctement, dans la voix tranchante du secrétaire, à travers lair tranquille.

Je restai la respiration suspendue, à écouter de toutes mes oreilles.

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