Henri VI. 3 - Уильям Шекспир


William Shakespeare

Henri VI (3/3)

PERSONNAGES

LE ROI HENRI VI.

EDOUARD, prince de Galles, son fils.

LOUIS XI, roi de France.

LE DUC DE SOMERSET. }

LE DUC D'EXETER, }

LE COMTE DE NORTHUMBERLAND,}lords du parti du roi.

LE COMTE D'OXFORD }

LE COMTE DE WESTMORELAND, }

LE LORD CLIFFORD, }

RICHARD PLANTAGENET, duc d'York.

ÉDOUARD, comte des }

Marches, depuis le roi }

Édouard IV, }

GEORGE, depuis duc de }

Clarence, }

RICHARD, depuis duc} fils du duc de Glocester,} d'York.

EDMOND, comte de Rutland,}

LE DUC DE NORFOLK, }

LE MARQUIS MONTAIGU, }

LE COMTE DE WARWICK, }

LE COMTE DE SALISBURY,} partisans du

LE COMTE DE PEMBROKE,} duc d'York.

LE LORD HASTINGS, }

LE LORD STAFFORD, }

SIR JEAN MORTIMER,} oncles du

SIR HUGUES MORTIMER,} duc d'York.

SIR GUILLAUME STANLEY.

LORD RIVERS, frère de lady Grey.

SIR JEAN DE MONTGOMERY.

SIR JEAN SOMERVILLE.

LE GOUVERNEUR DE RUTLAND.

LE MAIRE D'YORK.

LE LIEUTENANT DE LA TOUR.

UN NOBLE.

DEUX GARDES-CHASSE.

UN FILS qui a tué son père.  UN PÈRE qui a tué son fils.  LA REINE MARGUERITE. LA PRINCESSE BONNE, soeur du roi de France.  LADY GREY, depuis reine et femme d'Édouard IV. SOLDATS ET SUITE DU ROI HENRI ET DU ROI ÉDOUARD, MESSAGERS, HOMMES DU GUET.

Dans une partie du troisième acte la scène se passe en France; et dans tout le reste de la pièce elle est en Angleterre

ACTE PREMIER

SCÈNE I

A Londres, dans la salle du parlement Tambours. Quelques soldats du parti de York se précipitent dans la salle; entrent ensuite LE DUC D'YORK, ÉDOUARD, RICHARD, NORFOLK, MONTAIGU, WARWICK et autres, avec des roses blanches à leurs chapeaux

WARWICK. Je ne conçois pas comment le roi nous est échappé.

YORK. Tandis que nous poursuivions la cavalerie du Nord, il s'est évadé adroitement, abandonnant son infanterie; et cependant le grand Northumberland, dont l'oreille guerrière ne put jamais souffrir le son de la retraite, animait encore son armée découragée: et lui-même avec les lords Clifford et Stafford, tous unis et de front, ont chargé notre corps de bataille, mais en l'enfonçant ils ont péri sous l'épée de nos soldats.

ÉDOUARD. Le père de lord Stafford, le duc de Buckingham, est ou tué ou dangereusement blessé, j'ai fendu son casque d'un coup vigoureux; cela est vrai, mon père, voilà son sang.

(Montrant son épée sanglante.)

MONTAIGU, montrant la sienne. Et voilà, mon frère, celui du comte de Wiltshire, que j'ai joint dès le commencement de la mêlée.

RICHARD, jetant sur le théâtre la tête de Somerset. Et toi, parle pour moi, et dis ce que j'ai fait.

YORK. Richard a surpassé tous mes autres enfants! C'est à lui que je dois le plus. Quoi, Votre Grâce, vous êtes mort? lord de Somerset!

NORFOLK. Puisse toute la postérité de Jean de Gaunt avoir pareille espérance!

RICHARD. J'espère abattre de même la tête du roi Henri!

WARWICK. Je l'espère aussi. Victorieux prince d'York, je jure par le ciel de ne point fermer les yeux que je ne t'aie vu assis sur le trône qu'usurpe aujourd'hui la maison de Lancastre. Voici le palais de ce roi timide; voilà son trône royal. Possède-le, York; car il est à toi, et non pas aux héritiers de Henri.

YORK. Seconde-moi donc, cher Warwick, et j'en vais prendre possession; car nous ne sommes entrés ici que par la force.

NORFOLK. Nous vous seconderons tous.  Périsse le premier qui recule!

YORK. Je vous remercie, noble Norfolk!  Ne vous éloignez point, milords.  Et vous, soldats, demeurez, et passez ici la nuit.

WARWICK. Quand le roi paraîtra, ne lui faites aucune violence, à moins qu'il n'essaye de vous chasser par la force.

(Les soldats se retirent.)

YORK. La reine doit tenir ici aujourd'hui son parlement: elle ne s'attend guère à nous voir de son conseil: par les paroles ou par les coups, il faut ici même faire reconnaître nos droits.

RICHARD. Occupons, armés comme nous le sommes, l'intérieur du palais.

WARWICK. Ce parlement s'appellera le parlement de sang, à moins que Plantagenet, duc d'York, ne soit roi; et ce timide Henri, dont la lâcheté nous a rendus le jouet de nos ennemis, sera déposé.

YORK. Ne me quittez donc pas, milords. De la résolution, et je prétends prendre possession de mes droits.

WARWICK. Ni le roi, ni son plus zélé partisan, ni le plus fier de tous ceux qui tiennent pour la maison de Lancastre, n'osera plus battre de l'aile aussitôt que Warwick agitera ses sonnettes1. Je veux planter ici Plantagenet; l'en déracine qui l'osera.  Prends ton parti, Richard: revendique la couronne d'Angleterre.

(Warwick conduit au trône York, qui s'y assied.)(Fanfares. Entrent le roi Henri, Clifford, Northumberland, Westmoreland, Exeter et autres, avec des roses rouges à leurs chapeaux.)

LE ROI. Voyez, milords, où s'est assis cet audacieux rebelle; sur le trône de l'État! Sans doute qu'appuyé des forces de Warwick, ce perfide pair, il ose aspirer à la couronne, et prétend régner en souverain.  Comte de Northumberland, il a tué ton père; et le tien aussi, lord Clifford; et vous avez fait voeu de venger leur mort sur lui, sur ses enfants, ses favoris et ses partisans.

NORTHUMBERLAND. Et si je ne l'exécute pas, ciel, que ta vengeance tombe sur moi!

CLIFFORD. C'est dans cet espoir que Clifford porte son deuil en acier.

WESTMORELAND. Eh quoi! souffrirons-nous cela?  Jetons-le à bas: mon coeur est bouillant de colère; je n'y puis tenir.

LE ROI. De la patience, cher comte de Westmoreland.

CLIFFORD. La patience est pour les poltrons, pour ses pareils: il n'aurait pas osé s'y asseoir, si votre père eût été vivant.  Mon gracieux seigneur, ici, dans le parlement, laissez-nous fondre sur la maison d'York.

NORTHUMBERLAND. C'est bien dit, cousin: qu'il en soit fait ainsi.

LE ROI. Eh! ne savez-vous pas que le peuple est pour eux, et qu'ils ont derrière eux une bande de soldats!

EXETER. Le duc d'York tué, ils fuiront bientôt.

LE ROI. Loin du coeur de Henri la pensée de faire du parlement une boucherie!  Cousin Exeter, la sévérité du maintien, les paroles, les menaces sont les seules armes que Henri veuille employer contre eux. (Ils s'avancent vers le duc d'York.) Séditieux duc d'York, descends de mon trône; et tombe à mes pieds, pour implorer ma clémence et ta grâce; je suis ton souverain.

YORK. Tu te trompes; c'est moi qui suis le tien.

EXETER. Si tu as quelque honte, descends, c'est lui qui t'a fait duc d'York.

YORK. C'était mon patrimoine, tout aussi bien que le titre de comte2.

EXETER. Ton père fut un traître à la couronne.

WARWICK. C'est toi, Exeter, qui es un traître à la couronne, en suivant cet usurpateur Henri.

CLIFFORD. Qui doit-il suivre que son roi légitime?

WARWICK. Sans doute, Clifford: qu'il suive donc Richard, duc d'York.

LE ROI. Et resterai-je debout, tandis que toi tu seras assis sur mon trône?

YORK. Il le faut bien, et cela sera: prends-en ton parti.

WARWICK. Sois duc de Lancastre, et laisse-le être roi.

WESTMORELAND. Henri est duc de Lancastre et roi, et le lord de Westmoreland est là pour le soutenir.

WARWICK. Et Warwick pour le contredire.  Vous oubliez, je le vois, que nous vous avons chassés du champ de bataille, que nous avons tué vos pères, et marché enseignes déployées, au travers de Londres, jusqu'aux portes du palais.

NORTHUMBERLAND. Je m'en souviens, Warwick, à ma grande douleur; et, par son âme, toi et ta maison, vous vous en repentirez.

WESTMORELAND. Plantagenet, et toi et tes enfants, et tes parents et tes amis, vous me payerez plus de vies qu'il n'y avait de gouttes de sang dans les veines de mon père.

CLIFFORD. Ne m'en parle pas davantage, Warwick, de peur qu'au lieu de paroles, je ne t'envoie un messager qui vengera sa mort avant que je sorte d'ici.

WARWICK. Pauvre Clifford! Combien je méprise ses impuissantes menaces!

YORK. Voulez-vous que nous établissions ici nos droits à la couronne? Autrement nos épées les soutiendront sur le champ de bataille.

LE ROI. Quel titre as-tu, traître, à la couronne? Ton père était, ainsi que toi, duc d'York3; ton aïeul était Roger Mortimer, comte des Marches. Je suis le fils de Henri V, qui soumit le dauphin et les Français, et conquit leurs villes et leurs provinces.

WARWICK. Ne parle point de la France, toi qui l'as perdue tout entière.

LE ROI. C'est le lord protecteur qui l'a perdue, et non pas moi. Lorsque je fus couronné, je n'avais que neuf mois.

RICHARD. Vous êtes assez âgé maintenant, et cependant il me semble que vous continuez à perdre. Mon père, arrachez la couronne de la tête de l'usurpateur.

ÉDOUARD. Arrachez-la, mon bon père, mettez-la sur votre tête.

MONTAIGU, au duc d'York. Mon frère, si tu aimes et honores le courage guerrier, décidons le fait par un combat au lieu de demeurer ici à nous disputer.

RICHARD. Faites résonner les tambours et les trompettes, le roi va fuir.

YORK. Taisez-vous, mes enfants.

LE ROI. Tais-toi toi-même, et laisse parler le roi Henri.

WARWICK. Plantagenet parlera le premier.  Lords, écoutez-le, et demeurez attentifs et en silence; car quiconque l'interrompra, c'est fait de sa vie.

LE ROI. Espères-tu que j'abandonnerai ainsi mon trône royal, où se sont assis mon aïeul et mon père? Non, auparavant la guerre dépeuplera ce royaume. Oui, et ces étendards si souvent déployés dans la France, et qui le sont aujourd'hui dans l'Angleterre, au grand chagrin de notre coeur, me serviront de drap funéraire.  Pourquoi faiblissez-vous, milords? Mon titre est bon, et beaucoup meilleur que le sien.

WARWICK. Prouve-le, Henri, et tu seras roi.

LE ROI. Mon aïeul Henri IV a conquis la couronne.

YORK. Par une révolte contre son roi.

LE ROI. Je ne sais que répondre: mon titre est défectueux. Répondez-moi, un roi ne peut-il se choisir un héritier?

YORK. Que s'ensuit-il?

LE ROI. S'il le peut, je suis roi légitime; car Richard, en présence d'un grand nombre de lords, résigna sa couronne à Henri IV, dont mon père fut l'héritier comme je suis le sien.

YORK. Il se révolta contre Richard son souverain, et l'obligea par force à lui résigner la couronne.

WARWICK. Et supposez, milords, qu'il l'eût fait volontairement, pensez-vous que cela pût nuire aux droits héréditaires de la couronne?

EXETER. Non, il ne pouvait résigner sa couronne que sauf le droit de l'héritier présomptif à succéder et à régner.

LE ROI. Es-tu contre nous, duc d'Exeter?

EXETER. Le droit est pour lui. Veuillez donc me pardonner.

YORK. Pourquoi parlez-vous bas, milords, au lieu de répondre?

EXETER. Ma conscience me dit qu'il est roi légitime.

LE ROI. Tous vont m'abandonner et passer de son côté.

NORTHUMBERLAND. Plantagenet, quelles que soient tes prétentions, ne pense pas que Henri puisse être déposé ainsi.

WARWICK. Il sera déposé en dépit de vous tous.

NORTHUMBERLAND. Tu te trompes. Ce n'est pas, malgré la présomption qu'elle t'inspire, la puissance que te donnent dans le midi tes comtés d'Essex, de Suffolk, de Norfolk et de Kent, qui peut élever le duc au trône malgré moi.

CLIFFORD. Roi Henri, que ton titre soit légitime ou défectueux, lord Clifford jure de combattre pour ta défense. Puisse s'entr'ouvrir et m'engloutir tout vivant le sol où je fléchirai le genou devant celui qui a tué mon père!

LE ROI. O Clifford! combien tes paroles raniment mon coeur!

YORK. Henri de Lancastre, cède-moi ta couronne. Que murmurez-vous, lords, ou que concertez-vous ensemble?

WARWICK. Rendez justice au royal duc d'York, ou je vais remplir cette salle de soldats armés, et, sur ce trône où il est assis, écrire son titre avec le sang de l'usurpateur.

(Il frappe du pied, et les soldats se montrent.)

LE ROI. Milord de Warwick, écoutez seulement un mot.  Laissez-moi régner tant que je vivrai.

YORK. Assure la couronne à moi et à mes enfants, et tu régneras en paix le reste de tes jours.

LE ROI. Je suis satisfait. Richard Plantagenet, jouis du royaume après ma mort.

CLIFFORD. Quel tort cela fera au prince votre fils!

WARWICK. Quel bien pour l'Angleterre et pour lui-même!

WESTMORELAND. Vil, faible et lâche Henri!

CLIFFORD. Quel tort tu te fais à toi-même, et à nous aussi!

WESTMORELAND. Je ne puis rester pour entendre ces conditions.

NORTHUMBERLAND. Ni moi.

CLIFFORD. Venez, cousin; allons porter ces nouvelles à la reine.

WESTMORELAND. Adieu, roi sans courage et dégénéré; ton sang glacé ne renferme pas une étincelle d'honneur.

NORTHUMBERLAND. Deviens la proie de la maison d'York, et meurs dans les chaînes pour cette indigne action.

CLIFFORD. Puisses-tu périr vaincu dans une guerre terrible, ou finir tranquillement dans l'abandon et le mépris!

(Sortent Northumberland, Clifford et Westmoreland.)

WARWICK. Tourne-toi par ici, Henri, ne fais pas attention à eux.

EXETER. Ce qu'ils veulent, c'est la vengeance: voilà pourquoi ils ne cèdent pas.

LE ROI. Ah! Exeter!

WARWICK. Pourquoi ce soupir, mon prince?

LE ROI. Ce n'est pas pour moi que je gémis, lord Warwick: c'est pour mon fils que je déshérite en père dénaturé; mais qu'il en soit ce qui pourra. Je te substitue ici la couronne à toi et à tes héritiers à perpétuité, à condition que tu feras serment ici d'éteindre cette guerre civile, et de me respecter, tant que je vivrai, comme ton roi et ton souverain, et de ne jamais chercher, par aucune trahison ni violence, à me renverser du trône et à régner toi-même.

YORK. Je fais volontiers ce serment, et je l'accomplirai.

(Il descend du trône.)

WARWICK. Vive le roi Henri!  Plantagenet, embrasse-le.

LE ROI. Puisses-tu vivre longtemps, ainsi que tes bouillants enfants!

YORK. De ce moment, York et Lancastre sont réconciliés.

EXETER. Maudit soit celui qui cherchera à les rendre ennemis! (Morceau de musique; les lords s'avancent.)

YORK. Adieu, mon gracieux seigneur: je vais me rendre dans mon château.

WARWICK. Et moi, je vais garder Londres avec mes soldats.

NORFOLK. Moi, je retourne à Norfolk avec les miens.

MONTAIGU. Moi, sur la mer, d'où je suis venu.

(Sortent York et ses fils, Warwick, Norfolk et Montaigu, les soldats et la suite.)

LE ROI. Et moi, rempli de tristesse et de douleur, je vais regagner mon palais.

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