Aristophane; Traduction nouvelle, tome second - Аристофан 2 стр.


Comme qui dirait le lieu. Attendu que cela tourne et traverse tout, on l'appelle pôle. Une fois bâti et fortifié par vous, on l'appellera police. Alors vous régnerez sur les hommes, ainsi que sur les sauterelles; et les dieux, vous les ferez mourir de faim comme les Mèliens.

LA HUPPE

De quelle manière?

PISTHÉTÆROS

L'air est entre le ciel et la terre; et de même que, quand nous voulons aller à Delphoe, nous demandons passage aux Boeotiens, ainsi, quand les hommes sacrifieront aux dieux, si les dieux ne nous paient pas tribut, votre ville, étrangère pour eux, et l'espace empêcheront de monter la fumée des cuisses.

LA HUPPE

Iou! Iou! Par la Terre, les filets, les nuées, les rets, je n'ai jamais entendu dessein mieux imaginé. Aussi suis-je tout prêt à bâtir la ville avec toi, si le projet a l'approbation des autres oiseaux.

PISTHÉTÆROS

Qui donc leur exposera l'affaire?

LA HUPPE

Toi. Jadis ils étaient barbares; mais moi je leur ai enseigné le langage, depuis mon long séjour avec eux.

PISTHÉTÆROS

Comment les convoqueras-tu?

LA HUPPE

Aisément. Je vais entrer tout de suite dans le taillis, éveiller ma chère Aèdôn, et nous leur ferons appel. Dès qu'ils auront entendu notre voix, ils voleront ici à tire-d'ailes.

PISTHÉTÆROS

O toi, le plus aimable des oiseaux, ne tarde pas davantage. Je t'en prie, entre au plus vite dans le taillis, et éveille Aèdôn.

LA HUPPE

Allons, ma compagne, cesse de sommeiller; fais jaillir de ta bouche divine les notes des hymnes sacrés; gémis sur mon fils et le tien, le déplorable Itys, en gazouillements harmonieux, sortis de ton bec agile. Ta voix pure monte à travers le smilax couronné de feuillage, jusqu'au trône de Zeus où Phoebos à la chevelure d'or répond à tes élégies par le son de sa lyre d'ivoire et préside aux danses des dieux; et de leurs bouches immortelles s'élance le concert plaintif des bienheureuses divinités. (On entend le son d'une flûte.)

PISTHÉTÆROS

O Zeus souverain! quelle voix charmante pour un si petit oiseau! Quelle douceur de miel répandue sur le taillis entier!

EVELPIDÈS

Holà!

PISTHÉTÆROS

Qu'y a-t-il? Te tairas-tu?

EVELPIDÈS

Pourquoi?

PISTHÉTÆROS

La Huppe prépare de nouveaux chants.

LA HUPPE, dans le taillis

Epopopopopopopopopopoï! Io, Io! Venez, venez, venez, venez, venez ici, ô mes compagnons ailés; vous qui paissez les sillons fertiles des laboureurs, tribus innombrables de mangeurs d'orge, famille des cueilleurs de graines, au vol rapide, au gosier mélodieux; vous qui, dans la plaine labourée, gazouillez, autour de la glèbe, cette chanson d'une voix légère: «Tio, tio, tio, tio, tio, tio, tio, tio;» et vous aussi qui dans les jardins, sous les feuillages du lierre, faites entendre vos accents; et vous qui, sur les montagnes, becquetez les olives sauvages et les arbouses, hâtez-vous de voler vers mes chansons.Trioto, trioto, totobrix!Et vous, vous encore qui, dans les vallons marécageux, dévorez les cousins à la trompe aiguë, qui habitez les terrains humides de rosée et les prairies aimables de Marathôn, francolin au plumage émaillé de mille couleurs, troupe d'alcyons volant sur les flots gonflés de la mer, venez apprendre la nouvelle. Nous rassemblons ici toutes les tribus des oiseaux au long cou. Un vieillard habile est venu, avec des idées neuves et de neuves entreprises. Venez tous à cette conférence, ici, ici, ici, ici.Torotorotorotorotix. Kikkabau, kikkabau. Torotorotorotorolililix.

PISTHÉTÆROS

Vois-tu quelque oiseau?

EVELPIDÈS

Non, par Apollôn! pas un; et pourtant je suis là bouche béante à regarder le ciel.

PISTHÉTÆROS

Ce n'était guère la peine, ce semble, que la Huppe allât couver dans le taillis, à la façon du pluvier.

LE PHOENIKOPTÈRE

Torotix, torotix.

PISTHÉTÆROS

Mais, mon bon, on s'avance, c'est quelque oiseau qui arrive.

EVELPIDÈS

Oui, de par Zeus! un oiseau. Quel est-il? N'est-ce pas un paon?

PISTHÉTÆROS

La Huppe nous le dira. Quel est cet oiseau?

LA HUPPE

Ce n'est pas un de ces oiseaux ordinaires comme vous en voyez tous les jours, mais un oiseau de marais.

PISTHÉTÆROS

Oh! oh! il est beau, et d'un rouge phoenikien.

LA HUPPE

Sans doute; aussi l'appelle-t-on Phoenikoptère.

EVELPIDÈS

Ohé! dis donc, toi!

PISTHÉTÆROS

Qu'as-tu à crier?

EVELPIDÈS

Un autre oiseau que voici.

PISTHÉTÆROS

Par Zeus! c'en est effectivement un autre; il doit être étranger. Quel peut être ce singulier prophète, cet oiseau de montagnes?

LA HUPPE

Son nom est le Mède.

PISTHÉTÆROS

Le Mède! Oh! souverain Hèraklès! Comment, s'il est Mède, a-t-il pu, sans chameau, voler ici?

EVELPIDÈS

En voici un autre qui a pris une aigrette.

PISTHÉTÆROS

Quel prodige est-ce là? Tu n'es donc pas la seule huppe, et il y en a une autre.

LA HUPPE

Mais celle-ci est née de Philoklès, par la huppe; et moi, je suis le grand-père de cette dernière: c'est comme si tu disais: «Hipponikos issu de Kallias, et Kallias d'Hipponikos.»

PISTHÉTÆROS

Kallias est donc un oiseau? Comme il mue!

EVELPIDÈS

C'est qu'étant généreux, il est plumé par les sykophantes, et les femelles lui arrachent aussi des plumes.

PISTHÉTÆROS

O Poséidôn! voici un autre oiseau de couleurs nuancées: comment l'appelle-t-on?

LA HUPPE

Lui? Le katophagas!

PISTHÉTÆROS

Il y a donc d'autres katophagas que Kléonymos?

EVELPIDÈS

Comment alors se fait-il, si ce n'est pas Kléonymos, qu'il ait perdu son aigrette?

PISTHÉTÆROS

Mais cependant que signifie cette affluence d'oiseaux à aigrettes? Viennent-ils pour le diaulos?

LA HUPPE

Ils font comme les Kariens, mon bon, qui habitent les aigrettes de la terre, pour cause de sûreté.

PISTHÉTÆROS

O Poséidôn, ne vois-tu pas quelle terrible agglomération d'oiseaux?

EVELPIDÈS

Souverain Apollôn, quelle nuée! Iou! Iou! Leurs ailes étendues ne laissent plus voir l'entrée.

PISTHÉTÆROS

Voici la perdrix, et cet autre, de par Zeus! c'est le francolin; puis le pénélops, et celui-ci l'alcyon.

EVELPIDÈS

Et quel est celui qui vient derrière?

PISTHÉTÆROS

Celui-ci? Le kèrylos.

EVELPIDÈS

Ce kèrylos est donc un oiseau?

PISTHÉTÆROS

Est-ce qu'il n'y a pas Sporgilos? Voici la chouette.

EVELPIDÈS

Que dis-tu? Qui a donc amené une chouette à Athènes?

PISTHÉTÆROS

A la suite pie, tourterelle, alouette, éléas, hypothymis, colombe, nertos, épervier, ramier, coucou, rouget, kéblépyris, porphyris, kerkhné, plongeon, pie-grièche, orfraie, pivert.

EVELPIDÈS

Iou! Iou! Que d'oiseaux!

PISTHÉTÆROS

Iou! Iou! Que de merles! Comme ils gazouillent, comme ils arrivent à grands cris!

Est-ce qu'ils nous menacent? Oh! là, là! Ils ouvrent le bec, ils nous regardent, toi et moi.

PISTHÉTÆROS

Cela me paraît être ainsi.

LE CHOEUR

Popopopopopop! Où est celui qui m'a appelé? Dans quel endroit se tient-il?

LA HUPPE

Je suis ici depuis longtemps, et je ne lâche pas mes amis.

LE CHOEUR

Tititititititititi! Quelle bonne idée as-tu à me communiquer?

LA HUPPE

D'un intérêt commun, sûre, juste, agréable, utile. Deux hommes d'un jugement délié sont venus ici me trouver.

LE CHOEUR

Où? Comment? Que dis-tu?

LA HUPPE

Je dis que, de chez les hommes, deux vieillards sont venus me parler d'une affaire prodigieuse.

LE CHOEUR

Oh! quelle faute! C'est la plus grosse depuis que je suis né! Que dis-tu?

LA HUPPE

Que mes paroles ne t'effraient pas.

LE CHOEUR

Qu'as-tu fait?

LA HUPPE

J'ai accueilli deux hommes qui désirent vivement notre alliance.

LE CHOEUR

Et tu as fait cela?

LA HUPPE

Je l'ai fait, et je m'en réjouis.

LE CHOEUR

Et ils sont maintenant chez nous?

LA HUPPE

Comme je suis chez vous moi-même?

LE CHOEUR

Ea! Ea! Trahison! Sacrilège! Un ami, nourri avec nous des produits de nos campagnes, a violé nos antiques lois, violé les serments des oiseaux. Il m'a attiré dans un piège, il m'a jeté en proie à une race impie qui, depuis qu'elle existe, m'a déclaré la guerre. Nous aurons, plus tard, une explication avec cet oiseau; mais il faut commencer par le châtiment de ces deux vieillards et les mettre en pièces.

PISTHÉTÆROS

C'en est fait de nous!

EVELPIDÈS

C'est pourtant toi seul qui es la cause de tous les maux qui nous arrivent. Pourquoi m'as-tu amené ici?

PISTHÉTÆROS

Afin de t'avoir pour compagnon.

EVELPIDÈS

Pour me faire pleurer de grands malheurs.

PISTHÉTÆROS

En vérité, tu radotes absolument. Comment pleureras-tu donc, quand une fois tu auras les deux yeux arrachés?

LE CHOEUR

Io! Io! En avant, attaque, élance-toi sur l'ennemi, verse le sang, déploie tes ailes de toutes parts, enveloppe-le. Il faut qu'ils gémissent tous les deux et qu'ils servent de pâture à notre bec. Il n'y a ni montagne ombragée, ni nuage aérien, ni mer chenue, qui les dérobe à ma poursuite. Hâtons-nous de les plumer et de les déchirer. Où est le taxiarkhe? Qu'il lance l'aile droite!

EVELPIDÈS

Nous y voilà! Où fuirai-je, infortuné?

PISTHÉTÆROS

Eh! l'ami! Tu ne tiens pas bon?

EVELPIDÈS

Pour être écharpé par ce monde-là?

PISTHÉTÆROS

Et comment te figures-tu leur échapper?

EVELPIDÈS

Je ne sais pas trop comment.

PISTHÉTÆROS

Moi, je te dirai qu'il faut combattre de pied ferme et prendre les marmites.

EVELPIDÈS

A quoi ces marmites nous serviront-elles?

PISTHÉTÆROS

La chouette ne nous attaquera pas.

EVELPIDÈS

Mais ces oiseaux armés de serres crochues?

PISTHÉTÆROS

Empoigne la broche et brandis-la devant toi.

EVELPIDÈS

Et mes yeux?

PISTHÉTÆROS

Couvre-les avec ce vinaigrier ou avec ce plat.

EVELPIDÈS

O homme de génie, quelle bonne invention, quel stratagème! Tu l'emportes sur Nikias, en fait de machines.

LE CHOEUR

Eleleleu! En avant, bec baissé: pas de délai! tire, déchire, frappe, écorche, et casse d'abord la marmite.

LA HUPPE

Mais, dites-moi, vous les plus cruels de tous les animaux, pourquoi voulez-vous mettre à mal ces deux hommes qui ne vous ont rien fait, et déchirer des gens de la parenté et de la tribu de ma femme?

LE CHOEUR

Devons-nous les épargner plus que des loups? De quels autres plus grands ennemis tirerions-nous vengeance?

LA HUPPE

Mais s'ils sont vos ennemis de race, ils sont vos amis de coeur, et c'est pour vous donner un conseil utile qu'ils viennent vers vous.

LE CHOEUR

Quel conseil utile pourraient nous donner, quelle parole nous faire entendre, ceux qui furent les ennemis de nos pères?

LA HUPPE

Mais, certes, c'est de leurs ennemis que les sages apprennent le plus. La prudence sauve tout. D'un ami on n'a rien à apprendre; un ennemi vous y contraint. Et d'abord les cités ont appris de leurs ennemis, et non de leurs amis, à bâtir des murailles élevées, à construire des vaisseaux longs: et cette science sauve nos enfants, notre ménage, notre avoir.

LE CHOEUR

Eh bien! écoutons leurs paroles, c'est notre avis: nous y trouvons avantage; on peut entendre quelque sage conseil de la bouche même de ses ennemis.

PISTHÉTÆROS

Ils ont l'air de se relâcher de leur colère. Retire ta jambe en arrière.

LA HUPPE

C'est justice, et vous m'en devez de la reconnaissance.

LE CHOEUR

Non, jamais jusqu'ici, en aucune affaire, nous ne t'avons été opposés.

PISTHÉTÆROS

Plus pacifique est leur conduite envers nous. La marmite et les deux plats, pose-les à terre. La lance ou plutôt la broche en main, promenons-nous à l'intérieur du camp, l'oeil sur la marmite, et de près, car il ne faut pas fuir.

EVELPIDÈS

A merveille; mais, si nous mourons, en quel endroit de la terre serons-nous enterrés?

PISTHÉTÆROS

Le Kéramique nous recevra. Pour être enterrés aux frais de l'État, nous dirons aux stratèges que c'est en combattant contre les ennemis que nous sommes morts à Ornéæ.

LE CHOEUR

Que chacun reprenne son rang à la même place; déposez votre courage et votre colère, comme un hoplite, et informons-nous quelles sont ces gens, d'où ils viennent, et dans quelle intention. Ohé! la Huppe, je t'appelle.

LA HUPPE

Tu m'appelles, et que veux-tu savoir?

LE CHOEUR

Qui sont ces hommes? D'où viennent-ils?

LA HUPPE

Deux étrangers de la sage Hellas.

LE CHOEUR

Quelle aventure les a conduits chez les Oiseaux?

LA HUPPE

Le goût de notre genre de vie, le désir d'habiter et de rester toujours avec toi.

LE CHOEUR

Que dis-tu? Et quels sont leurs propos?

LA HUPPE

Incroyables, inouïs.

LE CHOEUR

Voient-ils quel avantage peut résulter de leur séjour auprès de moi, et qui les engage à demeurer ici pour avoir de quoi vaincre leur ennemi ou rendre service à leurs amis?

LA HUPPE

Ils parlent d'une grande félicité, indicible, incroyable; que tout est à toi ici, là, partout, et ils s'efforcent de le prouver.

LE CHOEUR

Sont-ils fous?

LA HUPPE

On ne peut dire combien ils sont sensés.

LE CHOEUR

Quoi! Ils ont leur bon sens?

LA HUPPE

Les plus fins renards: subtilité, astuce, rouerie, fleur de ruse de la tête aux pieds.

LE CHOEUR

Qu'ils me parlent, qu'ils me parlent, fais-les venir. Car d'entendre d'eux les choses que tu me dis, j'en ai des ailes au dos.

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