Aristophane; Traduction nouvelle, tome premier - Аристофан 8 стр.


O ville, ô peuple, voyez par quelles bêtes féroces je suis éventré!

LE CHŒUR

Tu cries à ton tour, toi qui ne cesses de bouleverser la ville?

LE MARCHAND D'ANDOUILLES, reparaissant

Oh! Moi, par mes cris, je l'aurai bientôt mis en fuite.

LE CHŒUR

Ah! si tu cries plus fort que lui, tu es digne de l'hymne triomphal; mais, si tu le surpasses en impudence, à nous le gâteau au miel.

KLÉÔN

Je te dénonce cet homme, et je dis qu'il exporte ses sauces pour les trières des Péloponésiens.

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Et moi, par Zeus! je te dénonce cet homme, qui court au Prytanéion le ventre vide, et qui en revient le ventre plein.

DÈMOSTHÉNÈS

Et, par Zeus! il en rapporte des mets interdits, pain, viande, poisson; ce à quoi Périklès n'a jamais été autorisé.

KLÉÔN

A mort, tout de suite!

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Je crierai trois fois plus fort que toi.

KLÉÔN

Mes cris domineront tes cris.

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Mes beuglements tes beuglements.

KLÉÔN

Je te dénoncerai, si tu deviens stratège.

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Je te résisterai comme un chien.

KLÉÔN

Je rabattrai tes vanteries.

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Je déjouerai tes ruses.

KLÉÔN

Ose donc me regarder en face.

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Et moi aussi j'ai été élevé sur l'Agora.

KLÉÔN

Je te mettrai en pièces, si tu grognes.

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Je te couvrirai de merde, si tu parles.

KLÉÔN

Je conviens que je suis un voleur. Et toi?

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Par Hermès Agoréen! je me parjure, même devant ceux qui m'ont vu.

KLÉÔN

C'est donc que tu t'attribues à faux le mérite des autres. Je te dénonce aux Prytanes comme possédant des tripes sacrées, qui n'ont pas payé la dîme.

LE CHŒUR

Infâme, scélérat, braillard, tout le pays est plein de ton impudence, l'assemblée entière, les finances, les greffes, les tribunaux. Agitateur brouillon, tu as rempli toute la cité de désordre, et tu as assourdi notre Athènes de tes cris; d'une roche élevée tu as l'œil sur les revenus, comme un pêcheur sur des thons.

KLÉÔN

Je connais cette affaire et où depuis longtemps elle a été ressemelée.

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Si tu ne te connaissais pas en ressemelage, moi je n'entendrais rien aux andouilles. C'est toi qui coupais obligeamment le cuir d'un mauvais bœuf, pour le vendre aux paysans, après une préparation frauduleuse, qui le faisait paraître épais. Ils ne l'avaient pas porté un jour, qu'il s'allongeait de deux palmes.

DÈMOSTHÉNÈS

Par Zeus! il m'a joué le même tour, si bien que je devins la risée complète de mes voisins et de mes amis: car, avant d'arriver à Pergasè, je nageais dans mes souliers.

LE CHŒUR

N'as-tu pas, dès le début, étalé ton impudence, qui est l'unique force des orateurs? Tu la pousses jusqu'à traire les étrangers opulents, toi le chef de l'État. Aussi, à ta vue, le fils de Hippodamos fond-il en larmes. Mais voici un autre homme, bien pire que toi, qui me ravit l'âme; il t'élimine, il te surpasse, c'est facile à voir, en perversité, en effronterie, en tours de passe-passe. Allons, toi, qui as été élevé à l'école d'où sortent tous les grands hommes, montre donc qu'une éducation sensée ne signifie rien.

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Alors, écoutez quel est ce citoyen-là.

KLÉÔN

Ne me laisseras-tu point parler?

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Non, de par Zeus! je suis aussi mauvais que toi.

LE CHŒUR

S'il ne cède pas à cette raison, dis qu'il est de mauvaise lignée.

KLÉÔN

Tu ne me laisseras point parler?

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Non, de par Zeus!

KLÉÔN

Mais si, de par Zeus!

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Non, par Poséidôn! Mais qui parlera le premier, c'est ce que je commencerai par débattre.

KLÉÔN

Oh! j'en crèverai.

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Non, je ne te laisserai pas.

LE CHŒUR

Laisse-le donc, au nom des dieux, laisse-le crever!

KLÉÔN

Mais d'où te vient cette hardiesse de me contredire en face?

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

De ce que je me sens capable de parler et de cuisiner.

KLÉÔN

De parler! Ah! vraiment, s'il te tombait quelque affaire, tu saurais la découper dans le vif et l'accommoder comme il faut; mais veux-tu savoir ce qu'il me semble que tu as éprouvé? Ce qui arrive à tout le monde. Si, par hasard, tu as gagné une toute petite cause contre un métèque, durant la nuit, tu t'es mis à marmotter, à te parler à toi-même dans les rues, buvant de l'eau, importunant tes amis; et tu te figures que tu es capable de parler? Pauvre fou!

LE MARCHAND D'ANDOUILLES

Et que bois-tu donc, toi, pour que, maintenant, la ville, abasourdie par ton unique bavardage, soit réduite au silence?

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