Il parlait, cependant, calmement, même le ton. Sa voix se dirigeait, vers aucun humain du vaisseau, mais à lOrdinateur modèle JVA qui le contrôlait. La société humaine était devenue trop grande, trop diversifiée, trop complexe pour que lesprit humain puisse lappréhender, aussi une aide mécanique était nécessaire. Les ordinateurs sont devenus les père-mère-précepteur de la race humaine. Java-10 était la contrepartie portable de lénorme cerveau qui contrôlait la terre.
« Je suis sur le point dentrer dans la ville, » dit Ryan.
« Je nai pas besoin de te rappeler limportance des mises en garde, » redonda Java-10. « Les cinq expéditions précédentes se sont perdues. Essaye de maintenir de fréquente, si ce nest de constantes communications Et souviens-toi, si tu échoues, il ny aura plus aucun essai. La cité devra être détruite en dépit de sa valeur potentielle. »
« Je comprends, » dit Ryan laconiquement. « Et plus encore. » Il éteignit son communicateur et le remis dans sa poche.
Il se tint devant la limite et hésitât. Sur la droite, son vaisseau de reconnaissance rangé auprès des cinq autres, équipé et prêt pour un décollage immédiat en cas de besoin. Derrière lui, il sentait le désert sec et mortel, ses dunes de poussière se déplaçant doucement chaque fois quune brise hasardeuse soufflait à travers elles Devant lui attendait la ville, avec ses contours précis, sa beauté et sa totale étrangeté. Des murs chatoyants se dressaient avec des angles fous, apparemment produits du délire dun architecte ivre. Des structures fragiles, presque féeriques, poussaient latéralement lune vers lautre, parfois à des centaines de mètres du sol. Dautres bâtiments, encore plus étonnants, semblaient simplement suspendus dans lair, sans aucun support visible. De temps en temps, un vent touchait la ville et faisait vibrer le tout comme un cristal chantant, de sorte que la ville semblait soupirer un chant de sirène.
Des hommes étaient entrés dans cette ville, la seule sur une planète autrement désolée, cinq fois auparavant. Aucun de ces hommes étaient revenus. Les détecteurs nont montré aucune forme de vie avant larrivée des hommes. Seize formes de vie étaient enregistrées désormais les seize hommes qui avaient disparu dedans. Et maintenant cétait à Ryan de faire le dix-septième.
Personne navait idée de qui avait construit cette ville, ou quand, et pourquoi. Tout ce que lon savait était quelle avait avalé seize hommes, apparemment encore en vie mais dans lincapacité de séchapper en dépit du meilleur armement que la Terre puisse fournir. La citée générait un champ dénergie inconnue qui irradiait de façon sphérique depuis le centre de la cité jusquà une certaine distance et pas plus loin. Certains des hommes, qui étaient rentrés dans ce champ, avaient continué le contact radio avec leur vaisseau pendant encore quelque temps ; mais les informations reçues sétaient révélées presque inutiles, alors que lhomme glissait de plus en plus profondément dans un état que lon peut seulement qualifié de délire, pour finalement perdre complètement contact avec la réalité et cesser de communiquer.
La curiosité de la Terre et le besoin technologique que représentait cette cité étaient puissants. À cause de cela, seize étaient entrés dans la cité et devenus fous.
Peut-être, il y en aurait-il un dix-septième.
Expirant bruyamment, Ryan franchit la limite.
***
Rien ne se passa. Ryan se tenait debout, les muscles tendus et la mâchoire serrée, mais il ny avait plus aucune différence entre ses sensations maintenant et ses sensations dun moment auparavant. Il prit son communicateur hors de sa poche une fois de plus, savourant le réconfort que cela lui donnait. « Je viens juste de franchir la limite de la cité. Jusquici, je ne ressens aucun effet. »
« Bien », répondit le vaisseau. « Avancez vers le centre de la cité. Avancez lentement et ne prenez aucun risque. »
« Bien reçu », dit Ryan, et éteignant de nouveau.
Les constructions les plus proches étaient encore à quelques centaines de mètres. Ryan sen approchait avec une grande prudence. Tous ses sens étaient en éveil, cherchant le moindre signal, même faible, de danger. Rien ne bougeait, et les seuls sons étaient les murmures du vent. La cité navait aucune odeur, ce qui était encore plus remarquable quune puanteur. Ryan avait la faible impression de marcher dans un château de cristal, mais cette pensée sévanouit rapidement.
Il arriva au premier bâtiment et tendit sa main pour le toucher. Cétait lisse et dur comme du verre, opaque cependant ; cela ne semblait ni chaud ni froid à ses doigts inquisiteurs, mais cela faisait picoter ses doigts. Il retira sa main. Les endroits touchés par ses doigts étaient de petites marques sombres sur la surface autrement laiteuse. Les tâches seffaçaient sous ses yeux, jusquà ce que le mur soit de nouveau uniforme.
Il ny avait aucune ouverture ou faille où que ce soit le long du mur. Ryan marcha le long, parallèlement sans le toucher de nouveau. Il cherchait une porte ou une ouverture quelconque par laquelle il pourrait entrer dans le bâtiment. Le mur semblait lisse, dur, et continu sans entrée apparente. Pourtant, soudain, une partie de la paroi disparue, laissant un portail spacieux pour Ryan. Il sauta en arrière, surpris, puis sorti son communicateur et décrivit les derniers changements au vaisseau en orbite au-dessus de lui.
« Est-ce quun quelconque danger est apparu ? » fut la réponse.
« Pas encore. Il ny a toujours aucun signe de vie, hormis lapparition de cette porte. »
« Alors tu dois prendre le risque dy entrer et de lexplorer, » dit froidement Java-10.
Bien, pensa Ryan, quen as-tu à faire ? Ce nest pas ta peau. « Bien reçu. »
Il avait une lampe-torche sur lui, mais un seul coup dœil lui montra quil naurait pas à sen servir. Lintérieur du bâtiment était brillamment éclairé, la lueur semblait jaillir des murs. Entrant, Ryan regarda avec stupéfaction autour de lui.
Le bâtiment était presque complètement dénudé de meubles. Le seul détail était un large escalier en colimaçon qui montait le long des murs cylindriques, haut, plus haut, et encore plus haut. Léclaireur renversa son cou pour suivre la volée de marche, mais elle semblait continuer jusquà linfini. Toutes les vingt-cinq marches, il y avait un grand palier avec une petite fenêtre pour regarder la cité. Une rampe de plastique transparent courait le long du bord intérieur de lescalier.
Ryan avança lentement, toujours en alerte au cas où quelque chose se produirait. Lécho de ses bottes grattant le dur sol de pierre était presque assourdissant par rapport au silence total qui couvrait le reste de la ville. Il atteignit lescalier et mit sa main sur la rampe. Le plastique semblait frais et réconfortant, comme sil avait croisé un vieil ami au milieu de toute cette étrangeté. Il commença à monter lescalier avec précaution, un pied après lautre, sa main tenant fermement la rampe. Ses yeux scannèrent dun coté à lautre, cherchant pour quelque concevable danger. Mais aucun napparut. Alors limpatience le gagna, et il commença à courir dans lescalier.
Il sarrêta pour respirer, enfin, au quatrième palier. Maintenant, il était à peu près seize mètres au-dessus du niveau du sol. La porte était toujours là, attendant patiemment son retour, mais elle semblait plus petite depuis sa hauteur. Il alla vers la fenêtre, regarda dehors, et vit
Il sarrêta pour respirer, enfin, au quatrième palier. Maintenant, il était à peu près seize mètres au-dessus du niveau du sol. La porte était toujours là, attendant patiemment son retour, mais elle semblait plus petite depuis sa hauteur. Il alla vers la fenêtre, regarda dehors, et vit
New York City à midi, ses trottoirs grouillant dhommes daffaires sur leur chemin pour déjeuner, des clients en transit entre deux magasins avec des paquets sous leurs bras.
Il clignât des yeux et regarda de nouveau. Il y avait seulement la ville extra-terrestre, recroquevillée et silencieuse, attendant, toujours attendant. Silence. Pas de mouvements, pas de son, pas dombres,
Tremblant des mains, Ryan arrache le communicateur de sa poche. Il laissa des doigts tremblant caresser sa forme rectangulaire pendant un moment, puis appela à nouveau le vaisseau. « Ryan appelle Java-10. Je viens juste davoir une hallucination. » Il décrivit brièvement ce qui lui était apparu juste une seconde à travers la vitre.
« Intéressant, » médita lordinateur. « Ceci est en corrélation avec les rapports dautres hallucinations observées par vos prédécesseurs. Quoiquil soit arrivé aux autres, cela commence aussi à vous arriver. Vous devez être doublement prudent à partir de maintenant.
Ryan sassit sur une marche pour se recomposer. Il souhaita que son partenaire, Bill Tremain, ait été autorisé à laccompagner dans cette mission. Bill et Lui ont formé une équipe depuis le centre de formation. Ensemble, ils ont exploré plus de trente mondes, faisant face à linconnu. Il ne se sentirait pas aussi seul à lheure actuelle, si Bill était avec lui. Mais lordinateur ne voulait pas risquer plus de personnes que ce qui était absolument nécessaire. En outre, toutes les opérations précédentes ont été réalisées par des équipes de deux ou plus, et elles ont toutes échouées ; peut-être un homme seul aura plus de chance.
Un mouvement saisit le coin de lœil de Ryan. Il tourna la tête vivement pour voir ce qui ressemblait à un être humain courir sous les escaliers en dessous de lui et sévanouir. Un roux. Bill Tremain. Et cétait manifestement ridicule, puisque Bill Tremain était de retour à bord du vaisseau.
Néanmoins, Ryan redescendit doucement les escaliers pour enquêter. Il ny avait, bien entendu, personne là ; les parois de escaliers étaient lisses et dures, sans aucunes places pour quune personne en fuite puisse se cacher. Non, le bâtiment était désert à lexception de lui. Le silence en attesta.
« Tu cherches quelque-chose, Jeff ? » lui parvint dune voix au-dessus de lui.
***
Lhomme qui se tenait sur le troisième pallier nétait pas le partenaire de Ryan. Au lieu de cela, cétait Richard Bael, une vieille connaissance du temps de lAcadémie. « Oh ! ne tinquiètes pas, » lui dit Bael en souriant. « Je suis presque réel. »
Cela tenait debout. Bael fut lun des seize premiers à pénétrer dans la cité. « Comment es-tu venu ? » balbutia Ryan.
« Oh, » Bael haussa les épaules, « il y a des chemins. » Il commença à descendre aisément les marches. « Tu apprendras après une semaine ou deux. »
« Je nai pas lintention de rester aussi longtemps, » répondit Ryan sur la défensive. Il essaya doucement de prendre le communicateur dans sa poche, mais Bael vit le mouvement.
« Oh ! tu as lintention dappeler le vaisseau ? Puis-je leurs dire quelques mots ? »
« Ils vont être content davoir de vos nouvelles, » dit Ryan. « Quest-il arrivé à ton com' ? »
« Jai dû le poser quelque-part puis jai oublié, » dit Bael avec une vague de la main. « Je nai pas pensé que cétait si important. » Il arriva à coté de Ryan et tendit sa main. Ryan lui donna le communicateur.
« Bonjour là-haut, cest Richard Bael à lappareil. Pouvez-vous mentendre ? »
« Oui » répondit la voix sans émotion de Java-10.
« Jai un rapport différé à faire relatif à mon exploration de cette ville. Je suppose que vous avez vos bandes en route, prêtes à enregistrer chaque mot de cela. »
« Correct. »
« Daccord, alors, voilà : Allez-vous-faire-foutre... » Il éteignit lappareil et le rendit à Ryan. « Jai toujours voulu faire ça, jai je nai jamais eu le cran de le faire avant, » fit il avec bonhommie.
Ryan arracha le communicateur de sa main, légèrement horrifié par laction de Bael « Ryan appelle Java-10. Vous mentendez ? »
« Affirmatif. Est-ce que Bael est vraiment avec vous ? » La question était plus quincrédule.
« Il semblait lêtre. »
« Je suis vraiment Peter Pan, » Lança Bael de manière fantasque.
« Tais-toi ! » cria Ryan.
« Pas besoin dêtre aussi susceptible, Jeff. Jessayai juste daider. »
« Demandez-lui pourquoi il ne quitte pas la cité, » insista Java-10.
« Oh, ne réponds pas, Jeff. Je suis fatigué de jouer ce petit god-game de lordinateur. » Il partit vers la porte. « Pose ce fichu combiné. Le jour est trop beau pour le passer à parler à une boite. »
Ryan hésita.
« Regarde, tu es venu ici pour explorer la cité, nest-ce pas ? » continua Bael. « Eh bien, je te propose un tour guidé. Quattends-tu un carton dinvitation gravé ? Ok, tu en auras. »
Il tira une petite carte de sa poche et dune chiquenaude lenvoya aux pieds de Ryan. Ryan se baissa et la ramassa. Gravé, en lettres dor, il y avait les mots :
MR. RICHARD BAEL DEMANDE GRACIEUSEMENT LA PRESENCE DE MR. JEFFREY RYAN POUR UNE VISITE GUIDEE DE LA CITE.
« Cest assez bien pour toi ? » demanda Bael conventionnellement.
Ryan rangea avec prudence la carte dans sa pochette à échantillon pour de plus amples analyses ultérieurement. « Daccord, Bael, fais comme tu veux. » Le communicateur retourna dans sa poche. « En avant. »
Avec panache, Bael franchit la porte, avec Ryan deux pas derrière lui. Une fois que Ryan fut passé, louverture sévanouit et le mur était solide une fois de plus. Il refusa de sinquiéter pour un détail aussi mineur. Il se doutait un peu que cette cité lui révélerait de bien plus grandes surprises dici peu.
Et il avait tout à fait raison.
***
Les deux hommes marchèrent à travers la ville, Bael à un rythme tranquille et Ryan bouillant dimpatience davoir à composer avec cette lente promenade exaspérante... Il ny avait de rues réelles à suivre, car la ville ne semblait pas être disposée suivant un plan discernable et il ny avait pas de longues étendues de terrain ouvert assez large pour quelque type de véhicule. Des bâtiments de toutes formes, de toutes tailles et de toutes couleurs surgissaient partout ; Ici un cylindre, là un cône, un peu plus loin sur un hémisphère... il y en avait même deux qui avaient changé leurs formes pendant que Ryan les observait.
« Qui a bâti cette cité ? » demanda Bael. « Pourquoi lont-ils faite ? « Où sont-ils aller ? »
« Cest un charmant endroit, nest-ce pas ? » Bael ignora la question et montra dun geste la cité autour deux.
« Ce nest pas une réponse. »
« Bien sûr que non. Je nen ai pas. Les questions sont sans importance ici, aussi les réponses sont inutiles. »
« Elles ne le sont pas. Je dois savoir »
« Correction : Java-10 doit savoir. Tu nas rien dautre à faire que de tamuser. » asséna Bael avec sympathie. « Vous êtes un pauvre bougre muet, vous avez eu un tel lavage de cerveau que vous ne reconnaissez même plus la Liberté quand elle vient vous prendre la main. Asseyons-nous et parlons un moment. »