Le Sens Du Courage - Davide Piccolo 3 стр.


« Il ny a aucun problème. »

Après avoir établi un rendez-vous à 20h30, il redescendit au rez-de-chaussée, où sa mère préparait déjà le dernier repas quelle aurait partagé avec lui avant son départ pour les États-Unis.

Marco lobserva pendant un long moment, afin de graver dans sa mémoire chacun de ses gestes; il était bien conscient quil ne laurait pas revue avant longtemps et il partageait sa douleur pour la séparation imminente.

Le dîner se passa quasiment sans que lun ou lautre ne dise mot, tant ils étaient pris par la pensée du grand changement qui allait bientôt sopérer dans leurs vies.

Soudain, un coup de klaxon les tira de leurs pensées.

Lucia regarda son fils dun air interrogateur, désorientée par ce son inattendu.

« Quest-ce que cétait ?

- Le taxi est arrivé. Je passerai la nuit à laéroport.»

A ces mots, Lucia se jeta dans les bras de son fils, profondément émue. «Promets-moi de mappeler tous les jours, car autrement, tu sais, je minquiète. Surtout te sachant loin

- Tu peux y compter», la rassura-t-il, et il lui rendit son geste.

Après de longues secondes, Marco se dégagea de son étreinte et, après avoir récupéré les valises dans le salon, il prit congé de sa mère.

Avec une affectueuse mélancolie, il tapota le capot de sa Maserati, destinée à rester longtemps inutilisée, et il sinstalla sur le siège arrière du taxi, qui partit à vitesse réduite sur la route devenue glissante à cause de la neige qui tombait toujours sur lasphalte.

Sa mère resta quelques instants encore sur le pas de la porte pour observer la voiture qui séloignait, jusquà ce que le véhicule ait disparu dans un virage. Elle se résigna alors à lidée de ne plus pouvoir suivre son fils du regard.

Pendant ce temps, le chauffeur traversait des lieux qui avaient servi de décor à la vie que Marco sapprêtait à quitter et ce dernier se demandait bien quand est-ce quil les aurait revus.

Faisant appel à toute la force de sa volonté, il chassa ces pensées de son esprit, en entamant une conversation avec ce chauffeur introverti, professionnel autant que silencieux.

Lorsque finalement la voix robotique du GPS annonça larrivée à destination, mettant fin à ce voyage monotone, Marco paya la somme convenue et descendit avec calme du taxi, désireux de pouvoir se reposer en attendant le long vol du jour suivant.

Puis il rentra dans laéroport en trainant ses bagages. Épuisé par cette journée palpitante dont il avait été lacteur principal, il prit place sur un banc, songeant de nouveau à tout ce quil allait quitter et quil avait toujours beaucoup aimé.

«Au moins, je ne devrai plus revoir mon cher ami Morgan», pensa-t-il, cherchant à se réconforter. Il fit alors une grimace qui renfermait toute son antipathie pour cette personne-là.

Au même moment, apparut dans sa tête limage de celui quil haïssait le plus.

Haut environ un mètre quatre-vingts, il avait un visage pointu au teint clair, les cheveux couleur de paille et les yeux marrons avec des verres rectangulaires, qui ne parvenaient pas cependant à lui conférer un air dintellectuel, totalement inconciliable avec son expression hébétée.

Sa large bouche émettait souvent des manifestations dhilarité au son hystérique, une caractéristique de ceux qui essayent de masquer labsence de lhilarité générale quaurait dû provoquer leurs blagues par lévidence auditive de la leur.

Et comme si ce mélange de caractéristiques odieuses ne suffisait pas, une attitude peu courtoise envers Marco venait couronner le tout.

En effet, il se souvenait encore avec une irritation extrême le soir où, avec son incomparable démarche déhanchée, il sétait approché de Francesca pour sexhiber en une tentative ridicule de lui faire la cour, ignorant sa présence.

«Serait-ce un crime par hasard ? avait-il demandé avec suffisance, face aux revendications de Marco sur le cœur de la jeune fille et à ses exhortations intempestives de sen aller.

» Moi, je nen ai pas connaissance, et je voudrais te rappeler que nous sommes dans un pays libre, ou je me trompe ? De toute façon, je men vais ; garde-la pour toi », avait-il ajouté, en séloignant avec la même démarche.

Depuis cet instant, profondément irrité par son attitude, il sétait pris à le haïr, tout en espérant que les occasions de le rencontrer se seraient faites de plus en plus rares.

Mais cette espérance fut souvent déçue par la réalité.

En effet, Marco était régulièrement contraint de se mettre en contact avec lui pour son travail.

Il arrive parfois quen approfondissant la connaissance de certaines personnes un jugement instinctif soit démenti. Mais, en loccurrence, ladage «la première impression est celle qui compte» fut prophétique et leurs rapports se poursuivirent à lenseigne dune antipathie réciproque.

Légèrement rassuré par ces pensées, Marco fut vaincu par la fatigue et il tomba dans un profond sommeil.

Quelques heures plus tard, le bruit joyeux dun groupe de personnes interrompit son court repos.

La vue encore embuée par le sommeil, Marco se frotta les yeux pour mieux distinguer les silhouettes qui lentouraient: des dizaines de familles et de jeunes étaient occupés à acheter les derniers cadeaux en vue de la fête de Noël, désormais très proche, et tous sapprêtaient à y participer avec une grande joie.

Le jeune manager observa longuement les enfants qui couraient insouciants à côté de leurs mères, attentives à ne pas les perdre de vue dans la masse des personnes qui marchaient en regardant les vitrines des magasins.

Toutefois, le climat de la fête imminente que lon respirait dans lair et que lon lisait clairement sur les visages détendus de tous contrastait avec létat dâme de Marco, qui pensait à combien ce 25 décembre allait être différent de tous les autres.

En effet, au lieu de participer avec ses proches au repas traditionnel qui avait lieu chez sa mère, il allait devoir partager ce jour spécial avec des personnes quil ne connaissait pas encore, et qui allaient peut-être lui sembler peu agréables.

Mais Marco finit par sortir de ses réflexions. Il se leva du banc en sétirant et se rendit au guichet préposé au check-in, où une jeune employée souriante lui fournit la carte dembarquement.

Puis il vit un autre banc et il sassit à côté dun vieux monsieur.

Chapitre III

Pedro Gonzalez

« Bonjour! le salua-t-il joyeusement, avec un léger accent espagnol.

- Bonjour Monsieur !» répondit Marco à linconnu.

Cétait un homme âgé de soixante-dix ans environ, comme le laissaient supposer ses courts cheveux blancs, qui lui conféraient un air de sagesse.

Une vigueur exceptionnelle, aussi bien physique que mentale, semblait émaner du vieillard, en dépit de son âge plutôt avancé. Létincelle de vivacité qui éclairait son regard et la silhouette élancée, dune taille supérieure à la moyenne, en témoignaient. Sil était morphologiquement frêle, son aspect navait pourtant rien de faible ou de fragile.

Son allure extérieure minutieusement soignée, tout comme son habit élégant digne du businessman le plus en vue, portèrent Marco à croire avec raison que cet homme devait avoir eu une importante responsabilité managériale, comme celle quil sapprêtait à recevoir aux États-Unis.

«Avez-vous aussi ma chère Espagne pour destination? demanda-t-il aimablement à Marco.

- Non, jai réservé un vol pour New York, je my installe pour le travail.

- Je suppose quil sagit dune offre importante pour vous décider à un tel déplacement», fit-il.

Son italien était presque parfait.

«Oui, cest exact. Il y a peu de mois, jai reçu une proposition considérable de la part de la JW Corporation, que je me suis empressé daccepter, à la condition de pouvoir conclure mon année de travail, donc sans porter aucun préjudice aux plans de la société pour laquelle je travaillais. Comme vous pouvez bien limaginer, je me suis heurté à la résistance de mes proches et de mon patron, mais jai décidé de ne pas revenir sur ma décision, bien décidé à saisir une telle opportunité.»

- Quelle charge vous a-t-on proposé dexercer ?

- Celle de directeur général, la même que jexerçais dans la société de Brescia que jai contribuée à rendre très grande.

- Cela me rappelle beaucoup ma propre histoire

- Vous êtes un confrère ?

- Oui, jai moi aussi travaillé en tant que manager.

-Puis-je vous demander quelques conseils concernant la gestion dune entreprise importante ? Du haut de votre expérience professionnelle, vous allez pouvoir sans aucun doute me donner des conseils utiles

- Vu vos résultats, qui, daprès votre récit, me paraissent prodigieux, je ne crois pas que vous ayez besoin de suggestions, coupa court lhomme avec un sourire bienveillant. Cependant, si vous voulez, je peux partager avec vous ma propre expérience.

- Jen serais très honoré, répondit Marco avec une politesse inhabituelle, inspirée sans doute par la personnalité éminente de son interlocuteur.

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