Le Sens Du Courage - Davide Piccolo 2 стр.


Lorsquil mit pied dans la salle, il fut immédiatement envahi par un bruit incroyable, provoqué par ses collègues en fête qui chantaient ses louanges avec une admiration accrue, en entonnant des chants de stade.

Malgré cet accueil magnifique, sa réponse se traduisit uniquement par un sourire mesquin et forcé, sans émotion.

La vague daffection des autres employés lui donnait la sensation davoir trahi toutes les personnes qui lentouraient.

Cette impression se renforça, car il avait pris conscience davoir laissé ses amis et ses collègues à leur destin, en les abandonnant à légide future dun manager inconnu.

Tandis que ces pensées se bousculaient dans sa tête, il scrutait les visages joyeux de ses camarades, sourd à leurs paroles ; il songeait que, dans sa nouvelle aventure professionnelle, il allait devoir entrer en relation avec des personnes inconnues de lui, qui parlaient une autre langue, ne savaient même pas qui il était et probablement ne se seraient pas intéressés à son histoire personnelle, mais seulement au travail et à léconomie.

Mon Dieu, comme ils lui auraient manqué.

Mais la décision était prise, il ne pouvait plus revenir en arrière.

Ainsi, angoissé par la tâche ingrate de devoir éteindre lenthousiasme de ses collègues par son propre discours dadieux, il monta à la tribune, approcha le micros de sa bouche et, ayant attiré lattention de toutes les personnes présentes, il dit : « Mes amis, le moment est venu de vous prévenir que, comme je viens de lannoncer à Monsieur Russo dans une brève entrevue, jai pris la décision irrévocable daccepter une offre prestigieuse provenue des États-Unis, de la JW Corporation. »

Ces paroles furent suivies dun murmure de préoccupation, qui se répandit rapidement parmi les auditeurs.

« Il sagit pour moi dune occasion économique et professionnelle à laquelle je ne puis renoncer, poursuivit-il. Toutefois, je désire adresser mes remerciements à chacun dentre vous, parce que votre très précieux concours, votre disponibilité et votre entière collaboration, mont donné la possibilité de faire grandir cette société et de marquer un tournant dans ma vie de travail qui me permettra de mapprocher du rêve que jai de devenir un manager célèbre, connu même au-delà des frontières italiennes et européennes. Cependant, je vous suis surtout reconnaissant pour lamitié sincère que vous mavez toujours témoignée depuis le jour où jai été accueilli parmi vous dans lentreprise. À présent », conclut-il avec émotion, « il ne me reste quà vous saluer et à vous souhaiter dobtenir des résultats toujours meilleurs. »

Son discours dadieu toucha profondément ses collègues, qui exprimèrent par un silence assourdissant leur regret de devoir quitter le manager dont le talent avait réussi à coordonner leur travail.

Prenant part à leur déception, Marco déposa le micros et, la tête basse, il rejoignit les autres employés, encore bouleversés par le torrent démotion qui venait de les submerger.

Le seul qui eut la force de reprendre lusage de la parole fut son cher ami Massimo, un homme imposant, au caractère gai et prompt à la répartie. Mais il avait perdu sa bonne humeur contagieuse.

« Giovanni, dit-il, tout triste, en se tournant vers un collègue à sa droite, ne rallume pas la musique; à présent, nous navons plus de raison de fêter quoi que ce soit. Sans Marco, notre entreprise est finie et bientôt nous nous retrouverons au chômage ».

Son intervention fut entièrement approuvée par tous, y compris Luisa, la secrétaire, qui était accourue pour écouter les déclarations du manager et qui, les yeux éteints, fixait maintenant le mur récemment repeint.

La fête se termina tristement. Marco passa quelques interminables minutes à dire adieu à ses ex-collègues avant de sortir de létablissement, tandis que leurs commentaires choqués résonnaient à ses oreilles avec mélancolie.

Pas même le ronflement du moteur de sa voiture ne parvint à le tirer de ses réflexions, alors quil se dirigeait vers la maison.

Au moment où il aperçut lhabitation où il vivait avec Francesca, il se rappela soudain que la jeune fille pouvait accueillir la nouvelle du déménagement avec une colère bien compréhensible, étant donné quelle non plus navait pas été mise au courant de la proposition de Jason Walker.

«Jaurais dû lui en parler», songea Marco.

Mais maintenant il était trop tard.

Troublé par cette prise de conscience, il gara la voiture, sonna et attendit que sa fiancée lui ouvrît.

Chapitre II

Exode

Au bout de quelques secondes, Marco entendit la clé tourner dans la serrure et la porte souvrit, laissant apparaître une jeune fille élancée et fine. Son visage au teint clair était encadré dune cascade dabondants cheveux châtains et lisses, ce qui offrait un contraste chromatique irrésistible avec ses yeux bleu clair : cétait Francesca.

À la vue de son compagnon, sa bouche charnue souvrit instinctivement en un large sourire candide qui illumina son visage.

« Bonjour, trésor ! », sécria-t-elle joyeusement, tout en ouvrant le portail de la maison.

Marco répondit par un sourire forcé, bien insuffisant pour dissimuler la préoccupation évidente qui le tourmentait.

« Comment cela sest-il passé aujourdhui au travail ? Quelque chose est allée de travers ? demanda la jeune fille, dont les yeux perçants avaient surpris le malaise de son fiancé, dès quil avait franchi le seuil.

- Tout sest bien passé, journée tranquille », répondit le menteur, en évitant soigneusement le regard importun.

Francesca le scruta pendant quelques instants, mais ensuite elle haussa les épaules et servir le déjeuner.

Pendant le repas, Francesca essaya de lancer une conversation, mais Marco, distrait par la crainte de révéler à sa fiancée ce qui sétait passé ce matin-là, se limita à répondre par monosyllabes et à acquiescer en silence.

Cette attitude insolite ne put échapper aux yeux de Francesca, que la réponse reçue précédemment avait laissée perplexe.

« Quelque chose ne va pas ?

- N Non, balbutia Marco.

- Tu en es sûr ?», insista-t-elle.

Silence.

« Regarde-moi droit dans les yeux », ordonna-t-elle sur un ton vaguement menaçant.

Marco, réticent, leva les yeux, jusquà ce que son regard croisât les yeux bleus de Francesca.

« Les yeux sont le miroir de lâme », fit-elle avec un sourire amer.

Non, il ny avait pas de voie dissue. Un simple regard lui avait suffi pour comprendre que quelque chose nallait pas. Comme toujours.

Marco soupira profondément et rassembla toute sa force de caractère pour murmurer faiblement : « Jai accepté une mutation à la JW Corporation de New York.

- Quoi ? demanda Francesca, stupéfaite, se contenant avec peine.

-Oui, je pars pour New York pour le travail, confirma-t-il, se préparant à soutenir une réaction rageuse, qui, comme il était à prévoir, ne tarda pas à arriver.

- Et tu crois que cest le moment de me le dire ? », demanda-t-elle, furieuse, tandis que ses yeux flamboyaient.

De nouveau, silence.

« Étant donné que nous vivons sous le même toit, il ne test pas venu à lesprit quil serait bien dévaluer la proposition à deux, avant de donner ta parole ? Ne te souviens-tu pas quavant de commencer à vivre ensemble nous nous étions promis de prendre toute décision dun commun accord ? renchérit Francesca, sans paraître vouloir calmer son irritation.

- Mais tu ne veux vraiment pas comprendre mon désir dune vie et dun poste de travail meilleurs ? Tu ne veux pas déménager parce que cela ne tintéresse pas !

- Je nai pas dit que je taurais obligée à refuser : pour toi, jaurais accepté cela et bien autre chose encore ! Mais, toi, tu nas pas eu le courage de men parler, par crainte que je ne moppose à ton projet. Apparemment, pour toi, il a la priorité sur notre projet de vie commune

- Au contraire, passer le reste de mes jours avec toi a toujours été mon plus grand désir, mais évidemment tu ne le comprends pas, car autrement tu ne maccuserais pas ainsi !

- Mais te rends-tu compte que tu es tout simplement en train de te décharger sur moi de tes fautes ? Tu nes quun lâche, je ne trouve pas dautres termes pour te définir

- Eh bien, si pour toi je suis un lâche, alors adieu ! », répondit Marco, blessé dans son amour propre par cette définition inacceptable.

Sur ces mots, il lui tourna le dos pour sengouffrer au pas de charge dans leur chambre à coucher à létage supérieur. Il arracha avec colère ses vêtements de larmoire et les déposa rapidement dans une valise en cuir noir.

« Ne fais pas de bêtises ! le supplia sa fiancée, qui lavait rejoint entre temps. Allons, remets les choses à leur place et reviens à toi.

- Eh bien, ce nest pas ce que tu voulais ? la provoqua Marco, en descendant lescalier.

-Ne sois pas ridicule, tu sais bien que je navais aucune intention de te renvoyer.

- Maintenant, il est trop tard », conclut-il, en envoyant un dernier regard courroucé à ladresse de Francesca, qui, impuissante, regarda son fiancé enfiler son manteau avec rage et fermer la porte derrière lui, la laissant seule, en larmes pour cette rupture imprévue.

Et ainsi, songeant à la dispute avec son ex-partenaire sans oser y croire, Marco se dirigea en voiture à une vitesse soutenue vers lhabitation de sa mère qui, elle, était encore bien loin dimaginer le départ imminent de son fils et la fin de son histoire avec Francesca.

Au bout de quelques minutes, il arriva à proximité dun complexe de villas mitoyennes et il se gara en face de celle qui était identifiée par le numéro 16, où il avait vécu jusquà un an auparavant.

Il descendit ensuite de sa voiture et ouvrit le portail avec son double des clés; il frappa à la porte dentrée.

« Qui est-ce ? demanda la mère.

- Cest Marco. Tu crois quun voleur aurait frappé avant dentrer ? », répondit son fils, irrité par une prudence si invraisemblable.

Rassurée, elle ouvrit alors la porte à Marco, qui entra dans la maison.

Madame Lucia était une femme de cinquante-cinq ans, de taille moyenne et à laspect bien soigné.

Elle avait les cheveux teints en blond, toujours parfaitement en ordre, et un visage aux traits agréables, mais également marqué de rides manifestes, reflet des souffrances atroces qui lavaient affligée pendant sa vie. Il sagissait surtout de la mort prématurée de son mari, quun impitoyable cancer avait emporté il y avait déjà de nombreuses années de cela.

« Tu as lair bouleversé. Il sest passé quelque chose?».

Non, vraiment il nétait pas capable de dissimuler ses émotions.

« Oui. Mais maintenant laisse-moi texpliquer, sans massaillir de questions, supplia-t-il, craignant que sa demande ne soit pas entendue. Je dois te parler dune affaire très grave, et je te demande découter ce que jai à te dire, sans minterrompre. Quand jaurai terminé, tu seras libre dexprimer ton opinion.

- Comme tu veux, acquiesça-t-elle et elle sassit sur le canapé, en attendant que son fils commence à parler.

- Il y a quelques mois, jai reçu une offre de travail impossible à refuser depuis les États-Unis et, aujourdhui, jai annoncé mon départ imminent à Monsieur Russo », déclara Marco tout net, libérant son cœur du poids dune telle révélation.

Lucia lavait évidemment reçue comme un coup de couteau au cœur, mais elle parvint à maintenir léquilibre qui la caractérisait et elle objecta : « Mais quen sera-t-il de Francesca ? Lui as-tu déjà annoncé la nouvelle ?

-Elle ne fera plus partie de ma vie, voilà tout. Le problème ne se pose pas.

- Que sest-il passé entre vous ? demanda sa mère.

» Si on peut savoir, bien sûr, ajouta-t-elle rapidement, ayant remarqué le murmure dirritation de son fils.

- Quand je lui ai annoncé que javais accepté un poste de travail à New York et que jaurais dû partir, elle la mal pris, parce que, selon elle, jaurais dû attendre davoir vérifié sa disponibilité à me suivre. Elle ma ensuite traité de lâche, et, pour cette raison, jai décidé de men aller, répondit sèchement Marco.

-Elle a certainement exagéré en utilisant une expression si forte, mais ne trouves-tu pas quelle a eu raison ? En effet, étant donné que vous viviez ensemble, elle avait de bonnes raisons pour prétendre dêtre impliquée activement dans un choix si important. En effet, il est très difficile de se décider à quitter son pays et les personnes quon aime ; cela demande une étude attentive du pour et du contre répondit sagement Lucia, mais le regard furieux et désapprobateur de Marco la persuada quil était temps de sinterrompre.

- Eh bien, moi, je crois que lirréprochable Francesca, répliqua-t-il en serrant les dents, pouvait aussi bien comprendre quune occasion de ce genre arrive une fois dans la vie et une hésitation éventuelle maurait fait courir un gros risque de pousser lentreprise en question à se tourner vers un autre candidat qui, lui, aurait jugé bon de prendre la place tant convoitée et que, moi, jai eu la présence desprit de ne pas laisser échapper. »

Voyant quaucune discussion nétait possible et connaissant bien la fermeté de son fils, Lucia choisit très justement de se rendre.

« Quand as-tu lintention de partir ? demanda-t-elle sur un ton plus tolérant.

- Le plus tôt possible. Je partagerai cette expérience seulement avec mes collègues et mon directeur; je ne vois donc aucune raison de retarder mon départ ».

Sur ce, il mit fin à la conversation et se retira dans la chambre où il dormait lorsquil était adolescent, encore tapissée de posters de joueurs de foot de la Juventus, son équipe préférée.

Pendant quelques minutes, assis au bureau devant lordinateur, il soccupa de trouver le billet davion qui allait bientôt le conduire à la JW Corporation, à des milliers de kilomètres de distance.

Enfin, il trouva un vol dont le départ était fixé au jour suivant à 11h30, depuis laéroport de Linate; il réserva une place coûteuse en première classe, en prévision de laugmentation des ressources économiques quil aurait bientôt à sa disposition.

Puis il enregistra le numéro de téléphone dun taxi milanais sur son smartphone et passa lappel.

« Allo ?

-Bonsoir, je souhaite réserver un transport de Castrezzato à Linate.

- Je vous préviens que le service sera assez coûteux, le trajet est plutôt long »

Marco laissa échapper un sourire de satisfaction. Évidemment, le chauffeur ne pouvait imaginer largent quil allait gagner à la JW Corporation.

« Il ny a aucun problème. »

Après avoir établi un rendez-vous à 20h30, il redescendit au rez-de-chaussée, où sa mère préparait déjà le dernier repas quelle aurait partagé avec lui avant son départ pour les États-Unis.

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