Abdul fit une suggestion. « Général, je sens que nous avons besoin de motiver les troupes pour combattre les Américains. Ils ont entendu des rumeurs sur ce qui se passe s'ils résistent à l'ennemi, le moral des troupes est bas. J'ai entendu parler de défections. Nous ne pouvons pas tolérer ça.
â Qu'est-ce que vous proposez ? » Amir le sentit venir.
Abdul se leva et commença à marcher dans la pièce, forçant les policiers à le suivre de leurs yeux. « Les Romains savaient comment faire pour garder les soldats et les guerriers féroces et motivés. Parfois, lorsque les légions faillaient, les généraux avait recours à la pratique militaire de décimation. Celles qui étaient peu performantes au combat étaient punies en désignant une escouade de dix soldats tirés au sort et en les battant à mort avec des bâtons. »
L'un des officiers pâlit et manqua de tomber de sa chaise. « Vous êtes fou ! Est-ce ce que vous proposez pour nos troupes â maintenant ? »
Abdul haussa les épaules. « Pas besoin d'être barbares. Une balle dans la tête ferait l'affaire. »
La pièce plongea dans un profond silence. Enfin, Amir se leva et déclara : « Cela se comprend. Nous devons lutter pour ralentir la progression de l'ennemi. Nous ferons comme Abdul suggère. Rassemblez les hommes pour dans une heure. Rompez ! » Tels des zombies, les officiers quittèrent la pièce l'un derrière l'autre.
Seul Abdul resta. Une fois seul avec Amir, il dit : « Général, pour un meilleur effet, vous devriez exécuter un ou deux de vos officiers les moins enthousiastes. Je pourrais vous en recommander quelques uns si vous voulez. »
Amir fixa le fanatique d'un regard meurtrier. « « Pas tout de suite ! » Il sortit en trombe.
De retour dans son bureau, il convoqua le Colonel Najaf. Lorsque l'officier arriva, il ferma la porte.
Moins d'une heure plus tard, les troupes furent rassemblées et se mirent en rang. Amir et ses hauts-gradés se tenaient devant eux. Abdul était juste à côté d'Amir. Sa troupe d'assassins un peu à l'écart.
Le commandant fedayin souriait d'anticipation à l'approche de l'exécution de ces lâches. Tout comme ses hommes, qui avaient l'air visiblement plus détendus par rapport au reste des troupes. Il attendait qu'Amir donne le top pour que l'odieux massacre commençât enfin.
Amir dégaina son revolver. Il regarda ses troupes et, sans aucun préambule, tira une balle dans la tête d'Abdul. Le fedayin s'effondra comme heurté de plein fouet par un véhicule, sa tête à demi arrachée. Ce fut le signal. Les soldats du premier rang des troupes d'Amir pulvérisèrent l'escadron de fedayin de leurs armes automatiques. Ils tombèrent tous instantanément. Il y eut un moment de silence. Le reste des soldats se tenait immobile, en état de choc, tentant de saisir la scène. Ceux qui avaient exécuté les assassins firent tomber leurs armes, dégainèrent leurs poignards et tombèrent sur les cadavres comme des loups. Avec des cris de fureur, ils se mirent à poignarder et à mutiler les cadavres.
Le commandant en second d'Amir esquissa un mouvement pour intervenir mais le général l'attrapa par le bras. « Laissez-les. Laissez-les prendre leur revanche sur leurs camarades assassinés par ces porcs. » Leur désir de vengeance assouvi, ils s'arrêtèrent, leurs visages, leurs mains et leurs uniformes couverts de sang.
Puis Amir s'adressa à ses troupes.
« Soldats d'Irak ! L'ennemi approche à grands pas. Notre courage est sans faille mais nos armes sont moins performantes que les leurs. Si nous les combattons, nous allons presque certainement à notre mort. » Il fit une pause pour plus d'effet.
Il se remémora une phrase prononcée par Tess et décida de l'utiliser.
« Il n'y a pas d'honneur à se lutter pour une bataille perdue. Vous pouvez luttez si vous le souhaitez, mais je vous autorise à tomber les armes, rendre vos uniformes et rentrer chez vous dans vos familles. Si vous rencontrez des Américains, ne leur résistez pas. Restez en vie pour protéger vos familles et pour vivre dans le nouvel Irak qui se dessine ! Je vous demande une dernière chose : positionnez les chars et les véhicules en formation de combat. Et éloignez-vous des équipements, c'est ce que l'ennemi ciblera, cela ne fait aucun doute. Dès que vous en aurez fini, vos officiers vous laisseront disposer. Bonne chance et qu'Allah vous garde ! » Amir salua ses troupes, leur tourna le dos et rentra vers le palais.
Tout en marchant, il fit signe à Kemal de le suivre.
« Je me mettrai en route d'ici une heure. J'ai pris des dispositions pour quitter le pays jusqu'à ce que les choses se calment. Je veux que vous et une douzaine d'hommes restiez pour protéger ma résidence. Quand les Américains arriveront, n'opposez pas de résistance. Dites-leur que vous êtes des serviteurs et que vous attendez le retour de votre maître. Vous n'avez rien vu et vous ne savez rien. Expliquez-leur que vos armes servent juste à tenir les pillards à l'écart. Vous comprenez ?
â Oui, Général ! » Les genoux de Kemal tremblaient.
â N'ayez pas peur. Les Américains vous poseront une multitude de questions. Mais quand ils se rendront compte que vous ne représentez aucune menace, ils vous laisseront tranquilles. Restez ici, prenez soin du domaine, et je vous récompenserai généreusement.
â Général, où irez-vous ? Kemal demanda.
â Je vais essayer de me rendre à ma résidence à Istanbul. Je reviendrai dans quelques mois quand la guerre aura pris fin. Les choses finiront par revenir à la normale. Il en a toujours été ainsi. Maintenant, allez et préparez vos hommes. »
Amir se rendit à l'intérieur, emballa quelques affaires, détruisit des documents et sortit une valise pleine de dollars américains. Il enfila des vêtements civils, se rendit au garage et se glissa au volant d'une Mercedes tout terrain. En chemin, il fit monter deux gardes du corps puis s'en alla pour la Turquie. Les Américains ne viendraient pas dans cette partie du pays avant plusieurs jours et il avait soigneusement préparé sa fuite. Avec assez de pots-de-vin, vous pouvez achetez presque tout. 'Je reviendrai ! Un jour, à la grâce d'Allah, je m'occuperai de ce commandant américain.'
10 - La Quête
Jake se réveilla et tâtonna le lit, dans l'espoir que sa main se pose sur la poitrine de Tess. Pas de chance. Il parvint à ouvrir les yeux et entendit l'eau de la douche s'écouler. 'Je ne peux pas croire qu'elle est déjà debout,' pensa-t-il. Son corps n'était que douleurs et courbatures ; il était endolori et couvert d'ecchymoses et se sentait toujours fatigué au-delà de l'épuisement. Il voulait juste se rendormir, tenant Tess dans ses bras.
Tess entra dans la chambre, se séchant d'une serviette, négligemment et délicieusement nue.
« Bonjour, marmotte, plaisanta-t-elle en fouillant dans son sac à la recherche de sous-vêtements.
â Où vas-tu ? Jake répondit, quelque peu agacé de la voir ainsi. La dernière chose qu'il voulait était de voir Tess se rhabiller. Tu n'as pas à te lever. On peut appeler le room service. »
â Moi j'avalerai quelque chose en chemin. »
Jake répéta sa question : « Où allons-nous ?
â Où vas-tu ? Jake répondit, quelque peu agacé de la voir ainsi. La dernière chose qu'il voulait était de voir Tess se rhabiller. Tu n'as pas à te lever. On peut appeler le room service. »
â Moi j'avalerai quelque chose en chemin. »
Jake répéta sa question : « Où allons-nous ?
â Je retourne à la base. J'ai déjà appelé pour que mes hommes se préparent à retourner à la propriété du général irakien.
â Tu es malade ? On a traversé l'enfer pour t'en sortir et tu veux y retourner ?
â Oui, répondit Tess. Je veux y retourner pour savoir où le général a planqué la fille de Kejal. Ensuite, j'irai la trouver. » Elle finit d'enfiler sa tenue.
« Tess, réfléchis. Tu as été capturée. Selon le protocole, l'armée ne vous laissera pas retourner au combat avant de vous avoir débriefée et d'avoir fini votre évaluation psychologique. Tu as même droit à être rapatriée ! » Sa voix avait un soupçon de désespoir. Il était déçu jusqu'au fond de son âme. Il la voulait au lit, pas dans le désert à pourchasser des chimères.
« Je me fiche du protocole. Je vais retrouver cette fille avant que ce salopard ne la tue, point ! » Il n'y avait pas à argumenter.
Jake, encore nu, sortit du lit à contre-cÅur. Il s'approcha de Tess et la saisit par les épaules. « Es-tu toujours aussi implacable ? »
Tess se libéra violemment, repensant brusquement à la façon dont Amir l'avait malmenée. « Tu me fais mal ! Lâche-moi ! »
Jake ôta ses mains et dit d'un ton implorant : « Tess, on a vécu l'enfer, tous les deux. Nous devrions vraiment nous reposer et nous remettre de l'épreuve. Et puis, j'aimerais passer plus de temps avec toi ! »
Tess mis sa casquette. « Ne te fais pas d'idée, mon pote ! Cette nuit c'était juste pour le réconfort. On ne va pas y donner plus d'importance que ça n'en a. »
Jake n'était pas du tout d'accord. « Tu crois vraiment que c'est ce que c'était ?
â Ils disent tous ça quand ils en veulent plus. On ne va pas en faire un plat. Allez, habille-toi. Si tu veux passer plus de temps avec moi, ça sera dans un hélico, pas dans un lit ! »
Jake était furieux. Il aurait voulu lui déchirer ses vêtements militaires, mettre à nu cette chair qu'il désirait tant, la jeter sur le lit et l'étouffer de son corps qui hurlait d'envie de la posséder encore une fois. Hier soir avait été doux et bref. Maintenant, il voulait lui montrer un désir qu'il n'avait pas éprouvé depuis longtemps.
« Tess, sois réaliste ! Les chances de trouver cette fille sont pratiquement nulles. Et même si tu la retrouves, ce salopard l'aura probablement déjà tuée.
â Si tu ne viens pas, j'irai seule. Ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini, comme ils disent. »
Jake avait envie de hurler et de partir, mais son envie pour elle était plus forte. Il se rendit compte que ça n'arriverait sans doute pas maintenant. Il fallait que ce soit fait à sa manière à elle. Une fois qu'elle était décidée, rien ne pouvait l'arrêter.
« Très bien, Tess, d'accord. Laisse-moi rapidement prendre une douche et on y va, se résigna-t-il.
â Parfait. Je descends et je nous prends deux paniers repas. Je t'attends devant l'hôtel dans le Humvee. » Et voilà . Fin de la discussion.
Jake paya rapidement la note, sauta à bord du véhicule que Tess gardait moteur allumé sur le perron de l'hôtel, ils s'en allèrent pour la base. Pendant qu'ils mordaient dans leurs sandwiches, ils commentaient sur l'ironique coexistence d'une ville relativement moderne bourdonnant d'activité au cÅur d'importants combats dans l'arrière-pays. Tout semblait normal. Des femmes, des hommes déambulaient en ville, des travailleurs se rendaient à leurs emplois, des clients visitaient les centres commerciaux. Le seul signe anormal était la présence de véhicules militaires aux carrefours principaux.
Après le check-point de la base, ils s'arrêtèrent au poste de commandement. Tess sauta du Humvee avec l'aisance d'une ballerine, ce qui impressionna Jake dont le corps souffrait encore de profondes courbatures. C'est vraiment autre chose, cette femme, pensa-t-il. Derrière sa beauté, c'est une dure à cuire avec une dose de détermination et de motivation que peu d'hommes possèdent.
Tess frappa à la porte du colonel Reynolds. Le Chef Opérations la fit entrer.
« Tess, où diable étiez-vous passée ? J'ai des hommes partis à votre recherche !
â Ne vous inquiétez pas, Chef. Je sus juste allée à Koweït City pour me reposer.
â Vous ne deviez pas être dehors. Pour tout dire, vous devriez être à l'hôpital.
â Pas de temps pour ça, Chef. Je veux faire partie des unités envoyées sur les positions du Général al-Saadi. J'ai quelque chose à finir.
â Oui, j'ai appris ce qui vous êtes arrivé, et même si je comprends votre envie de vous venger, je ne peux pas le permettre. Laissez la Troisième d'Infanterie s'occuper de lui. Vous avez vécu un véritable enfer. J'aimerais que vous preniez du repos.
â Colonel, si je n'y retourne pas, Amir va tuer une petite fille. Sa mère m'a sauvé la vie. Je dois tout faire pour la trouver avant que le général n'y arrive. »
Le Colonel Reynolds était habitué à argumenter avec Tess. En fait, il n'y avait jamais eu une seule fois où elle avait obtempéré sans faire d'histoire.
Il était temps d'user du langage officiel. « Commandant, ma réponse est non. Vous avez été prisonnier de guerre ; vous n'avez pas fini votre examen médical ni votre débriefing. Vous devriez poser votre demande de rapatriement. Vous avez fait votre devoir. Laissez tomber !
â Colonel, non seulement ai-je fait une promesse à une femme mourante, mais les salopards que je recherche ont tué le Commandant Gardner. Je sais où ils se trouvent, je connais la configuration des lieux. Je peux y entrer et faire ce que j'ai à faire en seulement quelques heures.
â Et comment voulez-vous que j'explique ça à votre père ? Que vous avez perdu la tête ?
â Merci pour le compliment, Chef, mon père comprendra. »
â¦â¦â¦
Tess et Jake embarquèrent à bord d'un hélicoptère avec deux membres d'équipage. Ils décollèrent et partirent pour la propriété d'Amir al-Saadi. Quand ils arrivèrent sur les lieux, ils virent beaucoup de fumée mais aucune activité. Ils atterrirent à peu de distance avec un artilleur prêt, en cas de menace.
Tess et Jake marchèrent rapidement sur le manoir et découvrirent les corps des fedayin exécutés par al-Saadi.
Les portes du manoir étaient verrouillées et un serviteur leur dit qu'il avait ordre de protéger la maison de son maître. Jake lui parla en arabe et lui assura que les Américains feraient sauter la maison s'il ne les laissait pas entrer. Le serviteur obtempéra et ouvrit la porte.
Jake l'attrapa par la gorge et lui demanda : « Où est votre maître et où est la petite fille ? » L'homme terrifié révéla que le général était parti avec l'enfant et quelques troupes mais ne savait pas où. Jake essaya de tirer plus d'information du pauvre homme mais il n'en savait manifestement pas plus.