Nous Sommes De Retour - Danilo Clementoni 7 стр.


Atzakis s’assit sur le fauteuil du poste de commande, se mordilla l’index un instant, puis dit :

— Si c’est le système de communication actuellement utilisé sur la Terre, nous pourrions peut-être capter une de leurs transmissions.

— Oui, et peut-être même un bon film porno, commenta Pétri, faisant pointer légèrement sa langue à gauche de sa bouche.

— Arrête avec tes bêtises. Pourquoi n’essaies-tu pas plutôt de réadapter notre système de communication secondaire à cette technologie ? Je voudrais arriver là-bas le plus informé possible.

— J’ai compris. D’innombrables heures de travail m’attendent dans ce minuscule compartiment.

— Ça te dirait de manger quelque chose avant ? proposa Atzakis en anticipant la demande de son ami, dont il imaginait bien qu’elle allait suivre immédiatement.

— C’est la première chose sensée que je t’entends dire aujourd’hui, répondit Pétri. Toute cette agitation m’a donné un appétit certain.

— D’accord, on fait une pause, mais c’est moi qui choisit ce qu’on mange. Le foie de Nebir que tu as voulu hier est resté si longtemps dans mon pauvre estomac qu’il semblait y avoir pris racine.

Une dizaine de minutes après, alors que les deux compagnons de voyage finissaient leur repas, sur Terre, au Centre de Contrôle des Missions de la NASA, un jeune ingénieur relevait une étrange variation de trajectoire de la sonde qu’il contrôlait.

— Chef, dit-il dans le micro relié à son casque, à un centimètre environ de sa bouche, je crois que nous avons un problème.

— Quel genre de problème ? se hâta de demander l’ingénieur responsable de la mission.

— Il semble que Juno, pour une raison encore inconnue, ait subi une légère variation de sa trajectoire programmée.

— Une variation ? Et de combien ? Mais due à quoi ?

Il en avait déjà des sueurs froides. Le coût de cette mission était exorbitant et il fallait que tout marche comme prévu.

— Je suis en train d’analyser les données. La télémétrie indique un déplacement de 0,01 degré sans aucune raison apparente. Tout semble marcher convenablement.

— Elle pourrait avoir été touchée par un fragment de roche, hasarda l’ingénieur le plus âgé. Dans le fond, la ceinture d’astéroïdes n’est pas si loin.

— Juno est presque localisée sur l’orbite de Jupiter, et il ne devrait pas y en avoir, assura le jeune homme, avec beaucoup de tact.

— Et alors qu’est ce qui s’est passé ? Il doit forcément y avoir un dysfonctionnement quelque part.

Il réfléchit une seconde, puis ordonna :

— Je veux un double contrôle sur tous les instruments de bord. Les résultats dans cinq minutes sur mon ordinateur, et il coupa la communication.

Le jeune ingénieur se rendit alors compte de la responsabilité qui lui avait était confiée. Il regarda ses mains : elles tremblaient légèrement. Il décida de passer outre. Il appela son collègue pour qu’il exécute un check-up sélectif de la sonde et croisa les doigts. Les ordinateurs commencèrent à effectuer en séquence tous les contrôles programmés et, après quelques minutes, les résultats de l’analyse apparurent sur son écran :

Check-up terminé. Tous les instruments sont opérationnels.

— Tout a l’air ok, commenta le collègue.

— Et alors, qu’est-ce qui s’est passé, bon Dieu ? Si on ne le découvre pas dans les deux minutes qui viennent, le chef va nous passer un savon à tous les deux, et il commença à jouer fébrilement avec les commandes sur le clavier qu’il avait devant lui.

Rien de rien. Tout fonctionne parfaitement.

Il devait absolument inventer quelque chose, et il devait le faire vite. Il commença à tambouriner de ses doigts sur son bureau. Il continua une dizaine de secondes, puis décida de faire appel à la première règle non écrite du manuel de comportement sur son lieu de travail : ne jamais contredire son chef.

Il ouvrit son micro et dit d’une traite :

— Chef, vous aviez raison. C’est bien un petit astéroïde troyen qui a fait dévier la sonde. Heureusement, il ne l’a pas touchée directement, mais il est passé très près. De toute évidence, la masse de l’astéroïde a créé une petite attraction gravitationnelle sur notre Juno, provoquant ainsi la légère variation de trajectoire ; je vous envoie les données. Et il retint son souffle.

Après quelques interminables instants, la voix orgueilleuse de son chef lui parvint dans le casque.

— J’en était sûr mon garçon, mon instinct de vieux loup ne me trompe pas.

Puis il ajouta :

— Veillez à activer les moteurs de la sonde et à en corriger la trajectoire. Je ne tolèrerai aucune erreur et il coupa la communication.

Il reprit une seconde après en disant :

— Excellent travail, les gars.

Le jeune ingénieur se rendit alors compte que le sang avait recommencé à circuler dans son corps. Son cœur battait si fort qu’il en entendait les pulsations contre ses oreilles. Tout compte fait, ça pouvait aussi s’être passé comme ça. Il regarda son collègue et, levant le pouce, lui fit signe que tout allait bien. L’autre lui répondit en clignant de l’œil. Pour cette fois, il s’en était sortis.

Nassiriya – Après le dîner

Le système d’enregistrement émit un double bip et se ralluma. À l’intérieur de la voiture, la voix d’Élisa sortit à nouveau du petit haut-parleur :

« Je pense que c’est l’heure d’y aller, Jack. Je dois me lever très tôt demain pour continuer les fouilles.

— D’accord, répondit le colonel. Je vais remercier le chef et on y va tout de suite après. »

— Putain de merde, s’écria le maigre. À cause de toi, on a raté le meilleur.

— Et allez, je ne l’ai pas fait exprès, se justifia le gros. On pourra toujours dire qu’il y a eu un dysfonctionnement du système et qu’il y a une partie de la discussion que nous n’avons pas pu enregistrer.

— C’est toujours moi qui dois te sortir de la mouise, fit l’autre.

— Je vais me faire pardonner. J’ai déjà un plan pour mettre la main sur la tablette de notre cher Professeur. Il s’attrapa le nez entre le pouce et l’index, puis dit :

— Nous nous introduirons cette nuit dans sa chambre et nous copierons toutes les données sans qu’elle s’en aperçoive.

— Et qu’est-ce qu’on fait pour qu’elle ne se réveille pas, on lui chante une berceuse ?

— Ne t’inquiète pas, compère. J’ai encore des as dans ma manche, et il lui fit un clin d’œil.

Pendant ce temps, dans le restaurant, Jack et Élisa se préparaient à sortir. Le colonel alluma sa radio portable et contacta l’escorte :

— Nous allons sortir.

— Tout est calme, ici, Colonel, répondit une voix dans son oreillette.

— Nous allons sortir.

— Tout est calme, ici, Colonel, répondit une voix dans son oreillette.

Le colonel ouvrit avec prudence la porte du restaurant et observa attentivement l’extérieur. Debout, près de la voiture, se tenait encore le militaire qui avait accompagné Élisa.

— Tu peux y aller, mon garçon, ordonna le colonel. C’est moi qui raccompagne le Professeur.

Le soldat se mit au garde-à-vous, salua militairement et, prononçant quelques mots dans sa radio, disparut dans la nuit.

— Ça a été une soirée magnifique, Jack, dit Élisa en sortant. Elle respira profondément l’air frais de la nuit et ajouta :

— Ça faisait vraiment longtemps que je ne n’avais pas passé un aussi bon moment. Encore merci. Et elle arbora à nouveau un de ses merveilleux sourires.

— Viens, dans ce secteur ce n’est encore pas très sûr de rester à l’extérieur.

Sur ces mots, il ouvrit la portière et l’aida à monter.

Le colonel au volant, la grande voiture sombre quitta rapidement les lieux en laissant derrière elle un gros nuage de poussière.

— Moi aussi je me suis senti très bien. Je n’aurais jamais imaginé qu’une soirée avec un « savant professeur » puisse être si agréable.

— Savante ? C’est ça que tu penses de moi ? Et elle se détourna de lui, feignant la colère.

— Savante oui, mais aussi très sympathique, intelligente et vraiment sexy.

Elle regardait dehors, et il en profita pour lui caresser doucement les cheveux sur la nuque.

Ce contact lui procura une cascade d’agréables frissons dans le dos. Elle ne pouvait pas céder si vite. Mais son excitation allait croissant. Elle décida de se taire et de profiter de cet agréable et léger massage. Jack, encouragé par l’absence de réactions à son geste, continua à caresser ses cheveux longs. Soudain, il commença à faire glisser sa main, d’abord sur son épaule, puis sur son bras, puis de plus en plus bas, jusqu’à lui effleurer doucement les doigts. Elle, toujours tournée vers la fenêtre, prit sa main et la serra sans retenue. C’était une main grande et forte. Ce contact lui donnait une grande assurance.

Non loin de là, une autre voiture sombre suivait les deux passagers, essayant de capter d’autres propos intéressants.

— Je crois que les dix dollars sont en train de changer de main, mon vieux, dit le gros. Il la raccompagne à l’hôtel, elle le fait monter pour boire quelque chose et le tour est joué.

— Tu peux prier pour que ça ne finisse pas comme ça, sinon, j’aimerais bien savoir comment on va faire pour copier les données de l’ordinateur.

— La vache, je n’y avais pas pensé.

— Tu ne penses jamais à rien d’autre que ce qui finit dans ton estomac sans fond.

— Allez, ne te laisse pas trop distancer, dit le gros, en ignorant la provocation. Je ne voudrais pas perdre le signal une nouvelle fois.

Ils restèrent un peu main dans la main, sans rien dire. Ils avaient tous deux le regard fixe, au-delà du pare-brise. L’hôtel approchait, et Jack se sentait très maladroit. Ce n’était évidemment pas la première fois qu’il sortait avec une fille, mais ce soir-là, il sentit resurgir toute la timidité qui l’avait torturé pendant sa jeunesse, et qu’il pensait avoir dépassée. Ce contact si prolongé l’avait comme paralysé. Il aurait peut-être dû dire quelque chose pour rompre ce silence gênant, mais il craignait que le moindre mot puisse gâcher ce moment magique, et il décida de se taire.

Il remercia mentalement la boîte automatique de la voiture qui lui avait permis de ne pas lâcher la main d’Élisa pour passer les vitesses, et continua à conduire dans la nuit.

Élisa, de son côté, se rappelait tous les « hommes de sa vie » présumés, l’un après l’autre. Plusieurs histoires, beaucoup de rêves, de projets, de joie et de bonheur, mais à chaque fois, à la fin, beaucoup de déception, d’amertume et de douleur. C’était comme si le destin avait déjà tout décidé pour elle. La voie qui s’ouvrait à elle, sans aucun doute riche en satisfactions et succès sur le plan professionnel, ne semblait pas prévoir qui que ce soit à ses côtés pour l’accompagner. Et maintenant elle était là, dans un pays étranger, voyageant dans la nuit, sa main dans la main d’un homme que, jusqu’à la veille, elle considérait comme un obstacle à ses plans et qui, maintenant, lui inspirait une grande tendresse et beaucoup d’affection. Plus d’une fois, elle se demanda ce qu’elle devait faire.

— Tout va bien ? demanda Jack, inquiet, voyant ses yeux devenir de plus en plus brillants.

— Oui, merci, Jack. C’est juste un moment de tristesse. Ça va passer.

— C’est de ma faute ? s’empressa-t-il de lui demander. J’ai dit ou fait quelque chose qui ne va pas ?

— Non, au contraire, répondit-elle aussitôt d’une petite voix douce, et elle ajouta :

— Reste près de moi, s’il te plaît.

— Hé, je suis là. Ne t’inquiète pas. Je n’accepterai jamais qu’on te fasse du mal, d’accord ?

— Merci, merci infiniment, dit Élisa, pendant qu’elle tentait d’essuyer les larmes qui glissaient lentement sur ses joues. Tu es adorable.

Jack resta silencieux, et il lui serra la main encore plus fort.

L’enseigne de l’hôtel apparut au bout de la rue, qu’ils parcoururent sans rien dire. Puis le colonel ralentit et arrêta la voiture juste devant l’entrée. Ils se regardèrent intensément. Pendant un long moment, aucun d’eux n’osa parler. Jack savait qu’il devait faire le premier pas, mais Élisa le précéda.

— C’est maintenant que tu devrais me dire que la soirée a été splendide, que je suis magnifique, et moi je t’inviterais à monter pour boire quelque chose.

— Oui, l’usage l’imposerait, commenta Jack, un peu dérouté par ces mots. C’est ce que je ferais si tu étais comme les autres, mais ce n’est pas ce que je pense.

Il reprit son souffle et il continua.

— Je pense que tu es une personne très particulière et que cette soirée passée ensemble m’a donné l’occasion de mieux te connaître, et de découvrir beaucoup de choses que je n’aurais jamais pensé trouver chez une « archéologue ».

— Je prends ça comme un compliment, dit-elle, essayant de dédramatiser un peu.

— Derrière cette armure de femme forte et indestructible, je crois que se cache une petite créature tendre et effrayée. Tu es une fille très douce, et d’une sensibilité unique.

Il allait peut-être regretter ce qu’il allait dire, mais il fit appel à son courage et continua.

— Franchement, une nuit de sexe à archiver, comme tant d’autres, absolument inutiles, et qui, le matin suivant, ne te laissent rien qu’un immense vide, ça ne m’intéresse pas. Je voudrais plus avec toi. Tu m’as toujours beaucoup plu, je l’avoue.

Il ne pouvait plus s’arrêter, maintenant. Il lui prit les deux mains, les serra et poursuivit.

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