Nous Sommes De Retour - Danilo Clementoni 6 стр.


Sur ces mots, il se mit à fixer un point indéfini dans l’obscurité de la nuit, au-delà du pare-brise légèrement embué.

Élisa sortit son inséparable tablette de son sac à main, la posa sur la table et fit défiler des photos. Le colonel, intrigué, allongea le cou pour essayer de voir quelque chose, mais il était mal placé. Après avoir trouvé ce qu’elle cherchait, Élisa se leva et s’assit sur la chaise à côté de lui.

— Alors, commença-t-elle, installe-toi bien, parce que l’histoire est longue. J’essaierai de résumer le plus possible.

Faisant rapidement glisser son index sur l’écran digital, elle afficha la photo d’une tablette gravée avec d’étranges dessins et des caractères cunéiformes.

— Il s’agit de la photo d’une des tablettes qui ont été retrouvées dans la tombe du roi Beaudoin II de Jérusalem, poursuivit Élisa, dont on suppose qu’il a été le premier, en 1119, à avoir ouvert la caverne de Makpéla, dite aussi Tombeau des Patriarches, là où sont censés avoir été enterrés Abraham et ses deux fils Isaac et Jacob. Ces tombes se trouveraient au sous-sol de ce qui s’appelle aujourd’hui Mosquée ou Sanctuaire d’Abraham à Hébron, en Cisjordanie. Et elle lui montra une photo de la mosquée.

— À l’intérieur des tombes, continua-t-elle, le roi aurait trouvé, outre de nombreux objets de nature diverse, une série de tablettes qui auraient appartenu à Abraham. On pense même qu’elles auraient pu être une sorte de journal qu’il aurait tenu, et sur lequel il aurait noté les moments les plus importants de sa vie.

— Une sorte de « carnet de voyage », essaya de déduire Jack, espérant faire bonne impression.

— Oui, en un certain sens, si on considère qu’il en a fait pas mal, de route, pour l’époque.

Faisant glisser une autre photo, Élisa continua son exposé.

— Les plus grands experts de cette langue et des modalités de représentation graphique de cette époque ont essayé de traduire ce qui est gravé sur cette tablette. Naturellement, les avis sont assez discordants sur certaines parties, mais tous ont convenu que ceci -elle agrandit un détail de la photo- pourrait être la traduction de « vase » ou « amphore des Dieux ». Ensuite on trouve les mots « sépulture », « secret » et « protection », eux aussi assez clairs.

Jack commençait à se sentir un peu perdu, mais, hochant la tête, il essaya de convaincre Élisa qu’il suivait parfaitement. Elle le regarda un instant avant de poursuivre :

— Ce symbole, par contre -elle manipula l’écran pour l’éclaircir le plus possible- devrait selon d’aucuns représenter une tombe, la tombe d’un dieu. Alors que cette dernière partie pourrait décrire un des dieux qui alerte, ou même qui menace le peuple réuni autour de lui.

Le colonel ne comprenait plus rien, un peu à cause de l’alcool, un peu à cause du parfum enivrant qu’émanait Élisa, et aussi à cause de ses yeux dans lesquels il s’était décidément perdu. Il continua tout de même à hocher la tête comme si tout avait été très clair.

— En bref, pour résumer, poursuivit Élisa en remarquant le trouble grandissant de Jack, les experts ont interprété le contenu de cette tablette comme étant la représentation d’un événement qui a eu lieu à l’époque d’Abraham, au cours duquel un dieu présumé, ou de façon plus générale, des dieux, auraient caché, en l’enterrant à côté d’un de leur tombeau, quelque chose de très précieux, au moins pour eux.

— Je trouve ça un peu général, comme affirmation, commença Jack, cherchant à reprendre contenance. Dire que quelque chose de précieux est enterré dans les alentours d’une tombe de dieux, ce n’est pas comme d’en avoir les coordonnées GPS. Il pourrait s’agir de n’importe quoi, n’importe où.

— Tu as raison, mais toutes les inscriptions, en particulier celles qui sont très anciennes, doivent en quelque sorte être interprétées et contextualisées. C’est pour cela que les experts existent et il se trouve que je suis précisément l’une d’entre eux. Sur ces mots, elle commença à mimer les mouvements d’un mannequin photographié par les paparazzis.

— C’est bon, c’est bon. Je sais que tu es forte. Mais maintenant, essaie de faire comprendre quelque chose aux simples mortels.

— En substance, reprit Élisa, redevenant sérieuse, après avoir analysé et confronté des pièces historiques de toute sorte, des histoires vraies, des légendes, des rumeurs et ainsi de suite, les plus grands « esprits » de la terre ont conclu que cette reconstitution a sans doute un fond de vérité. Sur ces bases, ils ont lâché des archéologues dans le monde entier, à la recherche de ce lieu mystérieux.

— Mais alors, qu’est-ce que l’ELSAD a à voir avec tout ça ?

Le colonel avait enfin retrouvé ses fonctions cérébrales.

— On m’avait dit que toutes ces recherches avaient pour but de récupérer de fantomatiques objets, qui pourraient être d’origine extraterrestre.

— Et c’est peut-être vraiment ça, répondit Élisa. On pense maintenant que ces « dieux » qui, en ces temps reculés, seraient venus batifoler sur Terre, n’auraient rien été d’autre que des humanoïdes d’une planète extérieure à notre système solaire. Compte tenu de leur haute technologie et de leurs grandes connaissances dans le domaine médical et scientifique, il n’était pas très difficile de les prendre pour des divinités capables d’accomplir on ne sait quels miracles.

— En effet, l’interrompit Jack, moi aussi, si j’arrivais avec mon hélicoptère de combat Apache au milieu d’une tribu de l’Amazonie centrale et que je commençais à lancer des missiles partout, je pourrais être pris une divinité en fureur.

— C’est exactement l’effet que ces êtres ont dû produire sur les hommes de l’époque. Certains affirment même que ce seraient ces extraterrestres qui auraient fait germer la graine de l’intelligence chez l’Homo Erectus, le transformant ainsi, en quelques dizaines de milliers d’années, en ce que nous connaissons de nos jours sous le nom d’Homo sapiens sapiens.

Élisa regarda attentivement le colonel qui affichait une expression de plus en plus abasourdie, et elle décida de porter un coup bas.

— Pour te dire la vérité, je pensais qu’en tant que responsable de cette mission, tu aurais été mieux informé.

— Je le pensais moi aussi, éclata Jack. De toute évidence, on suit toujours la même ligne, là-haut : moins on en sait, nous autres, mieux c’est.

La colère prenait le pas sur la sensiblerie du moment précédent.

En ayant pris conscience, Élisa posa sa tablette sur la table et s’approcha à quelques centimètres du visage du colonel, qui, un instant, retint son souffle en pensant qu’elle voulait l’embrasser ; mais elle s’exclama :

— Mais le meilleur est à venir.

— Mais le meilleur est à venir.

Elle reprit lors brusquement sa place, et lui montra une autre photo.

— Alors qu’ils se sont tous lancés à la recherche de ce fameux « tombeau des dieux » en allant farfouiller entre les pyramides égyptiennes, tombes des dieux par excellence, moi, j’ai fait une autre interprétation de ce qui est inscrit sur la tablette, et je crois que c’est la bonne. Regarde ça.

Et, satisfaite, elle lui montra une image représentant le texte tel qu’elle l’avait interprété, elle.

Les deux compères qui, de l’intérieur de la voiture, écoutaient la conversation entre les deux convives, auraient chacun donné un bras pour pouvoir eux aussi voir la photo qu’Élisa montrait au colonel.

— Bon sang ! pesta le gros. Il faut trouver le moyen de mettre la main sur cette tablette.

— J’espère au moins que l’un des deux va lire à haute voix, ajouta le maigre.

— Espérons aussi que ce « petit dîner romantique » se termine vite. J’en ai marre de rester là, dans le noir, et en plus, je meurs de faim.

— Tu meurs de faim ? Mais qu’est-ce que tu racontes ? Tu as mangé même ma part de sandwichs.

— Pas tout à fait, mon cher. Il en reste encore un et je vais m’en occuper maintenant.

Riant d’un air satisfait, il se tourna pour le récupérer dans un sac posé sur la banquette arrière. Mais en se retournant, il heurta de son genou le bouton d’allumage du système d’enregistrement, qui émit un léger bip et s’éteignit.

— Mais, espèce de crétin, tu ne peux pas faire attention ?

Le maigre se dépêcha d’essayer de rallumer l’appareil.

— Maintenant il faut que je redémarre tout le système et il y en a pour une minute au moins. Tu peux prier pour qu’ils ne se disent rien d’important sinon, cette fois, je te fiche mon pied dans ton gros cul, d’ici jusqu’au Golfe Persique !

— Excuse-moi, dit le gros d’un filet de voix. Je crois que c’est le moment de me mettre au régime.

“Les Dieux enterrèrent le vase au précieux contenu au sud du temple, puis ils ordonnèrent au peuple de ne pas s’en approcher jusqu’à leur retour, sinon de terribles malheurs s’abattraient sur toutes les Nations. Pour assurer sa protection, quatre gardiens flamboyants.”

— Voilà ma traduction, déclara fièrement Élisa. D’après moi, le mot exact n’est pas « tombeau », mais « temple » et la Ziggourat d’Ur, où je fais actuellement mes recherches, n’est rien d’autre qu’un temple érigé pour les dieux. Bien sûr, tu me diras que des Ziggourats, ce n’est pas ce qui manque par ici, mais aucune n’est aussi proche de la maison qui a appartenu à l’homme qui a probablement écrit les tablettes : notre cher Abraham.

— Très intéressant.

Le colonel analysait le texte avec soin.

— En effet, la maison que tout le monde désigne comme étant la « maison d’Abraham » ne se trouve qu’à quelques centaines de mètres du temple.

— En plus, si ces êtres étaient vraiment des extraterrestres, poursuivit Élisa, imagine combien le « vase » pourrait être intéressant pour vous, militaires. Peut-être plus encore que son « précieux contenu ».

Jack réfléchit un instant, puis dit :

— Et voilà la raison de tout cet intérêt de la part de l'ELSAD. Le vase enterré pourrait être beaucoup plus qu’un simple récipient de terre cuite.

— Bravo. Et maintenant, le coup de théâtre, s’exclama Élisa avec emphase. Ladies and gentlemen, voici, devant vos yeux, ce que j’ai trouvé ce matin.

Elle toucha l’écran et une nouvelle photo apparut.

— Mais c’est le même symbole que celui qui se trouvait sur la tablette, s’écria Jack.

— Exact. Mais cette photo, je l’ai prise aujourd’hui, répondit-elle, très satisfaite. Apparemment, pour désigner les « Dieux », Abraham a utilisé la même représentation que les Sumériens : une étoile avec douze planètes autour, que, comme par hasard, j’ai trouvée gravée sur le couvercle du « récipient » que nous sommes en train de dégager.

— Ça pourrait aussi ne rien vouloir dire, commenta Jack. C’est peut-être juste une coïncidence. Le symbole pourrait avoir mille autres significations.

— Ah oui ? Et alors, c’est quoi ça, à ton avis ? et elle lui montra la dernière photo. Nous l’avons faite de l’extérieur du récipient avec nos appareils portables à rayons X.

Jack ne put s’empêcher d’écarquiller les yeux, stupéfié.

Vaisseau spatial Théos - Analyse des données

Pétri était encore plongé dans l’analyse de la sonde quand Atzakis, revenant dans la cabine, dit à l’intention de son ami :

— Ils nous donneront des nouvelles.

— Ce qui veut dire : débrouillez-vous tout seuls, commenta amèrement Pétri.

— Plus ou moins comme d’habitude, non ? répondit Atzakis, en tapant vigoureusement sur l’épaule de son compagnon de voyage.

— Qu’est-ce que tu peux me dire de ce tas de ferraille ?

— À part le fait qu’il a vraiment failli nous rayer le vernis de la coque extérieure, je peux te confirmer, avec une certitude absolue, qu’aucun message n’a été transmis par notre ami à trois pales. La sonde semblerait avoir été envoyée dans le seul but d’analyser et d’étudier les corps célestes. Une espèce de voyageur solitaire de l’espace, qui enregistre des données et les transmet régulièrement à sa base, et il montra le détail de l’antenne dans l’hologramme qui flottait dans la pièce.

— Nous lui sommes probablement passés trop vite à côté pour qu’il puisse avoir enregistré notre présence, hasarda Atzakis.

— Il n’y a pas que ça, mon vieux. Ses instruments de bord sont programmés pour analyser des objets à une distance de centaines de milliers de kilomètres et nous, nous sommes passés si près que, si nous n’étions pas dans le vide, le déplacement d’air le ferait encore tourner comme une toupie.

— Et maintenant que nous sommes plus loin, tu penses qu’il pourrait enregistrer notre présence ?

— Je ne crois pas. Nous sommes vraiment trop petits et trop rapides pour faire partie de ses « centres d’intérêts ».

— Bien, s’exclama Atzakis. Enfin une bonne nouvelle, me semble-t-il.

— J’ai essayé de faire une analyse de la méthode de transmission des données utilisée par la sonde, reprit Pétri. Il semble qu’elle ne soit pas équipée d’une technologie par « vortex de lumière » comme la nôtre, mais qu’elle utilise encore un vieux système de modulation de fréquence.

— Ce n’est pas celui qu’utilisaient nos prédécesseurs avant la Grande Révolution15 ? demanda Atzakis.

— Exact. Ça n’était pas très efficace, mais ça nous a quand même permis d’échanger pendant très longtemps des informations sur toute la planète, et ça a contribué à nous faire arriver là où nous en sommes maintenant.

Назад Дальше