Vous avez un désir, un rêve ?
Je voudrais que les Ãtats-Unis dâEurope existent déjà .
Pourquoi ?
Parce quâil est désormais clair que dans lâéconomie mondialisée les petits pays ne peuvent plus compter. Il faut un organisme qui les représente vis-à -vis du reste du monde, des marchés futurs, en préservant leur identité culturelle. Il faut avoir une représentation économique groupée, une union commerciale pour survivre, et surtout pour être compétitif avec ces pays où la main-dâÅuvre ne coûte pas cher. Et puis casser cette vision du monde en deux modèles, celui de lâEurope blanche, historique, et celui des pays pauvres quâon peut exploiter. Il faut célébrer les différences entre les gens de tous les pays, et pas chercher à les rendre tous pareils.
3
Claudia Schiffer
La plus belle de toutes
Elle a été la plus belle du monde, la plus payée, et, tout compte fait, la plus sévèrement punie. « Je suis la seule dont on nâa jamais vu la poitrine » avait-t-elle déclaré fièrement. Même son mirobolant contrat avec Revlon lui interdisait de se montrer sans voiles.
Du moins jusquâà ce que deux photographes espagnols de lâAgence Korpa ne fassent tomber ce dernier rempart, et que le monde puisse admirer au grand jour la poitrine parfaite de la mythique Claudia Schiffer. Ces photos firent le tour du monde et la presse internationale se fit largement lâécho de cet événement . Il nây eut que lâhebdomadaire allemand Bunte pour la mettre en couverture habillée. Pour mieux lui consacrer, hypocritement, de nombreuses pages intérieures avec les photos poitrine dénudée. Et la nouvelle Bardot protesta, furieuse, promettant des plaintes et des demandes de dommages et intérêts astronomiques.
Grâce à certains contacts privilégiés dans le monde de la mode, je décidai de cueillir au vol cette vague dâintérêt provoquée par les âphotos-scandaleâ pour essayer de lâinterviewer pour lâhebdomadaire Panorama . Ce fut très difficile : coups de fil innombrables, puis longues négociations avec son agente, qui bloquait toute tentative dâapproche journalistique. Mais ma persévérance paya, et, en août 1993, jâobtins enfin le rendez-vous : Claudia était en vacances avec sa famille, aux Baléares, et il fallait donc que je mây rende pour lâinterview.
Il sâagissait dâun authentique scoop , une interview absolument exclusive : la belle Claudia nâavait jamais accordé dâinterview à la presse italienne et, surtout, aucun journaliste nâavais jamais mis les pieds dans lâintimité familiale de sa résidence secondaire. à lâendroit où les photos-scandale avaient été prises, qui plus est, sur lâîle de Majorque, à Puerto de Andratx, une discrète petite baie au sud de Palma où la famille Schiffer possédait depuis des années une maison de vacances.
Cette année-là , Claudia avait une raison supplémentaire dâaller sây reposer. Elle venait juste de finir de jouer son propre rôle dans un long film documentaire consacré à sa vie : AroundClaudia Schiffer, de Daniel Ziskind, ex-assistant de Claude Lelouch, tourné en France, en Allemagne et aux Ãtats-Unis. Le tournage sâachevait à peine et les télévisions du monde entier se battaient déjà pour en acheter les droits.
Peu avant de partir, en discutant avec un de mes proches amis de lâépoque, plutôt à lâaise , issu dâune famille propriétaire dâune célèbre société qui produit des outils professionnels, je laissai échapper (je me suis peut-être un peu vanté...) que jâallais partir à Palma de Mallorca pour la rencontrer. Sur quoi mon ami me dit de ne pas réserver dâhôtel : « Mon yacht est amarré là » (un magnifique voilier de trente-deux mètres) me dit-il aussitôt. « Il y a cinq marins à bord, plus le cuisinier, qui sont payés à ne rien faire, dans le port de Palma. Vas-y toi, comme ça ils travailleront un peu ! Et tant que tu y es, fais-toi amener à Puerto de Andratx en bateau, comme ça tu fais une belle croisière par la même occasion !»
Je ne me le fis pas répéter deux fois, et câest ainsi que le jour convenu pour lâinterview je débarquai dans le petit port, à deux heures de mer de Palma, en sautant du voilier de mon ami. Après avoir salué les marins, je me rendis au Cafè de la Vista, en face du môle encombré de yachts, le lieu convenu pour le rendez-vous, prévu à trois heures et demi.
A coup sûr lâentrée en scène la plus spectaculaire dont ait jamais bénéficié un journaliste pour une interview !
*****
Une Audi 100 immatriculée à Düsseldorf arrive, légèrement en avance : ce sont eux. Devant, deux hommes, à lâarrière, Aline Soulier, son inséparable agente. Une petite déception : où est-elle ? Ãa nâest quâun instant. Un nuage blond apparaît derrière Aline et se penche en avant sur le siège. « Ciao, Claudia » dit-elle ; elle me tend la main, et sourit. Un charme qui étourdit, quelque part entre Lolita et la Madone.
Aucun dâeux ne descend de voiture. « Les paparazzis sont partout » murmure son agente pendant le rapide trajet vers la maison, une villa basse, couleur brique, à un étage. En me précédant, Claudia tient à préciser que jusquâà ce jour, aucun journaliste nâétait jamais entré chez les Schiffer, puis elle fait les présentations : « Mon petit frère, ma sÅur Caroline, ma mère ». Une dame très distinguée, très Allemande, les cheveux blonds courts, qui dépasse le mètre quatre-vingt-un de sa fille. Seul le père manque à lâappel ; avocat à Düsseldorf, il est le véritable metteur en scène et artisan, dans lâombre, du succès de sa fille, disent les gens bien informés. Est-ce à lui que lâon doit la création dâun tel mythe de la beauté ?
Tout a commencé dans une discothèque de Düsseldorfâ¦
Jâétais très jeune. Un soir, le propriétaire de lâagence Metropolitan sâest approché de moi, et il mâa demandé de travailler pour luiâ¦
Tout a commencé dans une discothèque de Düsseldorfâ¦
Jâétais très jeune. Un soir, le propriétaire de lâagence Metropolitan sâest approché de moi, et il mâa demandé de travailler pour luiâ¦
Quelle a été votre réaction ?
« Si câest du sérieux » ai-je répondu « va en parler demain avec mes parents ». Vous savez, il y a tellement de techniques de drague en discothèque, ça pouvait en être une, et pas spécialement nouvelleâ¦
Vous êtes très liée à votre famille ?
Ãnormément. Câest une famille qui a les pieds sur terre. Mon père est avocat et ma mère lâaide pour lâadministratif. Ils ne se sont pas laissés impressionner par mon succès. Ils sont difficiles à étonner. Ils sont très fiers de moi, ça oui, mais pour eux ce nâest rien dâautre que mon métier, et ils attendent de moi que je le fasse le mieux possible.
Et vos frères et sÅurs, ils ne sont pas jaloux ?
Mais non ! Ils sont fiers de moi, au contraire. Et surtout mon petit frère, qui a douze ans. Jâai une sÅur de dix-neuf ans qui va à lâuniversité, il nây a donc aucune rivalité entre elle et moi. Et puis jâai un frère de vingt ans : un ami.
Vous venez toujours à Majorque avec eux, pour les vacances ?
Depuis que je suis toute petite. Jâadore cet endroit.
Mais maintenant que vous êtes grande, on dirait que vous avez du mal à vous promener par iciâ¦
Effectivement, il y a des paparazzis partout, dans les arbres⦠câest gênant. Chacun de mes mouvements est observé, étudié, photographié⦠De ce point de vue ce nâest pas vraiment des vacances ! (Elle rit ).
Câest le prix de la célébritéâ¦
Eh oui, câest exactement ça. Mais je fais souvent faire du bateau avec maman, et mes frères et sÅur. En mer, je me sens tranquille.
Tout à fait tranquille ?
Ah, pour les photos en topless ? Je ne comprends vraiment pas comment ils ont pu faire. Jâétais en bateau avec maman et ma sÅur Carolina. On était amarrés pour prendre le soleil. Il y avait aussi Peter Gabriel, qui est un ami procheâ¦
On lâa vuâ¦
Oui, câest vrai. Il est sur ces photos, lui aussi. De toute façon je préfère ne pas en parler... Et puis jâai engagé des avocats pour les dommages et intérêtsâ¦
On dit que vous voudriez être actrice.
Jâaimerais essayer, câest tout. On me propose des scénarios, et plus jâen lis, plus jâai envie de tenter. En ce moment, jâai envie de faire un film. Très envie.
Mais nous ne jouerez pas pour Robert Altman, lâan prochain, dans âPrêt-à -porterâ, consacré au monde de la mode ?
Câest vraiment incroyable. La presse du monde entier continue à en parler, mais ce nâest absolument pas vrai. Et puis je ne voudrais pas faire un film dans lequel je joue encore mon propre rôle.
Si vous deviez choisir entre top model et actrice ?
Top model, ça ne dure pas toute la vie. Câest un métier pour les filles très jeunes, quâon fait peu de temps, comme jouer au tennis, ou nager⦠Il faut en profiter tant quâon peut, en somme. Ensuite, jâaimerais retourner à lâuniversité et faire des études dâhistoire de lâart.
Vous avez toujours dit vouloir préserver votre vie privée à tout prix. Ce nâest pas contradictoire de tourner ce film sur votre vie, chez vous, chez vos parents ?
Je ne pense pas. Les moments vraiment privés le sont restés. On ne voit dans le film que ce que jâai volontairement décidé de montrer au public : ma famille, mes amis, mes vacances, mes hobbys⦠Les choses que jâaime, en somme. Et puis les voyages, les défilés, les photographes avec lesquels je travaille, les agences de presseâ¦
Vous vivez entre Paris et Monte-Carlo ?
En fait jâhabite à Monte-Carlo, et je ne rate jamais lâoccasion dây retourner quand je ne travaille pas : les week-ends, par exemple.
Vous voyagez toujours avec votre agente ?
Normalement non. Jâai besoin dâelle quand je dois travailler dans des pays que je ne connais pas. Argentine, Japon, Australie ou Afrique du Sud. Dans ces cas-là , il y a énormément de fans, et puis des journalistes, des paparazzisâ¦
Câest pénible, tous ces voyages ?
Non, parce que jâadore lire, et avec un livre le temps passe toujours, même en avion. Et puis câest un travail, pas des vacances !
Quel genre de livres lisez-vous ?
Surtout des livres dâart. Ce que je préfère, câest lâimpressionnisme et le Pop art. Jâaime aussi beaucoup lâhistoire, les biographies des grands hommes. Jâai lu celle de Christophe Colomb. Incroyable !
On a dit de vous que vous êtes mi-Brigitte Bardot et mi-Romy Schneider-Sissi. Vous vous reconnaissez dans ces deux modèles ?
Oui. Mais pas tellement pour le physique. Jâai plutôt lâimpression dâavoir certains traits de caractère en commun avec elles, un style de vie⦠Je trouve Bardot extraordinaire, en plus dâêtre très belle : quel caractère ! Et puis jâai une sorte dâadoration pour Romy Schneider. Jâai vu tous ses films, et quand elle est morte, ça a été terrible. Une telle malchance dans une vieâ¦
Si on excepte les malheurs, vous voudriez être la nouvelle Romy Schneider ?
Encore un beau compliment ! Ressembler à une telle, à une autre, ou encore à telle autre belle femme. Ce sont de très beaux compliments, tout ça, mais je veux surtout être moi-même. Je fais tout pour être moi-même.
Quâest-ce que vous vouliez faire, quand vous étiez petite ?
Je ne pensais absolument pas à devenir top model. Jâaurais voulu être avocate.
Comme votre père ?