Entretiens Du Siècle Court - Marco Lupis 5 стр.


Si on excepte les malheurs, vous voudriez être la nouvelle Romy Schneider ?

Encore un beau compliment ! Ressembler à une telle, à une autre, ou encore à telle autre belle femme. Ce sont de très beaux compliments, tout ça, mais je veux surtout être moi-même. Je fais tout pour être moi-même.

Qu’est-ce que vous vouliez faire, quand vous étiez petite ?

Je ne pensais absolument pas à devenir top model. J’aurais voulu être avocate.

Comme votre père ?

Oui, j’aurais volontiers travaillé dans son étude. Et puis tous mes projets ont sauté. Quand je me suis rendue compte de la chance que j’ai eue, j’ai décidé de renoncer.

On dirait que votre histoire est une fable des années quatre-vingt-dix. Et les moments difficiles ?

Il y en a, bien sûr. Mais je me sens toujours à ma place, par exemple.

Quel est votre secret ?

Beaucoup de discipline. Et puis la capacité à être avec les autres. J’aime être avec les gens. J’aime répondre rapidement aux tirs croisés des journalistes, pendant les conférences de presse. C’est comme un défi. Je n’ai pas peur, voilà.

Ce n’est qu’une question de discipline ?

Il faut aussi beaucoup d’équilibre. Pour ça, l’éducation que j’ai reçue est fondamentale : ça m’a beaucoup aidée. Elle a forgé mon caractère en me donnant sécurité, pragmatisme et équilibre. Elle m’a habituée à ne pas perdre le contrôle de la situation dans les moments les plus compliqués. Si aujourd’hui je peux parler en public sans timidité, par exemple, tout le mérite en revient à mes parents.

D’après les médias, vos amours naissent et changent rapidement, Albert de Monaco aujourd’hui, Julio Boca [6] demain. Qui est la vraie Claudia ?

La vraie Claudia est une jeune femme qui a beaucoup d’amis. Le prince Albert est l’un d’entre eux, Julio Boca en est un autre. Mais il y a aussi Placido Domingo ou Peter Gabriel, et beaucoup d’autres personnalités. Dès que je suis photographiée avec l’un d’entre eux, la presse du monde entier nous transforme instantanément en fiancés ! Mais ce n’est pas vrai.

Mais, dans votre vie future, il y a un fiancé, un mari, des enfants ?

Je suis tout à fait disposée à tomber amoureuse, et même vite. Mais pour l’instant je n’ai aucun compagnon, pour la simple raison que je ne suis amoureuse de personne.

Que regardez-vous le d’abord chez un homme ?

Je n’ai pas d’idéal esthétique. La première chose que je regarde, c’est le caractère, et surtout le sens de l’humour. Je demande à un homme d’avoir du charme, de me conquérir par son intelligence, par son esprit, en somme. Qu’il sache ce qu’est l’humour et qu’il puisse me l’apprendre. Si on ne peut pas rire, dans la vie…

C’est difficile, d’être votre fiancé…

Tous les compagnons des personnes célèbres doivent avoir un caractère fort. Moi, j’aime les hommes de caractère, mais il faut aussi qu’ils soient sensibles. Pour se promener avec moi, il faut supporter le vacarme, les intrusions, les ragots, les journalistes…

Vous ressentez de la culpabilité ?

C’est-à-dire ?

Eh bien, il me semble que vous avez tout : beauté, célébrité, richesse…

Je sais que j’ai de la chance, ça oui, et je remercie Dieu et mes parents qui m’ont fait naître comme ça. C’est pour ça que quand je peux, j’essaie de faire quelque chose d’utile, de social.

Mais dans la mode, il n’y a pas que des bons sentiments. Il y a aussi la drogue, l’alcool, les rivalités…

La drogue et l’alcool ne m’intéressent pas. Les jalousies, si, par contre, mais je ne les comprends pas. Les tops ont des physiques, des caractères et des mentalités tellement différents que, pour moi, chacune a sa place. Et puis ce n’est pas la peine d’être très belle. Chaque femme a quelque chose de beau. Il faut juste le mettre en valeur.

Que faut-il pour percer ?

Du caractère, surtout, parce qu’il y a plein de belles femmes, dans le monde. Et puis avoir une formation, une personnalité, et de la discipline.

Discipline alimentaire, aussi ?

Pas trop. Je ne fume pas et je ne bois pas d’alcool, mais c’est seulement parce que je n’aime pas ça. Je ne mange pas beaucoup de viande parce que je crois que ce n’est pas bon pour la santé, et je fais attention aux graisses. Mais j’adore le chocolat… Ah ! Et le Fanta, bien sûr ! (Elle rit ).

Quel rapport avez-vous à l’argent ?

Ce n’est pas le plus important, mais il me permettra, plus tard, de faire ce que j’ai envie. L’argent, c’est la liberté.

Que signifie le mot sexe, pour vous ?

Pour moi ? (Elle est vraiment étonnée ).

Oui, pour vous.

Eh bien, c’est quelque chose qui se passe naturellement entre deux personnes amoureuses l’une de l’autre. Rien d’autre.

Vous pensez avoir une grande force érotique, ou sensuelle, plutôt ?

Absolument.

Absolument pas ?

Si, absolument !

4

Gong Li

Éclair de lune

Début 1996, je venais de prendre mes fonctions de correspondant en Extrême Orient et, avec d’autres journalistes, je fréquentais John Colmey, le collègue du Time à Hong Kong. John me mit en relation avec la manager de la superbe actrice chinoise Gong Li, de qui j’obtins une interview exclusive pour Panorama , sur le plateau du film qu’elle tournait, près de Shanghai.

*****

À Suzhou, sur les rives du Lac Tai, cent kilomètres à l’ouest de Shangai, Chen Kaige s’apprêt à tourner l’une des dernières scènes de son film Temptress Moon , très attendu trois ans après le succès mondial d’ Adieu ma concubine. Ses assistants courent entre les plus de deux cents figurants en costume années vingt qui ont envahi le môle du port. Les femmes portent le traditionnel cheongsam de soie, des gentilshommes lisent, assis sur un palanquin, et, à l’arrière-plan, des dockers chargent des marchandises sur un vapeur. On tourne une grande scène d’adieu : Gong Li, Ruyi dans le film, belle et capricieuse héritière d’une richissime famille de Shangai dans laquelle on se livre à des incestes, des rites opiacés et des trahisons croisées, va partir pour Pékin avec son fiancé Zhongliang : Leslie Cheung, l'acteur de Hong Kong qui était déjà à ses côtés pour Adieu ma concubine .

Sur le quai, il y a son ami d’enfance Duanwu (interprété par la nouvelle promesse du cinéma taïwanais Kevin Lin), qui, depuis toujours, aime secrètement Ruyi : « Tu dois penser : c’est la dernière fois que je la vois, la dernière fois ! On doit le lire sur ton visage, c’est ça que je veux voir !» lui recommande Chen Kaige, quarante-six ans, veste de cuir et jean noir. « Bien... Yu-bei ... (prêts,ndr ) ... Action !». Quand Kevin Lin se tourne et regarde partir le vapeur, on lit la douleur dans ses yeux. « Ok ! » crie Kaige, satisfait. C’est le dernier clap de la journée.

Après avoir passé plus de deux ans à réécrire le scénario, Kaige travaille dur pour que son film soit prêt pour le rendez-vous de Cannes, en mai. Numéro un du cinéma chinois des années quatre-vingt-dix, enfant de la balle (son père, Chen Huai’ai, était un monument du cinéma d’après-guerre) Chen Kaige est connu pour obtenir le maximum de ses acteurs, mettant parfois leur patience à dure épreuve. Et celle du gouvernement chinois également, qui, pendant des années, a interdit, coupé et censuré ses films, avant de devoir finalement lui reconnaître la stature d’un maître du cinéma contemporain.

Ce nouveau film, Temptress Moon, qui a pour l’instant coûté six millions de dollars, est d’une certaine façon le symbole de la situation actuelle du cinéma chinois, oscillant entre libéralisme et répression, diffusé sur les marchés internationaux, mais les pieds bien plantés dans son sol natal ; cosmopolite et chauvin à la fois. Et on croirait que le tournage du film est une version miniature de la Chine contemporaine.

Les protagonistes sont la fine fleur de ce que proposent, à l’heure actuelle, « les trois Chines » : Hong Kong (Leslie Cheung), Taïwan (Kevin Lin) et la Chine populaire (Gong Li). Le réalisateur est un intellectuel de Pékin, et la productrice, Hsu Feng, une ex-star du cinéma taïwanais, mariée à un homme d’affaires de Hong Kong, où dans les années soixante-dix, elle avait fondé Tomson Film. C’est justement elle qui, il y a huit ans, a convaincu Kaige de porter à l’écran la nouvelle de Lilian Lee, Adieu ma concubine ).

Mais si la nouvelle œuvre de Kaige suscite de grandes attentes, celles du public et de la critique sont encore plus fortes à l’égard de la performance d’actrice de l’incontestable star du film, Gong Li. Âgée de trente et un ans, l’actrice est sans aucun doute la Chinoise la plus connue au monde. À son actif, des films tels que Le sorgho rouge (1987), Épouses et concubines (1991) et Adieu ma concubine (1993). Et une longue histoire d’amour, qui vient de s’achever, avec Zhang Yimou, son compagnon pendant huit ans, le réalisateur qui a fait d’elle une star mondiale et avec lequel elle a tourné un dernier film l’année passée, Shanghai triad .

Mais le succès rencontré auprès du public occidental n’a pas empêché Gong Li de rester Chinoise à cent pour cent.

À la fin de sa journée sur le plateau, elle a accepté de se raconter dans cette interview exclusive pour Panorama .

C’est un autre grand film, mais c’est un autre film historique, qui parle de la Chine des années vingt et pas des événements historiques récents…

Je crois que c’est lié au fait que la Chine n’a ouvert que très récemment ses portes au reste du monde. Depuis, le cinéma aussi a bénéficié chez nous d’une plus grande ouverture stylistique et culturelle. La censure a certainement joué pendant des années un rôle décisif dans le choix des thèmes et dans le destin de notre cinéma. Mais il y a aussi une autre raison, plus artistique, si l’on peut dire : de nombreux réalisateurs chinois pensent qu’il est bon de faire des films sur les événements datant d’avant la Révolution culturelle. C’est une façon de réhabiliter ces événements et ce passé. Et peut-être pensent-ils qu’il est encore trop tôt pour porter à l’écran, à l’intention du public international, des épisodes récents qui sont encore trop frais et douloureux dans la mémoire collective.

Vous êtes la femme chinoise la plus populaire au monde. Sentez-vous la responsabilité de ce rôle d’ambassadrice ?

Le terme d’ambassadrice m’intimide un peu… je trouve que c’est un titre trop lourd pour moi. Disons qu’à travers mes films je me sens plutôt comme un pont entre notre culture et celles de l’Occident. Ça oui : parce que je pense qu’en effet on ne connaît pas grand chose de la réalité de la Chine contemporaine, chez vous. Et si un de mes films pouvait servir à faire comprendre un peu mieux notre vie, notre peuple, nous tous, alors je me sentirais vraiment fière.

Ces derniers temps, cependant, l’image de la Chine n’est pas des meilleures dans le monde : exécutions de masses, orphelinats de la mort… Tout cela correspond à la réalité ?

La Chine a de nombreux problèmes, c’est sûr. Surtout si l’on ne prend en compte que les événements négatifs, en oubliant le positif. Si on ne connaît d’un pays que les tortures, il est clair qu’on en a une image incomplète. Mon pays est grand, nous sommes plus d’un milliard de personnes, et il y a donc des différences énormes à l’intérieur de la Chine. Et ce n’est pas facile d’émettre des jugements.

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