La Cité Ravagée - Scott Kaelen 13 стр.


Oriken hocha la tête et regarda Dagra. "Ça ressemblait à quoi ?"

Dagra était perplexe. Il décrivit la créature du mieux qu'il put mais ni Oriken, ni Jalis ne purent s'en faire une idée précise.

"Nous allons devoir être plus vigilants." Jalis prit deux feuilles de plus de la pochette et dit à Dagra : "Bravo de l'avoir vue à temps. On ignore l'étendue du mal que ça a pu causer à Oriken pendant son sommeil. J'imagine que la sécrétion contenait un anesthésique."

Oriken pâlit pendant que Jalis continuait d'appliquer les feuilles de népenthès sur ses plaies. "Je te revaudrai ça, Dag. Écoute, je m'excuse de t'avoir crié dessus."

Dagra bougonna. "Oublie ça. Retourne te coucher. Je vais monter une autre garde et je te réveille dans deux heures. Je veux faire une rapide surveillance aux alentours de toutes façons. Si j'attrape cette chose, je la mets en pièces."

"Merci," dit Oriken. "Je doute de pouvoir me rendormir pourtant."

"Reste éveillé alors," proposa Jalis. "Mais repose-toi. Si tu te sens bizarre, appelle Dag ou réveille-moi." Elle jeta un coup d'œil à son bras. "Comment va cette blessure que tu as eue avec le cravant ?"

Oriken serra et desserra son poing. "Beaucoup mieux." Il fouilla dans le fond de son sac et en sortit sa veste en peau de nargut doublé de fourrure et l'enfila. Tout en fermant la rangée d'agrafes sur le devant de sa veste, il regarda Dagra et Jalis, tour à tour. "Eh, ça va, je ne veux plus courir aucun risque." Il s'allongea et posa son chapeau sur sa poitrine.

Jalis retourna s'enrouler dans sa couverture et, en moins d'une minute, se rendormit. Oriken croisa les bras derrière la tête et fit un signe de tête en direction de Dagra. Après avoir rengainé son glaive et vérifié que l'arbalète était chargée, Dagra partit faire sa patrouille.

Des cadavres, des cravants, des hommes sauvages et des trucs bizarres blancs et gélatineux, pensa-t-il. Et au matin, sans doute les esprits de gens morts depuis longtemps. Il envoya rapidement une autre prière aux dieux et aux prophètes pour que demain ne soit pas une épreuve supplémentaire. Il s'agissait maintenant d'attendre si, et comment, ils répondraient à ses prières.

Chapitre Huit

Observateurs du Bout du Monde


Oriken mâchonnait un coriace bout de viande séchée tout en suivant les plaies de son abdomen du bout d'un doigt. Le népenthès avait fait son travail. La peau était à vif mais elle cicatrisait, des croûtes avaient commencé à apparaître et, à la fin de son tour de garde, l'engourdissement avait diminué. Il prit l'un des trois œufs de caille bouillis dans la coupe qu'il gardait près du feu et l'écala. Il regarda le petit œuf d'un air maussade. C'était tout ce qu'il avait pu trouver la veille, bien qu'il eut poursuivi le cri de l'insaisissable caille. Leurs dernières provisions de viande salée, un petit œuf chacun et un bol de baies des marécages, c'était là tout leur petit-déjeuner. Il goba l'œuf et l'avala en quelques secondes.

"Moi, je vous le dis," annonça-t-il, "si on trouve l'un de ces cravants dans la cité, je m'en avale un."

Dagra fit une grimace.

"Bah quoi, qui sait quand on aura un autre repas digne de ce nom ? Je suis juste... innovateur."

"Si j'étais toi, je m'en abstiendrais," dit Jalis.

"De quoi, d'être innovateur ?"

Jalis lui lança un regard sarcastique. "La chair de cravant est plus coriace que le cuir, à moins de la faire mijoter une journée entière."

Dagra essuya ses mains sur son pantalon et se leva. "Ne me dis pas que tu sais ça d'expérience."

"Eh bien, en fait, si." Pendant un moment, Jalis parut perdue dans ses pensées. "C'est quelque chose de rare à Sardaya, du moins quand jétais petite fille. Les cravants volants étaient un vrai fléau les fois où ils descendaient des montagnes. Mon père prenait souvent part à la chasse mensuelle et, parfois, il apportait un jarret de cravant que les bonnes faisaient mijoter." Elle regarda Oriken. "Mais nous n'en trouverons pas dans la cité parce que nous n'y allons pas. Ça n'est pas nécessaire. Pendant mon tour de garde, j'ai étudié la carte que Cela a donnée à Maros. Les Jardins Funéraires sont directement au-delà du portail. Nous n'avons donc pas besoin d'entrer dans Lachyla."

"Hmm." Oriken saisit son ceinturon posé au sol et se leva. "C'est vraiment dommage. J'étais impatient d'aller faire un tour à l'intérieur."

Dagra soupira. "Bien sûr que tu l'étais."

"On en reparlera plus tard." Jalis se redressa elle aussi et frappa dans ses mains. "Avant tout, les garçons, je crois que nous avons un joyau à trouver."

Le mur d'enceinte s'élevait au-dessus d'eux, aussi solide que le temps lui-même, à part quelques moellons effrités et quelques morceaux de mortier cassé au pied du mur. Oriken se sentait petit et insignifiant devant ces vieilles pierres imposantes.

"S'il y avait des archers sur ces créneaux," dit-il, "il n'y aurait aucun moyen daccéder à l'intérieur, pas même avec une armée, et encore moins un trio de sabreurs."

"Heureusement qu'on a le grappin," dit Jalis.

"Et qu'il n'y a personne d'autre," réplique Oriken. "N'est-ce pas, Dag ?"

"J'espère," dit Dagra sourdement.

Oriken remarqua le long du mur les restes d'une corde qui pendait depuis les remparts crénelés. "Y a pas quelque chose qui vous dérange, vous deux ?"

Jalis fronça les sourcils en regardant la corde usée.

"Ça a l'air très vieux," dit Dagra.

Oriken hocha la tête. "Mais je ne crois pas que ça date du fléau. Et si ce que je dis est vrai, ça veut dire que nous ne sommes pas les premiers à nous être aventurés ici depuis que les cartes ont marqué ce territoire de la tête de mort.

Il porta son attention vers la herse abaissée dont les pointes étaient plantées dans la poussière entre les dalles fendillées. Les barres de fer rouillées étaient chacune aussi épaisse que son poignet. Il avança pour jeter un œil au travers et regarda au-delà, bouche bée.

"Le mot mort prend tout son sens..." murmura-t-il.

Jalis était à ses côtés. "Oh...," murmura-t-elle, puis elle recula d'un pas. "Eh bien, Orik. À toi l'honneur ?"

Avec un sourire, il se débarrassa de son sac. Il en sortit un long rouleau de corde dont lune des extrémités était attachée à un lourd grappin.

"Reculez," dit-il. Il enroula la corde autour de son bras et s'avança vers le mur. Il bloqua l'extrémité libre de la corde sous son pied, jaugea la hauteur du rempart et fit osciller le crochet à l'autre extrémité de la corde. Puis, il lâcha la corde et le crochet s'éleva dans les airs, passa au-dessus, puis au-delà du mur et, dans un mouvement d'arc, redescendit et accrocha un rebord sur la passerelle qui longeait le haut du rempart. Il tira sur la corde pour tester l'ancrage du grappin puis il remit son sac à dos sur ses épaules.

"Honneur aux dames ?" dit-il à Jalis.

"Ah, merci, sios. Très aimable à toi." Elle empoigna la corde, s'élança avec agilité et commença à grimper.

Oriken surveillait son ascension jusqu'à ce qu'elle ait atteint le sommet. Puis, il se tourna vers Dagra. "Après toi."

Dagra ne dit pas un mot. Le visage crispé, il suivit le mur du regard. Il saisit son pendentif Avato et le pressa contre ses lèvres avant d'empoigner la corde à son tour. Il commença à se hisser, ses bottes trouvant à s'agripper dans les irrégularités des pierres. Oriken l'entendait grogner sous l'effet de l'effort, puis Dagra parvint à se hisser jusqu'aux créneaux.

"Honneur aux dames ?" dit-il à Jalis.

"Ah, merci, sios. Très aimable à toi." Elle empoigna la corde, s'élança avec agilité et commença à grimper.

Oriken surveillait son ascension jusqu'à ce qu'elle ait atteint le sommet. Puis, il se tourna vers Dagra. "Après toi."

Dagra ne dit pas un mot. Le visage crispé, il suivit le mur du regard. Il saisit son pendentif Avato et le pressa contre ses lèvres avant d'empoigner la corde à son tour. Il commença à se hisser, ses bottes trouvant à s'agripper dans les irrégularités des pierres. Oriken l'entendait grogner sous l'effet de l'effort, puis Dagra parvint à se hisser jusqu'aux créneaux.

Vers son sommet, le mur avait une légère inclinaison mais cela n'en facilitait pas moins son ascension. Avec ses longs membres et le poids de son bardas, les muscles des épaules d'Oriken étaient au supplice quand il atteignit enfin le sommet. De la sueur dégoulinait le long de son visage pendant qu'il se rétablissait à travers les créneaux. Sans observer de pause, il tira la corde et l'enroula sur elle-même.

Dagra était accroupi près de lui, le regard troublé.

"Eh," lui dit Oriken, "on finira ce travail. Nous sommes des sabreurs. C'est notre vocation."

Après avoir rangé la corde et le crochet dans son sac, Oriken se redressa et, pour la première fois, il étudia le paysage des Jardins Funéraires et de la cité de Lachyla au-delà, puis il comprit pourquoi Dagra avait l'air préoccupé. Il se frotta la barbe tout en regardant les innombrables rangées de pierres tombales alignées dans le vaste périmètre du cimetière. Des vases d'argile fissurés étaient debout ou couchés près de leurs plaques funéraires. Des statues de pierre partiellement effondrées parsemaient le sinistre paysage, certaines avec leurs bras et leurs têtes rassemblées à leur pied. Les statues de bronze, érigées telles des sentinelles à côté de portes de cryptes sophistiquées, étaient plus rares. Des silhouettes d'arbres sans feuilles qui, à cette époque de l'année devaient être en pleine floraison, projetaient leurs ombres, telles des doigts s'agrippant au sol. Tout était recouvert du poids des siècles.

"Tu as perdu ta langue ?" demanda Jalis.

"Pour une fois, oui," avoua-t-il.

Le terrain planté de tombes descendait puis remontait dans le lointain vers une muraille qui enfermait les morts dans un grand rectangle de pierre. Les remparts au loin paraissaient petits de là où ils se trouvaient, mais le large couloir central qui traversait le cimetière se déroulait jusqu'à une deuxième herse au milieu de la muraille.

Le Litchgate, le Portail des Morts-Vivants. Oriken se rappela avoir entendu ce nom dans les contes.

Aussi lugubres que les Jardins Funéraires puissent être, la cité au-delà était complètement différente. Des murs lourdement fortifiés ceignaient l'ensemble de la cité. Les bâtiments les plus proches étaient cachés derrière la muraille du cimetière mais, au fur et à mesure que le terrain remontait au-delà de la herse, on apercevait une artère principale qui se faufilait entre des rangées de constructions en dôme, obliques et crénelées, vers une sinistre forteresse. La masse du château dominait la cité, juché au sommet d'une basse colline comme une redoutable sentinelle, prête à bondir au moindre signe d'intrusion.

"Et nous y voilà," murmura Oriken. "Bonjour, Château de Lachyla."

"Pas le plus accueillant des endroits, hein ?" dit Jalis.

"Difficile de croire que ça ne fait pas partie des endroits quil faut absolument visiter à Himaera." Oriken jeta un œil en direction de Dagra. "Et toi qui trouvais la Citadelle Valekha minable."

"Ah mais, ça l'était." Le visage de Dagra était un masque de stoïcisme.

Le pied de la colline sur laquelle trônait le château était planté d'une myriade de constructions, plus petites que le château, mais de tailles imposantes, rassemblées telles des fidèles autour d'un sanctuaire. À mesure que l'on s'éloignait du cœur de la cité, les constructions devenaient moins hautes, plus petites et avaient l'air moins majestueux. Les flèches et les toits en coupole avaient peut-être été jolis dans une cité vibrante de vie mais aujourd'hui, ils n'étaient plus que les fantômes d'une grandeur passée ; des traces du fléau, sorties tout droit de la terre elle-même. Oriken devait l'admette, Lachyla était sans doute l'endroit le plus lugubre qu'il ait jamais vu.

De l'endroit où il se trouvait, des nappes brumeuses d'océan scintillaient à l'est et à l'ouest, rappelant que Lachyla était construite sur une péninsule effilée. Il pouvait imaginer les falaises escarpées, au-delà des murs de défense, donnant sur les profondeurs tumultueuses de l'Océan Echilan inexploré.

Le bout du monde, pensa-t-il, se rappelant une fois de plus comment Dagra et lui s'étaient agrippés aux flancs abrupts du Mont Sentinelle et avait contemplé l'océan.

Il se retourna au bruit des pas de Jalis et Dagra qui marchaient le long des créneaux en direction d'une tour de treuil. Ramassant ses affaires, il courut les rattraper. Le toit de la tour, fait de chêne, s'était déformé avec le passage du temps et des intempéries, mais il semblait encore intact. Au-dessous se trouvait le mécanisme du treuil avec, sur le côté, une longue poignée en fer. L'extrémité de la chaîne disparaissait à travers un trou dans le sol de pierre au-dessus du côté de la herse.

"Ça n'a pas l'air trop rouillé," remarqua Jalis. "En repartant, on essaiera le mécanisme ; s'il marche, ça nous évitera d'avoir à descendre le long du mur et risquer de laisser le grappin derrière nous s'il est coincé."

Oriken empoigna le manche de ses deux mains, banda ses muscles et pesa dessus de son poids. Il y eut du mouvement, la chaîne s'enroula autour de la bobine avec le clink-clink-clink sourd des maillons qui s'entrechoquaient, suivi du grincement de la herse qui semblait protester contre le réveil de son long sommeil.

"Je pense qu'on arrivera à l'ouvrir," dit-il en époussetant ses mains sur son pantalon.

Depuis la tour du treuil, une volée de marches en pierre menait vers le cimetière. Oriken suivit Jalis vers le terrain aride, Dagra sur ses talons. Ils traversèrent en direction des ruines de l'Allée des Morts-Vivants et se tinrent devant la herse. Oriken jeta un coup d'œil à travers les barres de fer vers la lande au-delà des murs et, pendant un court instant, il se sentit prisonnier, comme piégé dans les filets des mots du Tisseur de Contes, transporté dans un temps qui aurait peut-être dû rester enfermé dans les paroles de contes anciens. Repoussant cette pensée, il vit Jalis sortir de la poche de ses jambières un vieux parchemin jauni par le temps et qu'elle se mit à étudier.

"Regardez là," dit-elle. Les hommes se rassemblèrent. Du bout d'un ongle, elle traça une ligne vers le nord jusqu'à point situé aux trois-quarts du chemin. "Ça devrait être assez simple. On suit le chemin principal jusqu'à ce point." Elle dessina du doigt une ligne vers la droite et pointa jusqu'à un X tracé par leur cliente. "Puis, on va vers la droite et, on y sera."

"Sans cette carte," dit Dagra avec une expression sombre, "nous aurions passé ce cimetière au peigne fin."

"Eh bien, nous irons remercier Cela à notre retour." Jalis fit signe d'avancer. "Pour l'instant, notre prix nous attend."

Oriken lui pressa doucement l'épaule, puis partit en direction de la voie centrale. Jalis et Dagra lui emboîtèrent le pas à ses côtés. Alors qu'ils avançaient, une impression s'infiltra dans son esprit et il ouvrit ses sens à ce qui l'entoura.

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