Le Ciel De Nadira - Giovanni Mongiovì 2 стр.


Mais cela après avoir frappé son père sur la joue ! se mêla Jala, leur mère, qui, ayant entendu les tons depuis lautre pièce, ne voulait pas que la discussion entre frère et sœur ne dégénère.

Nadira ressemblait beaucoup à Jala, à lexception de ses insolites yeux bleus et de sa peau dune nuance plus claire. En plus, Nadira était bien plus grande que Jala, qui aimait dire avec orgueil que sa fille était un pal mier de femme par le fait de sa stature et de son physique longiligne.

Donc, Umar se releva et, en entendant les accusations, répondit :

Mère, tu ne peux comprendre ces questions ! Comment peut-on déter-miner si quelquun ne peut pas ou ne veut pas payer ? La punition sert à faire désister les menteurs

Nos gens ont toujours été une communauté unie, loin des intrigues, des jalousies entre races et religions différentes et même des guerres. La maison des chrétiens au fond de la rue, est la seule du Raba. Elle a toujours été traitée dignement. A ce sujet, ton père savait ce qui était juste. Cest peut-être toi qui a raison.. mais pas au Raba de Qasr Yanna ; ici, nous nous sommes toujours aidés réciproquement. Hier les gens regardaient stupéfaits la manière dont tu as traité ce garçon. Notre métier est de par lui même déjà un métier détesté il est juste que tu sois respecté, mais pas quils aient peur de toi.

Qā'id demandera des comptes à son āmil8 si les caisses sont vides. Et puis, depuis quand est-ce un crime de frapper un infidèle ? Nous leur avons permis de rester assis en présence dun frère, nous leur avons per-mis de seller le mulet, nous avons permis à leurs femmes dutiliser les bains en même temps que les nôtres alors quailleurs tout cela narrive pas. Dailleurs, ils pourraient nous demander den rendre compte.

En attendant, Nadira sétait réfugiée dans le lieux où elle allait étant enfant, sous la fronde dun gros mûrier situé dans la propriété de la mai-son. Elle ne comprenait pas pourquoi une chose si importante devait lui arriver. Elle ne se sentait pas à la hauteur, elle pensait navoir rien fait pour mériter les attentions du Qāid et une proposition de cette portée. Elle pleurait et tremblait. donc elle appuya le dos contre le tronc et, les yeux fermés, elle se rappela la raison des évènements daujourdhui. Mais ce chrétien que tu as fouetté a pris lépée quand les soldats de Jirjis Maniakis pillèrent le village, et pourtant les dhimmi sont exemptés de guerre et ne peuvent porter darmes.

Alors saches que je pense que cette réalité est erronée et ma tâche sera de rétablir lordre des choses. Quils se soumettent à lIslam eux aussi comme ont fait tant de chrétiens qui habitaient cette terre sils ne veulent pas être traités de manière différente.

Donc, maintenant Nadira répondit :

Et toutes ces choses depuis quand les penses-tu ? Depuis quand es-tu devenu le beau-frère du Qā'id ?

Et toi, fillette, depuis quand as-tu appris à répondre à ton walī9, protecteur et garant ? Depuis que le Qā'id a posé son regard sur toi et que tu lui as été promise comme future épouse ? Et si je lui racontais que tu as pris le temps de parler avec un chrétien lié au poteau.

Mon seigneur Ali aurait eu compassion de cet homme.

Bien, quil vienne me réprimander quand je le lui raconterai avant quil ne tai détaché la langue pour de telles confidences avec des étrangers.

Nadira donc sen alla déçue et fâchée, courant se réfugier dans sa chambre. Au passage de la jeune fille, les domestiques, curieux, disparurent rapidement. Ensuite, se jetant sur son lit, elle embrassa les nombreux coussins qui le recouvraient et se mit à pleurer.

Nadira, mon enfant. lappela Jala.

Elle souleva la tête, désormais avec ses volumineux cheveux bouclés découverts, et écouta.

Nadira, mon enfant, cela peut être cruel de se rendre compte que tu appartiendras à quelquun que tu ne connais pas assez ; tu nas que dix-neuf ans. cest déjà beaucoup, mais tu es encore inexpert en tout !

Pourrait-il vraiment me détacher la langue ?

Laisse tomber ton frère. Cependant quune chose soit bien claire : ja-mais au grand jamais je ne veux te voir parler avec cet homme !

Je ne lui ai pas parlé ! Cest lui qui ma demandé de leau.

Et que ta t-il dit dautre ?

Rien !

Bien, car il faut que tu saches quil sagit dun homme dangereux, de la pire espèce, Nadira. Et ton frère a raison de vouloir te punir. »

Il y a peu tu as dit le contraire

Jai dit à Umar comment son père se serait comporté à toi je dis ce que je pense. Maintenant va voir si ta belle sœur a besoin daide ; cest pour cela que tu nes pas encore la femme du Qā'id pour lassister durant sa grossesse.

Cest ainsi que passaient les heures de ce second jour dhiver de 1060 le 452 selon lhégire10 où Corrado le chrétien avait été lié et humilié comme un bête têtue

Chapitre 2

Automne 1060 ( 452 de lhégire ), Raba de Qasr Yanna


Cétait encore le début du mois doctobre, mieux encore quelques mois avant que Umar ne se venge de linsolence de son fils envers les chrétiens en le liant au poteau de la cour, et que Nadira ne dispute avec son frère.

Sous le soleil de laprès midi, Khalid, un jeune garçon de douze ans très proche de Umar, un petit pasteur à qui le collecteur dimpôts confiait ses troupeaux personnels, venait rapidement vers le village. Très vite, il arriva devant la maison de Umar, en courant si rapidement quil semblait une foulée de vent de novembre. Donc, il était tellement essoufflé quil dû sappuyer sur ses genoux et sur sa houlette, il sécria :

Umar !

De là à peu certains domestiques sortirent, vu lhoraire ils étaient occupés dans lhabitation. Une fois prévenu, le maître de maison sorti sur la porte sans dessus dessous, vu quil était évident quil était en train de dormir bercé par la tiède torpeur du début de lautomne.

Que veux-tu ? Qui hurle à cette heure-ci ? Je dormais avec mes enfants et maintenant tu nous as tous réveillés !

Umar, pardonnes-moi ! Les chèvres et il sinterrompit pour re-prendre son souffle.

Quest-il arrivé à mes chèvres ? On te les a volées ? demanda lautre inquiet.

Non, je les ai mises dans lenclos.

Et tu les as certainement laissées sans surveillance.

Jaurais voulu envoyer une chèvre fartasa11, toutefois tu naurais quand même pas compris ses bêlements.

Khalid rit ; il était évident quil était en train de narguer son patron.

Umar le pris par loreille et le poussa au sol par un coup de pieds bien visé sur les fesses.

Dis-moi quelque chose dimportant ou autrement cest toi que je mettrai dans lenclos !

Et lui, en se relevant :

Le Qā'id, Monsieur le Qā'id vient vers le Rabat et te cherche.

Ali ibn12 al-Hawwās vient chez moi ? demanda surpris Umar, en ajustant dune main ses cheveux comme si le seigneur de Gergent13 et de Qasr Yanna était déjà à ses côtés.

Il est accompagné par ses fidèles et il ma demandé de tinformer quil vient avec de bons propos.

Umar sefforça de bien voir et aperçut la caravane qui descendait par les courbes tortueuses du mont de Qasr Yanna.

Retourne à tes chèvres ! ordonna t-il au jeune garçon avant de rentrer en vitesse chez lui.

Une grande confusion se déchaîna dans la maison, et avec ferveur on essaya de rendre chaque chose digne de la visite du Qā'id. Dans le village également un vacarme se déchaîna : les femmes se ruèrent à lentrée du Raba et certains hommes, ayant été prévenus, rentrèrent des potagers les plus proches.

Michele et Apollonia, frère et sœur de Corrado, sapprochèrent pour observer la scène avec curiosité. Ils auraient rendu hommage au Qā'id tout comme les autres ; celui qui les commandait importait peu, il sagissait dans tous les cas de leur seigneur. Dailleurs si Michele ne portait pas ces espèces de loques et les cheveux rasés, signes imposés par son statut de chrétien, personne naurait pu reconnaître quils étaient des non-croyants de la parole du Prophète. En plus entre Apollonia et les femmes sarrasins14 du village il ny avait aucune différence, à lexception des traits plus continentaux de son visage. Dautre part, autrefois, Raba avait été colonisé exclusivement par des berbères. Toutefois, ailleurs, des islamiques à laspect plus européen car dorigine différente ou parce quil sagissait dindigènes convertis étaient très nombreux et la différence somatique davec les chrétiens était inexistante. En outre, depuis deux cents ans, la race berbère, arabe et indigène se mélangeait régulièrement et avait la tendance à se conformer en un seul peuple aux caractéristiques plus homo-gènes ; dans tout cela, donc, le Raba était une exception.

Il y avait un seul terme pour identifier les habitants de cette île ils nétaient ni arabes, ni berbères, ni indigènes, ni rien dautre que des siciliens. Des Siciliens sarrasins et des siciliens grecs, mieux encore chrétiens tout comme il y avait des siciliens de Judée mais à la fin ils étaient tous des siciliens. A lexception des nouveaux arrivés qui étaient exclus du concept de sicilien, ceux qui étaient passés de lAfrique en Sicile aux temps de linvasion de la dynastie des Zirides jusquà ce que Abd-Allah ne fut retourné de lautre côté de la Méditerranée.

Ceux-ci, dévoués à lIslam comme les autres, la plupart dethnie berbère, étaient définis africains, juste parce quils provenaient de la région que le monde arabe définissait Ifrīqiya15. Les derniers africains étaient arrivés à peine quelques années auparavant, ils sétaient enfuis des dévastations qui se déchaînaient sur la terre de leur provenance. Parvenir à créer un seul peuple entre siciliens et africains, bien que tous croyants en Allah, était une entreprise bien plus compliquée dans le passé la question avait même débouché en un désordre civil plutôt quà réussir à intégrer chrétiens et hébreux dans les tissus de la société islamique. La législation de la sharia16 sur ces derniers, en effet, était claire, rien ou presque rien ne pouvait être interprété ; ils étaient des dhimmi, des vassaux, contraints de payer la jizja, la capitation, tout en ayant le droit dexister dans leur propre foi. Les africains au contraire étaient de vrais antagonistes, ceux avec lesquels les sarrasins siciliens devaient se partager la primauté de dominateurs.

Au Raba, toutefois, on navait jamais vu dafricains, le vrai problème de la journée semblait être celui de faire bonne impression devant le Qāid ibn al-awwās, lémir de Qasr Yanna, venu inexplicablement rendre vi-site à un de ses collecteurs dimpôts.

Si Corrado avait été ici ! sexclama Apollonia dès quelle vit la caravane à lentrée du village.

Apollonia était une femme qui avait un peu plus de vingt ans et avait un bel aspect, des cheveux ondulés châtains et des yeux noisette. La blancheur de sa peau la rendait encore plus attrayante, car parmi les arabes les jeunes filles aux caractéristiques européennes étaient les plus recherchées. Sil ny avait pas eu lobstacle de sa religion on lui aurait certainement dé-jà fait la cour et sil ny avait pas eu la petite dimension du Raba et son atmosphère familière, quelquun laurait sûrement induit à se convertir avec la promesse dobtenir un mariage avantageux.

Michele était un peu plus jeune que Corrado, il ressemblait beaucoup à son père. Le jeune garçon semblait né pour travailler et bien quil était très grand, il était robuste et infatigable. Il lui manquait également quelques dents, il les avait cassées à lâge de dix ans quand il avait tenté denlever un gros clou dune poutrelle.

A cette heure-ci Corrado aura certainement déjà entendu la nouvelle et sera en train de remonter du potager avec notre père. répondit Michele

Quel homme sera t-il donc Qāid ? demanda Apollonia, plus à elle même quà son frère.

Michele la regarda avec perplexité et, pris de jalousie, répondit :

Tu devrais peut-être rester à la maison comme font beaucoup de femmes mahométanes.

Je ne connais personne ici au Raba qui tient sous clé sa sœur.

Dehors ça fait un bout de temps que lon ne voit pas la sœur de Umar, et si on la voit cest avec le visage couvert.

Ça signifie quil existe un frère plus jaloux que toi. Et puis il suffit des yeux de Nadira pour attirer les hommes.

Les dernières paroles dApollonia étaient le pivot de nombreuses choses qui dès ce moment seraient arrivées

Le Qāid avançait dans les ruelles parmi les émeutes de la foule. Ali ibn Nima, plus communément connu comme ibn al-Hawwās, était très aimé par les gens. Son nom lui même signifiait le démagogue , celui qui at-tire les faveurs du peuple. Et dailleurs son ascension naurait pu avoir lieu sans le soutien des gens et sans ses dons charismatiques ; un esclave de race berbère qui sétait libéré et qui était enfin devenu le Qāid de lentière Sicile centrale.

Ibn al-awwās arrivait en chevauchant un très beau cheval bien attelé dornements jaunes et verts. Les pensées dApollonia furent déçues quand elle se rendit compte que le seigneur de Qasr Yanna nétait pas un jeune homme prestant comme elle lavait imaginé, mais était dâge moyen, aux cheveux grisonnants et légèrement en surpoids. Toutefois son aspect nétait pas désagréable ; et pour sûr la plupart des jeunes filles qui lacclamait à son passage aurait tout fait pour recevoir ses attentions.

En plus de la vingtaine dhommes armés qui escortaient le Qāid, une femme en habits noirs attirait lattention. Celle-ci chevauchait en amazone le destrier immédiatement après celui de son seigneur, elle était accompagnée dune paire de servantes. En outre il y avait un type vêtu dun tel luxe quil était juste le second après ibn al-awwās.

Umar alla à lentrée, il présenta ses hommages et invita son maître à entrer dans son indigne demeure ; ainsi appela t-il sa maison. Ali, le Qāid, dès quil descendit de son cheval présenta bien vite les personnes qui le suivaient

Ma sœur Maimuna et Bashir, mon Vizir17 .

Pendant que Umar fit un signe de la main pour indiquer à ses proches, qui observaient par la porte, de sapprocher.

Ma mère, Jala ma femme Ghadda et mes enfants Rashid et Fatima ; voici ma sœur, Nadira.

Chacune de ces femmes sinclina mains jointes devant le Qāid et ce-lui-ci répondit

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