De Feu et de Flammes
Copyright © Elizabeth Johns, 2016
Tous droits réservés
Conception de la couverture par Wilette Youkey
Édité par Tessa Shapcott
Contenu historique par Heather King
Traduit par Lena Mauveaux
Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée, copiée ou transmise sans lautorisation écrite préalable du titulaire du droit dauteur.
Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, personnages, lieux et incidents sont soit le produit de limagination de lauteur soit utilisés de manière fictive. Toute ressemblance à des personnes réelles, vivantes ou mortes, établissements commerciaux, événements ou lieux réels nest que pure coïncidence.
Dédicace
À mes sœurs
Prologue
« Nous allons être séparées pour la première fois », annonça Beaujolais tristement à ses triplettes, qui étaient assises avec elle sur un grand lit à baldaquin dans leur maison de ville londonienne. Elles profitaient de leur rituel consistant à se rassembler chaque soir dans la chambre de Margaux. Anjou, Beaujolais et Margaux étaient les sublimes filles triplettes du Marquis Ashbury et de sa marquise française.
« Ce nest pas pour toujours, très chère, » dit Margaux dun ton réassurant, passant la main dans les longues boucles débène de sa sœur jusquà ce quelles soient lustrées et soyeuses. « Nous serons ensemble à nouveau. Il y aura des fêtes, et des vacances »
« Cela allait arriver un jour ou lautre. Je pensais que nous serions toutes mariées à cette heure-ci. Et pourtant, nous voilà, vieilles filles ! » sexclama Beaujolais.
« Je suis ravie dêtre une vieille fille si cela veut dire que je ne suis plus sur le marché du mariage ! Vous devez admettre que je ne sais plus retenir ma langue. Il vaut mieux que je parte avant de ruiner vos réputations à tous, » dit Margaux en riant.
« Oui, très chère, on le sait. Mais un couvent ? Pensais-tu vraiment que Maman lautoriserait ? » demanda Anjou dubitativement, perçant sa sœur de ses brillants yeux bleus.
« Non. Au moins ils mautorisent à me rendre aider lorphelinat en Écosse, » répondit Margaux, apparemment satisfaite de son sort.
« Je serais prêtre à parier que Maman te fera rentrer ici en moins de trois mois, » persifla Anjou en entortillant ses cheveux autour de son doigt.
« Jaccepte ce pari ! » Margaux tendit la main pour serrer celle de sa sœur, toujours ouverte à un peu de compétition entre sœurs.
« Assez, vous deux, » dit Beaujolais dun air dégoûté. « Ne pourrais-tu pas être heureuse ici ? Ne pourrais-tu pas simplement supplier maman de te laisser rester à la maison ? »
Margaux secoua la tête. « Comme si notre maman, la plus majestueuse hôtesse du royaume, laisserait sa fille célibataire dépérir chez elle. Mais même si cela était le cas, ce ne serait pas suffisant. Je veux être libre, très chère. Peux-tu essayer de comprendre ? »
Beaujolais avait les yeux bordés de larmes, renforçant leur teinte violette. « Je suis désolée, Marg. Jessaierai dêtre heureuse pour toi, mais je ne peux le comprendre. »
Margaux soupira. « Tu es celle qui est née pour être une duchesse, Jolie. Les mariages somptueux, je vous les laisse à toutes les deux. »
« Ne me taquine pas sur le fait dêtre une duchesse. De plus, il ny a que deux ducs célibataires dans le royaume. Lun est une antiquité, lautre un ermite. »
« As-tu peur que nous te jetions un mauvais sort ? » Anjou rajouta, sassociant aux taquineries de son autre sœur. Depuis petites, taquiner Beaujolais avait été une source infinie damusement. Elle avait prétendu être une duchesse lorsquelles jouaient, enfants, et était celle qui agissait le plus telle une duchesse. Cela navait pas aidé que leur mère lait encouragé.
« Tu as au moins déjà rejeté un baronnet, un monsieur, deux comtes, et un marquis, » souligna Margaux avec obligeance.
« Aucun dentre eux ne pouvait être pris sérieusement ! Et vous deux avez eu autant doffres que moi, » insista Beaujolais pour sa propre défense.
« Pas moi ! » fanfaronna Anjou.
« Et aucune de nous deux na jamais prétendu être ouverte à un mariage de convenance, » ajouta Margaux.
« Car tu ne permets à personne de te demander en mariage, » rétorqua Beaujolais.
« Je ne peux envisager qui que ce soit dautre, » dit Anjou, détournant les yeux.
Margaux prit sa main pour la réconforter. « Cela fait des années que nous navons pas reçu de nouvelles dAidan, Anj. Ne penses-tu pas quil est temps de loublier ? » demanda-t-elle gentiment.
Anjoua secoua la tête et laissa les larmes couler sur son visage. « Jai besoin de faire quelque chose. Je ne peux attendre bien plus longtemps les résultats des investigations de Père. » Elle descendit du lit et commença à faire les cent pas tandis quelle essuyait ses larmes. Son amour, Aidan, était parti à la guerre anglo-américaine et navait plus donné nouvelles depuis la fin des hostilités.
« Que proposes-tu que nous fassions ? » demanda Jolie avec une moue.
« Je veux aller à sa recherche. »
« Aller à sa recherche ? » dirent ses deux sœurs dune même voix incrédule.
Anjou hocha la tête. « Charles a accepté de maider. » Leur frère, Charles, et Aidan, avaient été meilleurs amis.
« Maman1 et Papa2 naccepteront jamais cela. »
« Ils lont accepté et ils laccepteront, » répondit Anjou à voix basse, sans regarder ses sœurs. « Dès que père aura fini denquêter. »
Beaujolais se mit alors à pleurer pour de bon. « Cela est vraiment la dernière fois que nous sommes toutes en ensemble ! »
Aucune des sœurs ne la corrigea, mais elles senveloppèrent les unes les autres dans une étreinte, se demandant comment leurs vies allaient changer sans leurs autres parties delles-mêmes.
1 En français dans le texte.
2 En français dans le texte.
Chapitre Un
Gavin observa la lettre dans sa main avec lincrédulité la plus totale. Son cœur était en train de se briser en mille morceaux. Son frère, sa femme et ses enfants avaient été tués lorsque leur calèche était tombée du bord dune falaise.
« Ce ne peut être vrai. » Il secoua la tête, retenant ses larmes.
« Jai bien peur que cela ne le soit, Monsieur le Baron. »
« Monsieur le Baron ? Non. Je ne veux pas du titre. Je suis un simple médecin de campagne. Je vis une vie humble et jexerce mon métier ici. »
« Je suis terriblement désolé pour votre perte, votre seigneurie. Mais vous êtes, de fait, le onzième Baron Craig désormais, et avez ainsi des propriétés plutôt importantes sous votre responsabilité. »
« Ceci nétait pas censé arrivé. Iain avait trois solides jeunes gaillards ! »
Le notaire avait lair grave. « Peut-être, Monsieur le Baron, serait-il mieux que vous rentriez au Château Craig afin de voir par vous-même. »
Des yeux dun bleu surprenant rencontrèrent ceux du notaire dun regard vide ; un air qui était commun chez ceux qui avaient reçu de douloureuses nouvelles, mais qui navaient pas encore assimilé le changement de circonstances qui en résultait.
« Très bien. Je vous y rejoindrai dès que jai fait le nécessaire. »
Gavin suivit la procédure, fermant sa maison et laissant son cabinet entre les mains expertes de son apprenti, un diplômé de lécole de Lord Easton. Récemment, Gavin sétait rendu de nombreuses fois en Angleterre à lécole dans le Sussex et avait contemplé lidée dintégrer lécole en tant quinstructeur à temps plein, mais navait jamais été capable de rompre ses liens avec lÉcosse. Comment pourrait-il exercer la médecine en tant que Lord Craig ? Il lui faudrait trouver une solution, tout en faisant de son mieux pour réaliser les projets de son frère au Parlement.
Gavin avait rencontré la mort plus souvent que beaucoup de gens, mais navait pas été préparé à la perte de son frère, ou de lépouse dIain et de leurs enfants. Ils avaient été les derniers membres de sa famille encore vivants. Il navait auparavant jamais pensé gérer le vaste domaine du Château Craig, et espérait désespérément que son frère avait nommé un intendant de confiance.
Les nécessités les plus urgentes avaient été chargées dans sa calèche. Ses domestiques enverraient le reste de ses affaires avec celles de ses employés qui souhaitaient le rejoindre à sa nouvelle résidence. Il avait un ultime arrêt à faire avant de partir enterrer son frère et commencer sa nouvelle vie.
La calèche passa le portail du prieuré dAlberfoyle, une des propriétés de Lord Vernon qui servaient dorphelinat. Il sétait attaché à une famille denfants ici ; le garçon était allé à lécole de médecine, mais les deux filles y vivaient toujours. Plus que quoique ce soit dautre, cela le peinerait de quitter ces enfants. De fait, puisquil navait aucune famille, peut-être envisageraient-ils de lui permettre de les adopter.
« Dr. Craig ! » Maili Douglas le rejoignit en courant quand elle le vit et laccueillit avec une étreinte. Il la prit immédiatement dans ses bras.
« Bonjour, mon cœur. Où est votre sœur ? »
« À la leçon de couture. »
« Pourriez-vous avoir la bonté daller la chercher ? Jaimerais vous parler à toutes les deux. »
Le front de la petite fille se plissa dinquiétude, mais elle acquiesça et partit trouver sa sœur en sautillant. Elle revint avec Catriona, quil salua de la même manière.
« Bonjour, demoiselle. Vous avez encore grandi ! »
« Ne suis-je pas supposée grandir ? »
« Si, en effet. Mais pas trop vite. » La gorge de Gavin se serra en pensant à ses trois neveux, quil ne reverrait jamais plus, et qui ne pourrait jamais plus grandir
« Pourquoi êtes-vous triste, Dr Craig ? » demanda Maili.
« Jai appris que mon frère et sa famille sont décédés. »
« Comme notre maman et notre papa ? » Catriona inclina la tête pour le regarder.
« Oui, petite. Exactement comme cela. »
Catriona et Maili grimpèrent sur ses genoux pour le réconforter. « Êtes-vous tout seul comme nous désormais ? »
« Oui, et cest en partie ce dont je voulais vous parler. Je dois partir vivre loin, et je ne pourrai plus vous voir aussi souvent. »
« Sil vous plaît, ne nous quittez pas ! » sexclamèrent les petites.
« Javais espoir que vous veniez avec moi, et Seamus, aussi, quand il sera rentré de lécole. Cela vous plairait-il ? »
« Vous seriez notre nouveau papa ? » demanda Catriona.
« Oui, je vous adopterais. Mais je nessaierai jamais de remplacer votre papa ou maman. »
Les filles se jetèrent à son cou.
« Cela serait parfait. »
« Je reviendrai vous chercher après avoir tout arrangé avec votre tuteur et enterré mon frère. »
« Devez-vous nous quitter ? »
« Jen ai peur, oui, mais je serai bientôt de retour pour vous retrouver. » Il échangea des étreintes avec les filles et prit congé pour se rendre enterrer son frère et sa famille.
Gavin était assis dans le luxurieux carrosse armorié quil avait ramené de sa propriété pour récupérer les filles Douglas. Cela avait pris plusieurs semaines pour obtenir les papiers de tutelle du Duc de Loring, qui avait pris en charge les enfants sur lordre de sa fille, Béatrice. Elle sétait attachée aux enfants durant la courte période où elle avait été leur gouvernante au Prieuré dAlberfoyle lorsquelle y avait été envoyée, dans la honte. Gavin était tombé amoureux de Lady Béatrice durant son séjour en Écosse, alors que ses fiançailles avec Lord Vernon avaient été rompues.
Gavin secoua la tête. Il avait été dévasté lorsque Lady Béatrice avait choisi Lord Vernon plutôt que lui, mais avec du recul, il essayait dêtre reconnaissant. Peut-être nauraient-ils pas été bien assortis en fin de compte, ayant des statuts sociaux si différents à lépoque. Il lavait prise pour une dame connaissant des moments difficiles, plutôt que la fille dun duc, alors quelle travaillait humblement en tant que domestique, puis gouvernante. Il était tout de même tombé amoureux delle, et il avait encore aujourdhui de laffection pour elle et lui souhaitait le meilleur. Mais il se rappelait souvent que tout avait une raison. Il ne sattardait pas sur sa déception amoureuse, mais navait pas non plus donné son cœur facilement. Il promit silencieusement quil ne referait pas la même erreur. Hériter de la baronnie de son frère était, cependant, une toute autre affaire. Sil y avait un jour eu un homme qui ne désirait pas devenir un Lord et tout ce que cela impliquait, cela était lui.
Il aimait réellement sa vie de docteur. Il aimait son modeste cottage, situé dans un beau parc donnant sur les sommets des Lowlands. Son père avait tenu un foyer plus humble, mais Iain avait eu des écuries pleines et plusieurs véhicules, et Gavin était abasourdi de voir que de nombreuses modifications avaient été apportées à la propriété. Son frère avait apparemment trouvé un moyen de rentabiliser le vieux tas de pierres, mais Gavin navait pas encore eu loccasion de se pencher sur les comptes du domaine. Il avait passé la majorité de son temps à organiser la garde légale des filles Douglas et à préparer lenterrement de son frère et la réalisation de son testament, puis à organiser la reprise de son cabinet par son compétent apprenti.
Il ne souhaitait pas retourner au château. Le château qui, fut un temps, avait été son chez-lui, avait semblé froid et vide malgré un grand nombre de domestiques. Cela navait pas semblé juste dêtre là sans Iain, son épouse et leur turbulente couvée de garçons. Gavin se demandait sil shabituerait un jour à ce fâcheux changement de circonstances.
Il atteignit Alberfoyle et rassembla les filles et une nourrice qui avait accepté de rester avec elles, et ils commencèrent leur voyage vers leur nouvelle vie. Il espérait que le château ne semblerait pas si vide avec les filles en son sein.
Catriona était assise dans un coin du carrosse, en larmes et silencieuse. Avait-il commis une erreur ?
« Avez-vous changé davis, ma petite ? Je ne veux pas que vous soyez malheureuse. »
« Non, je nai pas changé davis. Mes amis me manqueront, mais nous serons plus près de Seamus. Je suis reconnaissante davoir une maison. » Elle était assise délicatement dans le siège opposé au sien, ses mains jointes, tentant dêtre courageuse.
« Je suis triste de quitter ma maison, moi aussi, » dit-il gentiment.