Peut-être que cela ne veut rien dire, mais cest tout de même étrange que quelquun paye un hôpital particulier, en supposant que le nom corresponde bien à la personne, mais ne déclare pas la profession de la mère ni le nom ou la profession du père, ny laissant que le nom de la mère. Peut-être quil sagissait dune grossesse non-désirée qui na pas pu être interrompue pour une bonne raison. Mais dans ce cas, il aurait mieux valu tout cacher. Plus jy pense et plus cela me paraît étrange. Et une fois de plus je me demande ce que mon père avait à voir avec cela.
Je ne lui connaissais pas de clients angolais et moins de brésiliens. Au bureau, il ny a que Gomez qui a des contacts avec le Brésil, où il peut exercer et donc y passer parfois du temps, mais que je sache il na aucune affaire en cours liée à des adoptions, et ce nest même pas le type de sujet quil traite. Je lui demanderai lundi sil sait quelque chose à propos de cet Hôpital Privé. Belém comme nom de lieu ne mest pas étranger, où cela se trouve-t-il ? Je prends une carte et je vois ce nom au nord du pays. Bien sûr ! Cest la capitale de lÉtat du Pará, elle se situe à lembouchure du fleuve du même nom. Ce nest pas une petite ville, lors des deux derniers recensements elle apparaît avec près de 190 mille habitants. Mais même ainsi elle ne doit pas avoir beaucoup dhôpitaux privés, et si la loi est similaire à la loi portugaise, il ne pourra y en avoir quun avec ce nom. Tant de choses à découvrir. Cependant, pour ne pas perdre de temps et parce que je trouve tout cela très curieux, jécris une lettre à Beauchamp, dans laquelle, sans plus de détails, je lui demande quil me contacte durgence au bureau et lui donne mon numéro direct. Demain, je la posterai dans la boite aux lettres de laéroport. Avant daller me coucher, je commande par téléphone un taxi pour onze heures du matin.
TROIS
Ma journée commence à lheure habituelle avec les exercices qui font partie de ma routine matinale depuis déjà quelques mois. Je narrive pas à me concentrer, je pense sans cesse à lhistoire de Lentz et de Ferrara et à cause de cela je narrive pas à finir avant sept heures. Je dois recommencer plusieurs fois du début car je ne me rappelle pas du nombre où jen suis, une pénitence qui a pour objectif daméliorer ma mémoire et ma concentration, mais qui ne me sert vraiment à rien aujourdhui.
Je laisse Becca dormir car, même si elle na pas passé une mauvaise nuit, cest toujours du repos de gagné. Je prends mon petit-déjeuner et fais nos deux valises. Enfin, je mets mes affaires dans la valise et laisse les siennes sur le lit afin quelle les approuve (ou pas). Au milieu de sa chambre, je dispose sa petite valise à roulettes du Petit Spirou afin quelle puisse apporter quelques jouets et des poupées pour passer le temps là-bas.
Je décide daller prendre ma douche avant de réveiller Becca et quand jentre dans la salle de bains et que je vois mon reflet dans le miroir je choisis de raser ma barbe. Je me mouille le visage avec de leau chaude, je me masse avec une crème à base dhuile deucalyptus, je mets de la crème au menthol, germe de blé et lanoline dans un bol en porcelaine et je fais mousser à laide dune brosse en vison.
Jattends quelques minutes pour bien laisser la crème pénétrer dans ma peau et me couvre ensuite le visage de mousse. Jattends à nouveau quelques minutes de plus avant de me raser et répète ensuite lapplication de la crème dhuile deucalyptus avant de me masser le visage avec de la Floïd une lotion après-rasage que mon grand-père menvoie de Madrid avec une régularité sans nom, alors que je lui ai déjà dit des centaines de fois que je pouvais lacheter ici aux grand-magasins du Corte Inglés. Cela pourrait sembler nêtre quune coquetterie dans ma routine, mais sil métait impossible il-y-a quelques années de me raser sans que cela mirritait la peau, maintenant je peux le faire, selon les envies, deux fois par jour sans problème.
Jexpédie la douche en cinq minutes, je me sèche et vais mhabiller dans ma chambre. La météo à Madère est plus chaude et plus humide quà Lisbonne, je me décide ainsi à porter un costume deux pièces printanier en lin de Tasmanie marron clair, je mets des sous-vêtements beiges, des chaussettes ocres et une chemise dans les tons de jaune en coton à carreaux avec des boutons au col et aux surpiqures jaune foncé. La cravate est en soie épaisse vert foncé avec des dessins géométriques ocres assortis aux couleurs de la chemise et du costume. Je mets des chaussures marron clair à lacets, mais je remarque quelles ont besoin dêtre cirées. Je vais alors dans le cellier chercher le pot de cirage. Rapidement et avec attention, pour ne pas me tacher, je cire les chaussures, leur redonnant brillance et éclat, puis les enfile à nouveau. Je retourne dans la salle de bains pour me laver les mains et janalyse alors mon reflet dans le grand miroir et satisfait du résultat, je vais réveiller Becca.
Je ne mets pas longtemps à la réveiller car elle se rappelle quaujourdhui nous prenons lavion. Elle commence à sauter sur le lit et je dois lui dire darrêter. Je lemmène ensuite dans la salle de bains, elle prend sa douche, je la laisse toute seule, faire comme elle le souhaite ça nest pas un travail très bien fait et cela dure la plupart du temps plus quil ne faudrait, mais elle se sent grande alors je la laisse faire.
Je la prends dans mes bras pour lemmener dans le salon et lui sers son petit-déjeuner accompagné de tonnes et de tonnes de questions sur lavion et sur Madère. Nous allons ensuite dans sa chambre pour choisir les vêtements quelle va mettre. Étrangement aujourdhui ça na pris que très peu de temps cela doit être dû à lexcitation du voyage inattendu de plus, elle na pas critiqué ce que javais mis de côté pour elle. Pendant quelle reste dans sa chambre pour choisir les jouets quelle va prendre, je vais finir la valise que je dispose ensuite à côté de la porte dentrée. Je vais pour mettre mon téléphone professionnel dans ma sacoche, mais je me dis quil est mieux de prendre mon téléphone personnel et de laisser celui du bureau à la maison.
Il reste encore une heure avant larrivée du taxi, nous avons donc le temps de nous asseoir et de lire un livre de contes de fées. Parmi les nombreuses questions, la plupart nayant aucun rapport avec lhistoire, jarrive presque à lire Cendrillon en entier avant que lon ne frappe à la porte.
La course en direction de laéroport est, comme je my attendais, une longue marche au milieu des flux de circulation de lheure du déjeuner. Un accident entre trois voitures à côté de la station-service Repsol, avec des ambulances et une voiture de police également arrêtées au milieu de la Segunda Circular, naide en rien à ce que nous allions plus vite.
Au bout de quarante minutes, nous pouvons enfin sortir la valise du coffre de la Mercedes pour la mettre sur un charriot quun autre voyageur me donne directement. Je paye le taxi en lui laissant un pourboire et lui demande un reçu, jassieds Becca sur la valise et nous partons en direction du check-in.
« Neboloni, vous me dites monsieur ? Il me semble ne voir aucune réservation à ce nom. Avez-vous le code ? » Je lui montre le post-it vert de Gabriela et jattends quelle nous trouve sur son écran. Au bout de quelques minutes elle finit par nous trouver « Ah, Nebuloni... », sexclame-t-elle finalement en accentuant sur le « u », malgré le fait de lui avoir épeler mon nom à deux reprises. Elle étiquette la valise et nous donne les deux cartes dembarquement. « Porte sept à 12h40. Bon voyage. » Je donne la main à Becca et nous allons jusquà une boite aux lettres y déposer le courrier pour Beauchamp. Nous passons ensuite le contrôle de sécurité et nous promenons dans les boutiques jusquà lhoraire dembarquement.
Au bout de quarante minutes, nous pouvons enfin sortir la valise du coffre de la Mercedes pour la mettre sur un charriot quun autre voyageur me donne directement. Je paye le taxi en lui laissant un pourboire et lui demande un reçu, jassieds Becca sur la valise et nous partons en direction du check-in.
« Neboloni, vous me dites monsieur ? Il me semble ne voir aucune réservation à ce nom. Avez-vous le code ? » Je lui montre le post-it vert de Gabriela et jattends quelle nous trouve sur son écran. Au bout de quelques minutes elle finit par nous trouver « Ah, Nebuloni... », sexclame-t-elle finalement en accentuant sur le « u », malgré le fait de lui avoir épeler mon nom à deux reprises. Elle étiquette la valise et nous donne les deux cartes dembarquement. « Porte sept à 12h40. Bon voyage. » Je donne la main à Becca et nous allons jusquà une boite aux lettres y déposer le courrier pour Beauchamp. Nous passons ensuite le contrôle de sécurité et nous promenons dans les boutiques jusquà lhoraire dembarquement.
Les bras pleins de jouets et de peluches, on ma demandé ma carte didentité trois fois et la carte dembarquement presque autant. Comme si javais changé didentité avec quelquun qui serait discrètement arrivé en parachute dans laéroport entre deux contrôles, nous nous asseyons au premier rang alors que lavion était sur le point de partir sans nous. Becca a le sourire jusquaux oreilles. Je me demande pendant quelques minutes comment a-t-elle pu me convaincre de lui acheter autant de choses. Et avec tout cela jai oublié de macheter le journal ! Heureusement dans le vol il y a de nombreux étrangers et jarrive à avoir en plus du Diário de Notícias et du International Herald Tribune, Le Monde et le Corriere della Sera, que je me prépare à lire après avoir mangé la moitié de mon déjeuner et avoir aidé Becca à manger le sien.
Le Tribune et le DN daujourdhui ont dédié une partie de leurs unes à la décision du gouvernement mozambicain dajouter langlais au portugais comme langue officiel du pays, prétextant des liens commerciaux et une participation à la communauté britannique. Je ny trouve quun petit article de Reuters à propos de laffaire du Brésil, semblable au bulletin dEuronews, court et factuel.
Le Monde écrit également sur le Mozambique, spécule sur une éventuelle indépendance des Açores et un futur rapprochement de larchipel avec les États-Unis mais ne mentionne rien sur le Brésil.
Il ny a que le Corriere qui aborde cette affaire avec plus de détails. Avec un court paragraphe en une, qui renvoie à lintérieur du journal, il lui est dédié une demi-page dans la rubrique internationale entre une analyse sur la situation en Irak et linterview dun avocat luso-américain, président du mouvement pour lindépendance des Açores, dont le siège est situé à Washington.
Après une analyse biographique du Docteur Ferrara et du travail accompli par lIEPE, le Corriere poursuit en disant quelle « sétait rendue au Brésil et plus précisément dans lÉtat de lAmazonie pour enquêter conjointement avec lInstitut de Protection de lEnfance du gouvernement fédéral brésilien sur des allégations dadoptions illégales, denlèvements et de ventes denfants dans lesquelles seraient prétendument impliqués des citoyens de lUnion Européenne. Nayant encore aucun indice sur limplication effective de citoyens de lUE, la présence du Docteur Ferrara au Brésil ainsi que sa participation à lenquête ne se vérifient que dans le cadre de la collaboration existante entre les deux organisations de protection des mineurs et ne revêtent aucune fonction officielle. » Et un peu plus loin : « La nouvelle de ce trafic inhumain a été pour la première fois mentionnée par Konrad Lentz dans un journal suisse, ZüricherZeitung, qui couvrait également lenquête à la demande du Docteur Ferrara, avec qui il avait déjà travaillé auparavant sur la tristement célèbre enquête des réseaux pédophiles, déjà rapporté dans ce journal il y a quelques années (...). Les corps horriblement mutilés des deux enquêteurs ainsi que celui du Docteur Marcelo Kabanishi, du Cabinet de la Protection de lEnfance de lÉtat dAmazonie, qui les accompagnait ont été retrouvés dans une décharge au nord-est de Manaus.
Lexamen des cadavres a constaté quils ont été sauvagement attaqués par des chiens et ensuite déchiquetés à coup de machette, de manière bestiale et cruelle, rendant difficile leur identification. Aucun document na été retrouvé sur les cadavres ni aux alentours de lendroit où ils gisaient. Les seuls indices servant à leur découverte étant la déclaration de disparition faite par la femme du Docteur Kabanishi, ainsi que la comparaison des dents avec les dossiers dentaires de ce dernier, qui a permis son identification et par extension celle des deux autres enquêteurs. (...) Cependant, la police ne pense pas que ce crime horrible soit en rapport avec lenquête en cours sur les adoptions illégales, puisque que lon a retrouvé des restes dhéroïne dans les vêtements des deux européens.
Selon un porte-parole de la police, nous faisons face à un cas classique de « règlement de compte », ou peut-être à la découverte malheureuse de la part des enquêteurs dune bande de trafiquants en pleine activité (la zone la plus au nord-est du Brésil est traversée par des routes de passages entre les diverses zones de cultures de drogues de la Colombie, du Pérou et de la Bolivie et est donc difficilement surveillée par larmée), étant donné que dans tous les cas, le résultat aurait été le même. Aucune enquête spéciale nest actuellement en cours, à part bien sûr lenquête habituelle pour homicide. (...) »
Drogues ? Trafiquants ? Je ne mappelle par Sherlock, mais sil y a une chose qui me paraît avoir été rajoutée, cest lhéroïne qui a soi-disant été retrouvée sur les vêtements. Enfin, je ne remets pas en cause ce quil sest passé, mais cela me paraîtrait très étrange que cela nest pas été mis ici exprès. Les restes de drogue trouvés sont extrêmement pratiques pour détourner lattention et dénigrer le travail réalisé par Ferrara, Lentz, et Kabanishi à Manaus. De plus en plus curieux.
Lavertissement pour attacher les ceintures ma totalement pris au dépourvu, je nai pas vu le temps passer. Becca dort à mes côtés avec la tête appuyé sur un coussin, fatiguée de regarder par le hublot à la recherche de canards et davions pour raconter à ses amis une fois de retour. Je vérifie quelle a encore sa ceinture attachée et la laisse dormir. Lavion descend de plus en plus en direction de Madère, après être passé au-dessus de Porto Santo quon peut observer à notre gauche, et survole lextrême est de lîle, que le commandant appelle Ponta de São Lourenço.
Il parcourt lîle le long de la côte, passe au-dessus de laéroport et fait demi-tour au-dessus de la mer pour venir atterrir dans le sens ouest-est, à nouveau le long de la côte. La vue est impressionnante, à droite de lavion on voit ce qui semble être un versant continu de montagnes qui sortent pratiquement de la mer, il ny a pas de plages dignes de ce nom, seulement des criques de galets, dont lune delles est occupée par la petite ville de Santa Cruz, où lon peut voir des maisons, un grand nombre de maisons, de toutes les tailles et de différents modèles et toutes très rapprochées les unes des autres, au milieu dune mer de vert que nen finit plus.
Si lon ne se trouvait pas dans un avion, on pourrait presque penser que lon parcourt une autoroute élevée dans un pays montagneux, tellement nous volons si près de lîle. Becca se réveille avec la trépidation dapproche à la piste datterrissage et me donne la main.