À Genoux - Shanae Johnson 3 стр.


« Quest-ce quon peut faire ? demanda Fran, toujours pragmatique. Est-ce que le zonage peut être modifié ?

Cela prendrait des mois, et vous devriez évacuer la propriété dans lintérim, répondit Haskell. Je suppose quaucun de vous na lintention de se marier prochainement ? »

Chapitre quatre

« Deux chiens, jai laissé couler, même si les règles indiquent clairement un petit chien maximum. Mais en deux ans, vous avez accumulé quatre chiens, dont seulement deux petits. »

Maggie tenait lun des petits chiens dans ses bras en écoutant son propriétaire. Guerrière avait perdu sa patte avant après avoir été renversée par une voiture. Elle avait été amenée à la clinique durant le premier mois de Maggie à ce poste. Maggie avait réussi à la soigner, amputant sa patte blessée et lui apprenant à marcher sur trois pattes. La petite chienne sétait épanouie, mais personne nétait venu la récupérer ou lui donner une nouvelle maison. Sur le point dêtre euthanasiée, elle avait disparu comme par magie peu de temps avant son rendez-vous avec la mort.

Maggie posa Guerrière sur le plancher de lentrée. Ses griffes cliquetèrent sur le sol tandis quelle séloignait dun pas nonchalant, visiblement aussi peu ravie de la présence de M. Hurley que lui létait de la sienne.

Les trois autres chiens desquels parlait M. Hurley se tenaient à lécart. Bien quen général très affectueux et impatients de rencontrer de nouvelles personnes et de transformer en nouvel ami humain quiconque passait la porte ou venait à leur rencontre à lextérieur, ils savaient instinctivement que M. Hurley nétait pas du genre à faire ami-ami.

« Et maintenant vous voudriez en ajouter un cinquième ? »

Le ton de M. Hurley devenait exaspéré. Le cinquième chien était terré sous la table basse. Il sétait plutôt bien remis de son opération, et était debout et prêt à explorer son nouvel environnement dès le lendemain. Maggie lavait harnaché à un fauteuil roulant pour chien quelle avait construit elle-même. Il ne lui avait fallu quune journée pour maîtriser ce nouvel équipement, et il faisait désormais le tour du petit appartement à la vitesse de léclair. Maggie lavait appelé Pirouette.

Maggie se pencha pour le prendre dans ses bras, puis se retourna vers son propriétaire avec son sourire le plus attendrissant. Cétait tout ce quil lui restait, puisquelle navait même plus de travail pour payer son loyer. Elle espérait que ladorable museau du terrier irlandais saurait convaincre M. Hurley.

« Ils ne vous ont jamais causé le moindre problème. »

En prononçant ces paroles, elle pressa son visage contre le museau de Pirouette, qui lui lécha la joue avant de cacher sa tête sous son menton.

« Cest à peine si on se rend compte quils sont là. »

Ses chiens naboyaient presque jamais. Maggie se doutait quils avaient appris que hausser la voix pouvait leur valoir des coups de la part des humains. Ils étaient donc plutôt silencieux.

Elle ne mentionna pas que Stevie, son rottweiler à moitié aveugle, avait griffé les placards de la salle de bain. Ni que Bonbon, le golden retriever diabétique, avait vomi dans la chambre tellement souvent que même Maggie narrivait plus à en ignorer lodeur.

Ça naurait rien changé. M. Hurley ne se laissa pas émouvoir par leurs yeux de chien battu.

« Ce nest pas le problème. Vous avez enfreint les règles. Pour deux chiens, jaurais fermé les yeux, mais pas pour cinq. À moins de vous plier au règlement et de vous contenter dun seul petit chien, il va falloir que vous trouviez un autre endroit où vivre.

Vous nêtes pas sérieux ? Je ne peux pas choisir entre mes chiens.

Vous navez quà leur trouver de bons foyers, dans dautres familles. »

Comme si cétait possible. Cétait bien pour ça quils étaient tous là. La plupart des célibataires actifs et des familles avec enfants navaient pas la moindre envie daccueillir un chien âgé ou estropié. Tout ce quils voulaient, cétaient des chiots à peine sortis du ventre de leur mère qui couraient partout sur leurs quatre pattes, avec assez dénergie pour jouer à la balle.

Et elle savait dexpérience quelle ne pourrait pas confier ses chiens à un refuge en attendant de trouver un nouveau chez-elle. Ils seraient euthanasiés avant la fin de la semaine. Et encore fallait-il quelle réussisse à trouver un nouveau travail pour mettre un toit au-dessus de leurs têtes, de la nourriture dans leurs gamelles, et des médicaments dans leurs corps.

Quallait-elle pouvoir faire ?

M. Hurley, sourd à ses protestations, séloigna sans un mot de plus.

Cétait un sacré coup, dont elle savait quil risquait darriver. Elle enfreignait les règles depuis un moment déjà. Mais elle naurait jamais cru quil lexpulserait vraiment. Désormais, lheure semblait venue. Elle navait plus de travail, et nulle part où vivre.

Mais elle nallait pas abandonner. Elle nabandonnait jamais. Peu importe la gravité de la situation. Il y avait toujours une solution.

Maggie empila les chiens un par un dans le coffre de sa camionnette. Pour leur éviter des blessures supplémentaires, elle devait les enfermer dans des caisses de transport pendant les trajets. Elle plaça Guerrière le chihuahua, Étoile le carlin et Pirouette dans le coffre. Pirouette napprécia pas du tout dêtre ainsi confiné et commença immédiatement à gémir. Maggie prit le temps de le calmer à laide dun jouet à mordiller, puis plaça Bonbon le golden retriever sur la banquette arrière avant dy guider également Stevie le rottweiler aveugle.

Une fois toute léquipe en place, elle démarra en direction du seul endroit auquel elle pouvait penser. Léglise. Il lui faudrait au moins un miracle pour se sortir de cette situation.

Léglise était nichée dans un coin de la ville, comme un secret. Mais les membres de la congrégation étaient nombreux ; ils létaient déjà quand Maggie lavait intégrée à ladolescence. À côté de léglise sélevait le centre dhébergement gris et froid où Maggie avait passé lessentiel de sa jeunesse, comme une sœur laide et terne à côté des briques rouges et des moulures blanches de léglise.

Cétait à léglise que Maggie avait trouvé le réconfort pendant ses nuits les plus sombres. Elle avait prié pour que Dieu lui ramène ses parents. Quand ses prières navaient trouvé aucun écho, elle avait prié pour quune nouvelle maman et un nouveau papa laiment de tout leur cœur. Mais même quand ces prières-là navaient pas reçu la réponse quelle espérait, Maggie navait pas abandonné ; un jour, à genoux au milieu des bancs, elle avait relevé les yeux et sétait rendu compte que les membres de la congrégation étaient devenus sa famille.

Elle se gara sur le parking derrière léglise. Elle sortit les chiens un par un de la camionnette puis les emmena vers la pelouse de la cour où nombre de pique-niques estivaux avaient eu lieu. Le pasteur David avait été un grand amoureux des chiens. Cet amour partagé des animaux les avait beaucoup rapprochés quand Maggie était jeune. Elle avait espéré que le pasteur David finirait par ladopter, mais il était resté célibataire toute sa vie. Cependant, sa porte lui était toujours restée ouverte. Et cette politique de la porte ouverte avait continué même après sa mort.

« Mais voilà ma vétérinaire préférée. »

Maggie se retourna en entendant une voix familière. Son sourire sélargit et elle ouvrit les bras avant même de voir le pasteur Patel.

« Et voilà mon psy préféré. »

Ils senlacèrent. Juste avant quil ne séloigne, Maggie serra une dernière fois lhomme dans ses bras. Elle navait pas été enlacée comme ça depuis trop longtemps, et elle en avait particulièrement besoin ce jour-là.

Le pasteur Patel recula sans rompre le contact. Il ne posa pas de question mais se contenta de pencher la tête sur le côté, lobservant en silence de ses yeux brun clair.

« Tout va bien. »

Elle essaya déloigner son inquiétude dun geste, mais les larmes sétaient déjà formées dans ses yeux.

Maggie ne pleurait jamais. Au foyer, elle avait compris que cela ne servait à rien. Elle ne recevrait pas plus dattention que les autres pour autant. Même en famille daccueil, elle savait que cela ne servait à rien. La famille ne se souciait pas delle, seulement du fait quelle leur amenait une compensation financière et quelle était assez âgée pour soccuper des autres enfants placés.

Mais, comme le pasteur David, le pasteur Patel sétait toujours soucié delle. Et il avait toujours réussi à la faire parler de ses sentiments.

« Je viens de passer la pire semaine de ma vie. »

Comme sil avait compris quelle parlait de lui, Pirouette vint sappuyer tout contre sa jambe, ses roues sarrêtant de tourner tandis quil lui adressait un regard dexcuse.

« Je vois que la meute a un nouveau membre. »

Le pasteur Patel se pencha, offrant le dos de sa main au chien. Pirouette renifla la main tendue. Puis la lécha. Puis lui donna un petit coup de tête, comme sil reconnaissait que le pasteur était quelquun de bien.

Maggie renifla elle aussi, puis tout sortit dun coup.

« Jétais censée leuthanasier parce quil était blessé. Quand jai dit non, ils mont virée. Et maintenant mon propriétaire dit que je dois me débarrasser de quatre dentre eux si je veux garder lappartement. Comment les gens peuvent-ils être aussi cruels ? Ces chiens sont ma famille. Ce nest pas parce quils sont blessés quils ne méritent pas dêtre aimés ! »

Le pasteur baissa les yeux vers elle. Son regard lui rappelait toujours celui dune statue de Bouddha. Elle savait quil avait lu tout cela en elle avant même quelle nouvre la bouche.

« Bien sûr, ma chère. Lamour est la meilleure manière de soigner un animal blessé.

Je ne savais pas où aller, dit Maggie. Jespérais un miracle. »

Le pasteur hocha la tête, ses yeux pétillants à la lumière dune révélation.

« Je pense que je peux taider. »

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