Avant Qu’il Ne Traque - Блейк Пирс 5 стр.


« Je vous remercie encore d'avoir accepté de me rencontrer, » dit Mackenzie. « Surtout dans un délai aussi court. »

« Ce n'est vraiment pas un problème, » dit-elle. « Entre nous, j'espère qu'on arrivera à rassembler assez d'éléments pour que le shérif Tate suggère au comté de faire enfin démolir ce fichu pont. »

Haggerty versa une tasse de café à Mackenzie et les deux femmes s'assirent à la petite table qui se trouvait dans un charmant coin petit-déjeuner, juste à côté de la cuisine. À côté de la table, une fenêtre s'ouvrait sur les ormes et les chênes qui se dressaient dans le jardin arrière.

« J'imagine que vous avez été informée des événements d'hier après-midi ? » demanda Mackenzie.

« Oui, » dit Haggerty. « Kenny Skinner. Vingt-deux ans, c'est bien ça ? »

Mackenzie hocha la tête, tout en buvant une gorgée de son café. « Et Malory Thomas, il y a quelques jours. Maintenant... pouvez-vous me dire pourquoi vous insistez autant auprès du shérif concernant ce pont ? »

« Eh bien, Kingsville n'a pas grand-chose à offrir. Et bien que les gens vivant dans une petite ville ne veuillent pas l'admettre, un coin perdu comme ici n'a jamais rien eu à offrir aux adolescents et aux jeunes adultes. Et quand ce genre de choses arrivent, des points de repère morbides comme le Miller Moon Bridge deviennent emblématiques. En consultant les archives de la ville, les habitants mettaient déjà fin à leurs jours depuis ce pont dès 1956, quand il était encore en service. À notre époque, les jeunes gens sont exposés à tellement de négativité et de problèmes de confiance en eux qu'une construction aussi emblématique que ce pont peut prendre beaucoup plus d'importance. Les jeunes qui cherchent à sortir d'une manière ou d'une autre de cette ville en arrivent à des extrêmes et il ne s'agit plus seulement de sortir d'ici... mais d'en finir avec la vie en général. »

« Alors vous pensez que ce pont offre aux jeunes gens suicidaires un moyen facile de mettre fin à leurs jours ? »

« Pas vraiment un moyen facile en soi, » dit Haggerty. « C'est plutôt comme un point de repère pour eux. Et ceux qui ont sauté de ce pont avant eux n'ont fait que leur montrer la voie. Ce pont n'est même plus vraiment un pont. C'est une plate-forme à suicides. »

« Hier soir, le shérif Tate m'a également dit que vous aviez du mal à croire que tous ces suicides puissent vraiment n'être que des suicides. Est-ce que vous pourriez m'en dire plus à ce sujet ? »

« Oui, bien sûr... et on peut commencer en prenant Kenny Skinner comme exemple. Kenny était un type populaire. Entre nous, je ne pense pas qu'il allait faire quoi que ce soit d'extraordinaire dans sa vie. Il aurait probablement continué à vivre ici le reste de sa vie, en travaillant au magasin de pneus et de tracteurs de Kingsville. Mais il avait une vie plutôt agréable ici, vous savez ? D'après ce que je sais, les filles l'aimaient plutôt bien et dans une ville comme celle-ci – enfin, dans un comté comme celui-ci – c'est le genre de choses qui vous garantit de passer de bons week-ends. J'ai personnellement parlé à Kenny au cours de ce dernier mois, quand j'ai crevé un pneu après avoir roulé sur un clou. C'est lui qui me l'a réparé. C'était un garçon poli, rieur, avec de bonnes manières. J'ai vraiment du mal à croire qu'il ait pu se suicider de cette manière. Et si vous faites des recherches concernant les personnes qui se sont jetées de ce pont au cours des trois dernières années, il y a au moins une ou deux autres personnes pour lesquelles j'ai vraiment des doutes... des personnes que je n'aurais jamais imaginé pouvoir se suicider. »

« Alors vous pensez qu'il pourrait s'agir de crimes ? » demanda Mackenzie.

Haggerty réfléchit un instant avant de répondre. « C'est l'impression que j'ai, mais je ne peux pas non plus l'affirmer en toute certitude. »

« Et j'imagine que cette impression se base sur votre opinion professionnelle et non pas uniquement sur le fait qu'autant de suicides dans votre ville vous attriste ? » demanda Mackenzie.

« Tout à fait, » dit Haggerty, tout en ayant l’air un peu offusquée par la nature de la question.

« Est-ce que vous avez eu Kenny Skinner ou Malory Thomas en tant que clients ? »

« Non. Et aucune des autres victimes depuis 1996. »

« Donc vous avez rencontré au moins l'une des personnes qui s'est suicidée de ce pont ? »

« Oui, une seule. Et avec elle, je l'ai vu venir. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour convaincre sa famille qu'elle avait besoin d'aide. Mais j'étais à peine parvenue à leur faire comprendre la situation, qu'elle se jetait de ce pont. Vous voyez... dans cette ville, le Miller Moon Bridge est synonyme de suicide. Et c'est pour ça que je voudrais vraiment que le comté prenne la décision de le détruire. »

« Car vous pensez qu'il attire trop facilement toute personne ayant des tendances suicidaires ? »

« Exactement. »

Mackenzie sentit que la conversation arrivait à sa fin. Elle avait appris tout ce qu'elle avait à savoir. Elle était convaincue que le Dr. Haggerty n'était pas le genre de personnes à exagérer les faits juste pour se rendre intéressante. Bien qu'elle ait essayé de minimiser ce qu'elle pensait de peur de se tromper, Mackenzie sentait qu'Haggerty était fermement convaincue que quelques-uns de ces suicides n'en étaient pas.

Et cette petite pointe de scepticisme était tout ce dont Mackenzie avait besoin. S'il y avait la moindre chance que l'un des deux derniers cadavres soit un meurtre et non un suicide, elle voulait en être tout à fait certaine avant de rentrer à Washington.

Elle finit son café, remercia le Dr. Haggerty pour le temps qu'elle lui avait consacré, et quitta la maison. En chemin vers sa voiture, elle regarda la forêt qui entourait Kingsville. Elle regarda en direction de l'Ouest, vers l'endroit où se dressait le Miller Moon Bridge, accessible uniquement à travers une série de routes de campagne et un chemin en graviers qui semblait indiquer aux voyageurs qu'ils arrivaient en bout de parcours.

En revoyant l'image des roches ensanglantées en-dessous du pont, Mackenzie fut parcourue d'un frisson.

Elle écarta cette pensée, démarra le moteur et sortit son téléphone. Si elle voulait en avoir le cœur net concernant cette affaire, il allait falloir qu'elle l'aborde comme s'il s'agissait d'une enquête pour meurtre. Il fallait donc qu'elle commence par parler avec les membres de la famille de la victime la plus récente.

CHAPITRE SEPT

Avant de rendre visite à la famille de Kenny Skinner, Mackenzie appela McGrath pour avoir son accord explicite. Sa réponse fut claire, nette et précise : Je m'en fous s'il faut que vous parliez avec toute l'équipe de baseball du coin, tant que vous me solutionnez cette affaire !

Après avoir reçu cette confirmation, elle n'eut plus aucun problème à se rendre chez Pam et Vincent Skinner. D'après ce que McGrath lui avait expliqué, Pam Skinner était autrefois Pam Wilmoth. Sœur ainée du directeur adjoint Wilmoth, elle travaillait de chez elle en tant qu'experte en soumission de projets pour une agence environnementale. Quant à Vincent Skinner, c'était le propriétaire du magasin de pneus et de tracteurs de Kingsville, où son fils travaillait depuis ses quinze ans.

Quand Mackenzie frappa à leur porte, elle ne fut reçue par aucun des Skinner, mais par le pasteur de l'église presbytérienne de Kingsville. Quand Mackenzie lui montra son badge et lui expliqua la raison de sa visite, il la fit entrer et lui demanda d'attendre dans le vestibule. La famille Skinner vivait dans une jolie maison à un coin de rue, dans le quartier qui devait vraisemblablement correspondre au centre-ville de Kingsville. Elle sentit l'odeur agréable de quelque chose qui cuisait au four, venant probablement de la cuisine, au bout d'un long couloir. Quelque part dans la maison, elle entendit le bruit de la sonnerie d'un téléphone. Elle entendit également la voix étouffée du pasteur, qui informait Pam et Vincent Skinner qu'une femme du FBI était là et souhaitait leur poser quelques questions concernant Kenny.

Cela prit quelques minutes mais Pam Skinner finit par venir à sa rencontre. La femme avait le visage rougi par les larmes et avait l'air de ne pas avoir dormi de la nuit.

« Vous êtes l'agent White ? » demanda-t-elle.

« Oui, c'est moi. »

« Merci d'être venue, » dit Pam. « Mon frère m'avait informée que vous viendriez à un moment ou à un autre. »

« Si c'est trop tôt, je peux... »

« Non, non, je préfère en finir le plus tôt possible, » dit-elle.

« Est-ce que votre mari est à la maison ? »

« Il a choisi de rester dans le salon avec notre pasteur. Vincent a vraiment beaucoup de mal avec ce qui s’est passé. Il s'est évanoui à deux reprises hier soir et il passe par des phases où il refuse tout simplement de croire que ça ait vraiment eu lieu et... »

Et semblant surgir de nulle part, un énorme sanglot sortit de la gorge de Pam. Elle s'appuya contre le mur, prit une profonde inspiration et ravala ce qui semblait être un énorme chagrin qui avait besoin de sortir.

« Madame Skinner... Je peux revenir plus tard. »

« Non, il vaut mieux que ce soit maintenant. Il a fallu que je sois forte et que je tienne le coup toute la nuit pour Vincent. Je pense que je pourrai encore tenir quelques minutes de plus pour vous. Venez... allons dans la cuisine. »

Mackenzie suivit Pam Skinner le long du couloir, en direction de la cuisine où elle commença à reconnaître l'odeur qu'elle avait remarquée en arrivant. Apparemment, Pam préparait des brioches a la cannelle, en cherchant peut-être par là à oublier sa peine et à adopter une certaine forme de normalité. Pam vérifia la cuisson de manière peu enthousiaste pendant que Mackenzie s'installait sur un tabouret au comptoir de la cuisine.

« J'ai parlé avec le Dr. Haggerty ce matin, » dit Mackenzie. « Elle essaie depuis des années de faire détruire le Miller Moon Bridge. A un moment, elle a mentionné le nom de votre fils. Elle a du mal à croire que Kenny ait pu se suicider. »

Pam hocha catégoriquement la tête. « Elle a absolument raison. Il est impossible que Kenny se soit suicidé. Rien que l'idée est complètement ridicule. »

« Est-ce que vous avez des raisons de penser que quelqu'un pourrait vouloir faire du mal à votre fils ? »

Pam secoua la tête, de manière aussi catégorique qu'elle avait acquiescé quelques instants plus tôt. « J'y ai pensé toute la nuit. Et bien sûr, ça a fait ressurgir quelques vérités un peu dérangeantes concernant Kenny. Il y avait bien l'un ou l'autre gars qui ne l'aimait pas spécialement car il avait tendance à piquer les petites copines des autres. Mais rien de vraiment sérieux en soi. »

« Et au cours des dernières semaines, est-ce que vous avez entendu Kenny dire quoi que ce soit ou agir d'une certaine façon qui aurait pu indiquer qu'il envisageait de mettre fin à ses jours ? »

« Non. Rien de tel. Même quand Kenny était de mauvaise humeur, il parvenait à illuminer une pièce. Il était rarement fâché pour quoi que ce soit. Ce n'était pas un enfant parfait mais mon dieu, je ne pense pas qu'il ait eu la moindre colère ou haine en lui. C'est absolument incompréhensible qu'il puisse s'être suicidé. »

Un autre sanglot lui échappa entre les mots s'être et suicidé.

« Est-ce que vous savez s'il se sentait lié d'une manière ou d'une autre à ce pont ? » demanda Mackenzie.

« Pas plus que les autres adolescents et jeunes adultes en ville. J'imagine qu'il a probablement été y boire de l'alcool à l'occasion ou éventuellement y amener une fille, mais rien qui ne sorte de l'ordinaire. »

Mackenzie sentit que Pam Skinner était sur le point de craquer. Encore une minute ou deux et elle allait s'effondrer en sanglots.

« J'ai une dernière question à vous poser et sachez qu'il est vraiment nécessaire que je vous la pose. Êtes-vous certaine que vous connaissiez bien votre fils ? Est-ce que vous pensez qu'il soit possible qu'il ait une sorte de double vie ou des secrets qu'il vous ait cachés, à vous et à votre mari ? »

Elle y réfléchit un instant et ses yeux se remplirent de larmes. Lentement, elle dit, « J'imagine que tout est possible. Mais si Kenny nous dissimulait vraiment des choses, il le faisait avec brio. Et bien qu'il ait beaucoup de qualités, il n'était pas vraiment du genre déterminé. Alors, pour qu'il parvienne à nous cacher une double vie... »

« Je vois ce que vous voulez dire, » dit Mackenzie. « Maintenant, je vais vous laisser tranquille. Mais si vous repensez à quoi que ce soit d'important dans les prochains jours, n'hésitez pas à m'appeler. »

Sur ces mots, Mackenzie se leva et posa sa carte de visite sur le plan de travail. « Je vous présente encore toutes mes condoléances, madame Skinner. »

Mackenzie partit rapidement mais de manière polie. Elle ressentit tout le poids du chagrin de la famille jusqu'à ce qu'elle soit finalement dehors, avec la porte refermée derrière elle. Et même alors, en se dirigeant vers sa voiture, elle pouvait entendre les sanglots de Pam Skinner qui avait fini par craquer. Au son obsédant de cette douleur, Mackenzie sentit son cœur se briser un petit peu.

Même lorsqu'elle fut sur la route, le bruit des sanglots de Pam Skinner continua à résonner dans sa tête comme une brise d'automne faisant voler des feuilles mortes dans une rue déserte.

CHAPITRE HUIT

Il n'y avait pas de médecin légiste dans le comté et le bureau du médecin légiste le plus proche se trouvait à Arlington, a une heure et demie de route de Kingsville. Plutôt que de rentrer à Washington et devoir de toute façon revenir à Kingsville, Mackenzie retourna dans sa chambre de motel et passa une série d'appels. Dix minutes plus tard, elle appelait par Skype le médecin légiste en charge des corps de Malory Thomas et de Kenny Skinner. Le corps de ce dernier n'était pas encore entièrement prêt à être analysé, ce qui rendait les choses un peu plus difficiles.

Mackenzie appela tout de même et attendit d'avoir le médecin légiste en ligne. L'homme de l'autre côté du fil était un médecin avec lequel Mackenzie avait travaillé à plusieurs reprises sur d'autres enquêtes, un homme d’âge moyen aux cheveux grisonnants, du nom de Barry Burke. C'était agréable de voir un visage connu après la matinée qu'elle venait d'avoir. Elle ne parvenait toujours pas à oublier le poids du chagrin qui avait envahi Pam Skinner au moment où elle avait quitté leur maison.

« Bonjour, agent White, » dit Burke.

« Bonjour, docteur. J'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas encore grand-chose à apprendre du corps de Kenny Skinner, c'est bien ça ? »

« J'en ai bien peur, oui. Et au risque de paraitre un peu cru, son corps est dans un sale état. Peut-être que si vous me disiez ce que vous cherchez à savoir, je pourrais le faire passer en priorité. »

« Des bleus ou des égratignures récentes. Tout signe qui pourrait indiquer une lutte. »

« OK, j'en prends note. Maintenant... J'imagine que vous souhaitez savoir la même chose concernant Malory Thomas, c'est bien ça ? »

« Oui, en effet. Vous avez des informations à ce sujet ? »

« Il se pourrait bien, oui. Même si, et bien que j'aie horreur de l'admettre, quand nous réceptionnons un corps qui est manifestement le résultat d'un suicide, il y a certaines choses qui se retrouvent instantanément en bas de la liste des priorités. Mais oui... on a trouvé quelque chose sur Malory Thomas qui, en toute honnêteté, pourrait n'être rien du tout. Mais si vous cherchez des égratignures... »

« Qu'est-ce que vous avez trouvé ? » demanda-t-elle.

« Attendez un instant et je vous envoie une photo, » dit-il. Il cliqua sur des documents et l'icône d'image attachée apparut dans la fenêtre du Skype.

Mackenzie cliqua dessus et un document JPEG s'ouvrit sur son écran. L'image montrait le dessous de la main droite de Malory Thomas.

Mackenzie zooma sur l'image et vit tout de suite de quoi Burke voulait parler. Malory avait des entailles et des abrasions très visibles entre les premières et deuxièmes phalanges de trois doigts. Les entailles étaient très irrégulières et, bien qu'elles ne soient pas ensanglantées, elles étaient à vif et plutôt désagréables à regarder. Il y avait deux très grandes égratignures sur la partie supérieure de la paume qui avaient également l'air d'être assez récentes. Et enfin, il y avait une sorte de faible renfoncement dans la chair de sa main, juste au-dessus de la paume, en forme de petit arc de cercle. Pour une raison ou une autre, cette dernière marque ressortait plus que les autres. Sa présence lui parut bizarre et ça signifiait généralement que c'était là l'indice qu'elle recherchait.

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