Tous Les Moyens Nécessaires - Джек Марс 4 стр.


Il hurla encore et encore au téléphone avant de parvenir à ses fins. Quand il eut enfin quelqu'un au bout du fil, il se lança en hurlant dans la première de nombreuses argumentations. Au bout de quelques minutes, il se calma et paya attention. Puis il raccrocha.

Le visage d'Eldrick était rouge, il avait de la fièvre. Il la sentait brûler à travers son corps. Il sentait son coeur s'emballer. Il n'avait pas vomi mais il avait la sensation qu'il allait bientôt le faire. Ils avaient attendu au point de rendez-vous sur la rive dans le sud du Bronx pendant plus de deux heures. C'était sensé être une simple transaction. Dérober les substances, conduire la camionnette dix minutes, rencontrer les personnes de contact et s'en aller. Mais les personnes de contact ne sont jamais apparues.

Et maintenant ils étaient… quelque part. Eldrick ne savait pas où. Il s'était évanoui pendant un moment. Il était réveillé maintenant mais il avait l'impression d'être dans les brumes d'un rêve. Ils roulaient sur une autoroute. Momo conduisait. Il devait sûrement savoir où ils se dirigeaient. Momo, expert technologique, maigre et sans une fibre musculaire, regarda de côté. Il était si jeune que la peau lisse de son visage n'était marquée d'aucune ride. On aurait dit qu'il ne pourrait jamais se faire pousser la barbe, même si le salut d'Allah en dépendait.

“Nous avons de nouvelles instructions,” dit Ezatullah.

Eldrick grogna. Il voudrait disparaître et mourir. Il n'avait aucune idée qu'il était possible de se sentir aussi malade.

“Il faut que je sorte de cette camionnette,” dit Eldrick.

“Ta gueule, Abdul!”

Eldrick avait oublié… Il se prénommait Abdul Malik maintenant. Ça lui faisait bizarre d'être appelé Abdul, lui, Eldrick, un fier homme noir, un fier Américain durant la majeure partie de sa vie. Il se sentait tellement malade pour l'instant qu'il souhaitait n'avoir jamais changé de nom. Se convertir en prison avait été la chose la plus stupide qu'il n'avait jamais faite.

Toute cette merde était à l'arrière de la camionnette. Il y en avait beaucoup, dans toutes sortes de bidons et de boîtes. Un peu de substance s'était répandue et était occupée à les tuer. Bibi y était déjà passé. L'idiot avait ouvert un bidon alors qu'ils étaient encore dans la zone de confinement. Il était extrêmement fort et en avait arraché le couvercle. Pourquoi avait-il fait ça? Eldrick le voyait encore soulever le bidon. “Il n'y a rien là-dedans,” dit-il. Et il avait porté le bidon à son nez.

En l'espace d'une minute, il avait commencé à tousser. Il s'affaisa sur les genoux, puis à quatre pattes en toussant. “J'ai quelque chose dans les poumons,” dit-il. “Je n'arrive pas à le faire sortir.” Il commença à haleter et à chercher sa respiration. Le son était horrible.

Ezatullah s'était dirigé vers lui et lui avait tiré une balle dans la nuque.

“Crois-moi, je lui ai fait une faveur,” dit-il.

La camionnette traversait maintenant un long, étroit et obscur tunnel avec des lumières oranges au plafond. Les lumières donnèrent le vertige à Edrick.

“Il faut que je sorte de cette camionnette!” hurla-t-il. “Il faut que je sorte de cette camionnette! Il faut que je… ”

Ezatullah se retourna. Il avait sorti son revolver et le pointa sur Eldrick.

“Silence! Je suis au téléphone.”

Le visage tranché d'Ezatullah était rouge pivoine, il transpirait.

“Tu vas me tuer comme tu l'as fait avec Bibi?”

“Ibrahim était mon ami,” dit Ezatullah. “Je l'ai tué par pitié. Mais toi, je te tuerai juste pour que tu la fermes.” Il pressa le canon du revolver sur le front d'Eldrick.

“Tue-moi. Je m'en fous.” Eldrick ferma les yeux.

Quand il les rouvrit, Ezatullah s'était de nouveau retourné. Ils roulaient toujours dans le tunnel. Les lumières étaient de trop. Une vague soudaine de nausée traversa le corps d'Eldrick et un spasme le saisit. Son estomac se serra et il sentit le goût de l'acide dans sa gorge. Il se pencha et vomit sur le sol entre ses chaussures.

En quelques secondes, la puanteur le prit au visage et il se sentit à nouveau démoralisé.

Oh mon Dieu, pria-t-il en silence. Laissez-moi mourir.

Chapitre 7

5h33 du matin

East Harlem, Quartier de Manhattan


Luke retenait sa respiration. Le vacarme n'était pas sa tasse de thé et une bonne dose de vacarme était sur le point d'arriver.

Il se tenait complètement immobile dans la lumière lugubre d'un immeuble de Harlem. Il avait sorti son revolver et se tenait collé au mur. Derrière lui, Ed Newsam se tenait dans une position quasiment identique. Devant eux dans l'étroit couloir, une demi-douzaine de membres de l'équipe SWAT, portant casques et gilets pare-balles, se tenaient de chaque côté d'une porte d'appartement.

L'édifice était silencieux et l'air chargé de poussière. Quelques instants auparavant, un petit robot avait glissé une minuscule caméra en-dessous de la porte afin de vérifier la présence d'explosifs de l'autre côté. Négatif. Le robot avait maintenant été retiré.

Deux types du SWAT prirent le relais avec un lourd bélier du type balancier, équipé d'une poignée de chaque côté. Ils n'émettirent aucun son. Le chef de l'équipe SWAT leva le poing. Son index se dressa.

Un.

Le majeur maintenant. Deux.

L'annulaire…

Les deux hommes prirent leur élan et balancèrent le bélier. BOUM!

La porte explosa vers l'intérieur tandis que les deux hommes se repliaient. Les quatre autres membres de l'équipe se jetèrent à l'intérieur en hurlant. “À plat ventre! À plat ventre! À plat ventre MAINTENANT!”

Quelque part dans le couloir, un enfant se mit à pleurer. Des portes s'ouvrirent, des têtes passèrent le bout de leur nez et disparurent aussitôt. Ce n'était pas inhabituel dans ce quartier. Parfois les flics faisaient une descente et brisaient la porte d'un voisin.

Luke et Ed attendirent une trentaine de seconde, le temps que l'équipe SWAT ait sécurisé l'appartement. Le corps gisait sur le sol du salon, comme s'y attendait Luke. Il le regarda à peine.

“C'est dégagé?” demanda-t-il au chef de l'équipe du SWAT. Le type le fixa un instant. Il y avait eu un moment de friction lorsque Luke avait pris le commandement de cette équipe. Ces gars faisaient partie du service de police de New York. Ils n'aimaient pas du tout l'idée d'être les pions des Fédéraux et ils tenaient à ce que Luke le sache. Luke n'avait aucun problème avec ça mais une menace d'attaque terroriste était en jeu et il n'était pas là par caprice.

“C'est dégagé,” répondit le chef de l'équipe. “C'est probablement votre type, là.”

“Merci,” dit Luke.

Le chef du SWAT haussa les épaules et détourna le regard.

Ed s'agenouilla près du corps. Il avait emmené un scanner d'empreintes digitales avec lui et scanna l'empreinte de trois doigts.

“Qu'est-ce que tu en penses, Ed?”

Il haussa les épaules. “J'ai téléchargé dans ce scanner les empreintes digitales de Ken Bryant à partir de la base de données de la police. Nous devrions savoir dans quelques secondes s'il s'agit de lui. Entretemps, je peux déjà te dire qu'il y a des marques évidentes de ligature et de gonflement. Le corps est encore un peu chaud. La rigidité cadavérique est présente mais pas complète. Les doigts commencent seulement à devenir bleus. Je dirais qu'il est mort de la même manière que les gardiens de sécurité à l'hôpital, par strangulation, il y a environ huit à douze heures.”

Il leva les yeux vers Luke. Son regard pétillait. “Si tu veux, tu peux lui baisser son pantalon pour que je prenne sa température rectale et déterminer plus précisement l'heure de la mort.”

Luke sourit et secoua la tête. “Non merci. Une tranche horaire de huit à douze heures me va très bien. Dis-moi juste une chose: est-ce que c'est lui?”

Ed jeta un oeil à son scanner. “Bryant? Ouais. C'est lui.”

Luke sortit son téléphone et appela Trudy. De l'autre côté de la ligne, le téléphone sonna. Une fois, deux fois, trois fois. Luke balaya du regard l'appartement morose. Les meubles du salon étaient vieux, la tapisserie était déchirée et le rembourrage sortait des accoudoirs du divan. Un tapis étriqué était étalé sur le sol et des cartons vides de repas à emporter et des couverts en plastique étaient éparpillés sur la table. De lourds rideaux noirs étaient cloués devant les fenêtres.

La voix de Trudy retentit, alerte, presque mélodieuse. “Luke,” dit-elle. “Ça fait combien de temps? Une demi-heure?”

“Je voulais te parler du concierge disparu.”

“Ken Bryant,” dit-elle.

“Exact. Et bien, on l'a retrouvé. Je suis avec Newsam dans son appartement en ce moment même. On a pu l'identifier de manière positive. Il est mort étranglé, comme les gardiens, il y a environ huit à douze heures.”

“OK,” répondit-elle.

“Je veux que tu accèdes à ses comptes en banque. Il recevait probablement des dépôts directs de son boulot à l'hôpital. Commence avec ça et fais des recherches graduellement à partir de là.”

“Je vais sûrement avoir besoin d'un mandat pour ça.”

Luke fit une pause. Il comprenait son hésitation. Trudy était un bon agent mais elle était également jeune et pleine d'ambition. Enfreindre les règles pouvait faire dérailler une carrière prometteuse. Mais pas toujours. Parfois, enfreindre les règles menait à des promotions accélérées. Tout dépendait de quelles règles étaient enfreintes et de ce qui en résultait.

“Est-ce que Swann est près de toi?” demanda-t-il.

“Oui.”

“Alors tu n'as pas besoin d'un mandat.”

Elle ne répondit pas.

“Trudy?”

“Je suis là.”

“On n'a pas le temps pour un mandat. Des vies sont en jeu.”

“Est-ce que Bryant est un suspect?”

“Il s'agit d'une personne qui nous  intéresse. De toutes façons, il est mort. Ce n'est pas comme si on violait ses droits.”

“Dois-je prendre ça comme un ordre de ta part, Luke?”

“C'est un ordre direct,” dit-il. “J'en assume la responsabilité. Et si tu veux que ce soit plus clair, je t'informe que ta place en dépend. Tu obéis à mes ordres ou j'entame une procédure disciplinaire à ton encontre. C'est compris?”

Elle répondit de manière irritée, presque comme un enfant. “OK.”

“Bon, alors une fois que tu as accédé à ses comptes, je veux que tu cherches tout ce qui peut sortir de l'ordinaire, de l'argent qui n'a rien à faire là, d'importants dépôts ou retraits, des transferts d'argent. S'il possède un compte épargne ou des investissements, je veux que tu les vérifies. On parle d'un ancien taulard avec un job de concierge. Il ne devrait pas avoir beaucoup d'argent mais si c'est le cas, je veux en connaître la provenance.”

“Compris, Luke.”

Il hésita. “On en est où avec les plaques d'immatriculation?”

“On va aussi vite qu'on peut,” dit-elle. “Nous avons en notre possession les enregistrements vidéos des caméras aux croisements de la 5ème Avenue avec la 96ème Rue et la 94ème Rue, ainsi que quelques enregistrements vidéos du quartier. Nous suivons à la trace 198 véhicules, dont 46 sont haute priorité. Je devrais recevoir un rapport du quartier général dans environ quinze minutes.”

Luke jeta un coup d'oeil à sa montre. Le timing devenait serré. “D'accord. Bon boulot! On vous rejoint dès qu'on peut.”

“Luke?”

“Oui.”

“On parle de cette histoire partout dans les médias. Il y a trois connexions directes live sur grand écran ici même à cet instant. Tous les médias en parlent.”

Il hocha de la tête. “Je m'en doutais un peu.”

Elle continua. “Le maire a prévu une annonce officielle à 6h du matin. On pense qu'il va demander à tout le monde de rester chez soi aujourd'hui.”

“Tout le monde?”

“Il aimerait que tout le personel non essentiel reste à l'écart de Manhattan, comme les employés de bureau, le personnel de nettoyage, les employés de magasin, les écoliers et les professeurs. Il va suggérer à cinq millions de personnes de prendre un jour de congé.”

Luke se frotta la bouche de la main et inspira profondément. “Ça devrait remonter le moral,” dit-il. “Si les habitants de New York restent chez eux, les terroristes n'ont qu'à frapper Philadelphie.”

Chapitre 8

5h45 du matin

Baltimore, Maryland – Au sud du tunnel de Fort McHenry


Eldrick se tenait debout, seul, à environ une dizaine de mètres de la camionnette. Il venait de vomir à nouveau. Ça se limitait surtout à des haut-le-coeurs et à un peu de sang, ce qui le dérangeait. Il était encore étourdi, fièvreux et rouge mais avec l'estomac vide, les nausées avaient presque disparu. Et surtout, il était enfin sorti de cette camionnette.

Au loin à l'horizon, le ciel commençait à s'illuminer d'une pâle et maladive lumière jaune.  Mais ici, il faisait encore nuit. Ils étaient garés dans un parking désert le long d'un front de mer lugubre. Un pont d'autoroute les surplombait. À proximité, se trouvait un édifice industriel en briques abandonné, surmonté de deux cheminées. Les fenêtres en étaient brisées, tels des trous noirs similaires à des yeux éteints. Le bâtiment était entouré d'une clôture en fil barbelé et des pancartes 'NE PAS ENTRER' étaient placées tous les dix mètres. Un trou dans la clôture était visible. Toute la zone entourant le bâtiment était envahie d'herbes hautes et de buissons.

Il jeta un oeil à Ezatullah et à Momo. Ezatullah était occupé à décoller l'un des grands autocollants magnétiques avec l'inscription 'Services de blanchisserie Dun-Rite' d'un côté de la camionnette. Il l'emporta au bord de l'eau et le lança au loin. Puis il revint sur ses pas et décolla l'autre côté. Eldrick n'avait jamais envisagé que les inscriptions pouvaient être retirées. Pendant ce temps, Momo était agenouillé devant la camionnette avec un tournevis et enleva la plaque d'immatriculation, la remplaçant par une autre. L'instant d'après, il était à l'arrière, occupé à faire de même avec la plaque d'immatriculation de derrière.

Ezatullah fit un geste en direction de la camionnette. “Voilà!” dit-il. “Un véhicule complètement différent. Essaie de m'attraper maintenant, Oncle Sam!” Le visage d'Ezatullah était rouge vif et en sueur. Sa respiration sifflait et ses yeux étaient injectés de sang.

Eldrick jeta un oeil aux alentours. La condition physique d'Ezatullah lui avait donné une idée. L'idée allait et venait, telle une lumière clignotante. C'était la meilleure manière de penser car les pensées pouvaient être lues à travers le regard.

“Où sommes-nous?” demanda-t-il.

“Baltimore,” répondit Ezatullah. “Une autre de vos fantastiques villes américaines et un endroit agréable à vivre, j'imagine, avec son taux de criminalité bas et la beauté de ses paysages. Sans oublier que tous les citoyens de Baltimore sont riches et en bonne santé. Ils font l'envie du reste du monde.”

Durant la nuit, Eldrick avait déliré et s'était évanoui à plusieurs reprises. Il avait perdu la notion du temps et de l'espace. Il ne s'était pas rendu compte qu'ils avaient roulé aussi loin.

“Baltimore? Pourquoi on est venu ici?”

Ezatullah haussa les épaules. “Nous sommes en route vers notre nouvelle destination.”

“La cible est ici?”

Ezatullah sourit et son sourire semblait déplacé sur ce visage empoisonné par les radiations. Il ressemblait à la mort elle-même. Il tendit une main tremblante et donna une tape amicale sur l'épaule d'Eldrick.

“Je suis désolé de m'être fâché sur toi, mon frère. Tu as fait un boulot excellent et tu as rempli toutes les promesses que tu avais faites. Si Allah le veut, je te souhaite d'être au paradis aujourd'hui même. Mais pas de ma main.”

Eldrick resta à le fixer.

Ezatullah secoua la tête. “Non, ce n'est pas Baltimore. Nous continuons vers le sud pour porter un coup qui apportera joie aux masses souffrant à travers le monde. Nous allons nous introduire dans la tanière du Diable lui-même et trancher la gorge du monstre de nos propres mains.”

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