Une Joute de Chevaliers - Морган Райс 5 стр.


Il était le vainqueur, avait réussi l’impossible – et pourtant cela signifiait peu pour lui à présent. Il savait que la mort approchait ; sa récompense, après tout, était d’être envoyé dans la capitale de l’Empire, de devenir un spectacle dans une arène plus grande, avec des ennemis encore pires. La récompense pour tout cela, pour tous ses actes de bravoure, était la mort.

Darius aurait préféré mourir immédiatement plutôt que de devoir revivre à nouveau tout cela. Mais il ne pouvait même pas le contrôler ; il était entravé, impuissant. Combien de temps encore cette torture devrait-elle se poursuivre ? Serait-il forcé de voir tout ce qu’il aimait mourir avant de pouvoir trépasser lui-même ?

Darius ferma les yeux à nouveau, essayant désespérément d’effacer ses souvenirs, et ce faisant lui vint une anecdote du début de son enfance. Il jouait devant la hutte de son grand-père, dans la poussière, maniant un bâton. Il frappait un arbre encore et encore, jusqu’à ce que son grand-père le lui arrache finalement.

« Ne joue pas avec des bâtons », le sermonna son grand-père. « Veux-tu attirer l’attention de l’Empire ? Veux-tu qu’ils pensent que tu es un guerrier ? »

Son grand-père brisa le bâton sur son genou, et Darius s’était hérissé d’indignation. C’était plus qu’un bout de bois : c’était son bâton tout puissant, la seule arme qu’il avait. Il avait signifié tout pour lui.

Oui, je veux qu’ils me connaissent en tant que guerrier. Je ne veux être connu en tant que rien d’autre dans la vie, avait pensé Darius.

Mais alors que son grand-père tournait le dos et s’éloignait comme un ouragan, il avait été trop effrayé pour le dire à haute voix.

Darius avait ramassé le bâton brisé et avait tenu les morceaux dans ses mains, des larmes coulant le long de ses joues. Un jour, jura-t-il, il se vengerait d’eux tous – sa vie, son village, sa situation, l’Empire, tout et n’importe quoi qu’il ne pouvait pas contrôler.

Il les écraserait tous. Et il ne serait connu qu’en tant que guerrier, rien d’autre.

*

Darius ignorait combien de temps s’était écoulé quand il se réveilla, mais il remarqua immédiatement que le soleil étincelant du matin était passé à l’orange terne de l’après-midi, allant vers le coucher de soleil. L’air était bien plus frais, aussi, et ses blessures s’étaient raidies, rendant plus difficile pour lui de bouger, de même se tourner dans le charriot inconfortable. Les chevaux heurtaient sans fin les pierres dures du désert, la sensation interminable du claquement du métal contre sa tête lui donnait l’impression qu’il lui fracassait le crâne. Il se frotta les yeux, enlevant la croute de poussière de ses cils, et se demanda à quelle distance se trouvait la capitale. Il avait le sentiment qu’il avait déjà voyagé jusqu’au bout du monde.

Il cligna des yeux plusieurs fois et regarda dehors, s’attendant, comme toujours, à voir un horizon vide, un désert désolé. Mais cette fois alors qu’il jetait un œil, il fut surpris de voir autre chose. Il se redressa pour la première fois.

L’attelage commença à ralentir, le vacarme des chevaux se calma un peu, les routes se firent plus lisses, et tandis qu’il étudiait le nouveau paysage, Darius vit une vue qu’il n’oublierait jamais : là, s’élevant du désert comme une civilisation perdue, se trouvait un mur massif, semblant se dresser vers les cieux et s’étirant à perte de vue. Il était marqué par de gigantesques portes d’or étincelantes, sur ses murs et ses parapets s’alignaient des soldats de l’Empire, et Darius sut à l’instant qu’ils y étaient arrivés : la capitale.

Le bruit de la route changea, devint un son creux, de bois, Darius baissa les yeux et vit que l’attelage était conduit sur un pont-levis cintré. Ils passèrent plusieurs centaines de soldats alignés au bord, tous se mettant au garde-à-vous pendant qu’ils avançaient.

Un grand gémissement emplit le ciel, et Darius regarda au-devant pour voir les portes dorées, incroyablement hautes, s’ouvrir en grand, comme pour l’étreindre. Il vit une faible lueur derrière elles, de la cité la plus magnifique qu’il ait jamais vue, et il sut, sans aucun doute, qu’il s’agissait d’un lieu duquel il n’y aurait aucune échappatoire. Comme pour confirmer ses pensées, Darius entendit un vacarme distant, un qu’il reconnut immédiatement : c’était le grondement d’une arène, une nouvelle arène, d’hommes là pour le sang, et ce qui serait sûrement sa dernière demeure. Il ne le craignait pas ; il priait juste Dieu p que ce soit sur ses pieds, une épée à la main, dans un dernier acte de courage.

CHAPITRE HUIT

Thorgrin tira une dernière fois sur la corde dorée, les mains tremblantes, Ange sur son dos, de la sueur coulant sur son visage, et il franchit enfin la falaise, ses genoux touchant le sol, reprenant son souffle. Il se tourna, regarda en arrière et vit, à des trentaines de mètres en contrebas, droit au pied des parois abruptes, les vagues de l’océan qui s’écrasaient, leur navire sur la plage, qui paraissait si petit, et il fut abasourdi par la hauteur à laquelle il avait grimpé. Il entendit des gémissements tout autour de lui, et se tourna pour voir Reece et Selese, Elden et Indra, O’Connor et Matus terminant tous leur ascension, tous se hissant vers et sur l’Île de Lumière.

Thor était agenouillé là, les muscles épuisés, et leva les yeux sur l’Île de Lumière qui s’étendait devant lui – et son cœur se serra dans un nouveau sentiment d’appréhension. Avant même d’avoir contemplé l’horrible vue, il pouvait sentir les cendres brûlantes, l’odeur de la fumée lourde dans l’air. Il pouvait aussi sentir la chaleur, les feux couvant, les dégâts infligés par les créatures qui avaient détruit cet endroit. L’île était noire, brûlée, détruite, tout ce qui avait été si idyllique en elle, qui semblait si invincible, maintenant transformé en cendres.

Thorgrin se remit sur pieds et ne perdit pas de temps. Il commença à s’aventurer dans l’île, le cœur battant tandis qu’il regardait partout à la recherche de Guwayne. Alors qu’il intégrait l’état du lieu, il détesta penser à ce qu’il pourrait trouver.

« GUWAYNE ! » cria Thorgrin tandis tout en courant à travers les collines fumantes, portant les deux mains autour de sa bouche.

Sa voix résonna contre les collines onduleuses, comme pour se moquer de lui. Puis rien hormis le silence.

Un cri strident et solitaire s’éleva de quelque part haut en dessus, et Thor leva les yeux pour voir Lycoples, volant toujours en cercle. Elle cria à nouveau, plongea à basse altitude, et vola vers le centre de l’île. Thor sentit immédiatement qu’elle le menait à son fils.

Thor se mit à courir, les autres à côté de lui, se hâtant à travers l’étendue stérile et carbonisée, cherchant partout.

« GUWAYNE ! » cria-t-il encore. « RAGON ! »

Alors que Thor encaissait la dévastation du paysage noirci, il se sentit de plus en plus certain que rien ne pouvait avoir survécu là. Ces collines vallonnées, jadis si luxuriantes d’herbe et d’arbres, ne formaient désormais qu’un paysage balafré. Thor se demanda quelle sorte de créatures, hormis des dragons, pouvait causer de tels ravages – et plus important, qui les contrôlait, qui les avaient envoyées là, et pourquoi. Pourquoi son fils était-il si important que quelqu’un ait envoyé une armée pour lui ?

Thor regarda à l’horizon, espérant voir un signe d’eux, mais son cœur se serra en ne voyant rien. À la place, il vit seulement des feux couvant jonchant les collines.

Il voulait croire que Guwayne avait, d’une manière ou d’une autre, survécu à tout cela. Mais il ne voyait pas comment. Si un sorcier aussi puissant que Ragon ne pouvait arrêter les forces qui avaient été présentes, comment aurait-il pu sauver son fils.

Pour la première fois depuis qu’il s’était embarqué pour sa quête, Thor commençait à perdre tout espoir.

Ils coururent et coururent, grimpant et descendant des collines, et alors qu’ils atteignaient le sommet d’une colline particulièrement grande, soudain O’Connor, menant la voie, pointa du doigt avec excitation.

« Là ! » s’écria-t-il.

O’Connor montra le côté, les restes d’un arbre ancien, maintenant calciné, ses branches tordues. Et alors que Thor regardait de plus près, il repéra, gisant dessous, immobile, un corps.

Thor sentit à l’instant qu’il s’agissait de Ragon. Et il ne vit aucun signe de Guwayne.

Thor, plein d’appréhension, s’élança en avant, et quand il l’eut atteint, s’effondra sur ses genoux à côté de lui, cherchant partout Guwayne. Il espérait que peut-être il le trouverait caché dans les robes d’Argon, ou quelque part à côté de lui, ou non loin, peut-être dans la faille d’un rocher.

Mais son cœur se serra en voyant qu’il était introuvable.

Thor se baissa et lentement retourna Ragon, sa robe carbonisée, noire, priant pour qu’il n’ait pas été tué – et tandis qu’il le renversait, il éprouva une lueur d’espoir en voyant les yeux de Ragon battre. Thor se baissa et empoigna ses épaules, encore chaudes au toucher, puis repoussa la capuche de Ragon et fut horrifié de voir son visage brûlé, défiguré par les flammes.

Ragon commença à haleter et à tousser, et Thor put voir qu’il lutter pour vivre. Il se sentit dévasté à sa vue, ce bel homme qui avait si bon envers eux, réduit à un tel état pour avoir défendu l’île, pour avoir défendu Guwayne. Thor ne pouvait s’empêcher de se sentir responsable.

« Ragon », dit Thorgrin, dont la voix restait dans la gorge. « Pardonnez-moi. »

« C’est moi qui implore ton pardon », dit Ragon, la voix rauque, à peine capable de prononcer les mots. Il toussa pendant un long moment, puis finalement poursuivit. « Guwayne… », commença-t-il, puis il devint inaudible.

Le cœur de Thor tambourinait dans sa poitrine, ne voulant pas entendre ses paroles suivantes, craignant le pire. Comment pourrait-il à nouveau faire face à Gwendolyn ?

« Dites-moi », réclama Thor, serrant ses épaules. « Le garçon vit-il ? »

Ragon haleta un long moment, tentant de reprendre son souffle, et Thor fit un geste à O’Connor, qui tendit la main et lui donna une outre d’eau. Thor en versa sur les lèvres de Ragon, et ce dernier but, tout en toussant.

Enfin, Ragon secoua la tête.

« Pire », dit-il, la voix à peine plus haute qu’un murmure. « La mort aurait été une miséricorde pour lui. »

Ragon fit silence, et Thor tremblait presque d’impatience, voulant qu’il parle.

« Ils l’ont emporté », continua enfin Ragon. « Ils l’ont arraché de mes bras. Eux tous, tous là, juste pour lui. »

Le cœur de Thor se serra à l’idée de son précieux enfant enlevé par ces créatures maléfiques.

« Mais qui ? » demanda Thor. « Qui est derrière cela ? Qui est plus puissant que vous et pourrait faire cela ? Je pensais que votre pouvoir, comme celui d’Argon, était inexpugnable pour toutes les créatures de ce monde. »

Ragon acquiesça.

« Toutes les créatures de ce monde, oui », dit-il. « Mais celles-là n’étaient pas de ce monde. Ce n’étaient pas des créatures de l’enfer, mais d’un lieu encore plus sombre. La Terre du Sang. »

« La Terre du Sang ? » demanda Thor, dérouté. « Je suis allé dans les enfers et j’en suis revenu », dit Thor. « Quel lieu peut être plus sombre ? »

Ragon secoua la tête.

« La Terre du Sang est plus qu’un lieu. C’est un état. Un mal plus sombre et plus puissant que tu ne pourras jamais l’imaginer. C’est le domaine du Seigneur du Sang, et il est devenu plus sombre et puissant au fil des générations. Il y a une guerre entre les Royaumes. Une ancienne lutte entre le mal et la lumière. Chacun rivalise pour le contrôle. Et Guwayne, je le crains, est la clef : quiconque l’a, peut gagner, peut dominer le monde. Pour toujours. C’était ce qu’Argon ne t’a jamais dit. Ce qu’il n’a jamais pu te dire. Tu n’étais pas prêt. C’est ce pour quoi il t’entrainait : une guerre plus grande que ce que tu ne connaîtrais jamais. »

Thor était bouche bée, tentant de comprendre.

« Je ne comprends pas », dit-il. « Ils n’ont pas pris Guwayne pour le tuer ? »

Il secoua la tête.

« Bien pire. Ils l’ont pris en tant qu’un des leurs, pour l’élever comme l’enfant démon dont ils ont besoin pour accomplir la prophétie et détruire tout ce qui est bon dans l’univers. »

Thor était sous le choc, le cœur battant, tentant de comprendre tout cela.

« Alors je le ramènerais », dit Thor, une froide résolution se déversant à travers ses veines, en particulier quand il entendit Lycoples en altitude, criant, désirant, comme lui, la vengeance.

Ragon tendit la main et agrippa le poignet de Thor, avec une force surprenante pour un homme sur le point de mourir. Il regarda Thor dans les yeux avec une intensité qui l’effraya.

« Tu ne peux pas », dit-il fermement. « La Terre du Sang a trop de pouvoir pour qu’un humain y survive. Le prix pour y entrer est trop élevé. Même avec tous tes pouvoirs, souviens-toi de mes mots : tu mourras sûrement si tu y vas. Vous tous y mourraient. Tu n’es pas encore assez puissant. Tu as besoin de plus d’entrainement. Tu as besoin de développer tes pouvoirs d’abord. Y aller maintenant serait de la folie. Tu ne retrouverais pas ton fils, et vous seriez tous détruits. »

Mais le cœur de Thor s’endurcit, résolu.

« J’ai affronté la plus grande obscurité, les plus grands pouvoirs dans le monde », dit Thorgrin. « Y compris mon père. Et je ne me suis jamais rétracté par peur. J’affronterais ce seigneur ténébreux, quels que soient ses pouvoirs ; je pénètrerais dans cette Terre du Sang, quel qu’en soit le prix. C’est mon fils. Je le récupèrerais – ou mourrait en essayant.

Ragon secoua la tête, en toussant.

« Tu n’es pas prêt » dit-il, la voix diminuant. « Pas prêt…Tu as besoin…pouvoir…Tu as besoin…l’…anneau », dit-il, puis il éclata dans une quinte de toux, crachant du sang.

Thor le dévisagea, désespéré d’en savoir plus sur ce qu’il pensait avant qu’il ne trépasse.

« Quel anneau ? » demanda Thor. « Notre terre d’origine ? »

Il y eut un long silence, le râle de Ragon était le seul son dans l’air, jusqu’à ce que finalement il ouvre les yeux, juste un peu.

« L’…anneau sacré. »

Thor saisit les épaules de Ragon, voulant qu’il réponde, mais soudain, il sentit son corps se raidir dans ses mains. Ses yeux se figèrent, il y eut un dernier hoquet, et un instant après, il cessa de respirer, parfaitement calme.

Mort.

Thor sentit une vague de souffrance le parcourir.

« NON ! » Thor rejeta la tête en arrière et cria vers les cieux. Il était dévasté par les sanglots tandis qu’il tendait les mains et étreignait Ragon, cet homme généreux qui avait donné sa vie pour garder son fils. Il était submergé par le chagrin et la culpabilité – lentement et fermement une résolution nouvelle s’éleva en lui.

Thor regarda vers les cieux, et il sur ce qu’il avait à faire.

« LYCOPLES ! » hurla-t-il, le cri angoissé d’un père empli de désespoir, empli de furie, sans plus rien à perdre.

Lycoples entendit son cri : elle poussa un cri strident, haut dans les cieux, sa furie égalant celle de Thor, et elle descendit en cercles de plus en plus bas, jusqu’à ce qu’elle atterrisse à seulement quelques mètres.

Sans hésiter, Thor courut vers elle, sauta sur son dos, et s’accrocha fermement à son cou. Il se sentit dynamisé d’être à nouveau sur le dos d’un dragon.

« Attends ! » s’écria O’Connor, se précipitant en avant avec les autres. « Où vas-tu ? »

Thor les regarda droit dans les yeux.

« Vers la Terre du Sang », répondit-il, se sentant plus sûr que jamais dans sa vie. « Je vais sauver mon fils. Quoiqu’il en coûte. »

« Tu seras annihilé », dit Reece, s’avançant avec inquiétude, la voix grave.

« Alors je le serais avec honneur », répondit Thor.

Thor regarda attentivement vers le haut, et il vit la trace des gargouilles, disparaissant dans le ciel – et il sut où il devait aller.

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