Un Joyau pour la Cour - Морган Райс 5 стр.


“Donc, ce sont des marécages infestés de bêtes sauvages ?” dit Rupert. “Savez-vous que vous ne me donnez pas envie d'y aller, Sir Quentin ?” Il décida de poser les questions importantes en les comptant sur ses doigts pendant qu'ils avançaient. “Y a-t-il de bonnes salles de jeu là-bas ? Des courtisanes célèbres ? Des boissons locales intéressantes ?”

“On m'a dit que le vin était —”

“Au diable le vin !” répondit Rupert sur un ton sec, incapable de se retenir. En général, il faisait plus attention à incarner le prince idéal pour lequel tout le monde le prenait. “Pardonnez-moi, Sir Quentin, mais ni la qualité du vin ni l'abondance de la vie sauvage ne me consolera d'avoir été exilé, même si ce ne sera pas le terme officiel.”

L'autre homme pencha la tête. “Non, votre altesse, bien sûr que non. Vous méritez mieux que ça.”

C'était si évident que Sir Quentin aurait pu se passer de le dire. Bien sûr qu'il méritait mieux que ça ! Il était le prince aîné et l'héritier légitime du trône. Il méritait tout ce que ce royaume avait à offrir.

“J'aurais bien envie de dire à ma mère que je ne pars pas”, dit Rupert. Il jeta un coup d’œil à Ashton. Il n'aurait jamais imaginé qu'il regretterait une ville aussi puante et sordide que celle-là.

“Cela risque d'être une … mauvaise idée, votre altesse”, dit Sir Quentin d'une voix spéciale qui sous-entendait probablement qu'il essayait d'éviter de traiter Rupert d'idiot. Il s'imaginait probablement que Rupert ne le remarquerait pas. Les gens avaient tendance à prendre Rupert pour un imbécile, jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour eux.

“Je sais, je sais”, dit Rupert. “Si je reste, je risque l'exécution. Pensez-vous réellement que ma mère me ferait exécuter ?”

Sir Quentin chercha ses mots pour répondre et mit trop longtemps.

“Vous le pensez. Vous pensez réellement que ma mère ferait exécuter son propre fils.”

“Elle a assurément la réputation d'être … implacable”, précisa le courtisan. Honnêtement, est-ce que les hommes qui avaient des connexions dans l'Assemblée des Nobles parlaient comme ça tout le temps ? “Et même si elle n'allait pas réellement jusqu'à vous faire exécuter, ceux qui vous entourent pourraient être … vulnérables.”

“Ah, c'est votre propre peau que vous cherchez à protéger”, dit Rupert. Il comprenait mieux ça, lui qui avait constaté que les gens s'occupaient surtout de leurs propres intérêts. C'était une leçon qu'il avait apprise dès un très jeune âge. “J'aurais imaginé que vos contacts dans l'Assemblée vous auraient protégé, surtout après une victoire comme ça.”

Sir Quentin haussa les épaules. “Dans un mois ou deux, peut-être. Nous avons leur soutien, maintenant, mais, pour le moment, ils parlent encore de votre contournement du pouvoir royal, du fait que vous avez agi sans leur consentement. Ils mettent si longtemps à changer d'avis qu'un homme pourrait perdre sa tête entre-temps.”

Sir Quentin pourrait bien perdre la sienne de toute façon s'il suggérait que Rupert avait, d'une façon ou d'une autre, besoin de la permission de quelqu'un d'autre pour faire ce qu'il voulait. C'était tout de même lui le futur roi !

“De plus, bien sûr, même si elle ne vous faisait pas exécuter, votre altesse, votre mère pourrait vous faire emprisonner ou vous envoyer à un endroit encore pire avec des gardes qui s'assureraient que vous y arriviez en toute sécurité.”

Rupert désigna ostensiblement les hommes qui l'entouraient et qui marchaient au même rythme que lui et Sir Quentin.

“Je croyais que c'était déjà le cas.”

Sir Quentin secoua la tête. “Ces hommes font partie de ceux qui ont combattu contre la Nouvelle Armée à vos côtés. Ils respectent la hardiesse de votre décision et ils ont voulu que vous ne partiez pas seul, sans l'honneur d'une escorte.”

Donc, c'était bien une garde d'honneur. Rupert n'était pas sûr qu'il l'aurait compris si on ne le lui avait pas dit. Cependant, maintenant qu'il se souciait de les regarder, il vit que la plupart des hommes qui l'accompagnaient étaient des officiers plutôt que des soldats du rang et qu'ils semblaient pour la plupart contents de cette mission. Cela se rapprochait de la sorte d'adulation que Rupert voulait mais ce n'était quand même pas assez pour compenser la stupidité de ce que sa mère lui avait fait.

C'était une humiliation, et, comme il connaissait sa mère, il savait que c'était calculé.

Ils atteignirent les quais. Rupert s'était attendu à y trouver au moins un grand navire de guerre qui aurait pu tirer une salve en guise de reconnaissance de son statut.

En fait, il n'y avait rien.

“Où est le navire ?” demanda Rupert en regardant autour de lui. Pour autant qu'il puisse voir, les quais étaient pleins des navires habituels, des marchands qui reprenaient leur commerce après la retraite de la Nouvelle Armée. Il aurait imaginé qu'ils le remercieraient au moins de s'être battu pour eux mais ils avaient l'air d'être trop occupés à essayer de gagner leur pain quotidien.

“Je pense que le navire est là-bas, votre altesse”, dit Sir Quentin en montrant du doigt le navire en question.

“Non”, dit Rupert en suivant la direction indiquée par l'autre homme. “Non.”

Ce bateau était un rafiot qui aurait peut-être pu convenir à un marchand. Il était déjà en partie chargé de marchandises, prêt à repartir dans les Colonies Proches. C'était tout sauf un navire de prince.

“Ce n'est pas un navire d'apparat”, dit Sir Quentin, “mais j'imagine que Sa Majesté pensait que, si vous voyagiez en toute discrétion, cela réduirait les risques lors du voyage.”

Rupert ne croyait pas que sa mère avait pensé aux pirates. Elle avait cherché ce qui le mettrait le plus mal à l'aise et elle avait bien réfléchi.

“Cependant”, dit Sir Quentin en souriant, “au moins, vous n'y serez pas tout seul.”

En entendant ces paroles, Rupert s'arrêta et regarda fixement l'autre homme.

“Pardonnez-moi, Sir Quentin”, dit Rupert en se pinçant l'arête du nez pour lutter contre le mal de tête qu'il sentait arriver, “mais pour quelle raison exacte êtes-vous venu ici ?”

Sir Quentin se tourna vers lui. “Je suis désolé, votre altesse. J'aurais dû vous le dire. Ma propre position est devenue … quelque peu précaire ces temps-ci.”

“Cela signifie-t-il que vous craindrez la colère de ma mère en mon absence ?” dit Rupert.

“N'est-ce pas normal ?” demanda Sir Quentin, qui arrêta un instant d'employer les phrases soigneusement calculées d'un politicien. “De mon point de vue, je peux attendre qu'elle trouve une excuse pour me faire exécuter ou je peux aller soutenir les intérêts commerciaux de ma famille dans les Colonies Proches pendant quelque temps.”

A l’entendre, c'était simple comme tout : aller dans les Colonies Proches, faire libérer Sebastian, attendre que la fureur de sa mère se calme puis revenir en prenant l'air humble qu'il fallait. Le problème que posait cette tactique était simple : Rupert ne pourrait jamais se forcer à l'adopter.

Il ne pourrait jamais faire semblant d'être désolé pour avoir pris ce qui était clairement la bonne décision. Il ne pouvait pas faire libérer son frère pour que ce dernier lui prenne ce qui lui appartenait. Son frère ne méritait pas d'être libre, lui qui avait presque mené un complot contre Rupert en persuadant leur mère de lui donner le trône par quelque ruse ou artifice.

“Je ne peux pas”, dit Rupert. “C'est hors de question.”

“Votre altesse”, dit Sir Quentin du ton bêtement raisonnable qui le caractérisait. “Votre mère aura sûrement averti le gouverneur des Colonies Proches. Il attendra votre arrivée et, si vous n'y êtes pas, il enverra un message pour le signaler. Même si vous deviez vous enfuir, votre mère enverrait des soldats, surtout pour trouver où se trouve le Prince Sebastian.”

Rupert se retint juste, tout juste de frapper l'autre homme. Ce n'était pas une bonne idée de frapper ses alliés, surtout tant qu'ils étaient encore utiles.

Et Rupert avait trouvé un moyen pour que Sir Quentin lui soit très utile. Il regarda le groupe des officiers qui l'accompagnaient jusqu'à ce qu'il en trouve un qui soit blond et qui semble être à peu près de la même taille que lui.

“Toi, là ! Comment t'appelles-tu ?”

“Aubry Chomley, votre altesse”, dit l'homme, dont l'uniforme portait l'insigne d'un capitaine.

“Eh bien, Chomley,” dit Rupert, “est-ce que tu es loyal ?”

“Complètement”, dit l'autre homme. “J'ai vu ce que vous avez fait contre la Nouvelle Armée. Vous avez sauvé notre royaume et vous êtes l'héritier légitime du trône.”

“Tu es un homme bon”, dit Rupert. “Ta loyauté te fait honneur mais, maintenant, je vais la mettre à l'épreuve.”

“Je vous écoute”, dit l'autre homme.

“J'ai besoin que nous échangions nos vêtements.”

“Votre altesse ?” Le soldat et Sir Quentin réussirent à le dire presque simultanément.

Rupert s'efforça de ne pas pousser de soupir d'exaspération. “C'est simple. Chomley, ici présent, t'accompagnera sur le bateau. Il jouera mon rôle et partira aux Colonies Proches avec toi.”

A cette idée, le soldat eut l'air aussi nerveux que si Rupert lui avait ordonné d'attaquer seul une armée entière d'ennemis.

“Les … les gens risquent de le remarquer”, dit l'homme. “Le gouverneur, par exemple.”

“Pourquoi ?” demanda Rupert. “Je n'ai jamais rencontré cet homme et Sir Quentin, ici présent, se portera garant de toi. N'est-ce pas, Sir Quentin ?”

Sir Quentin regarda Rupert puis le soldat, essayant visiblement de trouver la meilleure façon de rester en vie.

Cette fois, Rupert ne put retenir son soupir. “Écoutez, c'est simple. Vous allez dans les Colonies Proches. Vous vous portez garant de Chomley en disant que c'est moi. Comme je suis encore ici, cela nous donne une chance de réunir le soutien qu'il nous faut. Grâce à ce soutien, vous pourrez revenir beaucoup plus vite que si vous attendez que ma mère oublie un affront.”

Cet aspect de la question sembla convaincre l'autre homme, qui hocha alors la tête. “Très bien”, dit Sir Quentin. “Je le ferai.”

“Et vous, capitaine ?” demanda Rupert. “Ou devrais-je plutôt dire 'général' ?”

Chomley mit un certain temps à assimiler la proposition puis Rupert le vit déglutir.

“Tout ce que vous voulez, votre altesse”, dit l'homme.

Il leur fallut quelques minutes pour trouver un bâtiment vide parmi les entrepôts et les hangars à bateaux. Rupert échangea ses vêtements contre ceux du capitaine. A présent, Chomley avait l'air de … eh bien, franchement, il ne ressemblait pas du tout à un prince du royaume mais, avec la recommandation de Sir Quentin, le déguisement devrait fonctionner.

“Allez-y”, leur ordonna Rupert. Ils partirent, accompagnés d'environ une moitié des soldats pour que la situation ait l'air plus crédible. Rupert regarda les autres en se demandant ce qu'il ferait ensuite.

Il était hors de question de quitter Ashton mais, à présent, il faudrait qu'il reste discret jusqu'au jour où il serait prêt. Sebastian était suffisamment en sécurité là où il était pour l'instant. Le palais était assez grand pour que Rupert puisse éviter sa mère pendant au moins quelque temps. Il savait qu'il avait le soutien de plusieurs personnes. Il était temps de trouver combien il en avait et quelle quantité de pouvoir ce soutien pourrait lui rapporter.

“Venez”, dit-il aux autres. “Il est temps que je trouve le moyen de reprendre ce qui m'appartient.”

CHAPITRE SIX

“Je suis Lady Emmeline Constance Ysalt D’Angelica, Marquise de Sowerd et Dame de l'Ordre de la Ceinture !” cria Angelica en espérant que quelqu'un l'entendrait, que son nom complet attirerait l'attention si rien d'autre n'y parvenait. “On veut m'emmener et me tuer contre ma volonté !”

Le garde qui la traînait n'eut pas l'air de se préoccuper de ces cris, ce qui indiqua à Angelica qu'elle n'avait aucune véritable chance de se faire entendre par quelqu'un, ou du moins par des gens susceptibles de l'aider. Dans ce palais où les cruautés étaient monnaie courante, les domestiques étaient depuis longtemps habitués à ne pas écouter les appels à l'aide, à être sourds et aveugles, à moins que leurs supérieurs ne leur ordonnent de ne pas l'être.

“Vous ne pouvez pas faire ça”, dit Angelica en essayant de ne pas se laisser emporter et de tenir bon. Le garde l'entraîna quand même car la différence de taille était trop importante. Elle essaya alors de le frapper et réussit un peu car cela lui fit mal à la main. Pendant un moment, le garde relâcha son étreinte et Angelica se tourna pour s'enfuir.

Le garde la rattrapa très vite, la saisit et la frappa si fort que la tête d'Angelica retentit sous le choc.

“Vous n'avez pas le droit de … me frapper”, dit-elle. “Ça se saura. Il faut que ça ressemble à un accident !”

Il la gifla une autre fois et Angelica eut l'impression qu'il le faisait simplement parce qu'il le pouvait.

“Quand tu seras tombée d'un bâtiment, personne ne remarquera un bleu”, dit-il. Alors, il la souleva puis la transporta sur son épaule aussi facilement que si elle avait été un enfant indiscipliné. Angelica ne s'était jamais sentie aussi démunie qu'à ce moment.

“Crie encore”, l'avertit-il, “et je frappe encore.”

Angelica ne cria plus, ne serait-ce que parce que cela semblait totalement inutile. Elle n'avait vu personne en venant ici, parce que tout le monde s'occupait encore du mariage qui n'avait pas eu lieu ou parce que la Douairière avait pris soin que personne ne vienne la déranger pendant qu'elle préparait cette infamie. Angelica l'en pensait tout à fait capable. La vieille femme tissait ses plans avec autant de patience et de cruauté qu'un chat qui attendait devant un trou de souris.

“Vous n'êtes pas forcé de faire ça”, dit Angelica.

Le garde ne répondit qu'en haussant les épaules, ce qui remua Angelica là où elle était. Ils montèrent des escaliers en colimaçon qui ne cessaient de se rétrécir à mesure qu'ils avançaient. A un moment, le garde dut poser Angelica par terre pour passer mais, ce faisant, il lui tint cruellement les cheveux et la traîna avec une violence qui lui arracha un cri de douleur.

“Vous pourriez me laisser partir”, dit Angelica. “Personne ne le saurait.”

Le garde eut un rire ironique. “Personne ne te remarquerait quand tu reviendrais à la cour ou chez ta famille ? Les espions de la Douairière ne sauraient pas que tu serais en vie ?”

“Je pourrais partir”, essaya de dire Angelica. En vérité, si elle voulait survivre, il allait probablement falloir qu'elle parte. Si elle survivait, la Douairière tenterait à nouveau de la faire assassiner. “Ma famille a des intérêts au-delà des mers, si loin qu'on n'en reçoit presque jamais de nouvelles. Je pourrais disparaître.”

Cette idée-là ne sembla pas plus impressionner le garde que la précédente. “Et quand un espion dira qu'il t'a vue ? Non, je crois que je vais faire mon devoir.”

“Je pourrais vous donner de l'argent”, dit Angelica. Ils étaient plus haut, maintenant, si haut que, par les minces fenêtres, elle voyait la ville qui, en contrebas, ressemblait à un jouet d'enfant. Peut-être était-ce comme cela que la Douairière la voyait : comme un jouet qu'il fallait qu'elle utilise à ses propres fins.

Cela signifiait aussi qu'ils devaient presque avoir atteint le toit.

“Vous ne voulez pas d'argent ?” demanda Angelica. “Un homme comme vous ne doit pas gagner grand-chose. Je pourrais vous donner assez d'argent pour que vous soyez riche.”

“Si tu es morte, tu ne peux rien me donner”, précisa le garde. “Et si je meurs, je ne pourrai pas le dépenser.”

Devant eux, il y avait une petite porte cerclée de fer avec un verrou tout simple. Angelica se dit que, d'une façon ou d'une autre, le chemin qui menait à sa mort aurait pu avoir l'air un peu plus dramatique. Cela dit, rien que voir cette porte réveilla sa peur et elle essaya de reculer alors même que le garde la traînait en avant.

Назад Дальше