Un Trône pour des Sœurs - Морган Райс 4 стр.


Malgré cela, Kate avait l'air découragée. Sophia détestait voir sa sœur dans cet état.

Sophia l'entraîna loin de la bibliothèque.

Alors qu'elles marchaient, Kate, la tête baissée, finit par parler.

“On fait quoi, maintenant ?”, demanda-t-elle.

En vérité, Sophia n'avait pas de réponse.

Elles continuèrent à marcher mais, à ce moment-là, Sophia était épuisée d'avoir fait tellement de chemin. De plus, il commençait à pleuvoir d'une façon constante qui suggérait que la pluie allait durer longtemps. En matière de précipitations, Ashton détenait quasiment le record.

Sophia se mit à descendre les rues pavées en pente vers la rivière qui traversait la ville. Sophia n'était pas sûre de ce qu'elle espérait y trouver parmi les barges et les barques à fond plat. Elle ne pensait pas que les ouvriers des quais ou les putains, qui constituaient la majorité de la population dans cette partie de la ville, allaient les aider, mais, au moins, c'était une destination. Au moins, elles allaient pouvoir trouver une cachette sur la rive, regarder les navires passer paisiblement et rêver d'endroits lointains.

Finalement, Sophia repéra un léger surplomb près un des nombreux ponts de la ville. Elle s'en approcha. Elles titubèrent toutes les deux en sentant la puanteur de l'endroit et en voyant qu'il était infesté de rats. Cependant, Sophia était tellement fatiguée que même l'abri le plus sordide lui semblait être un palais. Il fallait qu'elles s'abritent de la pluie. Il fallait qu'elles se fassent oublier. Or, à ce moment-là, qu'y avait-il d'autre ? Il fallait qu'elles trouvent un endroit où personne d'autre, même pas les vagabonds, n'osait aller. C'était un endroit de ce type.

“Ici ?” demanda Kate, dégoûtée. “On ne pourrait pas revenir à la cheminée ?”

Sophia secoua la tête. Elle ne pensait pas qu'elles réussiraient à la retrouver et, même si elles y arrivaient, ce serait là où les chasseurs regarderaient en premier. Ce lieu sordide était le meilleur qu'elles puissent trouver avant que la pluie ne tombe plus fort et qu'il ne fasse nuit.

Elle s'installa et, par considération pour sa sœur, essaya de cacher ses larmes.

Lentement et à contrecœur, Kate s'assit à côté d'elle, serrant ses genoux dans ses bras et se balançant comme pour exclure la cruauté, la barbarie et la désolation du monde.

CHAPITRE QUATRE

Dans les rêves de Kate, ses parents étaient encore vivants et elle était heureuse. Dès qu'elle rêvait, ils semblaient être là, bien que leur visage soit moins un souvenir que des choses reconstruites, seulement guidées par le médaillon. Kate n'avait pas été assez grande pour se souvenir de plus de choses quand tout avait changé.

Elle était dans une maison quelque part dans la campagne. Par les fenêtres en verre plombé, elle voyait des vergers et des champs. Kate rêvait de la chaleur du soleil sur sa peau, de la douceur de la brise qui faisait frémir les fleurs dehors.

Ce qui venait après semblait toujours absurde. Elle ne connaissait pas assez de détails ou elle ne les avait pas mémorisés correctement. Elle essaya de forcer son rêve à lui raconter tout ce qui s'était passé mais il ne lui fournit que des fragments.

Une fenêtre, avec un ciel étoilé dehors. La main de sa sœur, la voix de Sophia dans sa tête, lui disant de se cacher. Elle cherchait leurs parents dans le dédale de la maison …

Elle se cachait dans la maison, dans l'obscurité. Elle entendait les sons de quelqu'un qui se déplaçait aux environs. Il y avait de la lumière au-delà, alors qu'il faisait nuit à l'extérieur. Elle sentit qu'elle y était presque, qu'elle allait découvrir ce qui était finalement arrivé à leurs parents cette nuit-là. La lumière qui venait de la fenêtre se mit à briller plus fort, encore plus fort, et —

“Réveille-toi”, dit Sophia en la secouant. “Tu rêves, Kate.”

Kate cligna des yeux puis les ouvrit à contrecœur. Les rêves étaient toujours beaucoup plus beaux que le monde où elle vivait.

Elle plissa les yeux quand elle sentit la lumière. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le matin était arrivé. C'était le premier jour de sa vie où elle dormait toute la nuit à l'extérieur de la puanteur et des cris que renfermaient les murs de l'orphelinat, le premier jour de sa vie où elle s'éveillait quelque part ailleurs, peu importe où. L'endroit en question avait beau être très humide, elle était folle de joie.

Elle ne remarqua pas seulement la différence entre la lumière du matin et celle de l'après-midi finissant : elle vit aussi que la rivière qui coulait devant elles avait retrouvé son animation grâce aux barges et aux bateaux qui se dépêchaient de la remonter aussi loin que possible. Certains étaient propulsés par de petites voiles, d'autres par des perches qui les poussaient ou des chevaux qui les remorquaient à partir du bord de la rivière.

Autour d'elles, Kate entendait se réveiller le reste de la ville. Les cloches du temple sonnaient l'heure pendant que, entre-temps, elle entendait les bavardages de toute la population de la ville qui allait travailler ou partait pour d'autres voyages. C'était Firstday, un bon jour pour commencer les choses. Peut-être cela porterait-il aussi bonheur aux deux sœurs.

“Je fais tout le temps le même rêve”, dit Kate. “Je n'arrête pas de rêver de … de cette nuit.”

Elles semblaient toujours se retenir de lui donner un nom plus précis. C'était étrange, car elles pouvaient probablement communiquer plus franchement que tous les autres citoyens de la ville. Malgré cela, Kate et Sophia hésitaient encore à parler franchement de cette chose-là.

L'expression de Sophia s'assombrit et Kate regretta immédiatement ses paroles.

“Moi aussi, il m'arrive d'en rêver”, admit tristement Sophia.

Kate se tourna vers elle, intéressée. Sa sœur devait savoir. Elle avait été plus grande, elle devait en avoir vu plus.

“Tu sais ce qui s'est passé, n'est-ce pas ?” demanda Kate. “Tu sais ce qui est arrivé à nos parents.”

C'était plus une affirmation qu'une question.

Kate scruta le visage de sa sœur, à la recherche de réponses, et elle vit un vacillement furtif. Sophia lui cachait quelque chose.

Sophia secoua la tête.

“Il y a des choses auxquelles il vaut mieux éviter de penser. Il faut qu'on se concentre sur l'avenir, pas sur le passé.”

Ce n'était pas une réponse vraiment satisfaisante mais Kate ne s'était pas attendue à mieux. Sophia refusait toujours de parler de ce qui s'était passé la nuit où leurs parents étaient partis. Elle ne voulait jamais en parler et même Kate devait admettre qu'elle se sentait mal à l'aise à chaque fois qu'elle y pensait. De plus, dans la Maison des Oubliés, les bonnes sœurs n'aimaient pas que les orphelines essaient de parler du passé. Elles disaient que c'était une preuve d'ingratitude et ce n'était qu'une raison de se faire punir parmi tant d'autres.

Kate repoussa un rat du pied et se redressa en regardant autour d'elle.

“Nous ne pouvons pas rester où nous sommes”, dit-elle.

Sophia hocha la tête.

“Nous mourrons si nous restons ici, dans la rue.”

C'était décourageant mais aussi probablement vrai. Il y avait tant de manières de mourir dans les rues de cette ville. Le froid et la faim n'étaient que le début de la liste. Avec les gangs des rues, les gardes, les maladies et tous les autres risques des alentours, même l'orphelinat avait l'air d'être un lieu sûr.

Cela dit, Kate ne comptait pas y revenir. Elle aurait préféré le brûler jusqu'à la dernière pierre que repasser ses portes. De toute façon, elle le brûlerait peut-être jusqu'à la dernière pierre un de ces jours. L'idée la fit sourire.

Se sentant tiraillée par la faim, Kate sortit son dernier gâteau et commença à l'engloutir. Alors, elle se souvint de sa sœur. Elle coupa la moitié du gâteau et le lui tendit.

Sophia la regarda avec espoir mais en se sentant coupable.

“Ne t'inquiète pas”, mentit Kate. “J'en ai un autre dans ma robe.”

Sophia garda sa moitié de gâteau à contrecœur. Kate sentait que sa sœur savait qu'elle mentait mais qu'elle avait trop faim pour se priver de ce gâteau. Pourtant, elles étaient si proches l'une de l'autre que Kate sentait la faim de sa sœur et Kate ne pouvait jamais se permettre d'être heureuse si sa sœur ne l'était pas.

Finalement, elles émergèrent prudemment de leur cachette toutes les deux.

“Alors, grande sœur ?” demanda Kate. “Tu as une idée ?”

Sophie soupira et secoua la tête.

“Eh bien, je meurs de faim”, dit Kate. “Ce sera mieux de réfléchir le ventre plein.”

Sophia approuva d'un hochement de tête et elles repartirent toutes les deux vers les grandes rues.

Elles trouvèrent bientôt une cible (un autre boulanger) et volèrent leur petit-déjeuner comme elles avaient volé leur dernier repas. Quand elles se précipitèrent dans une ruelle et mangèrent avec avidité, elles se sentirent tentées de se dire qu'elles pourraient vivre le reste de leur vie comme ça, en utilisant leur talent commun pour prendre ce qu'il leur fallait en détournant l'attention des gens. Cependant, Kate savait que cela ne pouvait pas marcher comme ça. Aucune bonne chose ne durait pour toujours.

Kate regarda la ville qui s'affairait devant elle. C'était irrésistible. De plus, les rues de la ville semblaient s'étendre jusqu'à l'infini.

“Si nous ne pouvons pas rester dans la rue”, dit-elle, “qu'allons-nous faire ? Où irons-nous ?”

Sophia hésita un moment. Elle avait l'air aussi incertaine que Kate.

“Je ne sais pas”, admit-elle.

“Bon, que savons-nous faire ?” demanda Kate.

La liste avait l'air beaucoup plus courte qu'elle n'aurait dû l'être. En vérité, les orphelins comme elles ne choisissaient pas leur métier. On les préparait à une vie où ils seraient liés par contrat synallagmatique comme apprentis ou domestiques, soldats ou pire. Ils ne pouvaient jamais vraiment s'attendre à être libres parce que même les maîtres qui cherchaient vraiment un apprenti ne les paieraient qu'une misère, pas assez pour qu'ils remboursent un jour leur dette.

De plus, en vérité, Kate ne supportait ni la couture ni la cuisine, ni l'étiquette ni la mercerie.

“Nous pourrions trouver un commerçant et essayer de devenir ses apprenties”, suggéra Kate.

Sophia secoua la tête.

“Même si nous pouvions en trouver un qui accepte de nous prendre, il nous poserait d'abord des questions sur notre famille. Comme nous n'aurions pas de père qui se porte garant pour nous, il saurait ce que nous sommes.”

Kate dut admettre que sa sœur avait raison.

“Dans ce cas, nous pourrions nous faire engager comme matelots sur une barge et voir du pays.”

Alors même qu'elle le disait, elle savait que c'était probablement aussi ridicule que sa première idée. Un capitaine de barge poserait lui aussi des questions et il était probable que tous les chasseurs d'orphelines en cavale surveillaient les barges pour y attraper celles qui essayaient de s'échapper. Il était certain qu'elles ne pouvaient faire confiance à personne d'autre pour les aider, pas après ce qui s'était passé à la bibliothèque avec le seul homme que Kate ait jamais considéré comme un ami dans cette ville.

Comme elle avait été bête et naïve !

Sophia semblait comprendre elle aussi l'énormité de leur tâche. Elle regardait au loin d'un air mélancolique.

“Si tu pouvais faire quelque chose”, demanda Sophia, “si tu pouvais aller quelque part, où irais-tu ?”

Kate n'y avait pas pensé de cette façon-là.

“Je ne sais pas”, dit-elle. “Je veux dire, je n'ai jamais pensé qu'à survivre au jour présent.”

Sophia resta longtemps silencieuse. Kate sentait qu'elle réfléchissait.

Finalement, Sophia parla.

“Si nous essayons de faire quelque chose de normal, il y aura autant d'obstacles que si nous choisissions de faire la chose la plus extraordinaire du monde. Il y en aura peut-être même plus, parce que les gens s'attendent à ce que les gens comme nous se contentent du minimum. Par conséquent, qu'est-ce tu veux plus que tout ?”

Kate y réfléchit.

“Je veux trouver nos parents”, dit Kate, le comprenant en le disant.

Elle sentit l'éclair de douleur qui traversa Sophia quand elle entendit ces paroles.

“Nos parents sont morts”, dit Sophia. Elle avait l'air si certaine de ce qu'elle disait que Kate voulut lui redemander ce qui s'était passé toutes ces années auparavant. “Je suis désolée, Kate. Ce n'était pas ce que je voulais dire.”

Kate soupira amèrement.

“Je ne veux plus que l'on contrôle ce que je fais”, dit Kate, choisissant la chose qu'elle désirait presque autant que le retour de leurs parents. “Je veux être libre, vraiment libre.”

“Moi aussi, je le veux”, dit Sophia, “mais il y a très peu de gens vraiment libres dans cette ville. Les seuls qui le sont, c'est …”

Elle regarda la ville et, suivant son regard, Kate vit qu'elle était regardait vers le palais au marbre brillant et aux décorations dorées.

Kate devinait ce qu'elle pensait.

“Je ne crois pas que devenir domestique au palais te rendrait libre”, dit Kate.

“Je ne pensais pas à devenir domestique”, dit sèchement Sophia. “Et si … et si nous pouvions simplement entrer là-bas et nous intégrer à eux ? Et si nous pouvions tous les persuader que nous faisons partie d'eux ? Et si nous pouvions épouser un homme riche, avoir des relations à la cour ?”

Si Kate ne rit pas, ce fut seulement parce qu'elle voyait que sa sœur pensait sérieusement à toute cette idée. Si elle pouvait obtenir quelque chose du monde, la dernière chose que Kate voudrait serait entrer au palais et y devenir une grande dame en épousant un homme qui lui donnerait des ordres.

“Je ne veux plus que ma liberté dépende de quelqu'un d'autre”, dit Kate. “Le monde ne nous a appris qu'une chose : nous devons nous débrouiller seules, vraiment seules. Comme ça, nous pourrons contrôler tout ce qui nous arrivera et nous n'aurons besoin de faire confiance à personne. Il faut que nous apprenions à nous occuper de nous-mêmes, à être autonomes, à vivre de ce que nous offre la terre. Il faut que nous apprenions à chasser, à tenir une ferme. Peu importe quoi, du moment où nous n'avons à faire confiance à personne d'autre. De plus, il faudra que nous amassions beaucoup d'armes et que nous devenions de grandes combattantes pour pouvoir tuer tous ceux qui essaieront de nous prendre ce qui nous appartiendra.”

Et soudain, Kate comprit.

“Il faut qu'on quitte cette ville”, conseilla-t-elle vivement à sa sœur. “Pour nous, elle est remplie de dangers. Il faut qu'on vive au-delà de la ville, à la campagne, où il y a peu de gens et où personne ne pourra nous faire de mal.”

Plus elle en parlait, plus elle se rendait compte que c'était ce qu'il fallait faire. C'était son rêve. A cet instant-là, Kate voulait plus que tout courir vers les portes de la ville et explorer les espaces infinis qui se trouvaient au-delà.

“Et quand nous apprendrons à nous battre”, ajouta Kate, “quand nous grandirons, deviendrons plus fortes et aurons ce qu'on fait de mieux en matière d'épées, d'arbalètes et de dagues, nous reviendrons ici et nous tuerons toutes celles qui nous ont fait du mal à l'orphelinat.”

Elle sentit Sophia poser les mains sur son épaule.

“Tu ne peux pas parler comme ça, Kate. Tu ne peux pas simplement parler de tuer les gens comme si de rien n'était.”

“Ce n'est pas rien”, cracha Kate. “C'est ce qu'ils méritent.”

Sophia secoua la tête.

“C'est une attitude barbare”, dit Sophia. “Il y a de meilleures manières de survivre et de meilleures manières de se venger. De plus, je ne veux plus me contenter de survivre comme une paysanne des forêts. Sinon, à quoi bon vivre ? Je veux vivre.”

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