Le Poids de l’Honneur - Морган Райс 7 стр.


Ses nouveaux amis se détournèrent soudain et s'enfoncèrent dans les tunnels caverneux. Comme Marco les rejoignait, Alec se dépêcha de les rattraper. Ils avaient tous l'air de connaître cet endroit par cœur, même dans la pénombre, et serpentaient avec aisance d'une salle souterraine à une autre pendant que l'eau gouttait et résonnait tout autour d'eux. Ils avaient tous visiblement grandi ici. Quand Alec, qui avait grandi à Soli, voyait cet endroit qui était si terre-à-terre, ces garçons qui étaient si adaptés à la jungle urbaine, cela lui donnait la sensation d'être inapproprié. Ils avaient tout visiblement subi des épreuves et des adversités qu'Alec ne pourrait jamais imaginer. Ils étaient durs à cuire, avaient visiblement pris part à plus que quelques altercations et, au-dessus tout, ils avaient l'air d'être des battants.

Après avoir tourné dans une série de ruelles, les garçons escaladèrent une échelle en métal abrupte et, bientôt, Alec se retrouva au-dessus du niveau du sol, dans les rues, dans une partie différente de Ur, et il émergea dans une autre foule débordante d'activité. Alec se retourna et regarda autour de lui. Il vit une grande place publique avec une fontaine en cuivre au milieu. Il ne la reconnut pas. Il aurait eu bien du mal à reconnaître tous les quartiers de cette cité tentaculaire.

Les garçons s'arrêtèrent devant un bâtiment en pierre bas, ramassé et d'apparence impersonnelle, semblable à tous les autres avec son toit bas en pente aux tuiles rouges. Bagi frappa deux fois et, un moment plus tard, la porte rouillée d'apparence impersonnelle s'ouvrit. Ils entrèrent tous rapidement en file indienne puis la porte se referma derrière eux avec un claquement.

Alec se retrouva dans une salle sombre, seulement éclairée par la lumière du soleil qui rentrait par des fenêtres situées loin au-dessus de sa tête. Il se tourna quand il reconnut le son du marteau sur l'enclume et examina la salle avec intérêt. Il entendit le sifflement d'une forge, vit des nuages de vapeur familiers et se sentit immédiatement chez lui. Il n'avait nullement besoin de regarder autour de lui pour savoir qu'il était dans une forge remplie de forgerons qui travaillaient à la fabrication d'armes. L'excitation lui réchauffa le cœur.

Un homme grand et mince avec une barbe courte, qui avait peut-être dans les quarante ans et dont le visage était noir de suie, s'essuya les mains sur son tablier et approcha. Il fit un signe respectueux de la tête aux amis de Marco et ils en firent autant avec lui.

“Fervil,” dit Marco.

Fervil se tourna, vit Marco et son visage s'éclaira. Il s'avança et le prit dans ses bras.

“Je croyais que tu étais parti aux Flammes”, dit-il.

Marco lui rendit son sourire.

“Plus maintenant”, répondit-il.

“Vous êtes prêts à travailler, les garçons ?” ajouta-il. Il jeta alors un coup d’œil à Alec. “Et qui avons-nous ici ?”

“Mon ami”, répondit Marco. “Alec, un bon forgeron qui a très envie de rejoindre notre cause.”

“Ah bon ?” demanda Fervil d'un ton sceptique.

Il examina Alec avec un regard dur et le toisa comme s'il n'avait aucun intérêt.

“A première vue”, répondit-il, “j'ai des doutes. Il m'a l'air bien jeune. Cependant, on peut le charger de récolter notre ferraille. Prends ça”, dit-il en tendant le bras et en donnant à Alec un seau plein de ferraille. “Si j'ai besoin que tu m'en apportes d'autre, je te le dirai.”

Alec rougit, indigné. Il ne savait pas pourquoi cet homme l'avait pris en grippe à ce point; peut-être se sentait-il menacé. Il sentit que le silence se faisait dans la forge et que les autres garçons regardaient. De plus d'une façon, cet homme lui rappelait son père et cela ne faisait qu'accroître la colère d'Alec.

Il continua à fulminer intérieurement. Depuis la mort de sa famille, il ne voulait plus tolérer ce qu'il aurait toléré auparavant.

Alors que les autres se détournaient pour s'éloigner, Alec laissa tomber le seau de métal, qui produisit un fort bruit métallique en heurtant le sol en pierre. Les autres se retournèrent tous, sidérés, et le silence se fit dans la forge. Les autres garçons s'arrêtèrent pour assister à la confrontation.

“Dégage de mon atelier !” dit Fervil d'une voix rageuse.

Au lieu de tenir compte de lui, Alec passa à côté de lui, se dirigea vers la table la plus proche, saisit une longue épée, la tint droit devant lui et l'examina.

“C'est ton travail ?” demanda Alec.

“Et qui es-tu pour me poser des questions ?” demanda Fervil d'un ton autoritaire.

“C'est ton travail ?” insista Marco en soutenant son ami.

“Oui”, répondit Fervil, sur la défensive.

Alec hocha la tête.

“Ça ne vaut rien”, conclut-il.

On entendit un hoquet de surprise dans la salle.

Fervil se dressa de toute sa hauteur et, livide, regarda Alec d'un air renfrogné.

“Vous pouvez partir maintenant, les garçons”, dit-il d'une voix rageuse. “Vous tous. J'ai assez de forgerons ici.”

Alec ne céda pas.

“Et aucune de ces épées n'a la moindre valeur”, répliqua-t-il.

Fervil rougit et s'avança d'un air menaçant. Marco mit une main entre eux.

“On part”, dit Marco.

Alec baissa soudain la pointe de l'épée contre le sol, leva le pied en l'air et, d'un coup de pied bien net, la brisa en deux.

Des éclats volèrent partout, ce qui stupéfia Fervil et les garçons.

“Est-ce qu'une bonne épée devrait faire ça ?” demanda Alec avec un sourire narquois.

Fervil cria et fonça sur Alec mais, alors qu'il s'approchait, Alec tendit le bout déchiqueté de la lame brisée et Fervil s'arrêta sur place.

En voyant la confrontation, les autres garçons tirèrent l'épée et se précipitèrent en avant pour défendre Fervil pendant que Marco et ses amis tiraient aussi l'épée pour défendre Alec. Tous les garçons restèrent là, se faisant face dans une confrontation tendue.

“Qu'est-ce que tu fais ?” demanda Marco à Alec. “Nous avons tous la même cause. C'est de la folie.”

“Et c'est pour cela que je ne peux pas les laisser se battre avec n'importe quoi”, répondit Alec.

Alec jeta l'épée brisée, tendit le bras et retira lentement une longue épée de sa ceinture.

“Voici mon travail”, dit Alec d'une voix forte. “J'ai réalisé moi-même cette épée dans la forge de mon père. Vous ne trouverez jamais de meilleure épée.”

Alec tourna soudain l'épée, saisit la lame et tendit le pommeau à Fervil.

Dans le silence tendu, Fervil regarda vers le bas. Il ne s'était visiblement pas attendu à ça. Il saisit le pommeau, ce qui laissa Alec sans défense et, un moment, on aurait dit qu'il envisageait de transpercer Alec avec cette épée.

Pourtant, Alec resta fièrement sur place sans avoir peur.

Lentement, les traits de Fervil s'adoucirent. Il comprenait visiblement qu'Alec s'était lui-même mis dans une situation où il était sans défense et il le regarda avec plus de respect. Il regarda vers le bas et examina l'épée. Il la soupesa dans sa main et la tint à la lumière. Finalement, au bout d'un long moment, il regarda Alec à nouveau, impressionné.

“C'est ton travail ?” demanda-t-il avec incrédulité.

Alec fit oui de la tête.

“Et je peux en forger beaucoup d'autres”, répondit-il.

Il s'avança et regarda Fervil avec intensité.

“Je veux tuer des Pandésiens”, ajouta-t-il. “Et je veux le faire avec de vraies armes.”

Un silence pesant et prolongé se fit dans la salle. Finalement, Fervil secoua lentement la tête et sourit.

Il baissa l'épée et tendit un bras. Alec le serra. Lentement, tous les garçons baissèrent les armes.

“J’imagine”, dit Fervil en souriant de plus en plus, “qu'on va pouvoir te trouver une place.”

CHAPITRE HUIT

Aidan voyageait seul sur la route de la forêt. Il n'était jamais parti aussi loin et il se sentait complètement seul au monde. Si ce n'était pour son Chien des Bois à côté de lui, il se serait senti abandonné, désespéré, mais Blanc lui donnait de la force quand Aidan passait la main dans sa courte fourrure blanche, malgré ses blessures graves. Ils boitaient tous les deux, tous les deux blessés par leur rencontre avec ce sauvage de charretier. A mesure que le ciel s'assombrissait, chacun de leurs pas leur faisait mal. A chaque boitement, Aidan se jurait que, s'il revoyait jamais cet homme, il le tuerait de ses propres mains.

Blanc gémit à côté de lui. Aidan tendit le bras et lui caressa la tête. Le chien était presque aussi grand que lui et c'était plus une bête sauvage qu'un chien. Aidan lui était reconnaissant non seulement pour sa compagnie mais aussi pour le fait qu'il lui avait sauvé la vie. Il avait sauvé Blanc parce que quelque chose en lui refusait de le laisser mourir et, en récompense, il avait survécu. Il le referait s'il le fallait, même s'il savait que cela reviendrait à être abandonné ici, au milieu de nulle part, certain de mourir de faim. Ça en valait quand même la peine.

Blanc gémit à nouveau et Aidan lui avoua qu'il avait faim lui aussi.

“Je sais, Blanc”, dit Aidan. “Moi aussi, j'ai faim.”

Aidan regarda les blessures de Blanc, d'où suintait encore du sang, et secoua la tête. Il se sentait mal à l'aise et démuni.

“Je ferais n'importe quoi pour t'aider”, dit Aidan. “Si seulement je savais comment !”

Aidan se pencha et l'embrassa sur la tête. Blanc avait la fourrure douce. Il posa la tête contre celle d'Aidan. C'était l'étreinte de deux personnes qui allaient ensemble vers la mort. Les sons produits par les créatures sauvages formaient une symphonie dans la forêt qui s'assombrissait et Aidan sentait brûler ses petites jambes, sentait qu'ils ne pourraient pas continuer bien plus longtemps, qu'ils allaient mourir ici. Ils étaient encore à plusieurs jours de n'importe où et, comme la nuit tombait, ils étaient vulnérables. Aussi puissant qu'il soit, Blanc n'avait plus la force de se repousser qui que ce soit, et Aidan, sans arme, blessé, ne valait pas mieux. Cela faisait des heures qu'aucun chariot n'était passé et Aidan soupçonnait qu'il n'en passerait aucun avant plusieurs jours.

Aidan pensa à son père, qui était à quelque endroit inconnu, et il sentit qu'il l'avait laissé tomber. S'il fallait qu'il meure, Aidan aurait au moins voulu mourir quelque part aux côtés de son père, en train de se battre pour une grande cause, ou chez lui, dans le confort de Volis. Pas ici, tout seul au milieu de nulle part. Chaque pas qu'il faisait semblait le rapprocher de la mort.

Aidan réfléchit à la courte vie qu'il avait vécue jusque-là, repensa à tous les gens qu'il avait connus et aimés, son père, ses frères et surtout Kyra, sa sœur. Il s'interrogea sur elle, se demanda où elle était à l'instant même, si elle avait traversé Escalon, si elle avait survécu au voyage à Ur. Il se demanda si elle pensait parfois à lui, si elle serait fière de lui maintenant qu'il essayait de l'imiter, de traverser Escalon lui aussi, à sa façon, pour aider leur père et la cause. Il se demanda s'il serait jamais devenu un grand guerrier et ressentit une profonde tristesse en se disant qu'il ne la reverrait jamais.

Aidan sentait qu'il s'affaiblissait à chaque pas qu'il faisait et, à présent, il ne pouvait pas faire grand chose d'autre que céder à ses blessures et à son épuisement. Il avançait de plus en plus lentement. Il jeta un coup d’œil à Blanc et le vit traîner les pattes, lui aussi. Bientôt, il faudrait qu'ils s'allongent et se reposent ici même, sur cette route, quoi qu'il arrive. C'était une pensée horrible.

Aidan crut entendre un bruit, faible au premier abord. Il s'arrêta et écouta attentivement. Blanc s'arrêta, lui aussi, et le regarda d'un air interrogateur. Aidan espéra, pria. S'était-il fait des idées ?

Soudain, le bruit se fit à nouveau entendre. Il en était sûr, cette fois-ci. Un grincement de roues. De bois. De fer. C'était un chariot.

Aidan se retourna. Son cœur s'emballa. Il plissa les yeux dans la lumière déclinante. D'abord, il ne vit rien puis, lentement, sûrement, il vit apparaître quelque chose. Un chariot. Plusieurs chariots.

Le cœur d'Aidan battait la chamade dans sa gorge. Tout juste capable de retenir son excitation, il sentait le grondement, entendait les chevaux et regardait la caravane se diriger vers lui. Cependant, à ce moment-là, son excitation se calma et il se demanda si ces gens pouvaient être hostiles. Après tout, qui d'autre pouvait bien voyager sur cette longue portion de route désolée, si loin de toute destination ? Il ne pouvait pas se battre, et Blanc, qui grognait sans conviction, n'avait plus vraiment la force de se battre, lui non plus. Ils étaient à la merci de tous ceux qui approchaient. C'était une pensée effrayante.

Le son devenait assourdissant à mesure que les chariots s'approchaient. Aidan se tenait avec assurance au centre de la route, comprenant qu'il ne pouvait pas se cacher. Il fallait qu'il prenne ce risque. Alors que les chariots s'approchaient, Aidan crut entendre de la musique et cela le rendit encore plus curieux. Les chariots gagnaient de la vitesse et, pendant un moment, Aidan se demanda s'ils allaient l'écraser.

Puis, soudain, comme il bloquait la route, toute la caravane ralentit et s'arrêta devant lui. Ses occupants le regardèrent fixement. La poussière se déposa tout autour d'eux. C'était un grand groupe de peut-être cinquante personnes et Aidan cligna des yeux, surpris de constater que ce n'étaient pas des soldats. Il poussa un soupir de soulagement en se rendant compte qu'ils n'avaient pas non plus l'air hostile. Il remarqua que les chariots étaient remplis par toutes sortes de gens, d'hommes et de femmes de tous les âges. L'un d'eux avait l'air d'être rempli de musiciens qui tenaient divers instruments de musique; un autre était rempli d'hommes qui avaient l'air d'être des jongleurs ou des comédiens, car ils avaient le visage maquillé de couleurs brillantes et portaient des bas et des tuniques aux couleurs vives. Un autre chariot avait l'air d'être rempli d'acteurs, d'hommes qui tenaient des parchemins et étaient visiblement en train de répéter des rôles, vêtus de costumes de théâtre. Un autre chariot était rempli de femmes tout juste vêtues, le visage maquillé à l’excès.

Aidan rougit et détourna le regard, sachant qu'il était trop jeune pour rester bouche bée devant de telles choses.

“Hé, mon garçon !” appela une voix. C'était un homme qui avait une très longue barbe rousse flamboyante qui lui tombait jusqu'à la taille. Il avait l'air bizarre et souriait gentiment.

“C'est par là que tu vas ?” demanda-t-il pour rire.

Tout le monde se mit à rire dans tous les chariots et Aidan rougit.

“Qui êtes-vous ?” demanda Aidan, abasourdi.

“Je pense qu'il serait plus approprié de te demander qui tu es, toi”, répliqua-t-il. Ils regardèrent craintivement Blanc, qui grognait. “Et que fais-tu donc avec un Chien des Bois ? Ne sais-tu pas qu'ils peuvent te tuer ?” demandèrent-ils d'une voix apeurée.

“Pas celui-ci”, répondit Aidan. “Êtes-vous tous … des saltimbanques ?” demanda-t-il, encore curieux, se demandant ce qu'ils faisaient tous ici.

“C'est une façon bien gentille de le dire !” cria quelqu'un depuis un chariot en provoquant le rire bruyant de l'assistance.

“Nous sommes acteurs, joueurs, jongleurs, joueurs d'argent, musiciens et clowns !” hurla un autre homme.

“Et aussi des menteurs, des canailles et des prostituées !” cria une femme, et ils rirent tous à nouveau.

Quelqu'un gratta une harpe pendant que le rire se faisait plus fort et Aidan rougit. Il se souvint soudain avoir déjà rencontré de telles personnes, quand il était plus jeune et qu'il vivait à Andros. Il se souvint avoir regardé tous les saltimbanques affluer dans la capitale et distraire le Roi; il se souvenait de leurs visages aux couleurs vives, des couteaux avec lesquels ils jonglaient, d'un homme qui mangeait de la fourrure, d'une femme qui chantait des chansons et d'un barde qui récitait des poèmes qu'il connaissait par cœur et qui avaient l'air de durer des heures. Il se souvenait s'être demandé avec perplexité comment on pouvait choisir de vivre comme ça au lieu de devenir guerrier.

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