Le Serment des Frères - Морган Райс 6 стр.


« Est-ce noble de se battre pour une juste cause avec des pirates ? » demanda-t-elle. « Des mercenaires ? »

« Il est noble de gagner une guerre », répondit Erec, « et de se battre pour une juste cause telle que la nôtre. Les moyens de mener une telle guerre ne sont pas toujours aussi dignes que ce que nous pourrions aimer. »

« Mourir n’est pas noble », ajouta Strom. « Et le jugement quant à la noblesse est rendu par les vainqueurs, pas les perdants. »

« Tout le monde n’est pas aussi noble que toi, ma dame », dit-il. « Ou que moi. Le monde ne fonctionne pas ainsi. Les guerres ne sont pas gagnées de cette manière. »

« Et peux-tu faire confiance à de tels hommes ? » lui demanda-t-elle enfin.

Erec soupira et se retourna vers l’horizon, mains sur les hanches, le regard fixe comme s’il se demandait la même chose.

« Notre père leur faisait confiance », dit-il finalement. « Et son père avant lui. Ils ne leur ont jamais failli. »

Erec examina l’horizon, et pendant qu’il le faisait, soudain le brouillard se leva et le soleil le transperça. La vue changea considérablement, ils gagnèrent soudain en visibilité, et au loin, le cœur d’Alistair bondit quand elle vit une terre. Là, à l’horizon, se tenait une île dressée, faite de solides falaises, s’élevant droit vers le ciel. Il ne semblait y avoir aucun endroit pour accoster, aucune plage, aucune entrée. Jusqu’à ce qu’Alistair lève les yeux et voie une arche, une porte taillée dans la montagne elle-même, l’océan faisait des éclaboussures directement contre elle. C’était une entrée grande et imposante, gardée par une herse de fer, un mur de roc massif avec une porte taillée en son milieu. C’était différent de tout ce qu’elle avait vu.

Erec fixait l’horizon, l’examinait, la lumière du soleil frappait la porte comme si elle illuminait l’entrée d’un autre monde.

« La confiance, ma dame », répondit-il finalement, « naît du besoin, pas de la volonté. Et c’est quelque chose de très précaire. »

CHAPITRE SEPT

Darius se tenait sur le champ de bataille, tenant une épée faite d’acier, et regarda tout autour de lui, absorbant le paysage. Ce dernier avait un aspect surréaliste. Même en le voyant de ses propres yeux, il ne pouvait croire ce qu’il venait d’arriver. Ils avaient défait l’Empire. Lui, seul, avec une petite centaine de villageois, sans vraies armes – et avec l’aide des quelques centaines d’hommes de Gwendolyn – avait vaincu cette armée professionnelle composée de centaines de soldats de l’Empire. Ils avaient revêtu leur meilleure armure, avaient brandi les meilleures armes, avaient eu des zertas à leur disposition. Et lui, Darius, à peine armé, avait mené la bataille qui les avait tous battus, la première victoire contre l’Empire de toute l’histoire.

Là, en ce lieu, où il s’était attendu à mourir en défendant l’honneur de Loti, il se tenait à présent victorieux.

Un conquérant.

Pendant qu’il examinait le champ, il vit mêlés aux corps de l’Empire ceux d’un grand nombre de ses propres villageois, des dizaines de morts, et sa joie fut tempérée par le chagrin. Il tendit ses muscles et sentit lui-même des blessures fraiches, ses entailles d’épée à ses biceps et ses cuisses, et sentit encore le picotement des coups de fouet dans son dos. Il pensa aux représailles à venir et sut que leur victoire avait eu un prix.

Mais encore une fois, songea-t-il, toute liberté en avait un.

Darius sentit un mouvement et se tourna pour voir approcher ses amis, Raj et Desmond, blessés mais, fut-il soulagé de le constater, vivants. Il pouvait déceler dans leurs yeux qu’ils le regardaient différemment – que tous les siens le regardaient désormais différemment. Ils le dévisageaient avec respect – plus que du respect, de l’admiration. Comme une légende vivante. Ils avaient tous vu ce qu’il avait fait, tenant tête à l’Empire seul. Et il les avait tous vaincus.

Ils ne le considéraient plus comme un garçon. Ils le considéraient comme un chef. Un guerrier. C’était un regard qu’il ne s’était jamais attendu à voir dans les yeux de ces garçons plus âgés, dans les yeux des villageois. Il avait toujours été celui qui était ignoré, celui duquel personne n’attendait rien.

Des dizaines de ses frères d’armes vinrent à côté de lui, rejoignant Raj et Desmond, des garçons qu’il avait entraînés et avec lesquels il avait croisé le fer jour après jour, peut-être cinquante d’entre eux, nettoyant leurs blessures, se remettant sur pieds, et se rassemblant autour de lui. Ils regardèrent tous vers lui, là debout, tenant son épée d’acier, couvert de blessures, avec admiration. Et avec espoir.

Raj fit un pas en avant et l’étreignit, puis un à la fois, ses frères d’armes l’étreignirent aussi.

« C’était téméraire », dit Raj avec un sourire. « Je ne pensais pas que tu avais ça en toi. »

« Je pensais vraiment que tu allais te rendre », dit Desmond.

« J’ai du mal à croire que nous nous tenions tous là debout », dit Luzi.

Ils parcoururent tous les alentours du regard, étudiant le paysage, comme s’ils avaient tous atterri sur une nouvelle planète. Darius contempla tous les corps, toutes les belles armures et armes étincelant dans le soleil ; il entendit des oiseaux croasser, et leva les yeux pour voir les vautours décrivant déjà des cercles dans le ciel.

« Rassemblez leurs armes », s’entendit ordonner Darius, prenant la direction. C’était une voix grave, plus grave que celle qu’il avait toujours utilisée, et elle portait un air d’autorité qu’il ne s’était jamais connu. « Et enterrez nos morts. »

Ses hommes écoutèrent, et tous se déployèrent, allant de soldat en soldat, les dépouillant, chacun d’eux choisit les meilleurs armes : certains prirent des épées, d’autres des masses d’arme, fléaux, dagues, haches et marteaux de guerre. Darius leva l’épée qu’il avait en main, celle qu’il avait prise au commandant, et il l’admira dans la lumière du soleil. Il s’émerveilla devant son poids, sa garde et sa lame élaborées. Du vrai acier. Quelque chose qu’il pensait ne jamais avoir la chance de posséder dans sa vie. Darius avait l’intention d’en faire bon usage, de l’employer pour tuer autant d’hommes de l’Empire que possible.

« Darius ! » s’éleva une voix qu’il ne connaissait que trop bien.

Il se tourna et vit Loti jaillir de la foule, larmes aux yeux, se précipitant vers lui en dépassant tous les hommes. Elle s’élança en avant et l’enlaça, le serra dans ses bras, pendant que de chaudes larmes coulaient le long de sa nuque.

Il l’étreignit en retour, tandis qu’elle s’accrochait à lui.

« Je ne l’oublierais jamais », dit-elle, entre ses larmes, se penchant près de lui et murmurant à son oreille. « Je n’oublierais jamais ce que tu as fait aujourd’hui. »

Elle l’embrassa, et il l’embrassa en retour, pendant qu’elle pleurait et riait en même temps. Il était tant soulagé de la voir en vie, elle aussi, de la tenir, de savoir que ce cauchemar, au moins pour le moment, était derrière eux. Se savoir que l’Empire ne pouvait pas la toucher. Alors qu’il la tenait dans ses bras, il sut qu’il le referait mille et une fois pour elle.

« Frère », dit une voix.

Darius se retourna et fut ravi de voir sa sœur, Sandara, s’avancer, rejointe par Gwendolyn et l’homme que Sandara aimait, Kendrick. Darius remarqua le sang qui coulait le long du bras de ce dernier, les ébréchures toutes fraiches sur son armure et son épée, et il ressentit un élan de gratitude. Il savait que s’il n’y avait pas eu Gwendolyn, Kendrick et les leurs, lui et son peuple seraient sûrement morts sur le champ de bataille en ce jour.

Loti recula tandis que Sandara faisait un pas en avant et l’étreignait, et il fit de même.

« Je vous suis grandement redevable », dit Darius, les dévisageant tous. « Moi et tout mon peuple. Vous êtes revenus pour nous quand vous n’en aviez pas l’obligation. Vous êtes de vrais guerriers. »

Kendrick s’avança et posa une main sur l’épaule de Darius.

« C’est toi qui es un véritable guerrier, mon ami. Tu as fait montre d’un grand courage sur le champ de bataille aujourd’hui. Dieu a récompensé ta valeur avec cette victoire. »

Gwendolyn s’approcha, et Darius baissa la tête.

« La justice a triomphé aujourd’hui sur le mal et la brutalité », dit-elle. « Je prends un plaisir personnel, pour bien des raisons, à voir ta victoire et à avoir eu ta permission d’y prendre part. Je sais que mon époux, Thorgrin, l’aurait fait, lui aussi. »

« Merci, ma dame », dit-il, touché. « J’ai entendu bien de grandes choses à propos de Thorgrin, et j’espère le rencontrer un jour. »

Gwendolyn hocha de la tête.

« Et quels sont tes plans pour ton peuple maintenant ? » demanda-t-elle.

Darius réfléchit, et prit conscience qu’il n’avait aucune idée ; il n’avait pas pensé aussi loin dans le temps. Il n’avait même pas imaginé qu’il survivrait.

Avant que Darius ait pu répondre il y eut un soudain tumulte, et un visage qu’il ne connaissait que trop bien jaillit de la foule : Zirk s’approchait, un des entraineurs de Darius, ensanglanté par la bataille, ne portant aucune chemise sur ses muscles saillants. Il était suivi par une demi-douzaine d’anciens du village et un grand nombre de villageois, et il ne semblait pas satisfait.

Il lança un regard furieux à Darius, avec condescendance.

« Et es-tu fier de toi ? » demanda-t-il avec mépris. « Regarde ce que tu as fait. Regarde combien des nôtres sont morts ici aujourd’hui. Ils sont tous morts pour rien, tous des hommes bons, tous morts à cause de toi. Tout ça à cause de ta fierté, de ton orgueil, de ton amour pour cette fille. »

Darius rougit, sa colère s’embrasa. Zirk avait toujours eu une dent contre lui, depuis le jour où il l’avait rencontré. Pour une raison ou une autre, il avait toujours semblé se sentir menacé par Darius.

« Ils ne sont pas morts à cause de moi », répondit Darius. « Ils avaient une chance de vivre grâce à moi. De vraiment vivre. Ils sont morts par les mains de l’Empire, pas par les miennes. »

Zirk secoua la tête.

« Faux », rétorqua-t-il. « Si tu t’étais rendu, comme nous te l’avions dit de faire, nous n’aurions pas perdu un orteil. À la place, quelques-uns d’entre nous ont perdu la vie. Leur sang est sur tes mains. »

« Vous ne savez rien ! » s’écria Loti, qui le défendait. « Vous étiez tous trop effrayés pour faire ce que Darius a fait pour vous ! »

« Penses-tu que cela va se terminer là ? » poursuivit Zirk. « L’Empire a des millions d’hommes derrière. Vous en avez tué quelques-uns. Et alors ? Quand ils le découvriront, ils reviendront avec cinq fois plus d’hommes. Et la prochaine fois, chacun d’entre nous sera massacré – et torturé d’abord. Vous avez signé notre arrêt de mort, à tous. »

« Vous avez tort ! » s’écria Raj. « Il vous a donné une chance pour vivre. Une chance pour l’honneur. Une victoire que vous ne méritez pas. »

Zirk se tourna vers Raj en fronçant les sourcils.

« C’étaient les actes d’un jeune garçon insensé et imprudent », répondit-il. « Un groupe de garçons qui aurait dû écouter leurs aînés. Je n’aurais jamais dû vous entraîner, aucun d’entre vous ! »

« Faux ! » hurla Loc, s’avançant à côté de Loti. « C’était les actes intrépides d’un homme. Un homme qui amené des garçons à devenir des hommes. Un homme que vous prétendez être, mais que vous n’êtes pas. L’âge ne fait pas l’homme. Le courage si. »

Zirk rougit, le regardant d’un air renfrogné, et raffermit sa prise sur la garde de son épée.

« Ainsi parlent les infirmes », répliqua Zirk, s’avançant vers lui, menaçant.

Bobku émergea de la foule et tendit une main, arrêtant Zirk.

« Ne vois-tu pas ce que l’Empire nous fait ? » dit Bobku. « Ils créent des divisions parmi nous. Mais nous sommes un peuple. Unis pour une cause. Ils sont l’ennemi, pas nous. Maintenant plus que jamais nous voyons que nous devons nous unir. »

Zirk posa ses mains sur ses hanches et lança un regard furieux à Darius.

« Tu n’es qu’un garçon imprudent avec des paroles fantaisistes », dit-il. « Tu ne pourras jamais vaincre l’Empire. Jamais. Et nous ne sommes pas unis. Je désapprouve tes actes d’aujourd’hui – nous le pensons tous », dit-il, désignant d’un geste la moitié des anciens et un grand groupe de villageois. « S’allier à toi signifie s’allier à la mort. Et nous avons l’intention de survivre. »

« Et comment comptez-vous faire cela ? » l’interrogea en retour Desmond, en colère, debout à côté de Darius.

Zirk rougit et demeura silencieux, et il fut clair pour Darius qu’il n’avait pas de plan, tout comme les autres, et qu’il s’exprimait par peur, frustration et impuissance.

Bobku fit finalement un pas en avant, entre eux, apaisant la tension. Tous les yeux se tournèrent vers lui.

« Vous avez tous les deux raison et vous avez tous les deux tort », dit-il. « Ce qui importe maintenant est le futur. Darius, quel est ton plan ? »

Darius sentit tous les yeux se tourner vers lui dans l’épais silence. Il réfléchit, et lentement un plan se forma dans son esprit. Il savait qu’il n’y avait qu’une voie à prendre. Trop de choses étaient arrivées pour qu’il en soit autrement.

« Nous porterons cette guerre aux portes de l’Empire », s’écria-t-il, revigoré. « Avant qu’ils ne puissent se regrouper, nous leur ferons payer. Nous rallierons les autres villages d’esclaves, nous formerons une armée, et nous leur apprendrons ce que signifie souffrir. Nous mourrons peut-être, mais nous mourrons en hommes libres, en nous battant pour notre cause. »

Une grande acclamation s’éleva de derrière Darius, poussée par la majorité des villageois, et il put voir la plupart d’entre se rallier à lui. Un petit groupe d’entre eux, massés derrière Zirk, regarda en arrière, incertain.

Zirk, rendu clairement furieux et en infériorité numérique, rougit, desserra sa prise sur la garde de son épée, pivota et partit comme un ouragan, disparaissant dans la foule. Un petit groupe de villageois partit précipitamment avec lui.

Bobku s’avança et fit solennellement face à Darius, le visage marqué par le souci, l’âge, avec des rides qui en avaient vu trop. Il dévisagea Darius, les yeux emplis de sagesse. Et de peur.

« Notre peuple se tourne vers toi pour le mener à présent », dit-il doucement. « C’est quelque chose d’extrêmement sacré. Ne perds pas leur confiance. Tu es jeune pour mener une armée. Mais la tâche t’a échu. Tu as commencé cette guerre. Maintenant, tu dois la terminer. »

Gwendolyn s’avança tandis que les villageois commençaient à se dissiper, Kendrick et Sandara à côté d’elle, Steffen, Brandt, Atme, Aberthol, Stara et des dizaines de ses hommes derrière elle. Elle considéra sur Darius avec respect, et elle put voir la reconnaissance dans ses yeux pour avoir décidé de venir à son aide aujourd’hui sur le champ de bataille. Après leur victoire, elle se sentait justifiée ; elle savait qu’elle avait pris la bonne décision, bien que cela ait été dur. Elle avait perdu des dizaines de ses hommes en ce jour, et elle pleurait leur perte. Mais elle savait aussi que, si elle n’avait pas fait demi-tour, Darius et tous les autres se tenant là seraient certainement morts.

Voit Darius debout là, affrontant si bravement l’Empire, lui avait fait penser à Thorgrin, et son cœur se serra quand elle pensa à lui. Elle se sentait déterminée à récompenser le courage de Darius, quel qu’en soit le prix.

« Nous nous tenons ici prêts à soutenir votre cause », dit Gwendolyn. Elle attira l’attention de Darius, Bobku, et tous les autres, tandis que tous les villageois restants se tournèrent vers elle. « Vous nous avez recueillis quand nous en avions besoin – et nous sommes là, prêts à vous soutenir quand vous en avez besoin. Nous ajoutons nos armes aux vôtres, notre cause à la vôtre. Après tout, c’en est une seule. Nous voulons retourner dans notre terre natale libres – vous voulez libérer votre terre librement. Nous partageons tous le même oppresseur. »

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