Si elle voyait - Блейк Пирс 3 стр.


« Alors qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » demanda Kate.

La question était dirigée à Michelle mais elle eut l’impression que c’était une question qu’elle se posait à elle-même à voix haute. Sa fille était adulte maintenant et elle avait un enfant. Et aujourd’hui, elle était là, à presque cinquante-six ans, avec son premier petit-enfant dans les bras. Alors… qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

Elle repensa à son envie de retourner travailler et pour la première fois, cela lui sembla moins important.

Beaucoup moins important que cette petite fille qu’elle tenait dans ses bras.

***

À vingt heures ce soir-là, Kate se demandait si Mélissa et Terry n’étaient pas tout simplement parvenus à créer le bébé le plus sage de toute l’histoire. Michelle ne pleura pas une seule fois et elle ne fut à aucun moment difficile. Elle était tout simplement contente qu’on la tienne dans ses bras. Après deux heures dans les bras de Kate, Michelle finit par s’endormir. Kate la plaça doucement au milieu de son lit et resta un moment dans l’embrasure de la porte pour regarder sa petite-fille dormir.

Elle était là depuis un petit temps, quand elle entendit son téléphone vibrer sur la table de la cuisine derrière elle. Elle dut détourner les yeux de Michelle un instant mais elle parvint à son téléphone en une question de secondes. La simple vibration signifiait qu’il s’agissait d’un message, plutôt que d’un appel. Et elle ne fut pas du tout surprise de voir que c’était Mélissa.

Comment va-t-elle ? demanda Mélissa.

Incapable de résister, Kate sourit et répondit : Je ne lui ai laissé boire que trois bière. Elle est partie avec un type en moto il y a environ une heure. Je lui ai dit d’être rentrée pour vingt-trois heures.

Elle reçut rapidement une réponse : Oh, ce n’est pas marrant.

Les plaisanteries qu’elles s’échangeaient la rendaient aussi heureuse que le bébé endormi dans sa chambre à coucher. Après la mort de son père, Mélissa était devenue moins ouverte – surtout avec Kate. Elle blâmait le boulot de Kate pour la mort de son père et bien qu’elle ait fini par la suite par comprendre que ce n’était pas le cas, il y avait des moments où Kate avait l’impression que Mélissa lui en voulait toujours pour le temps qu’elle avait passé au FBI après sa mort. Mais bizarrement, Mélissa avait également montré de l’intérêt pour une carrière au FBI… malgré son attitude pas trop positive l’année dernière concernant le fait que sa mère interrompe sa retraite pour reprendre du service.

Toujours en souriant, Kate prit son téléphone dans la chambre à coucher et prit une rapide photo de Michelle. Elle l’envoya à Mélissa. Après y avoir réfléchi un instant, elle l’envoya également à Allen.

Elle eut envie qu’il soit là avec elle. Elle avait de plus en plus souvent ce sentiment ces derniers temps. Elle n’était pas aussi naïve pour penser qu’elle l’aimait, mais elle pourrait imaginer tomber amoureuse de lui si les choses continuaient comme ça. Il lui manquait quand il n’était pas là. Et quand il l’embrassait, elle avait l’impression d’avoir vingt ans de moins.

Elle se prit à sourire quand Allen répondit avec une photo. C’était un selfie de lui avec deux hommes plus jeunes qui lui ressemblaient énormément – sûrement ses fils.

Alors qu’elle regardait la photo, son téléphone se mit à sonner. Le nom qu’elle vit à l’écran la remplit de plaisir.

C’était le directeur adjoint Vince Duran. Son appel l’aurait de toute façon remplie d’enthousiasme mais le fait qu’il soit plus de vingt heures un vendredi soir déclencha des signaux d’alerte en elle – des signaux d’alerte qu’elle appréciait particulièrement.

Elle regarda la petite Michelle qui dormait et prit un moment avant de répondre. « Kate Wise, » dit-elle, en essayant d’adopter un ton neutre.

« Wise, c’est Duran. C’est un bon moment pour parler ? »

« Ce n’est pas le meilleur moment, mais ça va. » répondit-elle. « Est-ce que tout va bien ? »

« Ça dépend. Je vous appelle pour savoir si vous seriez intéressée de vous occuper d’une affaire. »

« Est-ce que c’est une de ces affaires classées dont on avait parlé ? »

« Non. Cette fois-ci… eh bien, ça ressemble beaucoup à une affaire que vous aviez réussi à élucider assez rapidement en 1996. À ce stade, on a quatre victimes à deux endroits différents à Whip Springs, en Virginie. Les meurtres semblent avoir été commis à deux jours d’intervalle. Pour l’instant, c’est la police d’état de Virginie qui s’en occupe mais je leur ai parlé. Et si vous voulez vous occuper de l’enquête, vous avez le feu vert. Mais il faudrait que vous y alliez tout de suite. »

« Je ne vais pas pouvoir y aller tout de suite, » dit-elle. « J’ai un engagement que je dois tenir. » En regardant Michelle, c’était facile à dire. Mais presque chaque muscle de son corps luttait contre son tout nouvel instinct de mamy.

« Je vais déjà vous faire part des détails de l’affaire. Les victimes sont des couples mariés, un dans la cinquantaine et l’autre dans la soixantaine. Les victimes les plus récentes sont celles de la cinquantaine. Leur fille a découvert leurs corps quand elle rentrée de l’université aujourd’hui. Les meurtres ont été commis à environ une cinquantaine de kilomètres l’un de l’autre, un à Whip Springs et l’autre en périphérie de Roanoke. »

« Des couples ? Un quelconque lien entre eux, à part le fait qu’ils soient mariés ? »

« On n’en a pas encore trouvé. Mais les quatre victimes ont été sévèrement charcutées. L’assassin utilise un couteau. Et il fait ça de manière lente et méthodique. Je pense que tout indique qu’il va y avoir un autre couple de victimes dans les deux prochains jours. »

« Oui, on dirait bien qu’on a affaire à un tueur en série, » dit Kate.

Elle repensa à cette affaire de 1996 que Duran avait mentionnée. Une femme à moitié folle et qui avait travaillé en tant que nounou avait ôté la vie de trois couples en seulement deux jours. Il s’était avéré qu’elle avait travaillé pour les trois couples sur une période de dix ans. Kate avait arrêté la femme alors qu’elle était en route pour assassiner un quatrième couple et, selon ses dires, mettre fin à ses propres jours.

Est-ce qu’elle allait vraiment refuser cette opportunité ? Après le flashback intense qu’elle avait eu aujourd’hui, est-ce qu’elle allait laisser passer cette occasion d’arrêter un assassin ?

« J’ai combien de temps pour vous donner une réponse ? » demanda-t-elle.

« Je vous laisse une heure. Pas plus. J’ai besoin que quelqu’un s’occupe de cette affaire tout de suite. Et j’ai pensé à vous et à DeMarco. Une heure, Wise… et plus tôt, c’est encore mieux. »

Avant qu’elle ne puisse répondre par un OK ou un merci, Duran raccrocha. Il était généralement chaleureux et amical, mais il pouvait aussi être très irritable s’il n’obtenait pas ce qu’il voulait.

Aussi silencieusement que possible, elle entra dans la chambre et s’assit sur le bord du lit. Elle regarda Michelle dormir et le mouvement de sa poitrine qui se soulevait lentement et méthodiquement sous l’effet de sa respiration. Elle se rappelait clairement quand Mélissa était aussi petite. Le temps était passé à une vitesse folle. Et c’était de là que venait son problème : elle avait l’impression d’avoir raté tellement de choses en tant que mère et épouse à cause de son boulot, mais elle avait néanmoins toujours ressenti ce sens du devoir. Surtout quand elle savait qu’elle pouvait être sur le terrain et faire sa part pour arrêter un assassin.

Quelle genre de personne cela ferait d’elle si elle refusait cette proposition et que Duran finissait par choisir un autre agent qui n’avait peut-être pas la même expérience qu’elle ?

Mais quel genre de grand-mère et de mère serait-elle si elle finissait par appeler Mélissa pour lui dire de rentrer plus tôt et de venir chercher sa fille parce que le FBI faisait de nouveau appel à elle ?

Kate regarda Michelle pendant quelques minutes et se coucha même à côté d’elle, en plaçant sa main sur sa poitrine de bébé pour sentir sa respiration. Et en voyant cette petite étincelle de vie, une vie qui ne savait encore rien des atrocités qui pouvaient exister dans ce monde, il lui fut beaucoup plus facile de prendre sa décision.

En fronçant les sourcils, Kate prit son téléphone et appela Mélissa.

***

Un jour, quand Mélissa avait seize ans, elle avait fait entrer un garçon en douce dans sa chambre tard le soir, quand Kate et Michael étaient déjà endormis. Kate avait été réveillée par un bruit (qu’elle avait compris plus tard être le genou de quelqu’un cognant sur le mur de la chambre de Mélissa) et elle était montée pour aller voir ce qui se passait. Quand elle avait ouvert la porte de la chambre de sa fille et qu’elle l’avait trouvée seins nus avec un garçon dans son lit, elle l’avait jeté en bas du lit et lui avait hurlé de sortir.

La colère qu’elle avait vue ce soir-là dans les yeux de Mélissa fut éclipsée par le regard que sa fille lui jeta au moment où elle attacha Michelle dans le siège bébé à 21h30 – environ une heure après que Duran l’eut appelée concernant l’affaire à Roanoke.

« C’est vraiment n’importe quoi, maman, » dit-elle.

« Lissa, je suis vraiment désolée. Mais qu’est-ce que j’étais supposée faire ? »

« Eh bien, d’après ce que j’ai compris, normalement, les gens restent à la retraite une fois qu’ils l’ont prise. Tu pourrais peut-être commencer par-là ! »

« Ce n’est pas aussi facile que ça, » dit Kate.

« Oh, je sais, maman, » dit Mélissa. « Ça n’a jamais été facile pour toi. »

« Ce n’est pas juste… »

« Et ne pense pas que je sois fâchée parce que tu as écourté la seule soirée un peu relax que je pouvais avoir. Ce n’est même pas pour ça. Je ne suis pas aussi égoïste. Contrairement à d’autres. Je suis fâchée parce que ton boulot – que tu es sensée avoir quitté depuis plus d’un an – continue à passer avant ta famille. Même après tout ce qui… même après papa… »

« Lissa, évitons de parler de ça. »

Mélissa prit le siège bébé avec une douceur surprenante, comparé à la dureté de son ton et la manière dont son corps était crispé.

« Je suis d’accord, » dit Mélissa. « N’en parlons pas. »

Et sur ces mots, elle sortit en claquant la porte derrière elle.

Kate tendit la main vers la poignée de la porte mais se ravisa. Qu’est-ce qu’elle allait faire ? Continuer de se disputer sur le pas de la porte ? De plus, elle connaissait bien Mélissa. Dans quelques jours, elle se serait calmée et elle écouterait probablement ce que Kate avait à lui dire. Peut-être même qu’elle accepterait ses excuses.

Kate se sentit vraiment mal quand elle prit son téléphone pour appeler Duran. Il l’informa qu’il avait de toute façon compté sur sa présence sur l’affaire. Il avait déjà arrangé pour qu’un officier de la police d’état de Virginie les retrouve, elle et DeMarco, à 4h30 du matin à Whip Springs. Quant à DeMarco, elle avait quitté Washington une demi-heure plus tôt dans une voiture banalisée du FBI. Elle arriverait chez Kate vers minuit. Kate réalisa alors qu’elle aurait très bien pu garder Michelle jusqu’à l’heure prévue de vingt-trois heures et éviter la confrontation avec Mélissa. Mais ce n’était pas quelque chose à laquelle elle devait penser à cet instant présent.

La soudaineté des événements avait pris Kate légèrement au dépourvu. Bien que la dernière affaire sur laquelle elle avait travaillé était venu un peu de nulle part, il y avait tout de même eu une sorte de structure stable. Mais ça faisait longtemps qu’on ne lui avait plus assigné une affaire à une telle heure. C’était un peu terrifiant mais elle se sentait également excitée à l’idée – assez excitée pour oublier momentanément la colère que Mélissa ressentait à son égard.

Néanmoins, au moment de faire son sac en attendant que DeMarco arrive, une pensée continuait à l’obséder. Et c’est justement ça, là – ta capacité à ignorer tout ce qui t’entoure en raison de ton boulot – qui a généré autant de problèmes entre vous pour commencer.

Mais elle finit également par mettre facilement cette pensée de côté.

CHAPITRE TROIS

Une des nombreuses choses que Kate avait appris au sujet de DeMarco lors de leur dernière enquête ensemble, c’était qu’elle était ponctuelle. C’était une qualité dont elle se souvint au moment où elle entendit frapper à sa porte à minuit dix.

Je ne me rappelle pas à quand date la dernière fois où j’ai eu de la visite aussi tard, pensa-t-elle. À l’université, peut-être ?

Elle s’avança vers la porte d’entrée avec son sac à l’épaule. Mais quand elle ouvrit la porte, elle vit que DeMarco n’avait aucune intention de partir tout de suite sur la scène de crime.

« Au risque de paraître grossière, il faut vraiment que j’utilise vos toilettes, » dit DeMarco. « Avaler deux cocas pour rester éveillée pour conduire n’était pas une bonne idée. »

Kate sourit et laissa entrer DeMarco. Vu l’urgence et la rapidité que Duran avait instillés en elle au cours de leurs conversations téléphoniques, la brusquerie de DeMarco était le genre de situation un peu comique dont elle avait besoin. C’était également agréable de se rendre compte que, même après deux mois sans se voir, elles étaient toujours aussi à l’aise ensemble que lorsqu’elles avaient travaillé sur leur dernière enquête.

DeMarco sortit de la salle de bains quelques minutes plus tard, avec un sourire gêné aux lèvres.

« Bonjour quand même, » dit Kate. C’était peut-être à cause de la dose de caféine qu’elle avait avalé, mais DeMarco avait plutôt une bonne tête et l’heure tardive n’avait pas l’air de l’affecter.

DeMarco consulta sa montre et hocha la tête. « Oui, j’imagine que c’est déjà le matin. »

« À quelle heure est-ce qu’on t’a appelée ? » demanda Kate.

« Vers vingt heures ou vingt et une heures. Je serais venue plus tôt mais Duran voulait être sûr à cent pourcents que tu serais sur l’affaire. »

« Oui, désolée pour ça, » dit Kate. « Je gardais ma petite-fille pour la première fois. »

« Oh non. Wise… c’est trop nul. Je suis désolée que ça ait gâché ce moment. »

Kate haussa les épaules et balaya le commentaire d’un geste de la main. « Ça ira. Tu es prête à partir ? »

« Oui. J’ai répondu à quelques appels en venant ici, venant de nos gars à Washington. Il est prévu qu’on retrouve l’un des types de la police d’état de Virginie à quatre heures trente à la maison des Nash. »

« La maison des Nash ? » demanda Kate.

« Le dernier couple qui a été assassiné. »

Elles se dirigèrent vers la porte d’entrée. En sortant, Kate éteignit la lumière du salon et prit son sac. Elle était excitée par ce qui l’attendait mais elle avait également l’impression de quitter sa maison de manière un peu précipitée. Après tout, quelques heures plus tôt, sa petite-fille de deux mois était encore endormie sur son lit. Et maintenant, elle était sur le point de partir sur une scène de crime.

Elle vit la sedan banalisée standard du FBI garée devant chez elle, au bord du trottoir. Ça avait l’air surréaliste, mais également tentant.

« Tu veux conduire ? » demanda DeMarco.

« Bien sûr, » dit Kate, en se demandant si c’était une marque de respect ou si elle avait tout simplement besoin de se reposer de la conduite.

Kate s’assit derrière le volant pendant que DeMarco cherchait les renseignements pour se rendre sur le lieu du meurtre le plus récent. C’était dans la ville de Whip Springs, en Virginie, un petit trou paumé situé aux pieds des montagnes Blue Ridge, juste en dehors de Roanoke. Elles parlèrent un peu de leurs vies respectives – Kate expliquant à DeMarco ce que ça faisait d’être grand-mère, tandis que DeMarco restait surtout silencieuse, en mentionnant seulement qu’elle était passée par une autre rupture après que sa petite amie l’avait eu quittée. Kate fut surprise car elle ne s’était pas rendu compte que DeMarco était lesbienne. Elle se dit qu’elle devait vraiment passer un peu plus de temps à apprendre à connaître la femme qui était maintenant sa partenaire. La ponctualité, elle avait remarqué. Mais l’homosexualité, elle n’avait absolument pas capté. Quel genre de partenaire cela faisait d’elle ?

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