La Cible Zéro - Джек Марс 4 стр.


“Maya, écoute. Tu es très intelligente… certainement bien assez pour faire certaines suppositions sur ce qui s’est passé,” dit-il. “Le plus important est de bien comprendre que savoir certaines choses peut s’avérer dangereux. Le danger potentiel auquel vous avez été confrontées pendant ma semaine d’absence pourrait devenir permanent si vous saviez tout. Je ne peux pas te dire si tu as raison ou tort. Je ne vais pas confirmer ou infirmer quoi que ce soit. Donc, à partir de maintenant, on n’a qu’à juste dire que… tu peux croire à toutes les hypothèses que tu as faites, tant que tu fais bien attention de les garder pour toi.”

Maya acquiesça lentement d’un signe de tête. Elle jeta un coup d’œil dans le couloir pour s’assurer que Sara n’était pas là avant de dire, “Tu n’es pas seulement un professeur. Tu travailles pour quelqu’un, au niveau du gouvernement : le FBI peut-être ou la CIA…”

“Bon sang, Maya, je t’ai dit que garder ça pour toi !” grommela Reid.

“Les événements au Jeux Olympiques et au forum à Davos,” poursuivit-elle. “Tu as quelque chose à voir là-dedans.”

“Je te l’ai dit, je ne vais pas confirmer ou infirmer quoi que ce soit…”

“Et ce groupe terroriste, Amon, dont ils n’arrêtent pas de parler aux infos. Tu as aidé à les arrêter ?”

Reid détourna les yeux, regardant par la petite fenêtre qui donnait sur leur cour. Mais il était déjà trop tard. Il n’avait pas besoin de confirmer ou d’infirmer quoi que ce soit. Elle avait pu lire sur son visage.

“Ce n’est pas un jeu, Maya. C’est sérieux, et si les mauvaises personnes l’apprenaient…”

“Est-ce que Maman était au courant ?”

De toutes les questions qu’elle aurait pu lui poser, celle-ci le laissa sans voix. Il garda le silence un long moment. Une fois de plus, son aînée s’était montrée trop intelligente, peut-être même pour son propre bien.

“Je ne pense pas,” dit-il à voix basse.

“Et tous les voyages que tu faisais avant,” reprit Maya. “Il ne s’agissait pas de conférences et de colloques, n’est-ce pas ?”

“Non, en effet.”

“Alors, tu as arrêté à un moment. Est-ce que tu as arrêté après… après que Maman… ?”

“Oui. Mais, ensuite, ils ont de nouveau eu besoin de moi.” Une vérité partielle était suffisante pour qu’il n’ait pas l’impression de mentir… et, il l’espérait, pour satisfaire la curiosité de Maya.

Il se retourna vers elle. Elle regardait par terre, le front plissé. Il était clair qu’elle voulait poser d’autre questions. Mais il espérait qu’elle ne le ferait pas.

“Une dernière question.” Sa voix sortit presque comme un murmure. “Est-ce que tout ça a quelque chose à voir avec… avec la mort de Maman ?”

“Oh, bon dieu. Non, Maya. Bien sûr que non.” Il traversa rapidement la pièce et la serra fort dans ses bras. “Ne crois pas ça. Ce qui est arrivé à Maman est d’ordre médical. Ça aurait pu arriver à n’importe qui. Ce n’était pas… ça n’a rien à voir avec ça.”

“je m’en doutais,” dit-elle à voix basse. “Mais il fallait que je te le demande…”

“Je comprends.” C’était la dernière chose qu’il voulait qu’elle pense, que la mort de Kate soit liée d’une façon ou d’une autre à la vie secrète qu’il avait menée.

Quelque chose traversa son esprit : une vision. Un souvenir du passé.

Une cuisine familière. Leur maison en Virginie, avant d’emménager à New York. Avant son décès. Kate est debout devant toi, belle exactement comme dans tes souvenirs… mais elle a les sourcils froncés et le regard sévère. Elle est en colère. Elle crie. Elle gesticule des mains en direction de quelque chose, sur la table…

Reid recula d’un pas, relâchant son étreinte sur Maya, alors que ce vague souvenir déclenchait l’ébauche d’un mal de tête dans son front. Parfois, quand son cerveau tentait de se souvenir de certaines choses de son passé qui étaient toujours verrouillées à l’intérieur, cette tentative de libération forcée le laissait avec une légère migraine à l’avant du crâne. Pourtant, cette fois, c’était différent et étrange : le souvenir était clairement une dispute avec Kate qu’il ne se souvenait pas avoir jamais eue.

“Papa, ça va ?” demanda Maya.

La sonnette de la porte retentit, les prenant tous deux de court.

“Euh, ouais,” murmura-t-il. “Je vais bien. Ce doit être les pizzas.” Il regarda sa montre et fronça les sourcils. “Ils ont été super rapides. Je reviens tout de suite.” Il traversa le couloir et jeta un œil dans le judas. À l’extérieur, se trouvait un jeune homme avec une barbe noire et un regard à moitié vide, portant un polo rouge avec le logo de la pizzeria.

Quand bien même, Reid jeta un œil par-dessus son épaule pour s’assurer que Maya n’était pas en train de regarder, puis il passa une main dans son bomber marron, pendu près de la porte. Dans la poche intérieure de ce dernier, se trouvait un Glock 22 chargé. Il retira le cran de sûreté et le fourra à l’arrière de son pantalon avant d’ouvrir la porte.

“Livraison pour Lawson,” dit le type de la pizzeria sur un ton monotone.

“Ouais, c’est moi. Je vous dois combien ?”

Le type tenait les deux boîtes à pizza d’une main, alors qu’il cherchait quelque chose de l’autre dans sa poche arrière. Reid fit instinctivement la même chose.

Il distingua quelque chose du coin de l’œil et son regard se tourna vers la gauche. Un homme, aux cheveux rasés comme un militaire, était en train de traverser rapidement la pelouse devant chez lui… Mais, plus important encore, on voyait clairement l’étui d’une arme suspendu à sa hanche et sa main droite était posée sur la crosse.

CHAPITRE DEUX

Reid leva un bras en l’air, comme un agent de circulation arrête le trafic.

“Tout va bien, Monsieur Thompson,” cria-t-il. “C’est juste le livreur de pizzas.”

Sur sa pelouse, le vieil homme à la coupe grisonnante, avec une légère bedaine, s’arrêta net. Le livreur de pizzas jeta un œil par-dessus son épaule et, pour la première fois, montra de l’émotion : ses yeux s’écarquillèrent sous le choc en voyant l’arme et la main posée dessus.

“Vous en êtes sûr, Reid ?” Monsieur Thompson jeta un regard suspicieux au livreur de pizzas.

“Sûr et certain.”

Le livreur sortit lentement un reçu de sa poche. “Euh, dix-huit,” dit-il d’un ton ahuri.

Reid lit donna un billet de vingt et une pièce de dix, puis lui prit les boîtes. “Gardez la monnaie.”

Le livreur de pizzas n’eut pas besoin qu’on le lui dise deux fois. Il courut jusqu’au coupé qui l’attendait, grimpa dedans et fit crisser les pneus en démarrant. Monsieur Thompson le regarda s’en aller, les yeux plissés.

“Merci, Monsieur Thompson,” dit Reid. “Mais ce sont juste des pizzas.”

“Je n’ai pas aimé l’allure de ce type,” grommela son voisin d’à côté. Reid aimait bien ce vieil homme… même s’il trouvait que Thompson prenait son nouveau rôle de garder un œil sur la famille Lawson bien trop au sérieux. En tout cas, Reid préférait grandement avoir à proximité quelqu’un de trop zélé à la tâche, plutôt que quelqu’un de trop laxiste.

“On n’est jamais trop prudent,” ajouta Thompson. “Comment vont les filles ?”

“Elles vont bien.” Reid esquissa un sourire sympathique. “Mais, euh… est-ce que vous devez trimballer ça à la vue de tous en permanence ?” Il désigna le Smith & Wesson à la hanche de Thompson.

Le vieil homme eut l’air gêné. “Eh bien… oui. Mon permis de port d’arme a expiré, mais la Virginie est un état où le port d’une arme est légal.”

“…C’est vrai.” Reid s’efforça de sourire à nouveau. “Bien sûr. Merci encore, Monsieur Thompson. Je vous le ferai savoir si nous avons besoin de quoi que ce soit.”

Thompson acquiesça et repartit chez lui en trottinant sur la pelouse. Le Directeur Adjoint Cartwright avait assuré à Reid que le vieil homme était quelqu’un de valeur. Thompson était un agent de la CIA à la retraite et, même s’il n’était plus sur le terrain depuis plus de vingt ans, il était clairement ravi, voire même désireux, d’être à nouveau utile.

Reid soupira et referma la porte derrière lui. Il la verrouilla et réactiva l’alarme de sécurité (ce qui devenait un rituel à chaque fois qu’il ouvrait ou fermait la porte), puis se tourna et découvrit Maya, debout face à lui, dans le couloir.

“C’était quoi ça ?” demanda-telle.

“Oh, rien du tout. Monsieur Thompson passait juste me dire bonjour.”

Maya croisa de nouveau les bras. “Et moi qui croyais qu’on était sur la bonne voie.”

“Ne soit pas ridicule,” répondit Reid d’un air léger. “Thompson est juste un vieil homme inoffensif…”

“Inoffensif ? Il se balade avec une arme partout où il va,” protesta Maya. “Et ne crois pas que je ne le vois pas regarder chez nous par sa fenêtre. On dirait qu’il nous espionne…” Elle entrouvrit légèrement la bouche. “Oh mon dieu, il est au courant pour toi ? Monsieur Thompson est un espion, lui aussi ?”

“Pff, Maya, Je ne suis pas un espion…”

En fait, pensa-t-il, c’est exactement ce que tu es…

“Je ne le crois pas !” s’exclama-t-elle. “C’est pour ça qu’il joue les nounous avec nous quand tu t’absentes ?”

“Oui,” admit-il à voix basse. Il n’avait pas besoin de lui dire les choses qu’elle ne demandait pas, mais il ne servait à rien non plus de lui cacher les choses qu’elle devinait si précisément dans tous les cas.

Il s’attendait à ce qu’elle soit en colère et commence à porter de nouvelles accusations mais, au lieu de ça, elle secoua la tête et murmura, “Incroyable. Mon père est un espion et notre voisin d’à côté est garde du corps à ses heures perdues.” Puis, à sa grande surprise, elle se pendit à son cou, manquant de faire tomber les boîtes à pizza dans sa main. “Je sais bien que tu ne peux pas tout me dire. Je demande juste un peu de vérité, c’est tout.”

“Ouais, ouais,” chuchota-t-il. “Je mets juste en péril la sécurité internationale pour être un bon père. Allez, va réveiller ta sœur avant que les pizzas ne refroidissent. Et Maya ? Pas un mot de tout ça à Sara.”

Il entra dans la cuisine, sortit des assiettes, des serviettes, et remplit trois verres de soda. Quelques instants plus tard, Sara déboula dans la pièce, se frottant les yeux après sa sieste.

“Coucou, Papa,” marmonna-t-elle.

“Hello, ma puce. Assieds-toi. Est-ce que tu dors bien ces temps-ci ?”

“Mouais,” murmura-t-elle vaguement. Sara s’empara d’une part de pizza et en mordit la pointe, mâchant lentement, la bouche en cercle.

Il s’inquiétait pour elle, mais il tâcha de ne rien laisser paraître. Il attrapa une part de la pizza aux saucisses et aux poivrons verts. Elle était juste devant sa bouche quand Maya intervint, lui arrachant des mains.

“Attends, tu fais quoi là ?” demanda-t-elle.

“…Je mange ? Du moins, j’essaie.”

“Euh, non. Tu as un rencart, tu t’en souviens ?”

“Quoi ? Non, c’est demain…” Il s’arrêta, pris d’un doute. “Oh, mon dieu, c’est ce soir, pas vrai ?” Il se tapa le front de la main.

“Ben oui,” répondit Maya, la bouche pleine de pizza.

“Et d’abord, ce n’est pas un rencart. C’est un dîner avec une amie.”

Maya haussa les épaules. “D’accord. Mais si tu ne files pas te préparer, tu vas être en retard à ton ‘dîner avec une amie.’”

Il regarda sa montre. Elle avait raison : il était censé retrouver Maria à dix-sept heures.

“Allez, ouste. Va te changer.” Elle le poussa hors de la cuisine et il se dépêcha de monter l’escalier.

Avec tout ce qui se passait et ses efforts permanents pour évincer ses propres pensées, il avait presque oublié sa promesse de voir Maria. Ces quatre dernières semaines, plusieurs semi-tentatives avortées de se revoir s’étaient produites. Il y avait toujours un truc qui se mettait en travers, d’un côté ou de l’autre, même s’il devait bien avouer que les excuses venaient essentiellement de lui. Maria avait fini par en avoir marre et avait non seulement arrêté une date pour leur sortie, mais également choisi un lieu à mi-chemin entre Alexandria et Baltimore, où elle vivait, s’il promettait de venir au rendez-vous.

Elle lui manquait. Sa présence lui manquait. Ils n’avaient pas seulement été collègues à l’agence : ils avaient eu une aventure, mais Reid ne s’en souvenait quasiment pas. Pas du tout même. La seule chose qu’il savait, c’est que quand il était près d’elle, il avait la sensation distincte d’être en compagnie de quelqu’un qui tenait à lui : une amie, quelqu’un en qui il pouvait avoir confiance et peut-être même un peu plus que ça.

Il se dirigea vers son dressing et enfila des vêtements qu’il jugeait adéquats pour l’occasion. Il était fan du style classique, même s’il avait bien conscience que sa garde-robe le vieillissait probablement d’au moins dix ans. Il avait passé un pantalon à pinces kaki, une chemise boutonnée à carreaux et une veste en tweed avec des coudières en cuir.

“C’est ça que tu vas mettre ?” demanda Maya, le faisant sursauter. Elle était adossée au montant de la porte de sa chambre, grignotant tranquillement une croûte de pizza.

“C’est quoi le problème avec ma tenue ?”

“Le problème, c’est qu’on dirait que tu sors juste de tes cours. Allez.” Elle le prit par le bras pour le ramener face à son dressing, puis commença à fouiller dans ses vêtements. “Pff, Papa, tu t’habilles comme si tu étais octogénaire…”

“Comme si j’étais quoi ?”

“Rien !” rétorqua-t-elle. “Ah. Voilà.” Elle sortit un blazer noir de sa penderie, le seul qu’il avait. “Enfile ça, avec quelque chose de gris en dessous. Ou blanc. Un tee-shirt ou un polo. Débarrasse-toi de ce pantalon ringard et mets un jean. Foncé. Coupe slim.”

À la requête de sa fille, il changea de tenue pendant qu’elle attendait dans le couloir. Il se dit qu’il allait sûrement devoir s’habituer à ce curieux renversement des rôles. À un moment, il était le père surprotecteur et, l’instant d’après, il devait relever les défis de sa fille astucieuse.

“C’est beaucoup mieux,” dit Maya alors qu’il se présentait devant elle. “Tu as l’air presque prêt pour un rencart.”

“Merci,” dit-il, “mais ce n’est pas un rencart.”

“Tu n’arrêtes pas de dire ça. Mais tu sors dîner et boire des verres avec une femme mystérieuse dont tu dis haut et fort que c’est une vieille amie, alors que tu n’as jamais parlé d’elle et que nous ne la connaissons même pas…”

“Elle est une vieille amie…”

“Et je dois ajouter,” l’interrompit Maya, “qu’elle est plutôt attirante. On l’a vue descendre de l’avion à Dulles. Donc si jamais tu cherches quelque chose de plus qu’une ‘vieille amie,’ ça s’appelle un rencart.”

“Bon sang, on ne va pas parler de ça, toi et moi.” Reid esquissa un sourire. Mais, au fond de lui, il était légèrement remué. Elle a raison. C’est un rencart. Il s’était adonné à une telle gymnastique mentale ces derniers temps, qu’il n’avait pas réellement pris le temps de réfléchir à ce que voulait vraiment dire “dîner et boire des verres” pour deux adultes célibataires. “OK,” admit-il, “disons que ce soit un rencart. Euh… je dois faire quoi ?”

“C’est à moi que tu demandes ça ? Je ne suis pas vraiment experte en la matière.” Maya arborait un grand sourire. “Parle-lui. Apprend à mieux la connaître. Et, par pitié, fait de ton mieux pour être intéressant.”

Reid prit un ton moqueur en secouant la tête. “Excuse-moi, mais je suis un homme intéressant à bien des égards. Tu connais combien de personnes qui peuvent donner à l’oral une leçon d’histoire complète sur la Révolte de Boulavine ?”

“Une seule.” Maya fit rouler ses yeux. “Et ne donne pas à cette femme une leçon complète sur la Révolte de Boulavine.”

Reid rigola et prit sa fille dans ses bras.

“Tout va bien se passer,” lui assura-t-elle.

“Pour vous aussi,” dit-il. “Je vais appeler Monsieur Thompson pour qu’il reste avec vous un moment…”

“Papa, non !” Maya se retira de son étreinte. “S’il te plaît. J’ai seize ans. Je peux surveiller Sara quelques heures quand même.”

“Maya, tu sais à quel point c’est important pour moi de ne pas vous savoir seules toutes les deux…”

“Papa, il empeste l’huile moteur et il veut toujours parler du ‘bon vieux temps’ avec les Marines,” dit-elle avec exaspération. “Il ne va rien se passer. Nous allons manger de la pizza et regarder un film. Sara sera déjà au lit avant que tu reviennes. Tout ira bien.”

“Je pense quand même que Monsieur Thompson devrait venir…”

“Il peut nous surveiller de sa fenêtre, comme il le fait toujours. Tout ira bien, je te le promets. Nous avons un excellent système de sécurité, des serrures à toutes les portes et je suis au courant pour le pistolet à côté de la porte d’entrée…”

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