Le Fichier Zéro - Джек Марс 2 стр.


“Monsieur,” l’interrompit Zéro. Pierson se tourna vers lui, le sourire toujours aux lèvres. “J’apprécie votre proposition mais, si cela ne vous dérange pas, je, euh… Je crois vraiment qu’il faut que j’aille me reposer.” Il leva sa main droite enveloppée, épaisse comme le gant d’un receveur au baseball. “Ma tête somnole à cause des médicaments.”

Pierson hocha profondément la tête. “Bien sûr, Zéro. Vous méritez de prendre du repos et de passer du temps avec votre famille. Même si ça semble un peu incongru de donner une réception sans la présence de l’invité d’honneur, je doute que ce soit la dernière fois que nous nous voyons vous et moi.” Le président sourit à nouveau. “Ce doit être, quoi, la quatrième fois que nous nous rencontrons ainsi ?”

Zéro s’efforça de sourire à son tour. “La cinquième, si je ne me trompe pas.” Il serra une fois de plus la main du président, maladroitement et de la main gauche. Alors qu’il quittait le Bureau Ovale, escorté par deux agents des Services Secrets, il ne put s’empêcher de noter l’expression sur les visages de Rigby et de Mullen.

Ils ont l’air méfiants. Savent-ils que je sais ?

Tu deviens paranoïaque. Il faut que tu te casses d’ici et que tu réfléchisses.

Ce n’était pas de la paranoïa. Alors qu’il suivait les deux agents en costumes noirs dans le couloir, une alarme se mit à sonner dans sa tête. Il réalisa ce qu’il venait juste de faire. Comment ai-je pu être aussi négligent ! se gronda-t-il.

Il venait juste d’admettre devant tous les conspirateurs présents dans le Bureau Ovale qu’il se souvenait précisément du nombre de fois où il avait été félicité personnellement par Pierson.

Peut-être qu’ils n’y ont pas fait attention. Mais si, bien sûr. En arrêtant la Confrérie, Zéro s‘était très clairement présenté comme le principal obstacle en travers de leur chemin. Ils étaient conscients que Zéro savait des choses, du moins en partie. Et s’ils avaient le moindre doute sur le fait que sa mémoire soit revenue, il serait encore plus surveillé qu’avant.

Tout ceci voulait dire qu’il devait agir plus vite qu’eux. Ceux qu’il venait de laisser dans le Bureau Ovale étaient déjà en train de dérouler leur plan et Zéro était la seule personne qui en savait assez pour les arrêter.

*

Dehors, c’était une belle journée de printemps. Le temps était finalement en train de changer. Le soleil semblait chaud sur sa peau et les cornouillers de la pelouse de la Maison Blanche commençaient juste à se parer de petites fleurs blanches. Mais Zéro le remarqua à peine. Sa tête tournait. Il fallait qu’il s’éloigne de l’afflux de stimuli pour pouvoir traiter toutes ces informations soudaines.

“Kent, attends,” appela Maria. Strickland et elle pressaient le pas pour le rejoindre, alors qu’il marchait vers le portail. Il ne se dirigeait pas vers le parking pour retourner à la voiture. D’ailleurs, il ne savait pas vraiment où il allait en ce moment. Il n’était plus sûr de rien. “Tu es sûr que ça va ?”

“Ouais,” murmura-t-il sans ralentir. “J’ai juste besoin d’un peu d’air.”

Guyer. Il faut que je contacte le Dr. Guyer pour lui dire que la procédure a finalement marché.

Non. Je ne peux pas faire ça. Ils ont peut-être mis mon téléphone sur écoute. Et ils surveillent certainement aussi mes e-mails.

Est-ce que j’ai toujours été aussi paranoïaque ?

“Hé.” Maria l’attrapa par l’épaule et il pivota pour lui faire face. “Parle-moi. Dis-moi ce qui se passe.”

Zéro plongea son regard dans ses yeux gris, regarda la façon dont ses cheveux blonds tombaient en cascade sur ses épaules et le souvenir d’eux ensemble s’insinua à nouveau dans sa tête. La chaleur de sa peau. La forme de ses hanches. Le goût de sa bouche sur la sienne.

Mais il y avait autre chose. Il comprit qu’il s’agissait de la culpabilité. Kate n’avait pas encore été tuée. Est-ce que nous… est-ce que j’ai… ?

Il chassa cette pensée de sa tête. “Comme je l’ai dit, ce sont les médicaments. Ils embrouillent vraiment mon esprit. Je n’arrive pas à réfléchir.”

“Laisse-moi te ramener chez toi,” proposa Strickland. L’Agent Todd Strickland n’avait que vingt-sept ans, mais il possédait un palmarès impeccable en tant que Ranger de l’Armée et s’était rapidement illustré à la CIA. Il portait toujours une coupe de cheveux de style militaire par-dessus un cou massif et un torse musclé, même s’il était tout aussi capable de se montrer doux et abordable si la situation l’exigeait. Et le plus important était qu’il s’était plus d’une fois comporté comme un ami en cas de besoin.

Même si Zéro savait tout ça, pour le moment il avait besoin d’être seul. Il lui paraissait impossible de réfléchir correctement avec des gens en train de lui parler. “Non, ça va aller. Merci.”

Il voulut se retourner, mais Maria le retint une fois de plus par l’épaule. “Kent…”

“J’ai dit que ça allait !” cria-t-il.

Maria ne broncha pas à son éclat de voix, mais elle plissa légèrement les yeux en plongeant son regard dans le sien, cherchant apparemment à comprendre ce qui lui arrivait.

Le souvenir de leur nuit lui revint involontairement et il sentit la chaleur envahir son visage. Nous étions sur une opération, postés dans un hôtel grec à attendre des instructions. Elle m’a séduit. J’ai été faible. Kate était encore en vie. Elle ne l’a jamais su…

“Je dois y aller.” Il recula de quelques pas pour s’assurer que ses deux amis agents ne tentent pas de lui emboîter le pas à nouveau. “Ne me suivez pas.” Puis, il se retourna et s’éloigna, les laissant plantés là, sur la pelouse de la Maison Blanche.

Il avait presque atteint le portail, quand il sentit une présence derrière lui et entendit un bruissement de pas. Il se retourna d’un coup. “Je vous ai dit de ne pas…”

Une petite brune aux cheveux longs s’arrêta net. Elle portait un blazer bleu marine et un pantalon assorti, avec des talons hauts. Elle leva un sourcil en regardant Zéro de curieuse façon. “Agent Zéro ? Je m’appelle Emilia Sanders,” lui dit-elle. “Assistante du Président Pierson.” Elle lui tendit une carte de visite blanche avec son nom et un numéro de téléphone dessus. “Il veut savoir si vous avez réfléchi à sa proposition.”

Zéro hésita. Pierson lui avait précédemment offert un poste au Conseil de la Sécurité Nationale, ce qui l’avait conduit à suspecter l’implication du président, mais il semblait que l’offre était sincère.

Non pas qu’il en voulait, mais il prit tout de même sa carte.

“Si vous estimez avoir besoin de quoi que ce soit, Agent Zéro, n’hésitez surtout pas à m’appeler,” lui dit Sanders. “Je peux me rendre très utile.”

“J’aimerais bien qu’on me ramène chez moi,” admit-il.

“Bien sûr. Je vous envoie quelqu’un immédiatement.” Elle sortit un téléphone mobile et passa l’appel, tandis que Zéro fourrait la carte de visite dans sa poche. La proposition de Pierson était le dernier de ses soucis. Il n’avait aucune idée de combien de temps il lui restait pour agir, à supposer qu’il reste assez de temps tout court.

Qu’est-ce que je fais ? Il ferma les yeux et secoua la tête, comme s’il essayait de chasser la réponse.

726. Ce nombre tournoya rapidement dans sa tête. C’était le numéro d’un coffre-fort dans une banque du centre-ville d’Arlington où il gardait la trace de ses investigations : photos, documents, transcriptions d’appels téléphoniques de ceux qui menaient cette cabale en secret. Il avait payé d’avance pour cinq ans afin d’être tranquille.

“Par ici, Agent.” L’assistante présidentielle, Emilia Sanders, lui fit signe de le suivre alors qu’elle se dirigeait à pas rapides vers un garage et une voiture qui attendait là. Alors qu’ils marchaient, Zéro repensa aux regards méfiants du Général Rigby et du Directeur Mullen. C’était de la paranoïa, rien de plus… du moins, c’était ce qu’il essayait de se dire. Mais même s’il n’y avait qu’une infime chance qu’ils sachent ce qu’il mijotait, ils allaient mettre tous les moyens en œuvre pour l’arrêter. Et pas seulement lui.

Zéro dressa rapidement une liste dans sa tête :

Mettre les filles en sécurité.

Récupérer le contenu du coffre-fort sécurisé.

Arrêter la guerre avant qu’elle ne commence.

Tout ce que Zéro avait à faire était de trouver comment stopper un groupe composé des personnes les plus puissantes au monde, celles qui avaient les bras les plus longs et qui avaient préparé cet événement depuis plus de deux ans avec le soutien de presque toutes les agences gouvernementales dont les États-Unis disposaient et qui avaient tout à perdre.

Juste une journée comme les autres dans la vie de l’Agent Zéro, pensa-t-il amèrement.

CHAPITRE DEUX

À bord de l’USS Constitution, Golfe Persique

16 avril, 18h30

La guerre était bien la dernière chose que le Lieutenant Thomas Cohen avait à l’esprit.

Assis devant un ensemble de radars à bord de l’USS Constitution, en train de regarder les petites formes lumineuses qui serpentaient paresseusement à l’écran, il pensait à sa petite-amie Melanie, chez eux, à Pensacola. Il restait moins de trois semaines avant qu’il soit en permission et puisse rentrer chez lui. Il avait déjà la bague. Il l’avait achetée une semaine plus tôt lors d’une escale d’une journée au Qatar. Thomas doutait qu’il reste encore quelqu’un sur le bateau à qui il ne l’ait pas montrée avec fierté.

Le ciel au-dessus du Golfe Persique était clair et ensoleillé, sans le moindre nuage. Mais Thomas n’allait pas pouvoir en profiter, retiré qu’il était dans un coin du pont avec les épaisses fenêtres blindées obscurcies par la console radar. Il ne pouvait s’empêcher d’envier légèrement celui qui se trouvait sur le pont et avec qui il communiquait par radio, le jeune homme ayant visuellement en ligne de mire les bateaux qui, pour Thomas, n’étaient que des tâches à l’écran.

Soixante milliards de dollars, songea-t-il avec un sourire amusé. Voilà le montant annuel que les États-Unis dépensaient pour maintenir une présence dans le Golfe Persique, la Mer d’Arabie et le Golfe d’Oman. La Cinquième Flotte de l’US Navy considérait Bahreïn comme son QG et était constituée de plusieurs forces opérationnelles avec des routes spécifiques de patrouilles le long des côtes d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. Le Constitution, un bateau de type destroyer, faisait partie de la Force Opérationnelle Combinée 152, qui patrouillait dans le Golfe Persique depuis son extrémité nord jusqu’au Détroit d’Hormuz, entre Oman et l’Iran.

Chez lui, les amis de Thomas trouvaient ça tellement cool qu’il travaille sur un destroyer de l’US Navy. Il ne les contredisait pas. Mais, en réalité, il vivait seulement une étrange existence répétitive et relativement ennuyeuse. Il était assis dans une merveille d’ingénierie équipée de la meilleure technologie et d’assez d’armes pour dévaster la moitié d’une ville. Pourtant, leur seul but se résumait essentiellement à ce que Thomas était en train de faire en ce moment-même : surveiller des tâches sur un écran radar. Toute cette puissance de frappe, tout cet argent et tous ces hommes pour sortir vainqueurs au cas où une situation de menace se produirait.

Ça ne voulait pas dire pour autant qu’il ne se passait jamais rien d’excitant. Thomas et les autres types qui étaient là depuis un an ou plus s’amusaient à observer la nervosité chez les nouveaux arrivants la première fois qu’ils entendaient dire que les iraniens allaient leur tirer dessus. Ça n’arrivait pas tous les jours, mais c’était assez fréquent. L’Iran et l’Irak étaient des territoires dangereux et ils se devaient au moins de sauver les apparences, supposait Thomas. De temps à autres, le Constitution recevait des menaces de la Marine du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique, la force maritime iranienne dans le Golfe Persique. Leurs bateaux s’approchaient d’un peu trop près et, parfois même, lors des jours particulièrement excitants, ils tiraient quelques roquettes. En général, ils tiraient dans la direction totalement opposée aux bateaux américains. Esbroufe, se disait Thomas. Mais les jeunes recrues se pissaient dessus et ils faisaient encore l’objet de plaisanteries quelques semaines après.

Le trio de traînées à l’écran approchait toujours plus près de leur emplacement, arrivant depuis le nord-est. “Gilbert,” dit Thomas dans la radio, “qu’est-ce que tu vois de beau là-haut ?”

“Oh, c’est un très bel après-midi. Pas loin de dix degrés et ensoleillé,” dit l’Officier Gilbert dans la radio, faisant de son mieux pour dissimuler le rire dans sa voix. “Humidité faible. Vent d’environ huit kilomètres heure. Si je ferme les yeux, on dirait la Floride au début du printemps. Comment ça va, vous, là-dedans ?”

“Crétin,” murmura le Lieutenant Davis, l’officier des communications assis à côté de Thomas devant les écrans radar. Il sourit et dit dans la radio, “Désolé, Officier Gilbert ? Peux-tu répéter ça pour ton lieutenant ?”

Thomas rigola, tandis que Gilbert laissait échapper un léger soupir. “D’accord, d’accord,” dit le jeune homme posté sur le pont supérieur. “J’ai en visuel trois bateaux CGRI venant du nord-est et avançant à environ quatorze nœuds, apparemment à un peu plus de huit-cents mètres de nous.” Puis il se hâta d’ajouter, “Monsieur.”

Thomas hocha la tête, impressionné. “Tu es efficace. Ils sont à neuf-cents mètres. Quelqu’un veut parier là-dessus ?”

“Je mets un billet de cinq sur le fait qu’ils vont changer de cap à six-cents mètres,” dit Davis.

“J’en suis et je surenchéris,” dit le Maître de Pont Miller derrière lui en pivotant sur sa chaise. “Dix dollars qu’ils continuent jusqu’à cinq-cents mètres. Tu suis, Cohen ?”

Thomas secoua la tête. “Certainement pas. La dernière fois, vous m’avez fait perdre vingt-cinq dollars.”

“Et il doit économiser pour son mariage,” plaisanta Davis en lui donnant un coup de coude.

“Vous êtes tous de petits joueurs,” dit Gilbert dans la radio. “Ces types sont des cowboys, je le sens. Un dénommé Monsieur Jackson dit qu’ils vont non seulement approcher jusqu’à quatre-cents mètres, mais qu’on verra aussi une bite iranienne à l’image.”

“Ne sois pas grossier,” dit Davis à l’attention de Gilbert pour sa métaphore obscène des CGRI tirant une roquette.

“Ce serait un sacré événement,” murmura Miller. “La chose la plus excitante qui se soit produite ici en deux semaines, c’est quand il y a eu des enchilada à la cantine.”

Le Lieutenant Cohen était pleinement conscient qu’un observateur extérieur les prendrait pour des fous à faire de petits paris sur le fait qu’un navire tire ou non un missile. Mais après tant de soi-disant confrontations qui ne débouchaient sur rien du tout, les occasions de s’amuser un peu étaient rares. De plus, les règles d’engagement des USA étaient claires : ils n’ouvriraient pas le feu tant qu’on ne leur aurait pas directement tiré dessus en premier et les iraniens le savaient. Le Constitution était exactement ce qu’impliquait sa classe : un destroyer. Si une roquette passait assez près pour qu’ils en sentent la chaleur, ils pouvaient anéantir le navire CGRI en quelques secondes.

“Ils viennent de passer les six-cents mètres et continuent de se rapprocher,” annonça Thomas. “Désolé, Davis. Tu as perdu.”

Il haussa les épaules. “On ne peut pas gagner à tous les coups.”

Thomas fronça les yeux en regardant les écrans. On aurait dit que les deux navires de chaque côté du troisième viraient de bord, mais que le bateau central continuait tout droit. “Gilbert, qu’est-ce que tu vois.”

“Aïe, aïe.” Il y eut un moment de silence avant que l’officier ne dise. “On dirait que deux des bateaux virent vers le sud-est et le sud-ouest. Mais je pense que le troisième bateau veut copiner avec nous. Qu’est-ce que je t’avais dit, Cohen ? Des cowboys.”

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