Salle de Crise - Джек Марс 3 стр.


« Alors pourquoi tu ne viens pas tout simplement à la maison pour le lui dire ? Lui acheter des roses, ou quelque chose qui lui fasse plaisir ? »

C’était une bonne question mais il n’y avait pas de réponse simple à ça.

À l’intérieur du sac à dos de Luke, un téléphone se mit à sonner. C’était probablement Becca, qui voulait parler à Gunner. Luke sortit de son sac à dos le téléphone satellite qu’il gardait en permanence sur lui. C’était le seul moyen de communication qu’il avait accepté de garder. Ainsi, Becca pourrait toujours le joindre. Mais elle n’était pas la seule. Il y avait une autre personne sur cette terre qui avait accès à ce numéro.

Il regarda qui l’appelait. C’était un numéro qu’il ne reconnaissait pas, avec un préfixe 202, celui de Washington DC.

Son cœur cessa de battre.

C’était elle. Cette autre personne.

« C’est maman ? » demanda Gunner.

« Non. »

« C’est la Présidente ? »

Luke hocha la tête. « Je pense bien. »

« Tu ne crois pas que tu devrais répondre ? » dit Gunner.

« Je ne travaille plus pour elle, » dit Luke. « Tu te rappelles ? »

Ce matin, avant qu’ils partent en randonnée, ils avaient vu à la télé qu’un barrage s’était effondré en Caroline du Nord. Il y avait plus d’une centaine de morts et des centaines de personnes disparues. Un hôtel entier avait été balayé par l’eau. Des villes en aval du barrage étaient en cours d’évacuation mais il était probable qu’il y ait encore plus de victimes.

Ce qui était incroyable dans tout ça, c’était qu’un barrage construit en 1943 ait subi une telle défaillance après plus de soixante-dix ans de fonctionnement sans faille. Pour Luke, ça ressemblait à un sabotage. Mais il ne parvenait pas à comprendre qui pourrait bien cibler un barrage dans une région aussi reculée ? Qui était même au courant de son existence ? Si c’était un sabotage, alors c’était probablement un problème au niveau local, des membres d’une milice, des écologistes, ou peut-être même un ancien employé mécontent, qui a voulu faire une blague qui a mal tourné et aux conséquences tragiques. La police d’état ou le FBI de Caroline du Nord auront probablement arrêté des suspects avant la fin de la journée.

Mais maintenant, son téléphone sonnait. Alors peut-être que ce n’était pas aussi simple que ça.

« Papa, vas-y, tu peux décrocher. Je ne veux pas que tu quittes ton boulot, même si maman le veut. »

« Ah bon ? Et si moi, j’ai envie de le quitter ? J’ai quand même mon mot à dire à ce sujet, non ? »

Gunner secoua la tête. « Je ne pense pas. Tu sais, beaucoup de gens sont morts dans cette inondation. Et si j’en faisais partie ? Et si moi et maman, on était tous les deux morts noyés ? Tu ne voudrais pas que quelqu’un découvre pourquoi c’est arrivé ? »

Le téléphone continuait de sonner. Quand la messagerie vocale se déclencha, le téléphone cessa de sonner pendant quelques secondes, avant de recommencer. On voulait parler à Luke et il était clair qu’on n’allait pas lui laisser de message.

Luke, en pensant à ce que Gunner venait de lui dire, appuya sur le bouton vert du téléphone. « Ici, Stone. »

« Je vous passe la Présidente des États-Unis, » dit la voix d’un homme.

Il y eut un moment de silence avant que la voix de la Présidente se fasse entendre sur la ligne. Son ton était plus dur, plus affirmé qu’avant. Les événements de ces derniers mois l’avaient visiblement endurcie.

« Luke ? »

« Bonjour, Susan. »

« Luke, je veux que vous nous rejoigniez pour une réunion. »

« C’est au sujet du barrage ? »

« Oui. »

« Susan, j’ai pris ma retraite, vous vous rappelez ? »

Elle baissa la voix.

« Luke, le système de contrôle du barrage a été piraté. Des centaines de personnes sont mortes et tout indique que ce sont les Chinois. Nous sommes au bord de la troisième guerre mondiale. »

Luke ne savait pas comment répondre à ça.

« À quelle heure arriverez-vous ? » demanda-t-elle.

Et il sut que ce n’était pas une question.

CHAPITRE QUATRE

18h15

Observatoire Naval des États-Unis – Washington DC

Luke était assis à l’arrière du SUV noir qui s’engagea dans l’allée en demi-cercle qui menait à l’imposante résidence de style reine Anne datant des années 1850, qui était depuis de nombreuses années la résidence officielle du Vice-Président des États-Unis. À la suite de la destruction de la Maison Blanche il y a deux mois, cet endroit était devenu la Nouvelle Maison Blanche, ce qui était plutôt pratique pour la Présidente, vu qu’elle avait vécu dans cette maison pendant cinq ans avant d’assumer son nouveau rôle en tant que chef d’état.

Pendant ces deux derniers mois, Luke n’avait presque pas pensé à cet endroit, ni aux personnes qui y travaillaient. Il avait gardé un téléphone satellite sur lui à la demande de la Présidente, mais ce ne fut qu’au cours des premières semaines qu’il vécut dans la crainte de recevoir un appel. Après ça, il avait même presque oublié qu’il avait ce téléphone.

Une jeune femme l’attendait sur le porche de la maison. Elle était brune, grande et très belle. Elle portait une chemise noire et une veste. Ses cheveux étaient tirés en arrière dans un chignon. Elle tenait une tablette dans sa main gauche. Elle tendit l’autre main à Luke, d’un geste ferme et assuré.

« Agent Stone ? Je suis Kathryn Lopez, la chef de cabinet de Susan. »

Luke fut un peu surpris. « Vous avez l’air bien jeune pour un tel poste. »

« Je prendrai ça pour un compliment, » dit-elle, sur un ton qui lui indiquait que c’était le genre de commentaire qu’elle devait très souvent entendre, et plutôt sous la forme de critique. « J’ai trente-sept ans. Je vis à Washington depuis treize ans, depuis le moment où j’ai terminé mon master. J’ai travaillé pour un représentant de la Chambre, deux sénateurs et l’ancien Directeur des services de santé. Je ne suis pas tout à fait une novice. »

« OK, » dit Luke. « Je vois que vous maîtrisez. »

Ils entrèrent dans l’édifice. De l’autre côté, ils se retrouvèrent face à un contrôle de sécurité, avec trois gardes armés et un détecteur de métal. Luke retira son Glock de l’étui et le posa sur le tapis roulant. Il se baissa et détacha le petit revolver de poche et le couteau de chasse qui étaient accrochés à ses mollets et les posa également sur le tapis. Il finit par sortir ses clés de sa poche et les posa à côté.

« Désolé, » dit-il. « Je ne me rappelais pas qu’il y avait un contrôle de sécurité à l’entrée. »

« Il n’y en avait pas, » dit Kat Lopez. « Il a été installé il y a seulement quelques semaines. Il y a de plus en plus de gens qui entrent ici et il a fallu renforcer les contrôles de sécurité. »

Luke se rappela le jour des attaques. Thomas Hayes avait été tué et Susan s’était soudain retrouvée Présidente des États-Unis. La Maison Blanche avait été détruite, et tout avait été orchestré d’une main de maître. Ça avait été des jours de folie. Il était content d’avoir pu s’éloigner de tout ça pendant quelques temps. Mais c’est vrai que Susan n’avait pas eu cette chance.

Les gardes de sécurité effectuèrent une autre fouille rapide sur Luke à l’aide d’un détecteur manuel de métal, avant qu’on lui donne le feu vert pour entrer.

L’endroit bouillonnait d’effervescence. Le vestibule grouillait de gens en costume ou en uniforme militaire, et de personnes aux manches de chemise relevées, marchant d’un pas rapide à travers les couloirs, en entraînant à leur suite toute une floppée d’assistants. Une chose lui sauta directement aux yeux – il y avait beaucoup plus de femmes qu’avant.

« Qu’est-ce qui est arrivé à l’ancien chef de cabinet de Susan ? » demanda Luke. « Richard… »

Kat Lopez hocha la tête. « Richard Monk. Eh bien, après l’attaque à l’Ébola, lui et Susan ont tous les deux trouvé que c’était un bon moment pour que leurs chemins se séparent. Mais il a su retomber sur ses pattes. Il travaille en tant que chef de cabinet pour le nouveau Représentant du Delaware, Paul Chipman. »

Luke savait que de nouveaux représentants et de nouveaux sénateurs avaient surgi de l’ombre, pour remplacer ceux qui étaient décédés dans l’attaque à Mount Weather. Toute une floppée de personnes avaient ainsi profité de cette occasion pour prendre place dans la cour des grands, ou pour reprendre du service alors qu’elles avaient pris leur retraite. Beaucoup d’entre eux étaient des personnes nommées par des gouverneurs à l’éthique douteuse, adeptes de systèmes de patronage établis de longue date. Des faveurs étaient accordées un peu partout.

Il sourit. « De chef de cabinet de la Présidente des États-Unis, Richard se retrouve à travailler avec un obscur représentant du deuxième plus petit état du pays, et vous appelez ça ‘retomber sur ses pattes’ ? Je dirais plutôt qu’il s’est brisé le cou. »

« Sans commentaire, » dit Kate, avec un léger sourire aux lèvres. C’était le premier signe d’humanité qu’elle exprimait depuis qu’il l’avait rencontrée. Elle le guida à travers la foule jusqu’à une double porte qui se trouvait au bout du couloir. Luke connaissait déjà cet endroit. Quand Susan était Vice-Présidente, elle avait utilisé cette vaste pièce ensoleillée comme salle de réunion. Mais après avoir prêté serment, cette pièce était devenue la Salle de Crise.

La pièce avait également été transformée et officialisée. Des parois modulaires avaient été installées tout le long de la pièce, pour recouvrir les fenêtres. D’énormes écrans plats avaient été accrochés à un mètre cinquante d’intervalle. Une immense table de réunion en chêne avait été installée et le sceau du Président avait été accroché au mur, juste derrière. Il y avait environ une vingtaine de personnes présentes dans la pièce quand Luke et Kat entrèrent. Une douzaine d’entre eux étaient assis à la table, tandis que les autres étaient installés sur des chaises alignées contre les murs.

Le nombre de femmes présentes avait également changé. Luke se rappelait très bien le jour où il s’était retrouvé dans cette même pièce, deux mois plus tôt, et qu’on lui avait parlé de l’échantillon d’Ébola. Sur les trente personnes présentes dans la salle ce jour-là, Susan était la seule femme. Vingt-neuf hommes imposants et baraqués, et une seule femme frêle.

Et maintenant, la moitié des personnes présentes étaient des femmes.

Quand Luke entra, Susan se leva de sa chaise en bout de table. Elle aussi, elle avait changé. Elle avait l’air plus dure. Plus mince qu’avant. À une époque, elle avait été mannequin et elle avait toujours conservé un visage assez jeune. Mais maintenant, elle avait les yeux entourés de rides. Son regard semblait plus concentré, plus incisif. Où qu’elle aille, elle avait toujours été considérée comme une très belle femme – mais il se pourrait que ce ne soit plus le cas, une fois que son mandat de Présidente toucherait à sa fin.

« Agent Stone, » dit-elle. « Je suis heureuse que vous ayez pu nous rejoindre. »

Il sourit. « Madame la Présidente, s’il vous plait, appelez-moi Luke. »

Elle ne lui retourna pas son sourire. « Merci d’être venu. »

Debout devant l’un des grands écrans, se trouvait Kurt Kimball, le Conseiller à la sécurité nationale de Susan. Luke l’avait déjà rencontré. Il était grand, avec de larges épaules. Son crâne était complètement chauve.

Kimball lui tendit la main et Luke la serra. Si la poignée de main de Kat Lopez avait été ferme, celle de Kurt Kimball était en acier. « Luke, ça fait plaisir de vous revoir. »

« De même. »

L’atmosphère était tendue. Mais tous ces gens ne venaient pas non plus de passer les deux derniers mois à faire du camping et de la voile. Il n’empêche que Luke était venu du Maine dès qu’on l’avait appelé, et qu’il avait dû laisser son fils avec sa future ex-femme en colère, qui y avait vu une raison de plus pour demander le divorce. Et du coup, il s’était attendu à un accueil un peu plus chaleureux.

Mais quelque part, ça se comprenait. Des centaines de personnes étaient mortes ce matin et les gens présents dans cette pièce pensaient qu’il s’agissait d’une attaque terroriste.

« Je vous en prie, asseyez-vous, » lui dit Kimball.

Il y avait une chaise disponible à la droite de Susan et Luke s’y assit.

À l’écran, apparut la photo d’un énorme barrage, avec un bâtiment de six étages devant lui – le centre de contrôle. Six écluses partiellement ouvertes se trouvaient en-dessous. Le bâtiment avait l’air minuscule, avec la masse énorme du barrage qui se dressait derrière lui. Le long du bord, il y avait une centrale hydroélectrique, avec des rangées et des rangées de transformateurs.

« Luke, voici le barrage de Black Rock, » dit Kurt Kimball. « Il mesure un peu plus de deux cents mètres de haut et retient le lac de Black Rock, qui fait vingt-six kilomètres de long, a une profondeur de cent-vingt mètres, et qui contient à tout moment trois cents millions de mètres cubes d’eau. Comme vous l’avez probablement vu à la télé aujourd’hui, un peu après sept heures du matin, les six écluses se sont entièrement ouvertes et sont restées bloquées pendant trois heures et demie, avant que les techniciens parviennent à les désassocier du système informatique qui les contrôle et les fermer manuellement. »

Kimball utilisa un laser pour montrer les écluses.

« Si vous regardez la taille des écluses en comparaison avec l’édifice, vous constaterez qu’elles sont assez grandes. Chacune mesure dix mètres de haut, ce qui signifie que six énormes jets d’eau ont été lâchés en même temps. La pression hydraulique du lac a envoyé cette avalanche d’eau à une vitesse approximative de trente kilomètres à l’heure. Ça ne paraît pas si rapide que ça, sauf quand on se trouve sur son chemin. Jusqu’à ce matin, l’hôtel de Black Rock se dressait à cinq kilomètres au Sud du barrage. Le bâtiment était presque entièrement construit en bois. Le mur d’eau a complètement balayé l’hôtel et d’après ce qu’on sait, les seuls survivants sont quelques clients qui étaient partis tôt le matin pour faire une randonnée ou pour parcourir les routes pittoresques des environs. »

« Combien de clients y avait-il à l’hôtel ? » demanda Luke.

« Il y avait deux cent quatre-vingt-un clients répertoriés dans leur système de réservation en ligne. Peut-être qu’une vingtaine d’entre eux avaient quitté l’hôtel avant la catastrophe, ou n’étaient jamais arrivés, pour une raison ou une autre. Tous les autres ont été balayés par les flots et sont supposés morts. Si on ajoute à ça d’autres destructions en aval, il faudra quelques jours avant d’avoir le nombre précis des victimes. »

Luke ressentit une sensation qui lui était familière et qui lui donna la nausée. C’était comme un vieil ami qu’il n’aurait plus vu depuis longtemps et qu’il espérait ne jamais revoir. Il eut l’impression que son estomac se retournait en pensant à la mort de toutes ces personnes innocentes, qui n’avaient rien demandé à personne. Luke ne connaissait que trop bien cette sensation.

« Est-ce qu’on a essayé de les prévenir ? » demanda-t-il.

Kimball hocha la tête. « Les travailleurs du centre de contrôle ont appelé l’hôtel dès qu’ils se sont rendus compte que les écluses étaient ouvertes, mais apparemment l’avalanche d’eau les avait déjà atteints. Quelqu’un décrocha le téléphone mais la conversation prit fin presque immédiatement. »

« Mon dieu. Et quels sont les autres dégâts en aval dont vous parliez ? »

Une carte apparut à l’écran. On y voyait le lac, le barrage, l’hôtel et les villes environnantes. Kimball en désigna une à l’aide de son laser. « La ville de Sargent se trouve à vingt-six kilomètres au Sud de l’hôtel. C’est une ville de deux mille trois cents habitants et c’est la porte d’entrée au Parc national pour les touristes qui visitent le coin. La majorité de la ville est construite sur une petite colline et ils ont eu un peu plus de temps que l’hôtel pour se préparer à la catastrophe. Les sirènes d’alarme ont même eu le temps de retentir avant l’inondation. Avec vingt-six kilomètres supplémentaires à descendre, les flots ont perdu un peu de leur force et l’inondation fut un peu moins violente qu’à l’hôtel. Beaucoup de maisons et de bâtiments situés sur la colline ont résisté à l’inondation sans être balayés. Mais beaucoup de constructions plus basses ont rapidement été inondées. Plus de quatre cents habitants de Sargent sont actuellement portés disparus et supposés morts. »

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