Menace Principale - Джек Марс 2 стр.


Il savait ce qui s’était passé. Il était tombé sur le pont métallique deux étages au-dessous du chenil. Il l’avait heurté violemment. Son corps tout entier devait être brisé. Il avait sûrement le crâne fendu.

De plus, quand la mémoire lui revint, il eut l’impression que les balles le perçaient à nouveau. Son corps fut secoué de convulsions. Il avait été frappé par des mitrailleuses.

Il n’aurait pas pu dire combien de temps s’était écoulé. Peut-être des minutes, peut-être des heures. Il essaya de bouger. Le moindre effort le faisait souffrir. C’était un bon signe : il ressentait encore de la douleur. Il y avait une grande quantité de liquide sombre autour de lui, sur le pont ; c’était son sang. En respirant, il sifflait comme un élévateur hydraulique en panne et du liquide s’échappait de sa bouche en formant des bulles.

Quelque part, pas loin, on entendait encore des coups de feu. Des hommes criaient. Des hommes criaient de douleur ou de terreur.

Des ombres passèrent dans son champ de vision.

Deux hommes se tenaient là et ils le regardaient. Ils portaient tous deux de grosses vestes noires avec des écussons blancs. L’image présente sur les écussons semblait représenter un aigle ou un autre oiseau de proie. Ils portaient un pantalon de camouflage vert comme un soldat d’une armée de terre en porterait à un endroit où le monde n’était pas couvert de blanc. Enfin, ils portaient de lourdes bottes noires.

Les hommes avaient le visage couvert d’une cagoule noire et on ne voyait que leurs yeux. C’étaient des yeux durs, sans compassion.

Qu’est-ce que ces hommes imaginaient qu’ils faisaient ?

— Qui … ? dit Big Dog.

Il avait du mal à parler. Il était en train de mourir. Il le savait. Cependant, il n’était pas du genre à renoncer. Il ne l’avait jamais fait et il n’allait pas commencer maintenant.

— Qui êtes-vous ? réussit-il à dire.

Un des hommes dit quelque chose dans une langue que Big Dog ne comprit pas. Il leva un pistolet et le pointa sur Big Dog. Le trou au bout du canon rappelait une grotte et semblait grandir constamment.

L’autre homme dit quelque chose. C’était une chose sérieuse. Aucun des deux hommes ne rit. Leurs expressions gardèrent leur neutralité. Ils pensaient probablement qu’ils faisaient une faveur à Big Dog en l’arrachant à sa douleur.

Big Dog n’avait pas peur de souffrir un peu. Il ne croyait ni au paradis ni à l’enfer. Pendant sa jeunesse, il avait adressé des prières à ses ancêtres mais, si ses ancêtres avaient été là, ils n’avaient pas jugé nécessaire de répondre.

Peut-être y avait-il une vie après la mort ou peut-être pas.

Big Dog préférait tenter sa chance ici, sur Terre. Le médecin de la plate-forme arriverait peut-être à le soigner. Un hélicoptère d’évacuation médicale allait peut-être arriver et l’emmener au petit centre de traumatologie de Deadhorse. Un hélicoptère Apache allait peut-être arriver et éliminer ces gars.

Tout pouvait arriver. Tant qu’il respirait, il était encore dans le jeu. Il leva une main ensanglantée. C’était étonnant qu’il puisse encore bouger le bras.

— Attendez, dit-il.

Je ne veux pas mourir maintenant.

Big Dog. Pendant des décennies, presque tout le monde l’avait appelé comme ça. Son ex-femme l’avait appelé Big Dog. Ses patrons l’avaient appelé Big Dog. Un jour, le président de l’entreprise était venu ici en avion, lui avait serré la main et l’avait appelé Big Dog. En se souvenant de ces faits, il grogna. Son nom véritable était Warren.

Un petit éclair de lumière et de flamme apparut dans la gueule noire située à l’extrémité de l’arme de l’homme. L’obscurité arriva et Big Dog ne sut pas s’il avait vraiment vu cette lumière ou si tout cela n’avait été qu’un rêve dès le commencement.

CHAPITRE DEUX

21 h 45, Heure de l’Est

La Salle de Crise

La Maison-Blanche

Washington, DC

— Qu’en pensez-vous, M. le Président ?

Clement Dixon était trop vieux pour ce travail. C’était surtout ça qu’il pensait.

Il était assis au bout de la table et tout le monde le regardait. Suite à une longue carrière dans la politique, il avait appris à lire les regards et les expressions faciales auprès des meilleurs formateurs. Or, ce qu’il lisait sur les visages des personnes présentes était que les gens puissants qui regardaient le gentleman aux cheveux blancs qui présidait cette réunion d’urgence avaient tous atteint la même conclusion que Dixon lui-même.

Il était trop vieux.

Il avait été activiste du mouvement des droits civiques dès la toute première manifestation, en mai 1961, où il avait mis sa vie en danger pour aider à briser la ségrégation qui régnait dans le sud. Il avait été un des jeunes orateurs qui s’étaient exprimés dans les rues pendant les émeutes de Chicago d’août 1968 et il y avait reçu du gaz lacrymogène au visage. Il avait passé trente-trois ans à la Chambre des Représentants des États-Unis, où les citoyens du Connecticut l’avaient élu en 1972. Il avait été président de la Chambre des Représentants des États-Unis deux fois, une fois pendant les années 1980 puis une autre fois jusqu’à juste deux mois de cela.

Maintenant, à l’âge de soixante-quatorze ans, il se retrouvait soudain Président des États-Unis. C’était un poste qu’il avait jamais désiré ou imaginé pour lui-même. Non, un instant. En fait, pendant sa jeunesse, son adolescence, quand il avait eu guère plus de vingt ans, il avait imaginé qu’il serait Président un jour.

Cependant, l’Amérique dont il s’était imaginé Président n’était pas cette Amérique, ce pays divisé, impliqué dans deux guerres étrangères reconnues publiquement ainsi que dans une demi-douzaine d’opérations clandestines, dites « noires », si noires, apparemment, que les gens qui les supervisaient n’aimaient pas les décrire à leurs supérieurs.

— M. le Président ?

Dans sa jeunesse, il n’aurait jamais imaginé qu’il serait Président d’une Amérique encore complètement dépendante des combustibles fossiles pour ses besoins énergétiques, où vingt pour cent de la population vivaient dans la pauvreté et où trente autres pour cent n’en étaient pas loin, où des millions d’enfants avaient faim tous les soirs et où plus d’un million de gens étaient sans domicile fixe, un pays où le racisme se portait encore comme un charme, un pays où des millions de gens ne pouvaient pas se permettre de tomber malades et où des gens devaient souvent choisir entre prendre leurs médicaments et manger. Ce n’était pas l’Amérique qu’il avait rêvé de diriger.

C’était une Amérique de cauchemar et, soudain, il était en charge de ce pays-là. Il avait passé toute sa vie à défendre ce qu’il considérait comme juste et à se battre pour les idéaux les plus nobles et, maintenant, il se retrouvait en train de ramper dans la crasse. Ce poste n’apportait que des compromis et des zones de flou et Clement Dixon était en plein milieu de tout ça.

Il avait toujours été croyant et, ces temps-ci, il se mettait à penser à Jésus-Christ, qui avait demandé à Dieu d’éloigner la coupe de lui. Toutefois, le sort de Dixon était différent de celui de Jésus-Christ parce que sa crucifixion n’avait pas été décidée par le destin. Une série de mésaventures et de mauvaises décisions avait emmené Clement Dixon où il en était à présent.

Si le Président David Barrett, un homme bon que Dixon avait connu pendant de nombreuses années, n’avait pas été assassiné, alors, personne n’aurait demandé au Vice-Président Mark Baylor de prendre sa place.

De plus, si Baylor n’avait pas été impliqué dans ce meurtre par des quantités de preuves circonstancielles (insuffisamment pour être accusé, mais plus qu’assez pour tomber en disgrâce et être banni de la vie publique), alors, il n’aurait pas démissionné en laissant la Présidence au président de la Chambre des Représentants des États-Unis.

Enfin, si Dixon lui-même n’avait pas accepté l’année dernière de rester président de cette chambre un trimestre de plus en dépit de son âge avancé …

Alors, il ne se serait pas retrouvé dans cette position.

Même s’il avait juste eu la force de refuser cette foutue proposition … Ce n’était pas parce que la Ligne de Succession imposait que le président de la Chambre des Représentants des États-Unis assume ce travail qu’il avait été obligé de l’accepter. Cependant, trop de gens s’étaient battus trop longtemps pour voir un homme comme Clement Dixon, porte-drapeau fougueux des idéaux libéraux traditionnels, devenir Président. D’un point de vue pragmatique, il n’avait pas pu refuser.

Donc, il était Président. Fatigué, vieux, il traversait les halls de l’Aile l’Ouest en boitant (oui, en boitant, car le nouveau Président des États-Unis avait de l’arthrose aux genoux et boitait donc de façon visible) et, accablé par le poids écrasant de ce que l’on lui confiait, il compromettait ses idéaux tout le temps.

— M. le Président ? Monsieur ?

Le Président Dixon était assis dans la Salle de Crise ovoïde. D’une façon ou d’une autre, cette pièce lui rappelait une série télévisée des années 1960 du nom de Cosmos 1999, qui présentait une image stupide de l’avenir selon un producteur de Hollywood. Cette pièce était dénudée, vide, inhumaine et conçue pour maximiser l’espace. Tout y était lisse, stérile et sans le moindre charme.

De grands écrans vidéo étaient encastrés dans les murs, avec un écran géant à l’autre bout de la table oblongue. Les chaises étaient de hauts fauteuils inclinables en cuir tels que le capitaine du pont de contrôle d’un vaisseau interstellaire aurait pu en avoir.

Cette réunion avait été décidée au dernier moment. Comme d’habitude, il y avait une crise. En dehors des fauteuils disposés autour de la table, qui étaient tous occupés, et de quelques chaises le long des murs, la salle était en grande partie vide. On y voyait les mêmes gens que d’habitude, dont quelques hommes en surpoids et en costume et aussi des militaires minces et droits comme des i dans leur uniforme.

Thomas Hayes, nouveau Vice-Président de Dixon, était présent lui aussi, Dieu merci. Ayant été embauché juste après avoir été gouverneur de Pennsylvanie, Thomas avait l’habitude de prendre des décisions exécutives. De plus, il avait le même avis que Dixon sur de nombreux sujets. Thomas aidait Dixon à former un front unifié.

Tout le monde savait que Thomas Hayes visait lui-même la présidence et c’était très bien. Il pouvait la prendre, pour ce qu’en pensait Clement Dixon. Thomas était grand, beau et intelligent et il dégageait une certaine autorité. Pourtant, ce qu’on voyait le plus chez lui, c’était son très grand nez. La presse nationale avait déjà commencé à s’en moquer.

Attendez un peu, Thomas, pensa Dixon. Attendez juste d’être Président. Les caricaturistes politiques dessinaient Clement Dixon comme s’il avait été un professeur distrait, un mélange entre Mark Twain et Albert Einstein avec les lacets défaits et sans l’humour simple ou l’intelligence affûtée qui caractérisaient ces hommes célèbres.

Bon sang, ils allaient sûrement s’amuser avec le nez de Hayes.

Un grand homme en uniforme de cérémonie vert se tenait à l’autre bout de la table. C’était un général quatre étoiles du nom de Richard Stark. Il était mince et en excellente forme physique, comme le marathonien qu’il était sûrement, et son visage semblait être ciselé dans la pierre. Il avait les yeux d’un chasseur, comme un lion ou un faucon. Quand il parlait, il affichait une confiance totale en ses opinions, en les informations que ses subalternes lui transmettaient et en la capacité de l’armée des États-Unis à résoudre tous les problèmes avec autorité, aussi épineux ou complexes qu’ils soient. Stark était quasiment une caricature de lui-même. Il semblait ne jamais avoir eu une seule seconde d’incertitude de toute sa vie. Quel était le vieux dicton ?

Il se trompe souvent mais ne doute jamais.

— Pouvez-vous réexpliquer ? dit le Président Dixon.

Il entendit presque les gémissements discrets que poussèrent tous les autres occupants de la salle. Dixon détestait être obligé de réécouter ça. Il détestait ces informations telles qu’il les comprenait et il détestait l’idée de devoir essayer une fois de plus de les comprendre complètement. Il ne voulait pas les comprendre.

Stark hocha la tête.

— Oui, monsieur.

Avec une longue baguette en bois, il montra un endroit sur la carte affichée sur le grand écran. La carte montrait North Slope, en Alaska, un vaste territoire situé dans le nord de cet État, à l’intérieur du Cercle Arctique et au bord de l’Océan Arctique.

Il y avait un point rouge dans l’océan juste au nord du bout des terres. La terre qui s’y trouvait était marquée RFNA. Dixon savait parfaitement que cela signifiait « Réserve Faunique Nationale de l’Arctique », car il faisait partie des gens qui s’étaient battus pendant des décennies pour que cette région sensible soit protégée contre la prospection de l’industrie pétrolière et contre ses forages.

Stark parla :

— La plate-forme de forage Martin Frobisher, que possède Innovate Natural Resources, se situe ici, dans l’océan, à neuf kilomètres au nord de la Réserve Faunique Nationale de l’Arctique. Nous n’avons pas de recensement exact au moment de l’attaque, mais on estime que quatre-vingt-dix hommes habitent et travaillent en permanence sur cette plate-forme et sur la petite île artificielle qui l’entoure. La plate-forme tourne vingt-quatre heures par jour et trois cent soixante-cinq jours par an, par tous les temps sauf le plus mauvais.

Stark s’arrêta et regarda fixement Dixon.

Dixon fit tourner une main comme une roue.

— Je comprends. Veuillez continuer.

Stark hocha la tête.

— Il y a guère plus de trente minutes de cela, un groupe d’hommes lourdement armés et non identifiés a attaqué la plate-forme et le campement. Ces hommes sont arrivés par bateau, sur un vaisseau qui avait été déguisé en navette à personnel emmenant les ouvriers sur l’île. Un nombre inconnu d’ouvriers ont été tués ou pris en otage. Selon les rapports préliminaires constitués à partir des flux vidéo et audio, les envahisseurs sont d’origine étrangère mais encore inconnue.

— Qu’est-ce que cela suggère ? dit Dixon.

Stark haussa les épaules.

— Ils ne semblent pas parler anglais. Bien que nous n’ayons encore aucune donnée audio claire, nos experts linguistiques pensent qu’ils parlent une langue d’Europe de l’Est, probablement slave.

Dixon soupira.

— Le Russe ?

Le jour où il avait commencé ce travail ingrat, en fait quelques moments après son assermentation, il avait unilatéralement empêché une confrontation entre les forces américaines et les Russes. Les Russes lui avaient fait la faveur de l’imiter. Depuis, Dixon avait été soumis à des critiques impitoyables et cinglantes de la part des bellicistes de la société américaine. Si les Russes changeaient d’avis et attaquaient maintenant …

Stark secoua très légèrement la tête.

— Nous n’en sommes pas encore certains, mais nous pensons que non.

— Ça réduit l’éventail des possibilités, dit Thomas Hayes.

— Avons-nous une quelconque idée de ce qu’ils veulent ? dit Dixon.

Cette fois-ci, Stark secoua complètement la tête.

— Ils ne nous ont pas contactés et ils refusent de répondre à nos tentatives de contact. Nous avons survolé le complexe avec des hélicoptères de combat mais, mis à part quelques feux, l’endroit paraît actuellement déserté. Les terroristes et les prisonniers sont à l’intérieur de la plate-forme elle-même ou du complexe de bâtiments, loin de nos yeux inquisiteurs.

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