Le Visage de la Peur - Блейк Пирс 4 стр.


Elles en savaient déjà beaucoup sur elle, sur Callie. Le reste, elles l’apprendront en interrogeant ses amis et sa famille, en découvrant qui elle était et ce qu’elle faisait. Pourquoi quelqu’un aurait voulu la tuer.

Mais concernant le tueur lui-même, par contre, c’était autre chose. Où était-il, ou elle ? Zoe ne voyait rien sur le sol, aucun indice particulier qui aurait pu le trahir. Il n’y avait pas de traces de pas, dans une ruelle qui était sans doute traversée par des dizaines, voire des centaines de personnes chaque jour. Il n’y avait pas de briquet jeté, ni de bout d’allumette, ni de bidon d’essence vide. Toute preuve qui aurait pu indiquer sa présence avait été effacée lorsque quelqu’un avait jeté de l’eau sur le corps pour tenter de l’éteindre et de sauver une vie qui était déjà bien loin.

Qu’avait-il utilisé comme carburant ? Comme accélérateur ? Où s’était-il tenu ? De quel type d’arme s’était-il équipé pour lui trancher la gorge ? Ou elle, se reprit Zoe dans un effort d’ouverture d’esprit ; les statistiques étaient cependant claires. Ce degré de violence désignait d’habitude un suspect de sexe masculin.

C’était le « d’habitude » qui posait problème. Zoe aimait se fier à son instinct, mais à moins d’être sûre à plus de quatre-vingt-dix pourcent de quelque chose, elle n’était pas prête à tout miser dessus. Et par le passé, même avec ses certitudes, elle s’était parfois trompée. Aujourd’hui, elle ne pouvait plus être sûre de rien, pas en ce qui concernait ce tueur.

Peut-être en saurait-elle plus après avoir examiné le corps. Elle se retourna vers Shelley, qui était en train de terminer sa conversation.

« Il n’y a rien ici, » déclara Zoe une fois que Shelley eut terminé.

« Je ne peux pas dire que je suis étonnée, » répondit Shelley. Elle jetait un coup d’œil aux fenêtres des appartements situés au-dessus, noircies non pas par la fumée montante d’un cadavre humain, mais par des années de saleté et de négligence. « Personne dans le quartier n’a rien vu. Ils ont dit qu’ils avaient d’abord senti la fumée. Quelques habitants du quartier se sont précipités dehors avec un seau d’eau pour essayer d’aider, mais c’est tout. Aucun suspect, personne ne se tenait debout et regardait. Aucun témoin n’a vu quelqu’un pénétrer dans la ruelle à ce moment-là.

– Y a-t-il des enregistrements ? » Zoe désigna de la tête une caméra de sécurité perchée au bout de la ruelle, à l’endroit par lequel elles étaient entrées.

Shelley secoua la tête. « Les flics disent qu’elle n’est même pas connectée. Chaque fois qu’ils essayaient de la faire fonctionner, des enfants venaient et pulvérisaient de la peinture sur la lentille ou coupaient les fils. Ils l’ont gardée dans un esprit de dissuasion, au cas où, mais elle n’a pas fonctionné correctement pendant des années.

– Les gens du coin le savaient, souligna Zoe.

– Il en va de même pour toute personne qui aurait fait un repérage du quartier et aurait vu l’état dans lequel elle se trouve. »

Zoe fit un dernier tout d’horizon, satisfaite qu’il n’y avait plus rien à analyser ici. La seule histoire que les chiffres lui racontaient concernait la construction des bâtiments et la ruelle même. Comme elle doutait que la hauteur des murs ait un quelconque rapport avec le meurtre, elles en avaient fini avec la scène du crime. « Allons voir le coroner, maintenant » dit-elle avec détermination, en s’éloignant à grandes enjambées vers leur voiture de location.

***

Zoe plissait son nez, puis modulait sa respiration. C’était une question de concentration. Elle inspirait par la bouche, évitant ainsi l’odeur pestilentielle, et expirait par le nez. Shelley tentait de contenir des haut-le-cœur, mais Zoe s’affairait à la soutenir.

« C’est une sale affaire, » déclara le coroner. C’était une grande et jeune femme, bronzée aux cheveux blonds, et qui portait trop de fard à paupières pour une personne travaillant dans un cabinet médical – même si elle ne travaillaient qu’avec les morts.

Zoe l’ignora aussi et porta son attention sur le corps. Si l’on pouvait encore parler de corps, le charbon de bois étant une description plus appropriée. L’homme, celui que Shelley avait nommé John Dowling, n’était plus un homme. Il avait une certaine forme – des jambes entremêlées et sur un des côtés, des bras écrasés contre le corps, une saillie ronde à l’endroit où se trouvait la tête – mais on aurait tout aussi bien pu imaginer qu’il s’agisse d’un morceau de ferraille, d’une partie du ventre d’un navire ou d’une antique pièce de machinerie qui avait brûlé dans les ruines de Pompéi.

Le deuxième corps était à peine plus reconnaissable. Curieusement, même si la brûlure ne s’était pas tellement étendue, l’odeur de celui-ci était encore plus forte. Peut-être parce qu’elle avait été laissée dehors, sous la chaleur du soleil californien au milieu de la journée. La jeune femme. Les morceaux de chair déchiquetée et brûlée qui s’accrochaient encore à elle avaient quelque chose d’obscènes. Douze centimètres de jambe au-dessus du pied, cinq centimètres à chaque coude, une mèche de cheveux à l’arrière de la tête qui avait été protégée au contact sol humide. Plus longtemps dans les flammes, et elle aurait été tout aussi en cendres que lui.

« Blessures pré-immolation ? » demanda Zoe, sans lever les yeux.

Le coroner hésita une seconde.

« Je sais ce que signifie l’immolation, » répliqua le médecin légiste, avec pour la première fois une once de tension dans sa voix calme et posée. Tout chez elle était agaçant pour Zoe. « Pour autant que je puisse dire, compte tenu de l’état des corps, il n’y a eu qu’une seule incision à la gorge. Suffisante pour tuer à elle seule. On ne leur a rien fait d’autre, si ce n’est les brûler. »

Zoe se pencha plus près, examinant le cou. Les mains de la jeune fille s’étaient posées dessus, et les doigts avaient fusionné et fondu l’un contre l’autre quand elle s’était consumée. Cependant, il y avait encore une blessure nette et visible derrière eux, béante à l’endroit où sa tête avait basculé en arrière.

« C’était précis, » dit-elle, davantage pour elle-même qu’autre chose.

« C’était une attaque rapide, admit le coroner. Qui que soit le tueur, il savait ce qu’il faisait. Directement par derrière, une seule entaille dans le cou pour l’ouvrir complètement, dans les deux cas. »

Zoe se redressa et regarda Shelley pour bien faire comprendre que l’observation qui allait suivre était pour elle, et non pour l’irritante présence humaine dans la pièce. « Ce n’était pas un crime commis par impulsion. Il a été planifié, l’endroit a été choisi avec soin.

– Penses-tu que les victimes ont été choisies délibérément ? »

Zoe se mordit la lèvre pendant un moment, passant son regard d’un corps à l’autre. Qu’avaient-ils en commun, à part le fait d’être carbonisés ?

« Il est trop tôt pour se prononcer, conclut-elle. Nous devons en savoir plus sur Callie Everard. Si nous pouvons trouver un lien entre les deux, tant mieux. Sinon, il y aura peut-être un message plus important en jeu.

– Un tueur en série ? grogna Shelley. J’espère qu’ils étaient secrètement amants. Je croisais les doigts pour qu’on puisse rentrer à la maison pour le week-end.

– Bonne chance, » surenchérit le coroner, une déclaration qui n’était absolument pas nécessaire.

Zoe lui fit les gros yeux, et fut quelque peu calmée par l’attitude de la femme qui s’éloigna et s’occupa d’un plateau d’instruments en métal situé à proximité, plutôt que de croiser à nouveau son regard.

« Nous avons une salle qui nous attend au commissariat local, dit Shelley. Le flic à qui j’ai parlé m’a assuré que le café est horrible, et que la climatisation est également d’une inefficacité totale, nous avons donc des raisons de nous réjouir.

– Je te suis, » dit Zoe, en souhaitant qu’elle puisse au moins en rire pour atténuer le contre-coup.

CHAPITRE SIX

Tout en soupirant, Zoe choisit une chaise et s’effondra dessus, tendant la main vers le premier dossier qui leur avait été laissé.

« Merci, capitaine Warburton, nous apprécions vraiment votre aide, » disait Shelley près de la porte, recourant aux conversations informelles et aux plaisanteries que Zoe n’avait jamais appréciées.

Cela faisait du bien de faire partie d’une équipe qui fonctionnait. Où chacune avait son rôle à jouer. Shelley était aux personnes ce que Zoe était aux chiffres, et même si aucune des deux ne pouvait vraiment comprendre ce que faisait l’autre, cela rendait au moins les choses plus faciles.

Après une bonne vingtaine de minutes à étudier les dossiers, elles n’étaient pas davantage avancées. Même si la police locale avait réussi à recueillir quelques déclarations de la part des familles et à obtenir beaucoup plus d’informations que dans les dossiers initiaux qu’elles avaient examinés dans l’avion, rien de tout cela ne semblait utile. Zoe jeta ses papiers sur la table avec un grognement de frustration.

« Pourquoi ne peut-il jamais y avoir de lien évident ?

– Parce qu’alors les policiers locaux pourraient le faire, et nous serions sans emploi, dit posément Shelley. Passons en revue ce que nous savons. Parlons-en. Peut-être que quelque chose va coller.

– J’en doute beaucoup. Ces deux personnes étaient tellement différentes.

– Eh bien, commençons par là. John était en bonne santé, n’est-ce pas ? Un adepte de la salle de sport.

– Son colocataire dit qu’il passait presque tout son temps libre à la salle de sport. Il était en bonne forme.

– Et un gars gentil, en plus.

Zoe fit une grimace. « Il donnait de l’argent à des associations caritatives et donnait un coup de main à la soupe populaire le dimanche. Cela ne veut pas nécessairement dire que c’était un type gentil. Beaucoup de gens font des choses comme ça parce qu’ils dissimulent un côté sombre.

– Tu te raccroches à ce que tu peux, dit Shelley, en secouant la tête. Il n’y a rien d’autre à y voir. Il avait un style de vie sain. Pas de drogues, pas de condamnations, même pas de rapport disciplinaire au travail.

– Et elle était tout le contraire. » Zoe adressait cette dernière phrase à la photo d’une Callie Everard souriante, rayonnante devant l’objectif et brandissant une bouteille de bière tandis qu’un jeune homme visiblement ivre l’enlaçait de ses bras autour des épaules.

« Eh bien, peut-être pas. Oui, elle a eu des problèmes de drogue plus tôt dans sa vie. Mais elle a fait des allers-retours en cure de désintoxication à vingt-trois ans, a terminé le programme, a arrêté la drogue. Elle était sevrée depuis quelques années. Remise sur les rails. »

Zoe y réfléchit. « Cela pourrait être quelque chose d’intéressant. Les deux s’étaient mis à vivre sainement, même si ce n’est que récemment.

– Quoi, comme un culte du fitness ou quelque chose dans ce genre ? » demanda Shelley.

Zoe lui lança un regard noir.

« Eh bien, c’est possible, dit Shelley. Regarde tous ces trucs avec les vélos d’exercice. Et ce culte du développement personnel, celui qui incitait les femmes à coucher avec le fondateur et à lui donner tout leur argent.

– Je suppose que tu marques un point » Zoe n’en connaissait pas tous les détails, mais elle avait entendu parler de ces affaires. Shelley avait raison, d’une certaine manière. On ne savait jamais vraiment ce qui se passait dans l’envers du décor avant d’avoir enquêté suffisamment loin.

Elle saisit les photos de ces deux personnes, à la recherche de similitudes. C’était toujours frustrant de tomber sur une affaire comme celle-ci. Avec une seule victime, on pouvait résolument analyser les preuves, en se concentrant sur chaque petit détail en rapport avec cette personne. Avec trois victimes ou plus, on disposait d’assez d’éléments pour établir un schéma. Pour s’apercevoir que le tueur se déplaçait dans une certaine direction, ou qu’il ne visait que des blondes de moins d’un mètre soixante-dix-sept, ou qu’il se trahissait par un rituel qui apparaissait sur chacune des scènes de crime.

Avec deux, c’était beaucoup plus difficile. On ne pouvait pas relier les choses de la même manière. Une similitude parmi les chiffres pourrait n’être qu’une coïncidence qui serait remise en cause par un autre corps. On aurait pu remarquer que leurs âges étaient tous les deux un nombre premier, avant que cela s’avère insignifiant. On ne pouvait pas dire ce qui était important et ce qui n’était qu’une fausse piste élaborée par son propre esprit, sans intention délibérée.

« Il y a une chose qu’ils ont en commun, » dit Zoe en pointant les photos du doigt. « Les tatouages. Dowling avait un tigre sur son biceps gauche. Everard avait une rose sur la cuisse droite, en pointillés. Elle allait également voir un ami pour s’en faire faire un autre. »

Shelley haussa les épaules. « Est-ce que cela constitue vraiment un lien ? Beaucoup de gens ont des tatouages. »

Zoe compulsait d’autres photos, repérant davantage de marques sur les zones de peau qui étaient visibles sur les différents clichés. Elles étaient presque toutes issues des profils des victimes sur les réseaux sociaux, et il semblait qu’ils étaient tous les deux fiers de leurs tatouages. De les exhiber. Est-ce que cela avait du sens ? « Chacun d’entre eux n’avait pas qu’un seul tatouage. Regarde. Ils en étaient tous les deux recouverts. Dowling s’est fait tatouer toute une jambe, jusqu’au pied. Et Everard, ici, sur le dos et le ventre.

– Je ne sais toujours pas si cela signifie quelque chose. C’est juste une tendance culturelle de nos jours. »

Zoe plissa le nez. « Une tendance culturelle ?

– Oui. Tu n’as pas remarqué ? Beaucoup de gens se font tatouer au début de la vingtaine à l’heure actuelle. Couvrant tout leur corps. Même le visage et les mains. Il y a eu beaucoup de célébrités qui l’ont fait. Justin Bieber, Ariana Grande, tu sais ? Des rappeurs, des chanteurs et des sportifs. C’est considéré comme cool actuellement.

– Les tatouages sur le visage et les mains sont de très mauvaises idées, dit Zoe en grimaçant. Imagine que tu ne puisses jamais cacher l’erreur de jeunesse que tu as commise, celle d’avoir choisi de te faire inscrire quelque chose de stupide sur ton corps pour toujours.

– Il doit tout de même bien y avoir une connexion entre eux, poursuivit Shelley. Je parie que ce serait dans leur vie personnelle. Peut-être qu’ils connaissaient tous les deux les mêmes personnes, quelque part dans leur vie. Un bar ou un club, un groupe d’amis, un cousin qui connaissait un cousin. Peut-être qu’ils ont participé au même événement sans le savoir. Il faut juste continuer à creuser jusqu’à ce qu’on débouche là-dessus. »

Zoe acquiesça. « Dans ce cas, je sais par où commencer. » Elle prit le dossier de Callie Everard et nota l’adresse qui y figurait. « L’ami qu’elle allait voir : Javier Santos. »

CHAPITRE SEPT

Zoe parcourut l’espace exiguë de l’atelier, scrutant les illustrations et les dessins qui couvraient toutes les surfaces possibles. Seule une personne qui s’intéressait davantage aux arts pouvait juger si Javier était talentueux ou non. Le fait qu’il soit prolifique n’était cependant pas sujet à débat.

« Tout ça, c’est pour les tatouages ? » demanda-t-elle en les examinant intérieurement.

« Oui, bien sûr. Javier fit un signe de tête. La plupart ont été utilisés. Mais je peux vous concevoir quelque chose d’unique, si vous le souhaitez. »

Zoe le dévisagea pour voir s’il plaisantait. Il avait l’air sérieux, ce qui n’était pas mieux.

« Je ne pense pas, » dit-elle, se contentant de ces simples mots et espérant qu’il n’insisterait pas sur le sujet. Elle n’aurait pas aimé gâcher l’interrogatoire avant même de l’avoir entamé, en lui déclarant précisément ce qu’elle pensait des personnes qui se faisaient tatouer.

Назад Дальше