L’Assassin Zéro - Джек Марс 5 стр.


Il s’avança le long du bar, passant devant la fille et ses deux amies sans même les regarder. Il prit position à une table haute dans sa ligne de mire et s’appuya dessus avec ses coudes, tapant du pied en rythme avec la musique en attendant le bon moment. Puis, au bout d’une longue minute, il jeta nonchalamment un œil par-dessus son épaule.

La fille rousse tourna les yeux vers lui et leurs regards se croisèrent. Alvaro détourna les yeux en souriant timidement. Il attendit encore, comptant jusqu’à trente dans sa tête, avant de la regarder à nouveau. Elle détourna rapidement les yeux. Elle était en train de l’observer, et c’était tout ce dont il avait besoin.

Alors que la chanson s’achevait et qu’un tonnerre d’applaudissements s’élevait du bar à l’attention du groupe, Alvaro termina son mojito et s’approcha de la fille, pas trop vite, les épaules en arrière, la tête haute et l’air confiant. Il lui fit un sourire, et elle sourit en retour.

Hola. ¿Bailar conmigo?

La fille le regarda en clignant des yeux. “J-je suis désolée,” bégaya-t-elle. “Je ne parle pas espagnol…”

“Danse avec moi.” Alvaro parlait parfaitement anglais, mais il exagérait toutefois son accent pour paraître plus exotique.

Les joues de la fille devinrent toutes rouges, presque autant que ses cheveux. “Je, euh… je ne sais pas danser la salsa.”

“Je vais t’apprendre. C’est facile.”

La fille esquissa un sourire nerveux et, comme il s’y était attendu, se tourna vers ses amies. L’une d’elles lui donna une petite tape. L’autre hocha la tête avec enthousiasme, et Alvaro dut se retenir de sourire encore plus.

“Euh… ok.”

Il tendit la main et elle la saisit. Ses doigts étaient chauds entre les siens et il la conduisit sur la piste de danse qui n’était rien de plus qu’un tiers de la salle à l’avant du bar, où les tables avaient été poussées sur le côté afin de faire de la place à la vingtaine de clients qui étaient venus pour la musique.

“La salsa, ce n’est pas faire les bons pas,” lui dit-il. “Il s’agit de ressentir la musique. Comme ça.” Alors que le groupe entamait la chanson suivante, Alvaro s’avança en rythme, se balançant sur son pied arrière, avant de reculer à nouveau. Ses coudes s’écartaient avec relâchement sur les côtés, une main toujours dans la sienne, ses hanches ondulant avec ses pas. Il n’était pas du tout un expert, mais il était doté d’un sens inné du rythme qui faisait que même les pasos les plus simples avaient l’air impressionnants chez lui.

“Comme ça ?” La fille imita ses pas de manière rigide.

Il esquissa un sourire. “. Mais plus détendue. Fais comme moi. Un, deux, trois, pause. Cinq, six, sept, pause.”

La fille rigola nerveusement avant de se jeter elle aussi dans le rythme, se détendant en gagnant de l’assurance dans ses mouvements. Alvaro attendait son heure, ne dévoilant pas encore son jeu. Il attendit que la chanson s’achève et qu’une autre commence avant de poser doucement une main sur sa hanche, chacune d’elles bougeant toujours en rythme. Puis, il dit, “Tu es très jolie. Comment tu t’appelles ?”

La fille devint toute rouge à nouveau. “Megan.”

“Megan,” répéta-t-il. “Je m’appelle Alvaro.”

La fille, Megan, sembla se détendre encore plus après ça, succombant au charme de cet étranger bronzé et charmant dans un pays exotique. Il l’avait amenée exactement où il voulait. Elle osa se rapprocher de lui, ferma les yeux, ressentant la musique comme il le lui avait indiqué, ses hanches ondulant à chaque petit paso de salsa, s’approchant et s’éloignant, pas aussi belles et dessinées que celles de Luisa, se dit-il, mais tout aussi attirantes. Alvaro savait d’expérience qu’il ne fallait pas aller trop vite, qu’il fallait laisser la musique et son imagination prendre la main en premier, et ensuite…

Il fronça les sourcils en sentant quelque chose trembler en lui. C’était bizarre que la musique électronique pulsative du club d’à côté soit audible à travers les murs, mais il aurait juré l’avoir entendue.

Pas entendue, réalisa-t-il…ressentie. Il sentit un étrange battement dans son corps, difficile à discerner et encore plus dur à décrire, à tel point que sa première hypothèse avait penché pour les basses des enceintes trop puissantes du club voisin. Sa partenaire de danse ouvrit les yeux, le visage empreint d’inquiétude. Elle l’avait senti aussi.

Soudain, le club tout entier tournoya ou, du moins, c’est ce dont eut l’impression Alvaro pendant qu’il était pris de vertiges. Il chancela sur le côté, se rattrapant sur son pied gauche pour éviter la chute. L’américaine n’eut pas cette chance. Elle tomba à genoux. Un à un, les musiciens du groupe cessèrent de jouer, et Alvaro put entendre les gémissements et les cris apeurés des clients de La Piedra avec, en toile de fond, le martèlement sourd des basses du club d’à côté.

Peu importe ce que c’était, ça affectait tout le monde.

Un puissant mal de tête s’empara de son crâne, tandis que la nausée montait en lui. Alvaro tourna vivement la tête à gauche, juste à temps pour voir Luisa tomber derrière le bar.

Luisa !

Il parvint à faire deux pas avant que les vertiges ne reprennent le dessus, l’envoyant s’écrouler contre une table. Du verre se brisa au sol, alors qu’il renversait la table. Une femme hurla, mais Alvaro n’arrivait pas à localiser son cri.

Il tomba sur les mains et les genoux, puis rampa, déterminé à retrouver Luisa. À les tirer de là, même s’ils devaient se traîner au sol pour ça. Mais quand il leva de nouveau les yeux, il ne distingua que des formes vagues. Sa vision se brouillait. Les bruits du bar paniqué s’estompèrent, remplacés par un seul sifflement aigu. Les couleurs vives de La Piedra s’affadirent, les bords de sa vision devenant bruns, puis noirs. C’est alors qu’Alvaro laissa tomber sa tête au sol, nauséeux, étourdi et incapable d’entendre quoi que ce soit d’autre que le sifflement avant de perdre connaissance.

CHAPITRE QUATRE

Jonathan Rutledge n’avait pas envie de sortir du lit.

Il fallait bien avouer que ce lit était extraordinaire, un lit king-size qui portait bien son nom, taillé pour un roi. Toutefois, il se demandait en cette heure matinale s’il ne serait pas plus approprié de l’appeler président-size.

Il grommela en se retournant et tendit instinctivement la main vers l’emplacement vide à côté de lui. Il songea que c’était bizarre qu’il reste toujours de son côté du lit, même quand Deidre n’était pas là. Il était ébahi par la rapidité avec laquelle elle s’était adaptée à sa nouvelle position. Elle était actuellement en tournée dans le Midwest, faisant du lobbying afin de trouver des fonds pour des programmes d’art et de musique dans les écoles publiques, pendant qu’il enfonçait un peu plus son visage dans l’oreiller, comme s’il pouvait noyer le bruit dont il savait qu’il allait arriver à tout moment.

À ce moment-là, le téléphone sonna à nouveau sur sa table de chevet.

“Non,” se dit-il. C’était Thanksgiving aujourd’hui. Les seules choses qu’il avait à son agenda étaient de gracier une dinde, de poser pour quelques photos avec ses filles, puis de profiter d’un bon repas en privé avec elles. Pourquoi est-ce qu’on viendrait l’embêter à l’aube pendant un jour férié ?

Un bref coup frappé à la porte le fit sursauter. Rutledge s’assit, se frotta les yeux et demanda d’une voix forte, “Oui ?”

“Monsieur le Président.” Une voix féminine flotta jusqu’à lui à travers la porte épaisse de la suite présidentielle de la Maison Blanche. “C’est Tabby. Je peux entrer ?”

Tabitha Halpern, sa Chef de Cabinet. Elle ne pouvait pas apporter de bonne nouvelle aussi tôt dans la journée, et sûrement pas un café.

“Si je n’ai pas d’autre choix,” murmura-t-il.

“Monsieur ?” Elle ne l’avait pas entendu.

“Entrez, Tabby.”

La porte s’ouvrit et Halpern entra, joliment vêtue d’un pantalon bleu marine et d’une blouse blanche impeccable. Elle fit deux pas rapides à l’intérieur, puis s’arrêta soudain et baissa les yeux au sol, apparemment gênée de se retrouver face au président encore au lit en pyjama de soie.

“Monsieur,” lui dit-elle, “il y a eu un… incident. Votre présence est requise en Salle de Crise.”

Rutledge fronça les sourcils. “Quel type d’incident ?”

Elle semblait hésiter à le lui dire. “Un attaque terroriste suspectée à La Havane.”

“Pour Thanksgiving ?”

“C’est arrivé la nuit dernière, mais… techniquement oui, Monsieur.”

Rutledge secoua la tête. Quelles sortes de désaxés planifiaient une attaque un jour de congé ? À moins que… “Tabby, est-ce que Cuba fête Thanksgiving ?”

“Pardon, Monsieur ?”

“Laissez tomber. J’ai le temps de boire un café ?”

Elle acquiesça. “Je vous en fait porter un immédiatement.”

“Parfait. Dites-leur que je serai là dans vingt minutes.”

Tabby tourna les talons et quitta la chambre, refermant la porte derrière elle et laissant Rutledge grommeler sous sa barbe sur l’injustice de la situation. Au bout d’un long moment, il bascula ses jambes hors du lit, posa ses pieds nus par terre, et se leva en s’étirant et en grognant, se demandant pour la dix-millième fois comment il avait bien pu atterrir à la Maison Blanche.

La raison technique à cela était toute simple. Cinq semaines plus tôt, Rutledge était le Président de la Chambre des Représentants… et sacrément bon à ce poste, en toute modestie. Au cours de sa carrière politique, il avait acquis la réputation d’être un homme qu’on ne pouvait pas acheter, qui restait fidèle à son code moral, et qui ne déviait pas de ses croyances.

C’était alors que la nouvelle était tombée concernant l’implication du Président Harris dans le plan des russes d’annexer l’Ukraine. Avec les preuves irréfutables de l’enregistrement de l’interprète, la procédure d’impeachment était allée extrêmement vite. Puis, à quelques minutes de minuit avant la destitution définitive d’Harris, le président avait fait un aveu en espérant réduire sa sentence, impliquant son propre Vice-Président. Brown s’était refermé comme une huitre, plaidant la non-contestation d’avoir eu connaissance de l’implication d’Harris avec les russes et Kozlovsky.

Tout ceci s’était produit en l’espace d’une seule journée. Avant même que Rutledge ait achevé la lecture de la transcription du témoignage du vice-président Brown, la destitution d’Harris avait été approuvée par le Sénat et le Vice-Président avait démissionné en attente du procès. Pour la première fois dans l’histoire des USA, le troisième homme de la liste, à savoir le Président de la Chambre des Représentants, prenait place dans le Bureau Ovale. Et il s’agissait du démocrate Jonathan Rutledge.

Ce n’était pas ce qu’il aurait voulu. Il aurait cru que diriger la Chambre des Représentants serait l’apogée de sa carrière, et il n’avait pas d’autres aspirations au-dessus de cela. Il aurait pu prononcer ces quatre petits mots qui auraient fait toute la différence : “Je refuse de servir.” Mais, s’il avait fait ça, il aurait laissé tomber son parti tout entier. Le président par intérim du Sénat était un républicain du Texas, aussi à droite politiquement qu’il était possible de l’être dans le système démocratique.

Et donc, le Président de la Chambre des Représentants Rutledge était devenu le Président des États-Unis Rutledge. Sa prochaine mission serait de nommer un vice-président et que le Congrès vote son approbation. Mais cela faisait quatre semaines que son investiture avait eu lieu et il ne l’avait pas encore fait, malgré la pression et les critiques qui augmentaient. C’était une décision très délicate à prendre… Et après ce qu’avaient fait les deux dernières administrations, il n’y avait pas foule au portillon pour postuler à ce job. Il avait quelqu’un en tête, la pétillante sénatrice de Californie Joanna Barkley, mais le temps qu’il avait passé aux commandes était déjà tellement tumultueux qu’il lui semblait que la controverse et la critique l’attendaient à chaque coin de mur.

Parfois, ça suffisait à lui donner envie d’abandonner. Et il savait très bien qu’il le pourrait. Rutledge pouvait nommer Barkley comme Vice-Présidente, obtenir le vote d’approbation du Congrès, puis démissionner, faisant de Barkley la première femme Présidente des États-Unis. Il pourrait le justifier par le flot d’événements qui avait entouré son arrivée au pouvoir. Et il serait félicité, du moins l’imaginait-il, pour avoir mis une femme à la Maison Blanche.

C’était tentant, surtout quand on se réveillait en apprenant la nouvelle d’une attaque terroriste le matin de Thanksgiving.

Rutledge boutonna sa chemise et noua sa cravate bleue, mais décida de faire l’impasse sur la veste et releva plutôt ses manches. Un assistant débarqua avec un chariot à roulettes sur lequel se trouvait du café, du lait, du sucre, ainsi qu’un assortiment de pâtisseries. Mais il se versa simplement un mug de café noir qu’il emporta avec lui, escorté par deux agents stoïques des Services Secrets, alors qu’il se dirigeait vers la Salle de Crise.

C’était encore une chose à laquelle il devait s’habituer : être accompagné en permanence, être toujours surveillé, et ne jamais vraiment être seul.

Les deux agents en costumes sombres descendirent les marches à sa suite et l’escortèrent le long d’un couloir où trois autres agents des Services Secrets étaient postés, chacun hochant la tête à son tour en murmurant “Monsieur le Président.” Ils s’arrêtèrent devant une double porte en chêne, l’un des agents prenant position en joignant ses mains devant lui, tandis que l’autre ouvrait la porte pour Rutledge, lui donnant accès à la Salle de Conférence John F. Kennedy, un centre de commandement et de renseignement de mille-cinq-cents mètres carrés au sous-sol de l’aile gauche de la Maison Blanche, plus généralement connue sous le nom de Salle de Crise.

Les quatre personnes déjà présentes se levèrent pendant qu’il faisait le tour de la table pour prendre place au bout. À sa gauche, se trouvait Tabby Halpern et, à côté d’elle, le Secrétaire de la Défense Colin Kressley. Le Secrétaire d’État et le Directeur du Renseignement National étaient notablement absents, ayant été envoyés à Genève pour parler aux Nations Unies de la guerre commerciale en cours avec la Chine et de comment elle pourrait impacter les importations européennes. À leur place, était venu le Directeur de la CIA Edward Shaw, un homme à l’air sévère que Rutledge n’avait jamais vraiment vu sourire. Et à côté de lui se trouvait une femme blonde, pas loin de la quarantaine, à l’allure professionnelle et absolument sublime. En croisant ses yeux gris, un éclair de reconnaissance le traversa. Rutledge l’avait déjà rencontrée, lors de son investiture peut-être, mais il ne se souvenait pas son nom.

Comment ils s’étaient tous rassemblés si vite, impeccablement habillés et paraissant tellement alertes, le déconcertaient. L’œil vif et le poil brillant, comme disait sa mère. Rutledge se sentit soudain complètement débraillé avec ses manches retroussées et sa cravate mal serrée.

“Veuillez prendre place,” dit Rutledge en s’asseyant lui-même dans un fauteuil en cuir noir. “Nous devons donner à cette affaire l’attention qu’elle mérite, mais il y a des endroits où nous préférerions tous être aujourd’hui. Alors, allons droit au but.”

Tabby fit un signe de tête à l’attention de Shaw, qui croisa ses mains sur la table. “Monsieur le Président,” commença le directeur de la CIA, “à une heure la nuit dernière, un incident s‘est produit à La Havane, à Cuba, très précisément en bordure nord du port, dans un endroit appelé le Malecón, une zone touristique populaire. En l’espace d’environ trois minutes, plus de cent personnes ont subi un ensemble de symptômes allant des vertiges et nausées à une perte permanente d’audition, de vision, entraînant même la mort dans un cas, malheureusement.”

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