L'Anneau des Dragons - Морган Райс 2 стр.


Il mit toute la force de son commandement dans sa voix, il vit les hommes pâlir lorsqu’ils comprirent l'importance de l’homme qui se tenait devant eux. L'un d'entre eux lâcha son couteau au sol, mais l'autre fut plus lent. Ravin perdit patience et planta son épée dans la poitrine de l’homme, ignorant les cris des femmes alentour. Ravin lui donna un coup de pied qui le fit basculer en arrière, avant de remettre la table sur ses pieds. Il prit une chaise qu’il plaça devant la table et y déposa son épée ensanglantée.

Il regarda ses hommes qui l'avaient suivi. "Je reste là. Faites votre devoir."

Ils se mirent en route, seuls deux d'entre eux restèrent pour faire office de gardes du corps. Ravin assis là, examinaient ceux présents dans la pièce. Ils étaient tous à genoux et le regardaient avec une terreur évidente.

"Qu’on m'apporte du vin. Quant aux autres, comprenez-moi bien : tout ce que vous croyez être à vous m’appartient désormais – votre argent, vos biens, vous-mêmes. Cette cité, tout ce royaume, m’appartient."

Dès que le sortilège du mage serait rompu du moins.

CHAPITRE DEUX

Le grand salon du château bourdonnait comme une ruche, les tapis carrés étaient envahis par des gens qui se pressaient d’accomplir tout et n'importe quoi, les hauts murs de pierre résonnaient de leurs conversations alors qu'ils essayaient de voir comment se rendre utiles pour la suite des évènements.

Cela rappelait en quelque sorte à Lenore l'activité débordante des semaines précédant son mariage, lorsque tout le château résonnait de festivités, mais la situation n’avait plus rien de léger ni joyeux. Certaines bannières jadis suspendues aux murs avaient été décrochées, les nobles se disputaient pour savoir s'il fallait les couper pour en faire des bandages de fortune, tandis que le trône demeurait vacant, sans aucun signe de Vars pour y prendre place, l'homme qui aurait dû s'y asseoir étant mort.

Cette pensée emplit Lenore de chagrin, mais elle devait faire semblant de garder son calme, demeurer le noyau immobile autour duquel les autres gravitaient. Ils avaient besoin de quelqu'un qui se maîtrisait, qui gardait son sang-froid, qui réfléchissait quand eux se contentaient simplement d’agir ; ils avaient besoin d'une princesse, ce qui signifiait que Lenore jouait le rôle auquel elle s'était préparée toute sa vie durant.

"Non, ne vous contentez pas de barricader la porte du grand salon donnant sur l’extérieur ; clouez-la."

"Mais où trouver des clous ?" demanda un noble. Lenore ne retira aucun plaisir du fait qu'il lui demande des instructions alors qu’il la percevait voilà encore un jour ou deux comme un bel objet inutile.

"Je ne sais pas. Cherchez dans les réserves du château s'il le faut," répondit Lenore. "Exécution."

L'homme s’éloigna sans poser de questions. Beaucoup de ceux présents agissaient sans remettre ses instructions en doute. Lenore soupçonnait que c’était lié au fait qu’elle soit la sœur du nouveau roi et la femme du fils du Duc Viris. A moins que les gens veuillent simplement que quelqu'un leur dise quoi faire en période de crise.

Lenore aurait tellement souhaité qu'il y ait quelqu'un qui puisse lui dire quoi faire.

Elle n'avait jamais eu aussi peur de toute sa vie. Une armée composée d’hommes semblables à ceux qui l'avaient kidnappée avait envahi la cité. Les Chevaliers d’Argent étaient partis, ainsi que la plupart des soldats. Comment pourraient-ils résister ? Et si le château tombait entre leurs mains ? Ils périraient donc tous ?

Ce n'était pas le pire que puisse imaginer Lenore, au vu des horreurs subies par certaines de ses servantes pendant l'enlèvement. Elle n'avait été impliquée que dans une seule et unique bataille terrifiante, mais que se passerait-il si toute une horde de soldats incontrôlables faisait irruption dans le château ?

Sans parler du Roi Ravin, le commanditaire de son enlèvement, le responsable de la mort de son frère et son père. Lenore avait entendu parler de sa cruauté, des histoires toutes plus écœurantes les unes que les autres. La peur s’emparait d’elle rien qu'en y pensant.

"Votre Altesse," demanda un serviteur. "Désirez-vous que l’on apporte les armes de l'armurerie ?"

Lenore réfléchit à ses troupes potentielles. Des serviteurs qui n'avaient probablement jamais tenu une épée de leur vie. Une nuée de nobles, dont beaucoup âgés, pour la plupart aussi effrayés que Lenore. Mieux valait peut-être essayer de se battre malgré tout. Une mort rapide serait la meilleure option.

"Allez chercher un maximum de gens." Elle désigna un autre serviteur. "Accompagnez-le."

"Oui, Votre Altesse."

Lenore continua d’organiser la défense du château, s’adressant tour à tour aux serviteurs et aux nobles. "Vous, prenez qui vous voulez et allez me chercher le plus d’huile possible en cuisine. Apportez-la à la maison du garde et commencez à la chauffer, afin qu’elle soit prête à être versée. Vous, fermez les portes et baissez la herse."

"Et ceux encore dans la cité ?" demanda l'homme.

Le cœur de Lenore se brisa face à sa question, et la réponse qu'elle ne voulait pas lui donner. "Ils… ils n'ont aucune chance de s’en sortir à marée haute. Si nous les voyons revenir, nous pouvons… nous lancerons des cordes."

Elle ne lui dit pas que les chances de les voir revenir étaient infimes ; elle n'y songea pas, parce qu'Erin et son étrange moine étaient toujours là, à combattre l'ennemi. Ils étaient peut-être même plus en sécurité à l’extérieur qu'au sein du château, cela signifiait qu'ils auraient une chance de se cacher et s'enfuir le moment venu. Non pas qu'Erin s'enfuirait de gaieté de cœur, mais peut-être que Odd l'y obligerait.

Lenore regarda autour d'elle, sachant qu'elle et les autres n'auraient aucune chance de s'échapper. Leur seul espoir consistait à essayer de protéger le château, mais ils étaient bien trop peu nombreux en vérité. Elle pourrait donner une lance à chaque serviteur, insister pour que chaque noble prenne place sur la muraille pour tenter de repousser la marée montante que ce ne serait toujours pas suffisant. Les tâches qu'elle leur assignait étaient davantage dues au fait qu'elle savait qu'ils devaient se sentir utiles en pareil moment, et non parce qu'elle imaginait que ce soit vraiment efficace lorsque l'armée du Roi Ravin surgirait.

Avoir quelques notions de stratégie se serait peut-être avéré plus efficace. A vrai dire, ses ordres n’étaient que les réminiscences de ses jeux avec Erin, qui insistait à jouer à défendre le château contre des ennemis imaginaires lorsqu’elles étaient enfants, ou parce que Rodry ou leur père racontaient des histoires sur la façon dont ils avaient combattu tel ou tel ennemi. Certaines de ces histoires lui avaient semblé vraies, nombre d'entre elles inventées.

Elle souhaitait, pour la centième fois, qu’un autre prenne les choses en main. Vars était censé être roi maintenant, mais il n'était pas là pour donner ses ordres. Rodry et son père étaient tous les deux morts, morts au moment où leurs compétences en l’art de la guerre auraient été les plus utiles. Erin était dans la cité et faisait de son mieux là où elle pouvait apporter son aide. Lenore comprenait mais savait qu'avec si peu de troupes, lutter et combattre dans la cité valait mieux qu'attendre au château, elle aurait tant voulu que sa sœur soit à ses côtés.

Lenore se trouva même à souhaiter la présence Finnal, même si elle ne savait que penser de son mari. Était-il l'homme bon qu'il incarnait parfois, ou un individu cruel ? Dans les contes, ce serait le moment où il accourrait prendre la situation en main et prouverait à Lenore combien il l'aimait. Mais aucun signe de lui. Œuvrait-il à la défense de la cité ?

Mais plus encore que Finnal, Lenore se trouva à souhaiter la présence de Devin. Il était intelligent et gentil, elle se sentait… en sécurité dès qu'elle pensait à lui. S'il avait été présent, il aurait peut-être pu lancer un sortilège appris de Maître Grey, un sort de protection. Lenore se languissait de sa présence plus encore que celle de son mari. Mieux valait peut-être qu’il ne soit pas là. Mieux valait peut-être qu'il soit parti de par le vaste monde, chargé d’une étrange mission confiée par le sorcier. Il y serait peut-être plus en sécurité. Certainement plus en sécurité que ne l'était Lenore.

Lenore était perdue dans ses pensées lorsque sa mère entra dans la pièce. Sa démarche assurée attira d'abord son attention ; la Reine Aethe avait arpenté le château durant de nombreux jours tel un être brisé, anéanti. Aujourd'hui, et bien que toujours vêtue de noir en signe de deuil, elle fit irruption au centre de la pièce tel un général, avec un air de commandement.

"Qui s'en occupe ?" demanda-t-elle. Tous les regards se tournèrent vers Lenore.

"Je crois … je crois bien que c'est moi, Mère," répondit Lenore.

Sa mère posa sa main sur son épaule. "Tu ne devrais pas t’en occuper seule. Vous," dit-elle, en désignant un noble. "Pourquoi rester les bras croisés ? Rendez-vous utile, ne serait-ce que découper ces bannières pour en faire des bandages."

Elle avait évidemment remarqué ce que Lenore avait imaginé, bien qu'elle n'ait pas été là au moment voulu.

"Mais les bannières sont frappées du sceau royal."

"Pensez-vous que mon mari se souciait plus des bannières, ou des gens qui les portaient ?" La Reine Aethe rétorqua "Je suis l’épouse d'un roi et la belle-mère d'un autre. Si un homme se vidait de son sang parce que nous n'avons pas suffisamment de bandages, je vous en tiendrai responsable."

Le noble se dépêcha de s'atteler à la tâche. Lenore ne pouvait s’empêcher de dévisager sa mère.

"J'essaie de faire en sorte qu’ils se bougent, mais en vain," dit-elle.

"Oui, ils sont habitués à ma sévérité," dit La Reine Aethe. Elle regarda Lenore dans les yeux. "J'ai été dure avec toi à propos de Finnal. Une mère doit être là pour sa fille, et pas seulement quand elle fait ce qu'elle pense devoir faire."

La dernière fois qu'elles s’étaient parlées, sa mère n'avait pas écouté, déversant son chagrin sur Lenore comme si ses propres difficultés ne comptaient pas face aux siennes, Lenore ne s'y attendait pas le moins du monde.

"Merci," dit Lenore en posant sa main sur celle de sa mère.

"Tu ne devrais pas avoir à me remercier de me comporter en tant que mère. Tu avais raison l’autre fois, quand tu m'as dit qu'il y avait plus grave au monde que mon chagrin."

"Je suis désolée," déclara Lenore. "Je me suis montrée dure. Père me manque aussi."

"Je sais mais tu avais raison. Il y a des choses plus importantes. Son royaume, notre royaume est en danger, et je ne resterai pas les bras croisés. Je ferai le nécessaire pour le protéger, et vous aussi. Tout, quoi qu’il arrive."

CHAPITRE TROIS

Erin s’accroupit au sommet d'un mur et regarda passer trois soldats du Roi Ravin d’un air méprisant. Ils ne pouvaient pas la voir dans la pénombre du petit jour, et c'était probablement aussi bien. Erin ne s'était jamais beaucoup préoccupée de son apparence, elle portait toujours ses cheveux noirs coupés courts pour ne pas qu’ils la gênent, des tuniques et des hauts-de-chausse au lieu de robes autant que faire se peut. Mais maintenant, elle ressemblait à un monstre.

Son armure n’était pas seulement couverte de sang ni bosselée par les coups ennemis. De la saleté soigneusement étalée maculait son visage et son armure, afin de se fondre dans l'obscurité. Mais son ressenti était plus prégnant encore que son apparence. Odd avait peut-être passé son temps à essayer de lui apprendre à se battre sereinement, Erin n’éprouvait que de la rage en pareil moment, contre ces hommes qui avaient envahi sa demeure.

Elle sauta du mur, hurlant sa colère tout en maniant sa lance qu’elle plongea dans le premier des trois soldats. Un sang neuf émailla la patine de son armure, jaillit au fur et à mesure qu'elle empalait son adversaire. Elle chuta lourdement et se remit sur pied, abandonnant momentanément sa lance au profit de deux longs couteaux qu’elle tint dans ses mains.

Les deux soldats restants firent alors volte-face mais trop lentement, encore sous le choc de l'attaque, Erin était proche du second qu’elle poignarda de ses deux courtes dagues, trop près pour qu'il puisse utiliser son épée.

Elle fit en sorte que l’homme mourant reste entre elle et le troisième, usant de lui tel un bouclier qui arrêta un coup de hache. Elle laissa tomber son ennemi déjà mort, entraînant la hache de son camarade avec lui, il s'avéra que ce dernier l’avait enroulée à son poignet à l’aide d’une corde pour ne pas la perdre au beau milieu de la bataille. Il était penché et à découvert lorsqu'Erin s'avança et le poignarda dans le cou.

Combien étaient-ils désormais ? Erin avait essayé de les compter à la nuit tombée, avait même essayé d'en faire un jeu, avec les hommes qui la suivaient. Mais elle avait désormais perdu le compte ; ils étaient bien trop nombreux.

On était loin des jeux de chevaliers auxquels elle jouait avec Rodry étant enfant, lorsqu’elle parvenait à le persuader ; on était très loin de la violence nette et sans bavure dont elle avait fait preuve dans le village tombé aux mains des mercenaires de Ravin, avec Sire Til et Sire Fenir. Ce genre de combat demandait du cran, passer d’une maison à l’autre, frapper et s’enfuir, tuer et vite partir s’embusquer.

Erin mit un pied sur le dos du premier soldat et tira pour récupérer sa lance, qu’elle extirpa dans un horrible bruit mouillé. Elle nettoyait le sang quand elle entendit des bruits de bottes et vit une vingtaine de soldats de Ravin éclairés par des lampes, qui approchaient rapidement.

"Bon sang," jura-t-elle avant de détaler. La troupe pressait l’allure derrière Erin, elle se mit à courir, tournant à gauche puis à droite, Erin espérait connaître les rues de Royalsport aussi bien qu'elle l’imaginait. Oui, elle se trouvait dans la Rue des Potiers, la rue où on jetait les reliquats d'argile en temps ordinaire. Erin savait où elle se trouvait.

Cela ne la rassura guère. Un carreau d'arbalète effleura son épaule, elle partit en zizaguant, histoire de ne pas représenter une cible immobile pour l'ennemi. Elle sauta par-dessus une pile de boîtes, entendit des individus les percuter derrière elle et piqua un sprint pour les devancer.

Elle était fatiguée, et pas seulement à force de courir. Elle souffrait d'une douzaine de petites blessures suite aux combats survenus plus tôt au cours de la nuit. Elle était éveillée depuis un nombre d'heures incalculable, sans compter la violence sans fin et étourdissante, des hommes mouraient autour d'elle à chaque pas, amis et ennemis sans distinction aucune.

L'effervescence de la bataille poussait Erin à avancer, elle tourna dans une cour dégageant des relents de tannerie, la puanteur assaillit ses narines plus grandement encore que l’odeur du sang. La cour donnait bien évidemment dans une impasse, elle fit volte-face, aux abois, regarda les soldats arriver, ils se déplaçaient plus lentement en réalisant qu'elle n'avait nulle part où aller.

"A l’assaut !" cria-t-elle.

Les hommes embusqués sur les toits étaient en vue, armés d’arcs et d'arbalètes, de lances et même de pierres. Le blocus commença, ils tiraient sur l'ennemi encerclé, d'aucuns se mirent en retrait, prêts à couper toute possibilité de fuite. Dans un effort pour se libérer, l'un des hommes se précipita sur Erin, épée en main. Erin esquiva sur le côté de justesse, lui enfonça sa lance dans le ventre alors même qu'il manquait sa cible.

Назад Дальше