Un lieu ensorcelé - Софи Лав 4 стр.


– Bryce m’a annoncé que les associés avaient décidé de se séparer des documentaires. Le département ferme, ce n’est pas seulement moi.

– Aux dernières nouvelles, c’était toi le département. Tu ne pouvais rien faire ? Tu aurais dû faire plus de ventes. Tu ne leur as pas dit que tu pouvais travailler dans un autre département ?

Lex inspira profondément et compta jusqu’à dix dans sa tête.

– C’est trop tard maman. J’ai fait tout ce qu’ils m’ont demandé, mais ce genre de livres ne fait pas de gros chiffres. Avant ils s’en contentaient, mais je suppose qu’ils ont changé d’avis. J’ai demandé où je pouvais aller et Bryce m’a dit que ma seule option était le département des autobiographies de célébrités. Ce n’était pas possible.

– Qui t’a rendu aussi hautaine et ingrate pour croire que tu pouvais refuser un très bon travail ? éclata la mère de Lex.

Elle s’y attendait, notamment à cause de ce qui se trouvait dans la bibliothèque de sa mère. La biographie de Dolly Parton était beaucoup plus usée que Crime et Châtiment.

– Et on peut savoir ce que tu faisais hier soir de si important et qui t’as empêché de nous appeler ? M’éviter à tout prix, car tu savais que je ne serais pas contente ?

– Non, Maman, dit Lex la mâchoire serrée. J’étais chez Colin. Puis nous avons rompu. De toute façon je ne suis pas obligée de t’appeler dès qu’il m’arrive quelque chose, tu sais ? Je suis adulte.

– Tu as rompu avec Colin ? s’écria sa mère. Non mais, Lex ! Tu nous fais quoi ? Tu essaies de t’autodétruire ? Vous étiez ensemble depuis des mois. Tu ne te rajeunis pas et je veux avoir des petits-enfants un jour. Que vas-tu faire maintenant, sans personne pour t’entretenir ?

Lex ferma les yeux en se pinçant le nez.

– Je vais m’entretenir toute seule. J’ai mes indemnités de licenciement et je vais trouver autre chose. D’ailleurs Maman, c’est pour ça que je voulais t’appeler.

– Tu veux que Roger te pistonne ? supposa sa mère. Il peut sans doute te trouver une place au département comptabilité. Il cherche toujours du monde pour gérer l’administration quotidienne. Je peux lui demander de donner ton CV…

– Non. Merci, mais… non.

Lex prit une profonde inspiration. Comptable ? Vraiment ? Sa mère semblait être passée d’une colère sourde à une solution. C’était une femme d’affaires animée par la logique et l’action. Elle savait qu’il fallait se dépêcher pour bien faire, ce qui expliquait sûrement pourquoi elle était aussi déçue de savoir que Lex avait coupé court à sa carrière et à sa relation en une journée. Mais il était hors de question pour Lex d’abandonner si facilement et de devenir comptable. Lex lui annonça rapidement, comme on arrachait un pansement.

– Je veux que tu m’aides. Je vais ouvrir ma propre librairie d’occasion. J’ai juste besoin d’un petit apport d’argent, un investissement. Je te rembourserais avec mes bénéfices.

Il y eut une longue pause, atrocement longue pour Lex, qui avait l’impression que chaque seconde durait des heures.

– Je pense que je capte mal, Alexis, dit froidement sa mère. J’ai cru entendre que tu voulais ouvrir une librairie d’occasion.

– Oui, c’est ce que j’ai dit, répondit Lex, sa gorge devenant sèche. Maman c’est ce que j’ai toujours voulu. C’est le moment idéal. Je dois juste me lancer.

– Oh oui, c’est ce que tu as toujours voulu, lança sa mère. Surtout que ça a très bien fonctionné quand ton père s’est lancé. Ça nous a détruit et tu le sais. Ça a détruit notre mariage. Non. Je ne te laisserais pas foutre ta vie en l’air pour un rêve qui date de ton enfance. Ça fait bien longtemps Alexis. Il ne reviendra pas, même si tu ouvres une librairie pour lui.

Lex reprit une inspiration, sentant ces mots l’atteindre droit au cœur. C’était cruel, d’autant plus que c’était vrai. Elle le savait. Ce n’était pas juste pour ramener son père. Ce n’était pas ça du tout.

Elle voulait faire la seule chose qu’elle avait vraiment aimé, mettre tout son cœur à l’ouvrage et peut-être restaurer l’héritage qui aurait toujours dû être le sien.

– Je…, Lex déglutit difficilement, essayant de ne pas pleurer et cherchant ses mots. Je sais que je peux réussir.

Sa mère souffla de l’autre côté du fil, sa respiration grésilla dans le combiné.

– J’allais te proposer de prendre en charge ton loyer jusqu’à ce que tu retombes sur tes pieds, mais tu peux faire une croix sur ton investissement, dit-elle fermement. Je ne te donnerais pas d’argent supplémentaire tant que tu n’auras pas abandonné ce rêve ridicule. Jusqu’à ce que tu grandisses et que je sois sûre que tu ne dépenses pas mon aide dans tes histoires de contes de fées. J’enverrai mes chèques directement à ton propriétaire. J’ai déjà ses coordonnées vu que je t’ai aidé avec ta caution.

– Maman ! s’écria Lex.

Comment pouvait-elle faire ça ? Elle savait que Lex aurait beaucoup de mal, même pour les petites choses comme les courses et elle était assez aisée pour l’aider. Même si elle était soulagée de ne pas avoir à se préoccuper de son loyer, c’était aussi un calvaire de devoir accepter la charité de sa mère. Surtout si elle s’accompagnait de la condition d’abandonner son rêve si rapidement.

– C’est pour ton bien, ma chérie, dit sa mère gentiment malgré le ton grave de sa voix. Tu sais que je t’aime et que Roger tient aussi à toi. Mais je ne vais pas financer cette obsession ridicule. Reprends-toi en main et reviens à la réalité. Nous serons là pour toi à ce moment-là.

L’appel se coupa et Lex regarda le combiné dans sa main en se demandant comment sa propre mère pouvait avoir autant tort.

Elle allait devoir trouver un autre moyen de réaliser son rêve.

CHAPITRE QUATRE

Lex s’aspergea le visage d’eau, observant son reflet dans le miroir. Elle y voyait le même visage qu’elle avait toujours eu : des lèvres pulpeuses qu’elle avait héritées de sa mère, des yeux marron foncé surmontés par ses sourcils parfaitement dessinés et son nez retroussé. Tout cela encadré par ses cheveux : une frange coupée juste au-dessus des sourcils, le reste tombant jusqu’aux épaules.

– Alexis Blair, dit-elle en se regardant droit dans les yeux. Tu peux le faire. Tu vas réaliser ton rêve.

Elle se fixa quelques minutes de plus, jusqu’à ce qu’elle soit sûre d’être convaincue puis elle se détourna et s’essuya les mains. Sa vie semblait mal engagée : elle était au chômage, célibataire et devait compter sur sa mère pour payer son loyer.

Ça ne voulait pas dire que son rêve était sans espoir.

– Toucher le fond, se dit-elle à voix haute pour mieux se réconforter, signifie que tu peux repartir de zéro. Tu n’as plus rien à perdre. C’est ton moment.

Elle s’assit en face de son ordinateur, sentant son sang crépiter d’excitation et d’anticipation. Elle pouvait le faire, elle y arriverait.

Lex y avait bien réfléchi depuis l’appel de sa mère quelques heures auparavant, et elle n’avait pas beaucoup d’options devant elle. Elle ne pouvait pas ouvrir une librairie sans capital et elle n’en avait pas assez pour demander un prêt à la banque. De plus, il lui faudrait du temps pour faire ses recherches : trouver un emplacement, des fournisseurs, calculer les coûts et monter un business plan. Et du temps, elle n’en avait pas.

Elle savait qu’une librairie d’occasion était un projet viable. Par exemple, la librairie The Strand à New York avait tellement de succès qu’elle était célèbre dans le monde entier ! Lex n’avait même pas besoin d’être célèbre. Elle devait juste gagner assez d’argent pour en vivre. Ce n’était pas invraisemblable.

Pour se lancer, elle avait d’abord besoin d’un travail. Pour autant, ça ne voulait pas dire que ce travail devait être une perte de temps : un autre détour dans la quête de son rêve. Il pourrait même l’aider à l’atteindre. Elle avait commencé comme éditrice pour apprendre à connaître le marché et elle avait réussi. Maintenant elle voulait du concret, de l’expérience.

Et si elle voulait ouvrir une librairie d’occasion dans une petite ville, alors la meilleure préparation ne serait-elle pas de travailler dans une librairie d’occasion dans une petite ville ?

Lex fit craquer ses doigts, fixant la page ouverte du moteur de recherche devant elle. Elle devait trouver l’endroit idéal : un magasin qui vendait des livres d’occasion et surtout qui cherchait à embaucher. Elle n’était pas difficile, elle préfèrerait une position de manager qui payait mieux pour l’aider à économiser, mais peu importe. Elle pouvait se serrer la ceinture, déménager dans un plus petit espace quand sa mère arrêterait de couvrir son loyer, manger des nouilles trois fois par jour, tout ce qu’il faudrait pour mettre de l’argent de côté.

Elle ferait en sorte que ça fonctionne.

Lex tapa quelques mots-clés et commença à parcourir les sites de recrutement pour voir ce qu’elle pourrait trouver à Boston. Les grosses chaînes de magasins embauchaient, mais ça ne collerait pas. Elle avait besoin d’un magasin indépendant qui ne profitait pas des avantages d’un gros budget marketing et de vente en gros pour s’en sortir. De plus elle cherchait des livres d’occasion, pas du neuf. La vente d’occasion n’avait rien à voir avec la vente de nouveautés. C’était sans doute ce qui avait fait échouer son père. Se lancer dans un secteur de l’industrie du livre qu’il ne connaissait pas aussi bien qu’il le pensait.

Il y avait quelques librairies d’occasions que Lex connaissait déjà dans le coin, du moins assez proche pour qu’elle puisse s’y rendre en voiture, mais aucune n’avait de poste à pourvoir. Elle aurait souhaité rester en ville pour garder son appartement, mais plus elle cherchait, moins elle y croyait. Lex se mordit la lèvre et changea les paramètres de recherche pour regarder plus loin, espérant ne pas chercher une opportunité qui n’existait pas.

Après avoir écarté quelques offres qui ne correspondaient pas à ses critères, il ne lui en resta plus qu’une. Dans les quatre-vingts kilomètres autour de Boston, il n’y avait qu’une librairie d’occasion qui embauchait et ce n’était qu’un poste d’assistant commercial. C’était assez loin, elle ne pourrait donc pas garder son appartement. Non pas que ce soit une mauvaise chose. Au moins elle n’aurait plus à compter sur l’aide de sa mère, ce qui aurait été mauvais pour son égo.

Lex vérifia le salaire et faillit recracher son café. Il était élevé, le triple des autres offres qu’elle avait consultées. Même plus élevé que le salaire qu’elle touchait chez Enlivrez-vous.

Il devait y avoir erreur. Pourquoi une assistante commerciale gagnerait autant dans une librairie d’occasion ?

Lex ouvrit un nouvel onglet et tapa le nom du magasin, La Curieuse Librairie. Il n’y avait qu’un résultat, une image tirée de Street View montrant un petit magasin pittoresque situé dans un ancien bâtiment charmant. La façade était composée de boiseries et de briques apparentes. Il y avait un énorme « 36  » en cuivre au-dessus de la porte et Lex réalisa avec stupeur que la librairie de son père avait possédé le même numéro.

La coïncidence était étrange. Même si ça ne voulait rien dire, évidemment. Mais voir ces chiffres faillit lui tirer une larme. C’était peut-être le signe qu’elle devait se lancer.

Vérifiant de nouveau l’adresse pour être sûre de ne pas se tromper, Lex vit que le magasin se trouvait à Incanton. C’est une petite ville, près de la mer, à l’opposé de la tristement célèbre Salem sur la baie du Massachusetts, mais beaucoup plus bas sur la côte. Cliquant sur les images, Lex vit que la ville était aussi pittoresque que le magasin en lui-même, remplie de vieux bâtiments et d’étroites et tortueuses rues pavées, entourées d’arbres bien feuillus.

Étrangement, le cadre lui semblait familier. S’y était-elle déjà rendue ? Peut-être l’avait-elle vu dans un film. Elle avait un étrange sentiment de déjà-vu dont elle n’arrivait pas à se débarrasser. Elle était certaine de n’y être jamais allée, pour autant qu’elle s’en souvienne.

Rien dans ses recherches ne lui apprit pourquoi le magasin offrait un tel salaire. Après beaucoup d’investigations et de mauvais résultats, Lex trouva le site de La Curieuse Librairie, mais il n’y avait qu’une page d’accueil avec un numéro de téléphone et une ligne donnant l’information suivante : «  Uniquement sur rendez-vous  ». On aurait dit que le site avait été créé une dizaine d’années auparavant et qu’il n’avait jamais été mis à jour.

Aucun avis, aucun réseau social, aucune autre photo… Lex commençait à se dire que le magasin n’existait peut-être même pas. L’offre d’emploi était-elle réelle, ou était-ce une sorte d’arnaque ?

Elle n’avait pas vraiment d’autres pistes, elle pouvait au moins se renseigner. Lex nota le numéro et le composa.

– Bonjour, vous êtes bien chez La Curieuse Librairie, répondit une voix. Ici Montgomery David. Cherchez-vous un livre en particulier ?

Lex ne s’attendait à ce qu’on lui réponde si rapidement, elle dut se racler la gorge avant de parler.

– Oui, euh… Je vous appelle concernant l’offre d’emploi, dit-elle. Vous cherchez toujours quelqu’un ?

Montgomery, qui était sans doute le propriétaire, grogna.

– Peut-être. Vous avez de la chance. J’étais sur le point de prendre une décision. Pouvez-vous venir pour quinze heures ?

Lex cligna des yeux.

– Vous ne voulez pas d’abord connaître mes qualifications ?

Montgomery resta silencieux si longtemps qu’elle ne savait pas s’il l’avait entendu.

– Quelle est votre date de naissance ?

Lex hésita, pas certaine de savoir comment répondre. Voulait-il savoir si elle était trop jeune pour le poste ? Ou juste son anniversaire ?

– Le vingt-sept novembre, dit Lex.

Un autre long silence.

– Ah… une sagittaire. Eh bien… c’est le bon moment pour recruter.

Il ne dit rien pendant un long moment.

Lex était perplexe. De quoi parlait-il ? Était-ce une vraie offre ? Tout cela lui paraissait bien étrange. Elle allait raccrocher, lorsqu’il prit de nouveau la parole.

– D’accord, dit-il. Soyez là pour quinze heures.

Lex vérifia sa montre. Elle devrait se dépêcher de partir si elle voulait être à l’heure. Maintenant c’était elle qui hésitait. Était-ce réel ? De toute façon elle avait besoin de ce travail et ce n’était pas comme si son agenda était chargé. Et puis, son cœur s’emballa en pensant au salaire. C’était une sacrée somme.

– J’y serai.

– Très bien. À tout à l’heure. Oh, et n’allez pas vous promener dans les rayons et lire des livres avant que je ne vous trouve.

Elle était perplexe.

– Quoi ? Pourquoi ? demanda-t-elle, mais il avait déjà raccroché.

Le mystérieux Montgomery, peu importe qui il était, semblait très, très étrange. Que signifiait cet avertissement sur les livres ?

Mais que pouvait-elle faire d’autre ? Rester assise ici à attendre que ses indemnités soient épuisées pendant qu’elle cherchait désespérément une autre librairie d’occasion qui voudrait d’elle ? Non, c’était une opportunité, et Lex allait la saisir.

Elle se leva de sa chaise et attrapa quelques vêtements qu’elle enfonça dans un sac au cas où elle en aurait besoin. Puis elle sortit en trombe sans prendre le temps de faire une pause, prenant juste une veste avant de claquer la porte derrière elle.

Le magasin était assez loin et elle avait déjà l’impression d’être en retard.

CHAPITRE CINQ

Lex ralentit alors que sa voiture dépassait un panneau de bois peint en blanc sur lequel était calligraphiée l’entrée d’Incanton. Alors que le bruit du moteur faiblissait, elle entendit les cloches de l’église sonner à proximité, lui indiquant qu’il était quatorze heures trente. Se précipiter ici dans la panique semblait avoir bien fonctionné. Elle avait facilement devancé l’heure d’arrivée estimée par le GPS et elle avait même du temps libre pour se calmer et faire un tour en ville.

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