Notre Honneur Sacré - Джек Марс 7 стр.


« Le Fajr-3, avec son guidage de précision et ses multiples véhicules de rentrée, est presque impossible à abattre. Le programme Shahab-3 comprend assez de missiles, assez de puissance de feu, et la portée nécessaire pour bombarder chaque centimètre carré d’Israël. Les systèmes Ghadr-110, Ashoura, Sejjil et Bina peuvent tous nous atteindre, des milliers de projectiles et d’ogives individuels. Et, bien que ça ne paraisse guère urgent pour l’instant, ils travaillent toujours sur le missile lancé par le satellite Simorgh, qui est en cours d’essai et que nous pouvons estimer opérationnel d’ici un an. Une fois ce système en place…

Shavitz soupira. Le reste de la salle demeurait silencieux.

– Et notre système d’abris ? relança Yonatan.

Shavitz hocha la tête.

– Si on suppose que les Iraniens bluffent et ne possèdent aucune arme nucléaire, on peut affirmer en toute confiance que s’ils lancent une attaque majeure contre nous, un certain pourcentage de notre population gagnerait les abris à temps, que certains de ces abris tiendraient le coup, et que par la suite, une poignée de survivants en sortirait en vie. Mais ne croyez pas une seconde qu’ils reconstruiraient. Ils seraient traumatisés, démunis de tout, errant à travers un paysage lunaire et dévasté. Que ferait le Hezbollah alors ? Ou les Turcs ? Ou les Syriens ? Ou les Arabes ? Se précipiter pour apporter de l’aide et du réconfort aux derniers vestiges de la société israélienne ? Je ne le crois vraiment pas.

Yonatan prit une grande respiration.

– Y a-t-il d’autres options ?

– Juste une. Une idée lancée par les Américains. Envoyer en Iran un petit commando pour découvrir si les armes nucléaires sont réelles, et pour déterminer leurs positions. Puis les forces américaines viendraient frapper avec précision ces positions, peut-être avec notre participation, ou peut-être pas. Si les Américains lancent une attaque précise et limitée et ne détruisent que les armes nucléaires, les Iraniens peuvent hésiter à riposter.

C’était une idée que Yonatan détestait. Il la détestait à cause de toutes ces pertes inutiles – la perte d’agents précieux et hautement qualifiés – déjà subies lors de précédentes infiltrations en Iran. Il détestait cette idée parce qu’il serait obligé d’attendre pendant que les agents disparaîtraient, ignorant s’ils pourraient refaire surface et s’ils sauraient quoi que ce soit à ce moment-là. Yonatan n’aimait pas devoir attendre – pas quand l’horloge tournait et que les Iraniens pouvaient lancer leur attaque massive à tout moment.

Il détestait tout particulièrement cette idée parce qu’elle était venue apparemment de la Maison-Blanche de Susan Hopkins. Celle-ci n’avait aucune idée de la situation réelle d’Israël, et ne semblait pas s’en soucier. Elle était comme un perroquet à qui un maître réticent n’avait appris qu’un seul mot : Les Palestiniens. Les Palestiniens. Les Palestiniens.

– Quelles sont les chances qu’une telle mission réussisse ? demanda Yonatan.

– Très, très minces. Mais la tenter plairait certainement aux Américains, et leur montrerait la retenue dont on fait preuve. Si on limite tout ça dans le temps, mettons sur quarante-huit heures, on pourrait n’avoir rien à perdre.

– Peut-on se permettre tout ce temps ?

– Si on surveille de près tout signe d’une première frappe chez les Iraniens, et qu’on lance aussitôt notre propre frappe à quarante-huit heures, ça pourrait aller.

– Et si les agents sont tués ou capturés ?

– Une équipe américaine, avec peut-être un guide israélien ayant une bonne connaissance de l’Iran. L’Israélien sera un agent profondément infiltré, sans identité. Si les choses tournent mal, on niera simplement toute implication.

Shavitz marqua une longue pause.

– J’ai déjà l’agent idéal en tête.

CHAPITRE ONZE

12:10, heure normale de l’Est

Base Andrews

Comté du Prince George, Maryland


Le petit jet bleu au logo du département d’État américain peint sur ses flancs avança lentement sur la voie de roulage, puis opéra un virage serré à droite. Ayant déjà l’autorisation de décoller, il accéléra rapidement sur la piste, quitta le sol et grimpa à pic dans les nuages. Au bout d’un moment, il vira à gauche sur l’aile, en direction de l’océan Atlantique.

À l’intérieur, Luke et son équipe étaient retombés sans mal dans leurs vieilles habitudes, utilisant les quatre sièges passagers avant comme zone de réunion. Leurs bagages et leur équipement étaient disposés sur les sièges arrière.

Ils partaient plus tard que prévu. Ce retard était dû à Luke qui était parti voir Gunner à l’école. Il avait promis à son fils qu’il ne partirait jamais sans le lui annoncer en face, et l’informer du mieux qu’il pouvait de l’endroit où il se rendait. Gunner l’avait demandé, et Luke avait accepté.

Ils s’étaient retrouvés dans une petite pièce mise à leur disposition par le principal adjoint, un endroit où ils entreposaient des instruments de musique, surtout de vieux instruments à vent, beaucoup d’entre eux prenant la poussière.

Gunner n’avait pas trop mal pris la chose, tout bien considéré.

– Tu vas où ? avait-il demandé.

– C’est secret, petit monstre. Si je te le dis…

– Je le dirais à quelqu’un d’autre, qui le répètera à quelqu’un d’autre.

– Je ne crois pas que tu le dirais à personne. Mais rien que le savoir peut te faire courir un risque.

Il avait regardé son fils, qui faisait un peu la gueule.

– Ça t’inquiète ? avait-il demandé.

Gunner avait secoué la tête.

– Non. Je pense que tu sauras probablement prendre soin de toi.

À présent, dans l’avion, Luke sourit en lui-même. Drôle de gosse. Il avait traversé beaucoup d’épreuves, et n’avait pas pour autant perdu son sens de l’humour.

Luke parcourut son équipe du regard. Dans le siège près de lui était assis le gros Ed Newsam, en pantalon cargo kaki et T-shirt à manches longues. Massif, au regard d’acier, aussi éternel qu’une montagne. Ed avait pris de l’âge, sans aucun doute. Il y avait des rides sur son visage, surtout autour des yeux, qui n’y étaient pas auparavant. Et ses cheveux n’étaient plus autant d’un noir de jais – quelques mèches grises et blanches s’y éparpillaient.

Ed avait quitté l’Hostage Rescue Team du FBI pour ce job. Le FBI l’avait fait monter en grade – plus d’ancienneté, plus de responsabilités, plus de bureau, et beaucoup moins de temps sur le terrain. À l’entendre, Ed avait changé de boulot car il voulait revoir un peu d’action. Mais ça ne l’empêchait pas de réclamer plus d’argent. Peu importait. Luke était prêt à mettre le budget de la SRT à l’agonie s’il le fallait pour ramener Ed à bord.

Face à Luke, sur la gauche, se trouvait Mark Swann. Comme d’habitude, il étendait ses longues jambes dans l’allée, couvertes d’un vieux jean déchiré et chaussées de sneakers Chuck Taylor, pour que quiconque trébuche dessus. Swann avait changé, évidemment. Avoir survécu de justesse à sa détention par Daech l’avait rendu plus sérieux – il ne blaguait plus sur le danger des missions. Luke était content qu’il soit revenu – il y avait eu une période où Swann aurait pu devenir un reclus, ne plus jamais émerger de son penthouse au-dessus de la plage.

Puis il y avait Trudy Wellington, assise juste en face de Luke. Elle avait de nouveau ses cheveux bruns bouclés, et n’avait pas du tout vieilli. C’était logique. Malgré tout ce qu’elle avait vu et fait – le temps où elle était analyste pour la SRT originelle, sa relation avec Don Morris, son évasion de prison et le temps où elle s’était planquée –, elle n’avait guère que 32 ans. Dans son jean et son sweat vert, elle était aussi fine et attirante que jamais. À un moment donné, elle avait abandonné les grosses lunettes rondes de hibou à bords rouges derrière lesquelles elle avait pris l’habitude de se cacher. Maintenant ses jolis yeux bleus étaient mis en avant.

Et ils regardaient Luke fixement. Pas d’un air amical.

Que savait-elle de sa relation avec Susan ? Cela la mettait-elle en colère ? Pourquoi ?

– Est-ce que tu sais où tu mets les pieds, mec ? lança Ed Newsam.

Il avait prononcé ces mots d’un ton naturel, mais il y avait un certain tranchant, une tension sous-jacente.

– Tu veux dire, avec cette mission ?

Ed haussa les épaules.

– Ouais. Commence par ça.

Luke jeta un coup d’œil par le hublot. La journée était claire, mais le soleil était déjà derrière eux. Sous peu, alors qu’ils allaient plus à l’est, le ciel commencerait à s’assombrir. Cela lui donnait l’impression que des événements allaient surgir droit devant – une sensation familière, mais l’un des aspects de son travail qu’il appréciait le moins. C’était une course contre la montre. C’était toujours une course contre la montre, et ils étaient loin derrière. La guerre qu’ils essayaient d’empêcher avait déjà commencé.

– Je suppose que c’est ce qu’on va découvrir. Trudy ?

L’air de rien, elle prit la tablette sur ses genoux.

– Okay. Je vais supposer qu’on a aucune connaissance préalable.

– C’est bon pour moi, répondit Luke. Les gars ?

– Très bien, opina Swann.

– Écoutons voir, dit Ed, en se renversant dans son fauteuil.

– C’est à propos d’Israël et de l’Iran, commença Trudy. Ce n’est pas vraiment une histoire courte.

Luke haussa les épaules.

– C’est un long vol, remarqua-t-il.

***

– Israël est un pays jeune, qui n’existe que depuis 1948, expliqua Trudy. Mais l’idée de la Terre d’Israël en tant que lieu est sacrée pour le peuple juif depuis l’époque biblique, peut-être même depuis deux mille ans avant Jésus-Christ. La première référence écrite à Israël en tant que lieu se situe vers 1200 avant J.-C.. La région a été envahie, conquise et reconquise tout au long de l’Antiquité par les Babyloniens, les Égyptiens et les Perses, entre autres. Pendant tout ce temps, les Juifs ont perduré.

« En 63 avant J.-C., l’Empire romain a conquis la région et en a fait une province romaine. Pendant près de deux cents ans, elle est devenue le théâtre d’une lutte violente entre les Juifs et les Romains, qui s’est soldée par une destruction généralisée, un génocide et un nettoyage ethnique. La dernière révolte juive contre les Romains a échoué en 132 après J.-C., et la majorité des Juifs ont été soit tués soit dispersés – beaucoup sont allés au nord dans la Russie actuelle, au nord-ouest en Europe centrale et orientale, ou directement à l’ouest vers le Maroc et l’Espagne. Certains sont allés vers l’est, en Syrie, en Irak et en Iran. Une poignée a pu se diriger vers le sud, en Afrique. Et certains sont restés en Israël.

« Au fil du temps, l’Empire romain a périclité et la région a été conquise au milieu des années 600 par les Arabes, qui avaient eux-mêmes récemment adopté la nouvelle religion de l’Islam. Malgré les fréquentes attaques des Croisés chrétiens, la région est restée pour l’essentiel sous le contrôle des sultans musulmans pendant les neuf siècles suivants. En 1516, elle fut à nouveau conquise, cette fois par l’Empire ottoman. Sur les cartes ottomanes, dès 1600, la région que nous considérons comme Israël était dénommée Palestine. Lorsque l’Empire ottoman fut détruit pendant la Première Guerre mondiale, la Palestine passa sous le contrôle de ses nouveaux dirigeants, les Britanniques.

– Ce qui nous a créé les problèmes actuels, remarqua Ed.

– Naturellement, acquiesça Trudy. Tout au long de l’histoire, quelques Juifs sont restés sur place et, au fil des siècles, il y a eu de nombreuses tentatives idéalistes pour faire revenir les Juifs d’autres parties du monde. Au début des années 1900, ces efforts se sont intensifiés. La montée du nazisme a entraîné une augmentation considérable du nombre de Juifs quittant l’Europe. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la population de la Palestine était composée d’environ un tiers de Juifs. Après la guerre, un afflux massif de Juifs, survivants de l’Holocauste, quittèrent leurs communautés détruites à travers l’Europe et se rendirent en Palestine.

« En 1948 a été instauré l’État d’Israël. Ça a déclenché une série de conflits violents entre Juifs et Musulmans, qui se poursuivent encore aujourd’hui. Au cours des premiers combats, l’Égypte, la Syrie, la Jordanie et l’Irak ont envahi le pays, rejoints par des contingents d’irréguliers venus du Yémen, du Maroc, de l’Arabie Saoudite et du Soudan. Les Israéliens les ont repoussés. Au moins sept cent mille Arabes ont fui ou ont été expulsés par l’avancée des forces israéliennes vers les zones aujourd’hui connues sous le nom de Territoires palestiniens : la Cisjordanie et la bande de Gaza.

– Attends, là je pige pas, intervint Ed Newsam. 1948, c’est vieux. Et maintenant on a tous ces Palestiniens coincés à Gaza et en Cisjordanie. Pourquoi pas simplement leur donner leur liberté et les laisser avoir leur propre pays ? Ou à défaut, pourquoi pas leur donner à tous la citoyenneté et les intégrer à Israël ? L’un ou l’autre pourrait mettre un frein à tous ces combats.

– C’est plus compliqué que ça, dit Swann.

– Compliqué, pour le moins, ajouta Trudy. Impossible serait plus juste. D’abord, Israël s’est constitué en tant qu’État juif – la patrie de tous les Juifs du monde. C’est un projet en gestation depuis près de deux mille ans.

« Si Israël veut rester un État juif, il ne peut pas simplement intégrer les Palestiniens dans le pays en tant que citoyens. Ça enclencherait le compte à rebours d’une bombe à retardement démographique, qui exploserait tôt ou tard. Le pays dispose du suffrage universel : chaque citoyen a le droit de vote. Il y a environ six millions et demi de Juifs en Israël, et près de deux millions d’Arabes israéliens, dont la grande majorité sont musulmans. Il y a environ quatre millions et demi de Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie.

« Si les Palestiniens devenaient tous citoyens, la société serait soudain quasi coupée en deux entre Juifs et Musulmans, à part une petite poignée de Chrétiens et autres. Tout d’un coup, les Juifs ne seraient plus majoritaires. De plus, les Arabes israéliens et les Palestiniens ont un taux de natalité plus élevé que les Juifs israéliens, en général. En quelques décennies, les musulmans auraient une majorité nette et croissante. Voteraient-ils pour qu’Israël reste la patrie des Juifs ?

– J’en doute, émit Swann.

– Alors donnons leur liberté aux Palestiniens, argua Ed. Accordons-leur une nationalité. Ouvrons leurs routes, laissons-les contrôler leur propre espace aérien et maritime, laissons-les commercer avec les autres pays.

Trudy secoua la tête.

– Impossible aussi. Je fais rarement des déclarations absolues sur des événements futurs, mais j’ai examiné ces scénarios sous tous les angles. Peu importe qui dit quoi lors des négociations internationales, peu importe combien de fois l’assemblée générale des Nations unies vote une condamnation, jette un œil sur la nation palestinienne. Elle n’est jamais en voie de se réaliser. Pourquoi ? Parce qu’Israël ne le permettra jamais volontairement. L’idée même est absurde. C’est du suicide.

« Regarde, Israël existe dans un état de conflit parfois désespéré avec les pays qui l’entourent. La survie est toujours une question en suspens. La sécurité est la chose la plus importante dans la société israélienne, et l’assurer est un objectif majeur de l’État. Israël est un tout petit pays, tel qu’il est. Si la Cisjordanie n’était pas là comme zone tampon, et devenait de fait un pays étranger, la situation passerait instantanément de difficile à très, très dangereuse. Intenable. La plaine côtière du centre d’Israël est une étroite bande de terre, de la Cisjordanie à la mer, qui varie sur une grande partie de sa longueur de quinze à dix-huit kilomètres de large. N’importe qui pourrait parcourir cette distance à vélo en moins d’une heure.

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