Notre Honneur Sacré - Джек Марс 8 стр.


« La majorité de la population civile, ainsi que les secteurs industriels et technologiques du pays, y sont installés. Pour aggraver les choses, les terres de Cisjordanie sont des collines qui surplombent la plaine – il y a des endroits en Cisjordanie où l’on peut facilement distinguer la Méditerranée. Quand les extrémistes des pays arabes parlent de jeter les Israéliens à la mer, il ne faut pas oublier que le trajet est très court.

« Les Palestiniens sont alliés à l’Iran, et beaucoup d’entre eux sont hostiles à l’existence même d’Israël. Si on accorde aux Palestiniens le statut de nation, qu’est-ce qui empêchera les chars, les avions de chasse, les batteries de missiles et les troupes iraniennes de s’amasser à la frontière ? Et pas seulement à la frontière, mais aussi dans les hauteurs ? C’est un scénario cauchemardesque. De plus, les hauts plateaux de Cisjordanie abritent les sources des aquifères d’eau douce de la côte israélienne. Qu’est-ce qui empêcherait une Palestine souveraine de bloquer cette ressource en eau ?

« De plus, bien qu’Israël ne reconnaisse pas ses capacités nucléaires, il est largement admis qu’il possède entre cinquante et quatre-vingts armes nucléaires. La plupart d’entre elles seraient entreposées dans la base de missiles de Zachariah, au sud-est de Tel-Aviv, et d’autres dans le désert du sud. Mais certaines – peut-être jusqu’à vingt ou même trente pour cent – sont déployées dans des silos de missiles souterrains en Cisjordanie, à l’est de Jérusalem. Ce sont des armes datant des années 70-80, de la Guerre froide, qui sont probablement encore opérationnelles.

« Les dépenses, la logistique de transport et le tollé général rendraient presque impossible le retour de ces silos en Israël, et il est hors de question que les Israéliens permettent aux Palestiniens de gérer ces armes. Comme je l’ai dit, Israël n’en reconnaît même pas l’existence.

– Qu’est-ce que tu essaies de dire ? releva Luke.

– Je dis qu’Israël est confronté à une crise existentielle, où qu’il se tourne. S’ils accordent la citoyenneté aux Palestiniens, le concept même d’Israël est anéanti. S’ils laissent la Cisjordanie devenir une Palestine souveraine, le pays d’Israël est bombardé et anéanti. Ils suivent donc une troisième voie, pleine de dangers mais qui offre une certaine chance de succès. C’est la voie des tensions et conflits sans fin avec les Palestiniens, le Hezbollah, l’Iran et quiconque décide de les rejoindre. Vu de l’extérieur, ça peut sembler extrême, déséquilibré et très éprouvant, mais il s’agit en fait d’une décision simple, pragmatique et rationnelle. Développer et maintenir à tout prix la supériorité technologique, mobiliser militairement toute la population, et ne jamais baisser sa garde une seconde.

– Mais ça ne fonctionne que tant que t’as la supériorité technologique, remarqua Swann. Une fois que ton ennemi a rattrapé son retard…

– Exact, confirma Trudy. C’est là que t’as de gros problèmes. Et il semble bien que les Iraniens viennent juste de le rattraper.

– Ils l’ont vraiment fait ? s’enquit Luke. Ils ont des armes nucléaires ?

Trudy le regarda.

– Oui. Je suis quasi certaine qu’ils en ont.

***

Luke abaissa le store de son hublot.

Il avait regardé dehors, dans les vastes ténèbres, jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il n’y avait rien d’autre à voir que son propre visage qui se reflétait dans l’ombre.

Le jet Lear filait vers l’est, et Luke dirait qu’ils se trouvaient au-dessus de l’Atlantique nord, presque au niveau de l’Europe à présent. Ils volaient depuis des heures, et plus d’heures encore les attendaient avant d’arriver. C’était un long voyage.

Luke se tourna vers Trudy, assise de l’autre côté de l’allée centrale. À part Luke, elle était la seule encore éveillée.

Derrière elle, Swann s’était roulé en boule sur deux sièges. Il s’était vite endormi. Dans la rangée derrière Swann, Ed Newsam faisait de même. Ed était solide comme un roc, bien entendu. Mais Luke émettait quelques réserves concernant Swann. Ce n’était pas de sa faute – il était traumatisé par sa captivité aux mains de Daech. Il avait changé. Il n’était plus le même idiot blagueur et sarcastique qu’il avait été. Il était plus réservé désormais, plus prudent. Il parlait beaucoup moins. En surface, cela paraissait une bonne chose – de la sagesse, peut-être, ou de la maturité. Mais Luke soupçonnait qu’il manquait de confiance.

Swann avait été ébranlé jusqu’au plus profond de lui-même. Quand ça deviendrait chaud, quand le niveau de stress augmenterait, restait à voir comment il allait se comporter.

Luke porta son attention sur Trudy. Elle s’était endormie un petit moment, roulée en boule. À présent elle était réveillée de nouveau, et contemplait son hublot obscur. D’où il était, Luke distinguait une lumière clignotante sur l’aile.

– Il fait noir dehors, remarqua-t-il. C’est tout plein de vide.

– Oui.

– Qu’est-ce que tu regardes ?

– Exactement ça : le vide.

Il se tut. La situation entre eux était un peu gênante. Il supposa qu’elle le serait toujours. Il ne voulait pas aborder ce sujet avec elle maintenant, le temps qu’ils avaient passé ensemble, car Swann et Ed étaient là. Tous deux n’avaient rien à y voir, il ne voulait pas qu’ils se réveillent en plein milieu d’une discussion.

– Je me rappelle la dernière fois qu’on a eu un long vol ensemble, dit Luke.

– Moi aussi, opina-t-elle. La Corée. Vous autres m’aviez juste fait évader de prison. C’était une époque dingue. Je croyais ma vie finie. Je ne réalisais pas qu’elle ne faisait que commencer.

– Ta cavale, ça s’est passé comment ?

Elle haussa les épaules. Elle n’avait pas l’air d’avoir envie de le regarder.

– Je ne le referais pas de mon plein gré. Mais l’un dans l’autre, ça n’a pas été si terrible. J’ai beaucoup appris. J’ai appris à ne pas autant m’attacher à une identité précise. Trudy Wellington, c’est qui ? Une possibilité parmi des centaines. Je me suis teinte en blonde, comme tu l’avais suggéré. Je me suis aussi teinte en noir. À un moment donné, j’ai même rasé ma tête.

« Tu sais que j’ai fréquenté un groupe de manifestants de gauche en Espagne pendant un temps ? J’ai vraiment fait ça. J’ai appris l’espagnol au lycée, et l’Espagne était un endroit sûr pour disparaître. Personne n’avait la moindre idée de qui j’étais. Ils m’ont envoyé suivre une formation de secouriste, pour que je puisse être médecin de rue. Les gens se blessent beaucoup lors de ces manifestations – généralement des blessures mineures, mais les ambulances ne peuvent pas les atteindre. Les médecins de rue sont là, au milieu de l’action. J’ai vu pas mal de membres cassés et de crânes fêlés. J’ai pensé à Ed tout le temps que je l’ai fait – j’ai toujours eu beaucoup de respect pour ses compétences médicales. Et encore plus maintenant.

Elle se tourna enfin et fit face à Luke.

– Et j’ai beaucoup appris sur moi-même, des choses que j’avais besoin d’apprendre.

– Cites-en une importante, suggéra Luke.

Elle sourit.

– J’ai appris que je n’ai plus besoin de me donner à des hommes âgés. Je recherchais quoi, une protection ? De l’admiration ? C’était une habitude idiote de petite fille. J’ai fréquenté des hommes de mon âge ou plus jeunes ces deux dernières années, et ça a été plutôt chouette. J’ai décidé que je préférais des hommes qui n’essaient pas de m’apprendre quoi que ce soit.

Ouch. Luke souriait à présent. Cependant les mots lui échappaient.

– J’ai aussi appris que j’étais une survivante.

– C’est énorme, dit Luke.

– Ouais, fit-elle. Mais pas autant que le truc des hommes.

CHAPITRE DOUZE

13:45, heure normale de l’Est

Salle de crise

Maison-Blanche, Washington DC


– Quelle heure est-il là-bas ? demanda Susan.

Kurt consulta sa montre.

– Ah, neuf heures moins le quart du soir environ. On a prévu de lui parler à neuf heures.

– Okay, acquiesça Susan. Fais-moi un topo rapide.

Elle promena son regard dans la salle, comble comme d’habitude. Kurt se tenait au fond de la table oblongue, sa position favorite. Haley Lawrence était assis en compagnie d’une foule de généraux et d’amiraux, dont certains étaient des femmes, nota Susan avec plaisir. Les bords de la salle étaient remplis d’aides et d’assistants.

– Nous avons une crise en cours, dit Kurt. Et nous devons avancer avec prudence. Voilà le message.

Susan fit un mouvement circulaire de la main, comme pour dire développe.

– Comme la plupart des gens ici le savent, Israël est un de nos alliés stratégiques depuis sa fondation en 1948. Dans un monde en évolution constante, seuls une poignée de pays – l’Angleterre, le Canada, la France, l’Inde, l’Arabie Saoudite… (Kurt roula des yeux quand quelques personnes lancèrent des huées à la mention de l’Arabie Saoudite) le Maroc, et quelques autres – sont de notre côté depuis plus longtemps. En tant que pays relativement petit dans une région instable, la position d’Israël est au mieux précaire et, au cours des décennies, des tensions ont à plusieurs reprises éclaté en conflit ouvert avec une foule d’acteurs régionaux. Au début, ces conflits étaient le résultat d’attaques de pays voisins tels que l’Égypte, la Jordanie et la Syrie. Plus récemment, les conflits se sont concentrés sur le sort des Palestiniens déplacés lors de la création d’Israël et qui vivent dans une sorte de flou politique en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, terres dont Israël s’est emparé pendant la guerre des Six Jours en 1967. Tous les organismes internationaux, voire tous les pays de la planète, à part Israël et les États-Unis, considèrent Israël comme la puissance occupante de ces territoires.

« Les organisations terroristes islamiques utilisent cette situation comme un outil de collecte de fonds depuis deux générations. De plus, les pays musulmans peuvent attiser le sentiment anti-israélien chaque fois que cela sert leurs objectifs, tant que les Palestiniens restent dans les limbes.

– Quelle est notre politique à ce sujet ? demanda quelqu’un à l’arrière-plan.

– Bonne question, opina Kurt. Afin que tout soit bien clair, notre politique officielle est qu’il y a une négociation en cours, dont le résultat sera que la Cisjordanie et Gaza deviennent finalement un pays, probablement appelé Palestine, et que la Palestine et Israël coexistent pacifiquement et puissent même devenir des partenaires régionaux. En attendant, nous reconnaissons le droit d’Israël à sécuriser ses frontières et à empêcher les attaques des Palestiniens contre les civils israéliens. Nous ne reconnaissons pas le droit d’Israël à construire de prétendues colonies en territoire palestinien, et nous ne reconnaissons pas non plus Jérusalem comme capitale d’Israël. Nous la considérons comme une ville partitionnée : la moitié ouest en Israël, la moitié est en Cisjordanie.

– Et Yonatan ?

Kurt jeta un œil à la feuille de papier posée sur la table devant lui.

– Yonatan Stern. 63 ans. Marié, père de cinq enfants, grand-père de huit. Dans sa jeunesse, il a été commando dans l’unité d’élite Sayeret Matkal au sein de Tsahal. En 1976, il a été l’un des chefs du raid réussi sur l’aéroport d’Entebbe en Ouganda, où des commandos israéliens ont libéré plus de cent otages israéliens pris dans un avion détourné. Depuis qu’il a quitté l’armée, il a passé presque toute sa vie dans la politique israélienne comme va-t-en-guerre et partisan de la ligne dure. En ce moment, il se trouve au sommet d’une majorité indétrônable à la Knesset. Côté vulnérabilité, il fait actuellement l’objet d’au moins quatre enquêtes de police distinctes sur des affaires de corruption, allant de la réception de cadeaux de centaines de milliers de dollars de la part de riches partisans, jusqu’à la distribution de contrats militaires gouvernementaux préférentiels sans appel d’offres et la manipulation de l’industrie israélienne des télécommunications pour le compte de ses amis.

Kurt secoua la tête et siffla.

– Juridiquement, Stern est compromis. C’est réel, et ça a monopolisé une grande partie de son attention ces derniers mois. Il aura de la chance d’éviter la prison. Et il a aussi des problèmes sur le front diplomatique. Lors d’un voyage en Europe il y a trois semaines, il a été surpris à parler dans un micro ouvert, plaisantant avec l’idée d’une solution à deux États avec les Palestiniens, qu’il semblait écarter d’emblée. Apparemment, il ignorait que le micro était ouvert et il a dit que l’Union européenne était folle – oui, il a employé le mot « folle » – de s’inquiéter pour les Palestiniens. Vous pouvez imaginer à quel point ce petit faux pas a bien fonctionné dans les capitales européennes et au sein de la gauche israélienne.

Il se tourna vers Susan.

– Pour être clair, Yonatan Stern n’est pas un partenaire idéal. Mais je pense que nous devons également reconnaître qu’il n’est pas Premier ministre à vie, et qu’il y a beaucoup, beaucoup d’éléments dans la société israélienne qui cherchent une solution pacifique aux problèmes actuels. Israël a été et est toujours un allié important des États-Unis, et sa population civile est attaquée. Rien ne permet de dire pour l’instant quelle sera l’ampleur de cette attaque. Mais si l’Iran possède des armes nucléaires, comme ils le prétendent…

– Bien sûr, acquiesça Susan. Mon problème n’est pas avec Israël. Je comprends que la relation est bien plus large qu’avec Yonatan.

1

Coran, sourate 4 (An-Nisa’a), verset 74. En haut de la page : sourate 25 (Al Furqane), verset 52, et sourate 9 (At-Tawbah), verset 14. Version Oumma. (NdT)

2

Équivalent au ministère des Affaires étrangères aux USA. (NdT)

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