Le Déguisement Idéal - Блейк Пирс 5 стр.


Malgré tout cela, il était encore redoutable d’une façon ou d’une autre. Il portait un costume amidonné impeccable et une cravate comme s’il comptait entrer dans une salle de réunion du conseil d’une des entreprises les plus riches du pays. Son nez proéminent tressaillit légèrement comme s’il sentait des preuves à ce moment-même. Quant à ses yeux perçants de faucon, ils vrillèrent Jessie sur place en l’évaluant d’un seul regard.

– Je suis content de vous voir, Hunt, dit-il. Merci d’être venue. Je peux vous dire que Trembley ici présent a été content quand je lui ai annoncé la nouvelle.

Jessie jeta un coup d’œil à l’inspecteur Alan Trembley, qui était en train de se lever du sofa usé qui se trouvait contre le mur. Même s’ils avaient tous les deux commencé à travailler au Poste Central vers la même période, deux ans auparavant, Jessie ne pouvait s’empêcher de le considérer comme un bleu. C’était peut-être juste parce qu’il avait l’air si inexpérimenté par rapport à Ryan, ou alors, c’était peut-être parce qu’il ressemblait à un enfant à taille d’homme.

Trembley avait vingt-neuf ans, seulement un an de moins que Jessie, mais il donnait l’impression qu’il était encore à l’université. Ses cheveux blonds frisés étaient mal coiffés, ses lunettes tachées et sa veste de sport semblait avoir au moins deux tailles de trop, comme s’il l’avait empruntée à son père. Quand il se leva, nerveux, il faillit trébucher sur ses mocassins usés.

– Salut, Jessie, dit-il avec un sourire penaud. Je suis content que tu viennes m’aider.

– Comment ça va, Trembley ? demanda-t-elle.

– Oh, tu sais, aussi bien que d’habitude.

– Parfait, dit-elle en se retournant vers Decker. Bon, avant que nous n’allions plus loin, je veux juste être claire. Je suis venue vous écouter. Je ne m’engage à rien. Je vous le dis pour qu’on se comprenne.

Decker hocha la tête.

– J’aurais volontiers évité de vous appeler, mais nous sommes en sous-effectif. Toute la SSH, mis à part Trembley, travaille déjà sur d’autres affaires. L’inspecteur Reid enquête sur deux corps trouvés dans le parc historique d’État de Los Angeles. On dirait qu’ils ont été découpés et que les morceaux ont été enfouis à la hâte çà et là. Ils ont de quoi s’amuser.

Jessie ne dit rien, car elle sentait clairement qu’il n’avait pas fini. Elle avait raison.

– L’inspectrice Pointer enquête sur un meurtre à la chaîne près du complexe de divertissements de L.A. Live, poursuivit-il. Comme Hernandez n’est pas disponible, nous avons même demandé à Parker de la Brigade des Mœurs d’aider Pointer. De plus, comme Moses nous a quittés et comme vous êtes partie, nous avons demandé de l’aide à une autre division, qui doit nous envoyer un profileur. Nous n’avons pas encore de réponse mais, honnêtement, après vous avoir eus, vous et Moses, appeler une équipe de secours ne m’enthousiasme pas du tout.

– Compris, répondit Jessie, qui refusait d’accepter quoi que ce soit par culpabilité. Donc, en quoi consiste cette affaire ?

– Je vais vous donner la version courte, répondit Decker. C’est parce que, bien qu’une équipe d’inspecteurs du Poste de Hollywood soit déjà sur place, les responsables des lieux exigent que la SSH les remplace.

– Ils exigent ? répéta Jessie, incrédule. Je croyais que vous décidiez sur quelles affaires la SSH enquête.

– J’aurais enquêté sur cette affaire même si personne ne nous l’avait demandé, lui assura-t-il. Voici pourquoi : la victime est l’actrice Corinne Weatherly. Vous savez qui c’est ?

Jessie se creusa la cervelle.

– Je sais qui c’est, mais je ne peux pas dire que je connais son œuvre ; j’ai peut-être vu un ou deux films.

– Trembley pourra vous renseigner en route si vous prenez l’affaire. On dirait qu’elle a été tuée (étranglée, en fait) dans les Studios Sovereign pendant la nuit dernière après avoir fini sa journée de tournage. On ne l’a retrouvée que ce matin. Selon les premières déductions, elle a été tuée dans son mobile home puis le cadavre a été porté dans la section des accessoires. Apparemment, quand le mouleur en chef a découvert le corps, à première vue, il n’a même pas compris que c’était un vrai corps. Weatherly tournait dans un film d’horreur et la section regorgeait de faux cadavres. Vous pouvez imaginer la panique qu’il a ressentie quand il s’est rendu compte qu’elle était à la fois réelle et morte.

– Qu’est-ce que c’est qu’un mouleur ? dit Jessie.

Trembley intervint.

– C’est la personne chargée des effets spéciaux et du maquillage qui réalise les fausses blessures et donne un air réaliste au sang.

– OK, dit-elle en grimaçant. Ça a l’air dégoûtant.

Trembley eut l’air étonné par sa réponse.

– Je trouve surprenant qu’une profileuse criminelle confrontée à la brutalité réelle soit impressionnée par un homme qui crée de fausses blessures, fit-il remarquer.

– Bien vu, Trembley, dit Jessie.

– Bon, dit Decker en les interrompant impatiemment, les cadres du studio en font tout une affaire. L’identité de la victime a déjà fuité et ils veulent pouvoir déclarer au public que c’est l’unité anti-homicide la plus spécialisée de la Police de Los Angeles qui s’occupe de la situation. Ce n’est pas absurde mais, si nous n’envoyons pas nos meilleurs éléments résoudre cette affaire, ça donnera une mauvaise image de la section et de moi-même. Sans vouloir offenser Trembley ici présent, Ryan Hernandez est le meilleur inspecteur de la section et, comme Moses est mort, vous êtes de loin la meilleure profileuse que nous ayons.

– Avions, corrigea Jessie.

– Avions, concéda-t-il. Donc, si je n’ai pas Hernandez, il me faut au moins votre aide. C’est une affaire trop en vue pour que je la confie à des éléments de second rang.

Jessie n’apprécia pas ce que cela impliquait.

– Donc, si la victime avait été une employée d’épicerie inconnue de Hollywood, vous auriez accepté d’employer des … Quel terme avez-vous employé, déjà ? Des « éléments de second rang » ?

– Ne me compliquez pas la tâche, Hunt. Si cela avait été une employée d’épicerie, on ne nous aurait jamais appelés. Vous savez ce que fait la SSH. C’est notre spécialité. Alors, acceptez-vous de m’aider ?

Decker avait commencé sa phrase d’un ton grincheux mais, à la fin de sa phrase, son ton avait frôlé la supplication. Pour autant que Jessie se souvienne, c’était la première fois qu’il prenait ce ton-là. Elle ne put s’empêcher de ressentir une certaine compassion pour lui. En ce moment, malgré tout ce qui l’incitait à refuser, elle savait qu’elle allait dire oui.

– Si j’accepte, commença-t-elle, ce ne sera que pour cette fois-ci, comme consultante, comme Garland le faisait avant moi. Je ne suis pas employée de la Police de Los Angeles et on ne s’attendra pas à ce que je continue après cette affaire. D’accord ?

– D’accord, dit immédiatement Decker.

– J’ai des entretiens d’embauche à plusieurs universités la semaine prochaine. Je ne les manquerai pas, que cette affaire soit résolue ou pas. Je ne bousculerai pas ma vie pour elle, capitaine. C’est pour cette raison que je suis partie. Est-ce que c’est clair ?

– Limpide, dit-il en formant un début de sourire.

– Quant à Trembley ici présent, il devra faire des efforts, ajouta-t-elle. Pas question qu’il fasse le bête.

L’inspecteur eut l’air déçu, mais il ne dit rien.

– Je ne peux pas vous promettre ça, admit Decker avec ironie.

– Moi, si, lança Trembley, qui s’était vite remis de ses émotions.

Jessie le regarda. Il débordait d’enthousiasme et bondissait presque sur place. En ce moment-là, il était l’incarnation même de la bêtise.

– Allons-y, soupira-t-elle. C’est toi qui conduis.

CHAPITRE SIX

Alors qu’ils n’avaient été que cinq minutes dans la voiture, Jessie commença à regretter sa décision.

Trembley parlait sans arrêt et passait du coq à l’âne sans cohérence visible.

– Trembley ! finit-elle par dire pour l’interrompre. Calme-toi.

– Désolé, dit-il.

Elle jeta un coup d’œil à son téléphone qui vibrait. Jessie avait envoyé un SMS à Hannah pour lui dire qu’elle aidait la police sur une affaire. Elle vit alors que Hannah avait répondu en envoyant une unique émoticône à visage de fou. Quand Jessie expliquerait sa décision ce soir, ça serait dur. Kat n’avait pas encore répondu.

– Récapitulons ce que nous savons sur Corinne Weatherly et ce film, dit-elle. Je suppose que tu as des informations ?

– Ouais, dit-il avec un enthousiasme débridé avant de se calmer un peu. Je veux dire, oui. Est-ce que tu la connais ?

– Je ne suis pas très fan. Je sais qu’elle a tourné dans un film romantique il y a longtemps puis qu’elle a continué avec des films d’horreur. De plus, elle a participé à une émission nulle sur la police il y a longtemps. C’est tout ce que je sais.

– Tu sais le principal, confirma Trembley, qui semblait maintenant contrôler son exubérance. Elle a eu plusieurs petits rôles avant de devenir célèbre dans la comédie romantique Pétales et Irritabilité. Après, elle a obtenu le rôle principal dans le film d’horreur Maraudeur. Par contre, après ça, elle n’a pas vraiment percé. Elle a fait la suite du Maraudeur, qui était nulle. Les quelques années qui ont suivi, elle a participé à beaucoup d’autres trucs. Certains ont bien commencé mais ont fini par être nuls. Elle était dans la série Les Profileurs de Tacoma. Je croyais que tu l’aurais regardée.

– Je crois qu’elle a été diffusée pendant que j’étudiais pour ma maîtrise en psychologie judiciaire. À cette époque-là, je n’avais pas le temps de regarder grand-chose.

– Tu n’as pas manqué grand-chose, concéda Trembley. Elle se déroulait à Tacoma, mais ils l’ont filmée à Vancouver. Elle n’a duré que trois ans. Après ça, Corinne Weatherly a fait beaucoup de nullités. Je ne t’embêterai pas en rentrant dans les détails. Ce nouveau film était censé être son grand retour. C’était un autre Maraudeur, mais il devait renouveler le genre. Ils avaient embauché un réalisateur étranger à la mode. En fait, j’aurais voulu le voir, ce film. Je ne sais pas ce qu’ils vont faire, maintenant.

– Est-ce que les inspecteurs du Poste de Hollywood acceptent qu’on les remplace ? demanda-t-elle.

– J’ai parlé à une inspectrice de cette équipe avant que tu n’arrives au poste. Elle s’appelle Bray. Elle avait l’air un peu vexée, mais j’ai compris qu’elle était aussi un peu soulagée. Je crois qu’ils n’ont pas envie de subir le tohu-bohu que cette affaire va générer. Je veux dire, c’est quand même du lourd.

Jessie l’observa du coin de l’œil.

– Tu es sûr que tu vas pouvoir supporter ça, Trembley ? Je ne veux pas que tu t’affoles parce qu’on va croiser un groupe de célébrités. Il faut que tu gardes une distance professionnelle. Est-ce que tu peux le faire ?

Il eut l’air légèrement offensé.

– Bien sûr, dit-il.

Jessie n’en était pas entièrement convaincue.

*

Quand ils arrivèrent aux Studios Sovereign, Jessie remarqua qu’un petit mémorial avait été érigé près de la porte de l’entrée principale. Il n’y avait que quatre personnes avec quelques bougies et quelques affiches. Jessie ne savait pas si cela signifiait que Weatherly n’avait pas été si populaire que ça ou si la nouvelle ne s’était pas encore répandue.

Un vigile du studio corpulent à l’expression affable du nom de Paul les attendait. Il les dirigea vers le parking des invités, les suivit en voiturette de golf jusqu’à l’endroit où ils se garèrent et leur proposa de monter avec lui.

– Nous devons traverser la moitié du parking, dit-il pour s’expliquer. Ce serait loin, à pied.

Ils montèrent et il partit sur le sentier pavé. Jessie, qui avait étudié à l’Université de Californie du Sud et passé la plus grande partie de sa jeunesse en ville, n’avait jamais été impressionnée par sa proximité avec l’univers du cinéma, mais elle devait admettre que c’était très cool de pouvoir visiter un bâtiment où l’on tournait des films depuis presque cent ans. En route, ils passèrent devant un immense parking extérieur fermé situé en contrebas avec un énorme écran couleur ciel au fond.

– Qu’est-ce que c’est ? demanda Jessie en désignant l’endroit.

Paul le vigile suivit son doigt et sourit.

– Quand une production a besoin de tourner dans l’eau en environnement sécurisé, elle peut utiliser ça. Ils remplissent le parking avec de l’eau et il devient un énorme réservoir d’eau. Alors, ils peuvent projeter l’arrière-plan qu’ils veulent sur l’écran et, comme ça, vous êtes au milieu de l’océan, si vous le désirez.

Trembley se tourna vers Jessie avec une expression qui disait « C’est incroyable ». Elle lui adressa un regard noir et austère pour lui rappeler qu’il fallait qu’il se maîtrise. Cependant, Trembley devint presque fou quand la voiturette dépassa le réservoir et qu’il vit ce qu’il y avait derrière. Ils traversaient une restitution de plusieurs sections de New York City.

Une vitrine de bodega se dressait à côté d’une pizzeria. Ils passèrent devant un panneau de station de métro et Trembley se leva dans la voiturette pour voir jusqu’où les marches descendaient vraiment. Derrière les façades, Jessie remarqua qu’il n’y avait que des échafaudages et du vide. Ils passèrent un coin et l’apparence de la nouvelle rue changea du tout au tout.

– Quelle partie de la ville est-ce censé être ? demanda Trembley, incapable de se retenir.

– Là, c’est le Lower East Side, lui dit Paul le vigile quand ils passèrent devant une rangée de maisons de ville mitoyennes en grès rouge, mais nous avons aussi d’autres pâtés de maisons comme Greenwich Village, le Financial District et même Brooklyn. Nous avons aussi une rue de Chicago. La scène de crime est près de SoHo.

Cette dernière phrase fit disparaître une partie de son enthousiasme du visage de Trembley. Il se tut. Quelques secondes plus tard, ils s’arrêtèrent au fond du faux quartier, à côté d’une énorme salle de tournage avec « 32 » peint dessus.

– On y est, dit Paul comme si ce n’avait pas été évident, vu la foule qui s’affairait derrière le ruban jaune que la police avait installé près du studio.

– Paul, puis-je vous demander quelque chose ? essaya Jessie.

– Vous pouvez me demander ce que vous voulez, mais je ne vous promets pas d’avoir les réponses.

– J’en doute un peu, répliqua-t-elle. Vous semblez être la sorte de personne qui sait ce qui se passe par ici. Depuis combien de temps travaillez-vous dans ces studios ?

– Huit ans, dit-il. Avant, j’ai travaillé sept ans chez Sony. Je crois que je vais rester ici.

– Donc, vous savez comment ces endroits fonctionnent, dit-elle. À quoi ressemble le gardiennage de nuit, ici ? Est-il strict ou plus détendu ?

– Ça dépend. Il y a toujours du personnel. En général, nous fermons les portes latérales autour de minuit, mais il y a toujours quelqu’un à la porte principale. De plus, il y a des vigiles qui surveillent le parking toute la nuit. Cependant, s’il y a des tournages en cours la nuit, il nous faut bien évidemment plus de personnel.

– Y avait-il des tournages la nuit dernière ? demanda-t-elle.

– Tout devait se terminer à vingt-trois heures mis à part la production qui avait lieu juste ici, le film Maraudeur. Cependant, ils ont quand même fini tôt eux aussi, donc, nous en sommes restés à l’équipe de base.

– Savez-vous pourquoi ils ont fini tôt ? demanda Trembley.

Paul remua sur un pied puis sur l’autre, mal à l’aise.

– Allez, Paul, dit Jessie pour le réconforter. Vous savez pourquoi nous sommes ici. De plus, vous savez que ces cadres du studio vont nous donner la version édulcorée. Un homme comme vous, qui entend tout, connaît forcément la vérité.

Paul céda parce qu’il aimait qu’on le flatte ou parce qu’il n’arrivait plus à se taire.

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