Les vacances / Каникулы. Книга для чтения на французском языке - София Сегюр 2 стр.


LEAN

C’est bon! tu riras après; en attendant, viens chercher nos cousines; il va être huit heures.»

Ils coururent à la maison, allèrent frapper à la porte de leurs cousines, qui les attendaient et qui leur ouvrirent avec empressement. Ils se demandérent réciproquement des nouvelles de leur nuit, et descendirent pour courir à leur jardin et commencer leur cabane. En approchant, ils furent surpris d’entendre frapper comme si on clouait des planches.

CAMILLE

Qui est-ce qui peut cogner dans notre jardin?

MADELEINE

C’est sans doute[20] dans le bois.

CAMILLE

Mais non, les coups semblent venir du jardin.

LÉON

Ah! voici Marguerite; elle nous dira ce que c’est.»

Au même instant, Marguerite cria très haut: «Léon, Jean, bonjour; Sophie et Jacques sont avec moi.

– Ne crie donc pas si fort, dit Jean en souriant, nous ne sommes pas sourds.»

Marguerite courut à eux, les arrêta pour les embrasser tous, puis ils prirent le chemin qui menait au jardin, en tournant un peu court dans le bois.

Quelle ne fut pas leur surprise en voyant Jacques, le pauvre petit Jacques, armé d’un lourd maillet et clouant des planches aux piquets qui formaient les quatre coins de sa cabane. Sophie l’aidait en soutenant les planches.

Jacques avait très bien choisi l’emplacement de sa maisonnette; il l’avait adossé à des noisetiers qui formaient un buisson très épais et qui l’abritaient d’un soleil trop ardent. Mais ce qui causa aux cousins une vive surprise, ce fut la promptitude du travail de Jacques et la force et l’adresse avec lesquelles il avait placé et enfoncé les gros piquets qui devaient recevoir les planches avec lesquelles il formait les murs. La porte et une fenêtre étaient déjà indiquées par des piquets pareils à ceux qui faisaient les coins de la maison.

Ils s’étaient arrêtés tous quatre; leur étonnement se peignait si bien sur leurs figures que Jacques, Marguerite et Sophie ne purent s’empêcher de sourire, puis d’éclater de rire. Jacques jeta son maillet à terre pour rire plus à son aise.

Enfin Léon s’avança vers lui.

LÉON, avec humeur

Pourquoi et de quoi ris-tu?

JACQUES

Je ris de vous tous et de vos airs étonnés.

JEAN

Mais, mon petit Jacques, comment as-tu pu faire tout cela, et comment as-tu eu la force de porter ces lourds piquets et ces lourdes planches?

JACQUES, avec malice

Marguerite et Sophie m’ont aidé.»

Léon et Jean hochèrent la tête d’un air incrédule; ils tournèrent autour de la cabane, regardèrent partout d’un air méfiant, pendant que Camille et Madeleine s’extasiaient devant l’habileté de Jacques et admiraient la promptitude avec laquelle il avait travaillé.

CAMILLE

À quelle heure t’es-tu donc levé, mon petit Jacques?

JACQUES

À cinq heures, et à six j’étais ici avec mes piquets, mes planches et tous mes outils. Tenez, mes amis, prenez les outils maintenant: chacun son tour.

LÉON

Non, Jacques, continue, nous voudrions te voir travailler, pour prendre des leçons de ton grand génie.»

Jacques jeta à Marguerite et à Sophie un coup d’œil d’intelligence et répondit en riant:

«Mais nous travaillons depuis longtemps, et nous sommes fatigués. Nous allons à présent courir après les papillons.

LÉON avec ironie

Pour vous reposer sans doute?

MADELEINE

Précisément, pour nous reposer les mains et l’esprit.»

Et ils partirent en riant et en sautant.

Léon les regarda s’éloigner et dit:

«Ils ne ressemblent guère à des gens fatigués.»

Au même instant Camille et Madeleine se rapprochèrent avec inquiétude de Léon et de Jean.

CAMILLE

J’ai entendu les branches craquer dans le buisson.

MADELEINE

Et moi aussi; entendez-vous? On s’éloigne avec précaution.»

Pendant que Léon reculait en s’éloignant prudemment du buisson et des bois, Jean saisissait le maillet de Jacques et s’élançait devant ses cousines pour les protéger.

Ils écoutèrent quelques instants et n’entendirent plus rien. Léon alors dit d’un air mécontent:

«Vous vous êtes trompées; il n’y a rien du tout. Laisse donc ce maillet[21], Jean; tu prends un air matamore[22] en pure perte; il n’y a aucun ennemi pour se mesurer avec toi.

MADELEINE

Merci, Jean; s’il y avait eu du danger, tu nous aurais défendues bravement.

CAMILLE

Léon, pourquoi plaisantes-tu du courage de Jean? Il pouvait y avoir du danger, car je suis sûre d’avoir entendu marcher avec précaution dans le fourré, comme si on voulait se cacher.

LÉON, d’un air moqueur

Je préfère la prudence du serpent au courage du lion.

JEAN

Il est certain que c’est plus sûr.»

Camille, qui pressentait une dispute, changea la conversation en parlant de leur cabane. Elle demanda qu’on choisît l’emplacement; après bien des incertitudes, ils décidèrent qu’on la bâtirait en face de celle de Jacques. Ensuite ils allèrent chercher des pièces de bois et les planches nécessaires pour la construction. Ils firent leur choix dans un grand hangar où il y avait du bois de toute espèce. Ils chargèrent leurs planches et leurs piquets sur une petite charrette à leur usage; Léon et Jean s’attelèrent au brancard, Camille et Madeleine poussaient derrière, et ils partirent au trot, passant en triomphe devant Jacques, Marguerite et Sophie, qui couraient dans le pré après les papillons; ceux-ci allèrent se ranger en ligne au coin du bois et leur présentèrent les armes avec leurs filets à papillons, tout en riant d’un air malicieux. Jean, Camille et Madeleine rirent aussi d’un air joyeux; Léon devint rouge et voulut s’arrêter; mais Jean tirait, Camille et Madeleine poussaient, et Léon dut marcher avec eux.

Bientôt après, la cloche du déjeuner se fit entendre[23]; les enfants laissèrent leur ouvrage et montèrent pour se laver les mains, donner un coup de peigne à leurs cheveux et un coup de brosse à leurs habits.

On se mit à table: M. de Traypi demanda des nouvelles des cabanes.

«Marchent-elles bien, vos constructions? Êtes-vous bien avancés, vous autres grands garçons? Quant à mon pauvre Jacquot, je présume qu’il en est encore au premier piquet. Hé, Léon?

LÉON, d’un air de dépit

Mais, non, mon oncle; nous ne sommes pas très avancés; nous commençons seulement à placer les quatre piquets des coins.

M. DE TRAYPI

Et Jacques, hé, où en est-il?

LÉON, de même

Je ne sais pas comment il a fait, mais il a déjà commencé comme nous.

MARGUERITE

Dis donc aussi qu’il est bien plus avancé que vous autres, grands et forts, puisqu’il cloue déjà les planches des murs.

M. DE TRAYPI

Ha! ha! Jacques n’est donc pas si mauvais ouvrier que tu craignais hier, Léon?»

Léon ne répondit rien et rougit. Tout le monde se mit à rire; Jacques, qui était à côté de son père, lui prit la main et la baisa furtivement. On parla d’autres choses; de bons gâteaux avec du chocolat mousseux mirent la joie dans tous les cœurs et dans tous les estomacs. Après le déjeuner, les enfants voulurent mener leurs parents dans leur jardin pour voir l’emplacement et le commencement des maisonnettes, mais les parents déclarèrent tous qu’ils ne les verraient que terminées; ils firent alors ensemble une petite promenade dans le bois, pendant laquelle Léon arrangea une partie de pêche.

«Jean et moi, dit-il, nous allons préparer les lignes et les hameçons[24]; en attendant, allez, je vous prie, mes chères cousines, demander des vers au jardinier; vous les ferez mettre dans un petit pot pour qu’ils ne s’echappent pas.»

Camille et Madeleine coururent au jardin, où leurs cousins ne tardèrent pas à les rejoindre[25]; en quelques minutes le jardinier leur remplit un petit pot avec des vers superbes, et ils allèrent à la pièce d’eau, où ils trouvèrent Jacques, Marguerite et Sophie, qui avaient préparé un seau pour y mettre les poissons et du pain pour les attirer.

La pêche fut bonne; vingt et un poissons passèrent de la pièce d’eau dans le seau qui était leur prison de passage; ils ne devaient en sortir que pour périr par le fer et par le feu de la cuisine. La pêche était déjà bien en train, et l’on ne s’était pas encore aperçu que Jacques s’était esquivé. Madeleine fut la première qui remarqua son absence,mais elle ajouta:

«Il est probablement rentré pour arranger ses papillons.

– Les papillons qu’il n’a pas pris», dit Marguerite en riant, à l’oreille de Sophie.

Sophie lui répondit par un signe d’intelligence et un sourire.

«Qu’est-ce qu’il y a donc? dit Léon d’un air soupçonneux. Je ne sais pas ce qu’elles complotent, mais elles ont depuis ce matin, ainsi que Jacques, un air riant, mystérieux, narquois, qui n’annonce rien de bon.

MARGUERITE, riant

Pour vous ou pour nous?

LÉON

Pour tous; car, si vous nous jouez des tours[26] à Jean et à moi, nous vous en jouerons aussi.

JEAN

Oh! ne me craignez pas, mes chères amies: jouez-moi tous les tours que vous voudrez, je ne vous les rendrai jamais.

MARGUERITE

Que tu es bon, toi, Jean! Marguerite en allant à lui et lui serrant les mains. Ne crains rien, nous ne te jouerons jamais de méchants tours.

SOPHIE

Et nous sommes bien sûres que vous nous permettrez des tours innocents.

JEAN, riant

Ah! il y en a donc en train? Je m’en doutais[27]. Je vous préviens que je ferai mon possible pour les déjouer[28].

MARGUERITE

Impossible, impossible; tu ne pourras jamais.

JEAN

C’est ce que nous verrons.

LÉON

Voilà près de deux heures que nous pêchons, nous avons plus de vingt poissons; je pense que c’est assez pour aujourd’hui. Qu’en dites-vous, mes cousines?

CAMILLE

Léon a raison; retournons à nos cabanes, qui ne sont pas trop avancées; tâchons de rattraper Jacques, qui est le plus petit et qui a bien plus travaillé que nous.

JEAN

C’est précisément ce que je ne peux comprendre, Sophie, toi qui travailles avec lui, dis-moi donc comment il se fait[29] que vous ayez fait l’ouvrage de deux hommes, tandis que nous avons à peine[30] enfoncé les piquets de notre maison.

SOPHIE, embarrassée

Mais…, je ne sais,… je ne peux pas savoir.

MARGUERITE, vivement

C’est tout bonnement parce que nous sommes très bons ouvriers, très actifs, que nous ne perdons pas une minute, que nous travaillons comme des nègres.

MADELEINE

Savez-vous, mes amis, ce que nous faisons, nous autres? Nous ne faisons rien et nous perdons notre temps. Je suis sûre que Jacques est à l’ouvrage pendant que nous nous demandons comment il a fait pour tant avancer.

– Alons voir, allons voir, s’écrièrent tous les enfants, à l’exception de Marguerite et de Sophie.

– Il faut d’abord ranger nos lignes et nos hameçons, dit Sophie en les retenant.

– Et porter nos poissons à la cuisine dit Marguerite.

LÉON, d’un air moqueur et contrefaisant la voix de Marguerite

Et puis les faire cuire nous-mêmes, pour donner à Jacques le temps de finir.

JEAN, riant

Attendez, je vais voir où il est.»

Et il voulut partir en courant, mais Sophie et Marguerite se jetèrent sur lui pour l’arrêter. Jean se débattait doucement en riant; Camille et Madeleine accoururent pour lui venir en aide. Marguerite se jeta à terre et saisit une des jambes de Jean.

«Arrête-le, arrête-le; prends lui l’autre jambe», cria-t-elle à Sophie. Mais Camille et Madeleine se précipitèrent sur Sophie, qui riait si fort qu’elle n’eut pas la force de les repousser. Marguerite, tout en riant aussi, s’était accrochée aux pieds de Jean, qui lui aussi, riait tellement qu’il tomba le nez sur l’herbe. Sa chute ne fit qu’augmenter la gaieté générale; Jean riait aux éclats, étendu tout de son long sur l’herbe; Marguerite, tombée de son côté, riait le nez sur la semelle de Jean. Leur ridicule attitude faisait rire aux larmes Sophie, maintenue par Camille et Madeleine, qui se roulaient à force de rire. L’air brave de Léon redoubla leur gaieté. Il se tenait debout auprès des poissons et demandait de temps en temps d’un air mécontent: «Aurez-vous bientôt fini? En avez-vous encore pour longtemps?»

Plus Léon prenait l’air digne et fâché, plus les autres riaient. Leur gaieté se ralentit enfin; ils eurent la force de se relever et de suivre Léon, qui marchait gravement, accompagné d’éclats de rire et de gaies plaisanteries. Ils approchèrent ainsi du petit bois où l’on construisait les cabanes, et ils entendirent distinctement des coups de marteau si forts et si répétés qu’ils jugèrent impossible qu’ils fussent donnés par le petit Jacques[31].

«Pour le coup, dit Jean en s’échappant et en entrant dans le fourré, je saurai ce qu’il en est!

Sophie et Marguerite s’élancèrent par le chemin qui tournait dans le bois en criant: «Jacques! Jacques! garde à toi!» Léon courut de son côté et arriva le premier à l’emplacement des maisonnettes; il n’y avait personne, mais par terre étaient deux forts maillets, des clous, des chevilles, des planches, etc.

«Personne, dit Léon; c’est trop fort; il faut les poursuivre. À moi, Jean, à moi!»

Et il se précipita à son tour dans le fourré. Au bout de quelques instants[32] on entendit des cris partis du bois: «Le voilà! le voilà! il est pris! – Non, il s’échappe! – Atrape-le! à droite! à gauche!»

Sophie, Marguerite, Camille, Madeleine, écoutaient avec anxiété, tout en riant encore. Elles virent Jean sortir du bois, échevelé, les habits en désordre. Au même instant, Léon en sortit dans le même état, demandant à Jean avec empressement:

«L’as-tu vu? Où est-il? Comment l’as-tu laissé aller?[33]

– Je l’ai entendu courir dans le bois[34], répondit Jean, mais, de même que toi, je n’ai pu le saisir ni même l’apercevoir.»

Pendant qu’il parlait, Jacques, rouge, essoufflé, sortit aussi du bois et leur demanda d’un air malin ce qu’il y avait, pourquoi ils avaient crié et qui ils avaient poursuivi dans le bois.

LÉON, avec humeur

Fais donc l’innocent, rusé que tu es. Tu sais mieux que nous qui nous avons poursuivi et par quel côté il s’est échappé.

JEAN

J’ai bien manqué de le prendre tout de même; sans Jacques qui est venu me couper le chemin dans un fourré, je l’aurais empoigné.

LÉON

Et tu lui aurais donné une bonne leçon, j’espère.

JEAN

Je l’aurais regardé, reconnu, et je vous l’aurais amené pour le faire travailler à notre cabane. Allons, mon petit Jacques, dis-nous qui t’a aidé à bâtir si bien et si vite ta cabane. Nous ferons semblant de ne pas le savoir, je te le promets.

JACQUES

Pourquoi feriez-vous semblant?

JEAN

Pour qu’on ne te reproche pas d’être indiscret.

JACQUES

Ha! ha! vous croyez donc que quelqu’un a eu la bonté de m’aider, que ce quelqu’un serait fâché si je vous disais son nom, et tu veux, toi Jean, que je sois lâche et ingrat, en faisant de la peine à celui qui a bien voulu se fatiguer à m’aider?

LÉON

Ta, ta, ta, voyez donc ce beau parleur de sept ans! Nous allons bien te forcer à parler, tu vas voir.

JEAN

Non, Léon, Jacques a raison; je voulais lui faire commettre une mauvaise action, ou tout au moins une indiscrétion.

LÉON

C’est pourtant ennuyeux d’être joué par un gamin.

SOPHIE

N’oublie pas, Léon, que tu l’as défié, que tu t’es moqué de lui et qu’il avait le droit de te prouver....

LÉON

De me prouver quoi?

SOPHIE

De te prouver… que…, que....

MARGUERITE, avec vivacité

Qu’il a plus d’esprit que toi et qu’il pouvait te jouer un tour innocent, sans que tu aies le droit de t’en fâcher.

LÉON, piqué

Aussi[35] je ne m’en fâche pas, mesdemoiselles; soyez assurées que je saurai respecter l’esprit et la sagesse de votre protégé.

MARGUERITE, vivement

Un protégé qui deviendra bientôt un protecteur.

JACQUES, à Marguerite avec vivacité

Et qui ne se mettra pas derrière toi quand il y aura un danger à courir.

LÉON, avec colère

De quoi et de qui veux-tu parler, polisson?

JACQUES, vivement

D’un poltron et d’un égoïste.»

Camille, craignant que la dispute ne devînt sérieuse, prit la main de Léon et lui dit affectueusement:

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