«Voyons, ma bonne femme, laissez-vous faire, ne nous obligez pas à vous garrotter[50]! disait un gendarme. N’y a pas à dire, nous avons ordre de vous amener: il faudra bien que vous veniez. Le devoir avant tout.
MÈRE LÉONARD
Plus souvent que je viendrai, gueux de gendarmes[51], tueurs du pauvre monde! Pas si bête que de marcher vers la prison, où vous me laisseriez pourrir jusqu’au jugement dernier.
LE GENDARME
Allons, mère Léonard, soyez raisonnable; donnez le bon exemple à votre fille.
MÈRE LÉONARD
Je m’en moque bien[52], de ma fille. C’est elle, la sotte, l’imbécile, qui nous a fait prendre. Faites-en ce que vous voudrez, je n’en ai aucun souci.
– Vas-tu me laisser, grand fainéant[53]? criait le père Léonard à un autre gendarme qui le tenait au collet. Attends que je t’aplatisse d’un croc-en-jambe, filou, bête brute!»
Les gendarmes ne répondaient pas à ces invectives[54] et à bien d’autres injures que nous passons sous silence. Voyant que leurs efforts pour faire marcher les prisonniers étaient vains, ils firent signe à un troisième gendarme. Celui-ci tira de sa poche un paquet de petites courroies[55]. Malgré les cris perçants de Jeannette et de sa mère et les imprécations du père, les gendarmes leur lièrent les mains, les pieds, et les assirent ainsi garrottés sur un banc, pendant que l’un d’eux allait chercher une charrette pour les transporter à la prison de la ville.
Mme de Fleurville et ses compagnes étaient restées un peu à l’écart avec les enfants. MM. de Rugès et de Traypi s’étaient approchés des gendarmes pour savoir la cause de cette arrestation. Léon et Jean les avaient suivis.
«Pourquoi arrêtez-vous la famille Léonard, gendarmes? demanda M. de Rugès. Qu’ont-ils fait?
– C’est pour vol, monsieur, répondit poliment le gendarme en touchant son chapeau; il y a longtemps qu’on porte plainte contre eux, mais ils sont habiles; nous ne pouvions pas les prendre. Enfin, l’autre jour, au marché, la petite s’est trahie et nous a mis sur la voie.
M. DE RUGÈS
Comment cela?
LE GENDARME
Il paraîtrait qu’ils ont volé une pièce de toile[56] qui était à blanchir sur l’herbe. Ils l’ont cachée dans leur huche à pain, sous de la farine: mais, dans la nuit, la petite s’est dit: «Puisque mon père et ma mère ont volé la toile de la femme Martin, je puis bien aussi leur en voler un morceau; ça fait que j’aurai de quoi acheter des gâteaux et des sucres d’orge.» La voilà qui se lève et qui en coupe un bon bout. C’était la veille du marché. Le lendemain, la petite se dit: «Ce n’est pas tout d’avoir la toile, il faut encore que je la vende.» Et la voilà qui, sans rien dire à père et mère, part pour le marché et offre sa toile à la fille Chartier. «Combien en as-tu? lui dit la fille Chartier. «– J’en ai bien six mètres, de quoi faire deux chemises, répond la petite Léonard. – Combien que tu veux la vendre? – Ah! pas cher, je vous la donnerai bien pour une pièce de cinq francs. – Tope là[57], et je te la prends; tiens, voilà la pièce et donne-moi la toile.» Les voici bien contentes toutes les deux, la petite Léonard d’avoir cinq francs, la fille Chartier d’avoir de quoi faire deux chemises et pas cher. Mais, quand elle la rapporte chez elle, qu’elle la montre à sa mère et qu’elle la déploie pour mesurer si le compte y est, ne voilà-t-il pas que la farine s’envole de tous côtés; la chambre en était blanche; la mère et la fille Chartier étaient tout comme des meunières. «Qu’est-ce que c’est que ça? disent-elles. Cette toile a donc été blanchie à la farine? Faut la secouer. Viens, Lucette, secouons-la dans la rue; ce sera bien vite fait.» Les voilà qui secouent devant leur porte, quand passe la mère Martin. «Où allez-vous donc, que vous avez l’air si affairée? lui demanda la mère Chartier. – Ah! je vais porter plainte à la gendarmerie: on m’a volé ma belle pièce de toile cette nuit. Faut que je tâche de la rattraper. – Et moi je viens d’en acheter un bout qui n’est pas cher, dit la mère Chartier. – Tiens, dit l’autre en la regardant, mais c’est tout comme la mienne. Qu’est-ce que vous lui faites donc à votre toile? – Je la secoue; elle était si pleine de farine que nous en étions aveuglées, Lucette et moi. – Tiens, tiens! de la toile enfarinée? Mais où donc l’avez-vous eue? – C’est la petite Léonard qui me l’a vendue comme ça. – La petite Léonard? Où a-t-elle pu avoir de la toile aussi fine?… Mais!… laissez-moi donc voir le bout; cela ressemble terriblement à la mienne.» La mère Martin prend la toile, l’examine, arrive au bout et reconnaît une marque qu’elle avait faite à sa pièce. Les voilà toutes trois bien étonnées: la mère Martin bien contente d’être sur la piste de sa toile; la mère Chartier bien attrapée d’avoir donné sa pièce de cinq francs pour un bout de toile qui était volée; elles arrivent toutes trois chez moi et me racontent ce qui vient d’arriver. «Toute votre toile y est-elle? je dis à la femme Martin. – Pour ça non! répond-elle. Il y en avait près de cinquante mètres. – Alors il faut tâcher de ravoir les quarante-quatre mètres qui vous manquent, mère Martin. Laissez-moi faire; je crois bien que je vous les retrouverai. Nous allons bien surveiller le marché; si la femme ou le père Léonard y apporte votre toile, je les arrête; s’ils n’y viennent pas ou qu’ils y viennent avec rien que leurs sacs de farine, j’irai demain avec mes camarades faire une reconnaissance au moulin. Puisque c’est la petite Léonard qui vous en a vendu un bout, c’est que l’autre bout est au moulin. – Mais si elle la vend à quelque voisin? dit la mère Martin. – N’ayez pas peur, ma bonne femme, elle n’osera pas; tout le monde chez vous sait que votre toile est volée. – Je crois bien qu’on le sait, dit la mère Martin, je l’ai dit à tout le village, et j’ai envoyé mon garçon et ma petite le dire partout dans les environs, de crainte qu’elle ne soit vendue par là. – Vous voyez bien qu’il n’y a pas de danger», que je lui réponds. Et je me mets en quête[58] avec les camarades. Rien au marché, rien dans la ville. Alors nous sommes venus ce matin faire notre visite au moulin, avec un ordre d’arrêter, s’il y a lieu. Nous avons cherché partout; nous ne trouvions rien. Les Léonard nous agonissaient d’injures. Enfin, je me rappelle la farine que secouaient les femmes Chartier, et l’idée me vient d’ouvrir la huche; elle était pleine de farine; je fouille dedans avec le fourreau de mon sabre. Les Léonard crient que je leur gâte leur farine; je fouille tout de même, et voilà-t-il pas que j’accroche un bout de la toile; je tire, il en venait toujours. C’était toute la pièce de la mère Martin. Les Léonard veulent s’échapper; mais les camarades gardaient les portes et les fenêtres. On les prend; ils se débattent. J’arrête aussi la petite, qui crie qu’elle est innocente. Je raconte l’histoire de la toile enfarinée. La petite Léonard se trouble, pleure; la mère s’élance sur elle et la frappe à la joue; le père en fait autant sur le dos. Si les camarades et moi nous ne l’avions retirée d’entre leurs mains, ils l’auraient mise en pièces[59]. Tout cela a duré un bout de temps, monsieur; le monde s’est rassemblé; il y en a plus que je ne voudrais, car c’est toujours pénible de voir une jeune fille comme ça déshonorée, et des parents qui ont mené leur fille à mal.
– Vous êtes un brave et digne soldat, dit M. de Rugès en lui tendant la main; le sentiment d’humanité que vous manifestez à l’égard de ces gens qui vous ont accablé d’injures est noble et généreux.»
Le gendarme prit la main de M. de Rugès et la serra avec émotion.
«Notre devoir est souvent pénible à accomplir, et peu de gens le comprennent; c’est un bonheur pour nous de rencontrer des hommes justes comme vous, monsieur.»
Léon et Jean avaient écouté avec attention le récit du gendarme. Les dames et les enfants s’étaient aussi rapprochés et avaient pu l’entendre également, de sorte que Léon et Jean n’eurent rien à leur apprendre. Les Léonard avaient recommencé leurs injures et leurs cris; ces dames pensèrent que, n’ayant rien à faire pour les Léonard, il était plus sage de s’éloigner, de crainte que les enfants ne fussent trop impressionnés de ce qu’ils entendaient. On avait été obligé d’éloigner Jeannette de ses parents, qui, tout garrottés qu’ils étaient, voulaient encore la maltraiter. Mmes de Fleurville et de Rosbourg, et le reste de la compagnie, se dirigèrent vers une partie de la forêt assez élognée du moulin pour qu’on ne pût rien voir ni entendre de ce qui s’y passait. Les enfants étaient restés tristes et silencieux, sous l’impression pénible de la scène du moulin. M. de Rugès demanda à faire une halte[60] et à étaler sur l’herbe[61] les provisions que portait l’âne qui les suivait; ce moyen de distraction réussit très bien. Les enfants ne se firent pas prier[62]; ils firent honneur au repas rustique; crème, lait caillé, beurre, galette, fraises des bois, tout fut mangé. Ils causèrent beaucoup de Jeannette et de ses parents.
LÉON
Comment Jeannette a-t-elle pu devenir assez mauvaise pour voler et vendre cette toile avec tant d’effronterie?
MADAME DE FLEURVILLE
Parce que son père et sa mère lui donnaient l’exemple du vol et du mensonge. Bien des fois ils m’ont volé du bois, du foin[63], du blé, et ils se faisaient toujours aider par Jeannette[64]. Tout naturellement, elle a voulu profiter de ces vols pour elle-même.
CAMILLE
Mais comment osait-elle aller à l’église et au catéchisme? Comment ne craignait-elle pas que le bon Dieu la punît de sa méchanceté!
MADAME DE FLEURVILLE
Elle se tenait très mal à l’église; elle bâillait, elle détirait ses bras[65], elle se roulait sur son banc: ce qui prouve bien qu’elle n’y allait pas pour prier, mais pour faire comme tout le monde.
MADELEINE
Mais au catéchisme elle devait apprendre que c’est très mal de voler.
MADAME DE FLEURVILLE
Elle l’apprenait, mais elle n’y faisait pas attention.
JEAN
Eh, mon Dieu! c’est comme nous: si nous faisions tout ce que dit notre catéchisme, nous ne ferions jamais rien de mal.
LÉON
Dis-donc, Jean, parle pour toi; ne dis pas nous: moi, d’abord, je fais tout ce que me dit le catéchisme.
JACQUES
Ah! par exemple, non.
LÉON
Est-ce que tu y comprends quelque chose, toi, gamin! Tu parles toujours sans savoir ce que tu dis.
JACQUES
Est-ce ton catéchisme qui t’ordonne de répondre comme tu le fais? Est-ce bien lui qui te conseille de me battre quand tu es en colère, de dire des gros mots[66] et bien d’autres choses encore?
LÉON
Imbécile, va! si je ne méprisais ta petitesse, je te ferais changer de ton.
JACQUES
Tu méprises ma petitesse et tu crains papa et mon oncle, sans quoi....
M. DE TRAYPI , sévèrement
Jacques, tais-toi; tu provoques toujours Léon, qui n’est pas endurant, tu le sais.
JACQUES
Oh oui! je le sais, papa, et j’ai tort; mais,… mais,… c’était si tentant....
M. DE TRAYPI
Comment? tentant de dire des choses désagréables à ton grand cousin?
JACQUES
Papa, c’est précisément parce qu’il est grand; et comme vous étiez là pour me protéger....
M. DE TRAYPI , sévèrement
Tu t’es laissé aller[67]. Ce n’est pas bien, Jacques; ne recommence pas.
M. DE RUGÈS
À ton tour, Léon, tu mérites un reproche bien plus sévère que Jacques, parce que tu es plus grand.
LÉON
Je n’ai rien fait de mal, papa, ce me semble[68].
M. DE RUGÈS
Tu as été orgueilleux, impatient et maussade; tâche de ne pas recommencer non plus, toi; si je me mêle de tes discussions, ce ne sera pas pour te soutenir.
– Et pour tout oublier, dit Mme de Fleurville en se levant, je propose une partie de cache-cache, de laquelle nous serons tous, petits et grands, jeunes et vieux.
– Bravo, bravo! ce sera bien amusant, s’écrièrent tous les enfants. Voyons, qui est-ce qui l’est?
– Il faut l’être deux, dit Mme de Rosbourg; ce serait trop difficile de prendre étant seul.
– Ce sera moi et ma sœur de Fleurville, dit M. de Traypi; ensuite de Rugès avec Mme de Rosbourg; puis ceux qui se laisseront prendre. Une, deux, trois. La partie commence: le but est à l’arbre près duquel nous nous trouvons.»
Toute la bande se dispersa pour se cacher dans des buissons ou derrière des arbres.
«Défendu de grimper aux arbres! cria Mme de Traypi.
– Hou! hou! crièrent plusieurs voix de tous les côtés.
– C’est fait, dit M. de Traypi. Prenez de ce côté, ma sœur; je prendrai de l’autre.»
Ils partirent tout doucement chacun de leur côté, marchant sur la pointe des pieds, regardant derrière les arbres, examinant les buissons.
«Attention, mon frère! cria Mme de Fleurville, j’entends craquer les branches de votre côté.
– Ah! j’en tiens un», s’écria M. de Traypi en s’élançant dans un buisson.
Mais il avait parlé trop vite; Camille et Jean étaient partis comme des flèches et arrivèrent au but avant que M. de Traypi eût pu les rejoindre. Pendant ce temps Mme de Fleurville avait découvert Léon et Madeleine, elle se mit à leur poursuite; M. de Traypi accourut à son aide; pendant qu’ils les poursuivaient, Marguerite et Jacques les croisèrent en courant vers le but. Mme de Fleurville, croyant ceux-ci plus faciles à prendre, abandonna Léon et Madeleine à M. de Traypi et courut après Marguerite et Jacques; mais, tout jeunes qu’ils étaient, ils couraient mieux qu’elle, qui en avait perdu l’habitude, et ils arrivèrent haletants et en riant au but, au moment où elle allait les atteindre.
Essoufflée, fatiguée, elle se jeta sur l’herbe en riant, et y resta quelques instants pour reprendre haleine[69]. Elle alla ensuite rejoindre son frère, qui faisait vainement tous ses efforts pour attraper Léon, Madeleine et les grands; quant à Sophie, elle n’était pas encore trouvée. À force d’habileté et de persévérance, M. de Traypi finit par les prendre tous malgré leurs ruses, leurs cris, leurs efforts inouïs pour arriver au but. Sophie manquait toujours.
«Sophie, Sophie, criait-on, fais hou! qu’on sache de quel côté tu es.»
Personne ne répondait.
L’inquiétude commençait à gagner Mme de Fleurville.
«Il n’est pas possible qu’elle ne réponde pas si elle est réellement cachée, dit-elle; je crains qu’il ne lui soit arrivé quelque chose[70].
– Elle aura été trop loin, dit M. de Rugès.
– Pourvu qu[71]’elle ne se perde pas, comme il y a trois ans, dit Mme de Rosbourg.
– Ah! pauvre Sophie! s’écrièrent Camille et Madeleine. Allons la chercher, maman.
– Oui, allons-y tous, mais chacun des petits escorté d’un grand», dit M. de Traypi.
Ils se partagèrent en bandes et se mirent tous à la recherche de Sophie, l’appelant à haute voix; leurs cris retentissaient dans la forêt, aucune voix n’y répondait. L’inquiétude commençait à devenir générale; les enfants cherchaient avec une ardeur qui témoignait de leur affection et de leurs craintes.
Enfin Jean et Mme de Rosbourg crurent entendre une voix étouffée appeler au secours. Ils s’arrêtèrent, écoutèrent.... Ils ne s’étaient pas trompés.
C’était Sophie qui appelait:
«Au secours! au secours! Mes amis, sauvez-moi!
– Sophie, Sophie, où es-tu? cria Jean épouvanté.
– Près de toi, dans l’arbre, répondit Sophie.
– Mais où donc? mon Dieu! où donc? Je ne vois pas.»
Et Jean, effrayé, désolé, cherchait, regardait de tous côtés, sur les arbres, par terre: il ne voyait pas Sophie.
Tout le monde était accouru près de Jean, à l’appel de Mme de Rosbourg. Tous cherchaient sans trouver.
«Sophie, chère Sophie, cria Camille, où es-tu? sur quel arbre? Nous ne te voyons pas.
SOPHIE, d’une voix étouffée
Je suis tombée dans l’arbre, qui était creux[72]; j’étouffe; je vais mourir si vous ne me tirez pas de là.
– Comment faire? s’écriait-on. Si on allait chercher des cordes?»
Jean réfléchit une minute, se débarrassa de sa veste et s’élança sur l’arbre, dont les branches très basses permettaient de grimper dessus.
«Que fais-tu? cria Léon: tu vas être englouti avec elle.
– Imprudent! s’écria M. de Rugès. Descends, tu vas te tuer.»
Mais Jean grimpait avec une agilité qui lui fit promptement atteindre le haut du tronc pourri[73]. Jacques s’était élancé après Jean et arriva près de lui avant que son père et sa mère eussent eu le temps de l’en empêcher[74]. Il tenait la veste de Jean et défit promptement la sienne. Jean, qui avait jeté les yeux dans le creux de l’arbre, avait vu Sophie tombée au fond et s’était écrié:
«Une corde! une corde! vite une corde!»
Léon, Camille et Madeleine s’élancèrent dans la direction du moulin pour en avoir une. Mais Jacques passa les deux vestes à Jean, qui noua vivement la manche de la sienne à la manche de celle de Jacques, et jetant sa veste dans le trou pendant qu’il tenait celle de Jacques:
«Prends ma veste, Sophie; tiens-la ferme à deux mains. Aide-toi des pieds pour remonter pendant que je vais tirer.»
Jean, aidé du pauvre petit Jacques, tira de toutes ses forces. M. de Rugès les avait rejoints et les aida à retirer la malheureuse Sophie, dont la tête pâle et défaite apparut enfin au-dessus du trou. Au même instant, les vestes commencèrent à se déchirer. Sophie poussa un cri perçant. Jean la saisit par une main, M. de Rugès par l’autre, et ils la retirèrent tout à fait de cet arbre qui avait être son tombeau; Jacques dégringola lestement jusqu’en bas; M. de Rugès descendit avec plus de lenteur, tenant dans ses bras Sophie à demi évanouie[75], et suivi de Jean. Mme de Fleurville et toutes ces dames s’empressèrent autour d’elle; Marguerite se jeta en sanglotant dans ses bras. Sophie l’embrassa tendrement. Dès qu’elle put parler, elle remercia Jean et Jacques bien affectueusement de l’avoir sauvée. Lorsque Camille, Madeleine et Léon revinrent, traînant après eux vingt mètres de corde, Sophie était remise; elle put se lever et marcher à la rencontre de ses amis; elle sourit à la vue de cette corde immense.