Il Suffira D'Un Duc - Ingrao Sabine



Table des Matières

IL SUFFIRA DUN DUC

Chapitre Un

Chapitre Deux

Chapitre Trois

Chapitre Quatre

Chapitre Cinq

Chapitre Six

Chapitre Sept

Chapitre Huit

Chapitre Neuf

Chapitre Dix

Chapitre Onze

Chapitre Douze

Chapitre Treize

Chapitre Quatorze

Chapitre Quinze

Chapitre Seize

Chapitre Dix-sept

Chapitre Dix-huit

Chapitre Dix-neuf

Chapitre Vingt

Chapitre Vingt-et-un

Chapitre Vingt-deux

Chapitre Vingt-trois

Chapitre Vingt-quatre

Chapitre vingt-cinq

Chapitre Vingt-six

Chapitre Vingt-sept

Chapitre vingt-huit

Épilogue

À propos de lauteure


IL SUFFIRA DUN DUC


Elle doit se marier Et il va lui trouver un époux.

Quand la mère de Margaret Carberry la force à laccompagner à létage lors dun bal, Margaret ne simagine pas que ce soit pour lattacher sur un lit et fermer la porte à double tour. Hélas, la mère de Margaret a pris linitiative de déclarer la réputation de sa fille compromise que Margaret ait envie ou non de recourir à de telles stratégies pour piéger un futur mari.

Jasper Tierney, duc de Jevington, est surpris de tomber nez-à-nez avec une jeune femme à moitié dévêtue étendue sur son lit. Il est encore plus stupéfait de découvrir son identité. Margaret Carberry a la réputation dêtre incorrigiblement réservée, pas dêtre une séductrice, peu importe combien sa peau nue sur la literie paraît tentante. Quand Margaret déclare ne pas vouloir accepter les manœuvres de sa mère et souhaiter trouver un mari par elle-même, Jasper promet de lui apporter son aide, de peur que la mère de Margaret ne concocte un autre plan pour la placer dans une situation compromettante. Jasper est certain dune chose : il na aucune envie de se marier.

Tandis que Jasper travaille à unir Margaret à un duc de ses amis, la perspective dun mariage forcé avec elle perd de son ignominie initiale. Peut-être a-t-il manqué loccasion de trouver le bonheur ?

This is a work of fiction. Similarities to real people, places, or events are entirely coincidental.

IL SUFFIRA DUN DUC

Copyright © 2020 Bianca Blythe.

Written by Bianca Blythe.

Translated by Sabine Ingrao.

Published by Tektime.


Chapitre Un



JUIN 1820

Londres

La première règle pour faire tapisserie était de se procurer un excellent siège.

Margaret Carberry, fille du magnat écossais du même nom et parente dabsolument aucun aristocrate, nétait plus une novice dans lart de participer aux bals : sa mère acceptait chaque invitation.

Margaret se dirigeait dun bon pas vers la partie la plus calme de la salle, le plus loin possible des musiciens et des danseurs, exactement comme elle le faisait à chaque bal. Juliette et Geneviève seraient là, et elle se fraya un chemin parmi la foule des invités avec expertise. Les femmes portaient de fines robes de bal blanches ornées de rubans pastel et garnies de dentelle, une tentative indéniable de contrecarrer la chaleur estivale. Les hommes arboraient des sourires contraints, visiblement mal à laise avec leurs cravates savamment nouées, leurs gilets aux couleurs chatoyantes et leurs redingotes un peu étroites, cette dernière étroitesse étant le résultat dune saison de festins.

La deuxième règle pour faire tapisserie était de ninteragir avec personne. Margaret navait pas besoin de voir lexpression des invités changer quand ils sinquiétaient de devoir lui faire la conversation. Bien que léchelon supérieur de la bonne société ne soit pas enclin à la timidité, peu désiraient être vu en conversation avec elle.

Les mamans entremetteuses et les fiers papas ne sinterrogeaient plus sur le bien-fondé de trainer leurs deuxièmes et troisièmes fils pour faire sa connaissance, et Margaret ne se sentait plus embarrassée de tenter de converser avec la haute société : après tout, les résultats demeuraient identiques. Les premières notes chantantes de son accent écossais rencontraient la désapprobation de la crème de la crème, et quand ils établissaient lidentité de son père, ils sexcusaient avec empressement. Même ceux possédant des dettes considérables jugeaient préférable de supporter des rencontres embarrassantes avec leur tailleur et de sabrer dans le nombre de leurs domestiques que de mettre en danger leur respectabilité.

La haute société jugeait suspecte la présence de Margaret aux occasionnelles festivités, voyant en elle un indésirable nivellement par le bas de la société, évoquant des idéaux probablement partagés par les paysans armés de fourches qui avaient un jour peuplé lautre côté de la Manche. Le père de Margaret avait beau être plus fortuné que beaucoup dentre eux réunis, elle-même avait beau avoir fréquenté les mêmes finishing schools que les autres filles de la haute société, cela ne signifiait pas quelle en faisait partie.

Margaret se trouverait tout simplement un bon siège, puis discuterait avec ses chères amies. Même Maman ne sattendrait pas à ce quelle trouve un mari au dernier bal de la saison. Margaret sourit, alors que lors de sa première participation à un bal, ses joues avaient été douloureuses à force de feindre le ravissement. À présent, elle appréciait presque de se rendre à ces soirées mondaines.

La foule sépaissit, et Margaret posa une main sur son turban pour entraver tout instinct que les plumes qui le décoraient pourraient avoir de prendre leur envol. La seule chose pire que de porter une monstruosité emplumée serait de porter une monstruosité déplumée.

Aucune importance.

Cétait la dernière réception de la saison : cétait presque terminé.

Margaret navait peut-être pas trouvé de mari, mais elle ne serait pas la première femme à ne pas être fiancée après une seule saison. En outre, Papa nétait pas exactement appauvri. Maman conviendrait peut-être quelle navait nul besoin dune seconde saison, et quelle pourrait tout simplement se trouver un cottage dans le Dorset et vivre heureuse, confortablement installée avec ses volumes scientifiques préférés.

Les violons murmuraient plaisamment. Le corps de Margaret sallégea, et elle accéléra le pas.

Soudain, quelque chose de mouillé ruissela le long de sa robe, et une immanquable odeur dalcool envahit ses narines. Elle fronça les sourcils, mais elle navait pas rêvé un liquide glacé lui coulait bien le long du dos.

Sapristi !

Une flûte de champagne se brisa sous son pied sur le parquet en pin ciré du duc de Jevington, gâchant le dessin élaboré à la craie, et Margaret réprima un cri. Quavait-elle fait ? De toute évidence, la récente expérience de Margaret en matière de bals ne lavait pas préparée à éviter de renverser des verres. Du liquide sécoula à travers la robe de Margaret.

Double sapristi.

Elle tâtonna dans son dos avec hésitation et baissa les yeux sur les éclats de verre brisé, décorés avec un motif doré complexe.

Eh bien, le motif était à présent moins élaboré.

Quelques dames plus âgées lancèrent à Margaret des regards horrifiés, ouvrant la bouche et fronçant les sourcils avec un mépris inhabituel pour léventuelle formation de rides.

Un valet de pied se précipita, un mouchoir blanc serré dans la main. Il plongea au sol pour rassembler les éclats de verre.

Certaines débutantes tournèrent le buste vers toute cette agitation et sourirent dun air suffisant. Leurs manches bouffantes demeuraient sans la moindre tâche due au contact inopiné avec un liquide, et leur tissu recouvert de broderies dégageait un parfum de perfection non-alcoolisée.

Le ventre de Margaret se tordit. Ce bal était supposé être agréable. Et elle venait de tout gâcher.

Quelquun agrippa le coude de Margaret, et lorsquelle se retourna, elle vit sa propre mère.

Jai vu ce qui sest passé, dit Maman dun ton brusque. Comme cétait maladroit de votre part. Je suis accourue aussitôt.

Je-Je suis désolée, bégaya Margaret, prise de court par lapparition impromptue de sa mère. Je ne sais pas comment

Maman agita la main dune manière désinvolte peu habituelle chez elle.

Cela na aucune importance, ma chère.

Margaret en resta bouche bée. La plupart des choses étaient dune importance capitale pour Maman. Faire une bonne impression au duc de Jevington se classait probablement en tête des désirs de Maman. Cétait le bal du duc, et il ne séprendrait très probablement pas dune femme qui avait transformé son parquet ciré et étincelant en zone dangereuse.

Le duc ne se serait évidemment pas épris delle, même si Margaret navait pas accidentellement renversé un verre de champagne. Même dautres jeunes femmes faisant tapisserie jugeaient Margaret sans intérêt. Aucun duc ne désirait avoir une duchesse qui bafouillait quand elle parlait et dont les joues rougissaient à intervalles réguliers. La capacité de Margaret à énoncer des faits scientifiques avec le même enthousiasme que dautres mettaient à vanter leurs vagues relations avec la noblesse, était une piètre consolation.

Il faut vous sécher.

Maman passa le bras de Margaret sous le sien, comme si elle craignait que Margaret ne décide de gambader vers les autres danseurs pour entamer un quadrille dans sa tenue dégoulinante.

Elles progressèrent lentement vers la sortie, comme un plus grand nombre de gens affluaient vers la salle. Certaines personnes regardèrent Margaret avec curiosité, se demandant peut-être pourquoi elle avait décidé quune musique agréable, la danse et la nourriture étaient des expériences à délaisser, plutôt quà savourer. Dautres étaient occupés à lever la tête vers les merveilles peintes au plafond, comprenant des chérubins et des cieux céruléens, même si on ne voyait fréquemment ni les uns ni les autres au-dessus de Grosvenore Square.

Enfin, Margaret et sa mère purent franchir les solides portes en bois sculpté et se retrouvèrent sur létincelant carrelage noir et blanc du vestibule du duc. Margaret se dirigea vers le vestiaire. Partir en avance était embarrassant, mais au moins elles navaient pas aperçu le duc : cela devait être considéré comme une victoire. Le moment manquait de gloire, mais Margaret releva tout de même le menton. De lalcool lui dégoulina le long du dos, et elle frissonna.

Maman tira sur la manche de Margaret.

Allons à létage.

À létage ? dit Margaret dune voix tremblante. M-Mais.

Margaret sarrêta. Les invités ne saventuraient pas dans les étages. Elle se sentit ridicule de devoir rappeler les règles de létiquette à sa mère. Après tout, cétait sa mère qui les lui avait enseignées.

Maman laissa échapper un petit gloussement, et Maman ne gloussait jamais.

Margaret la regarda dun air soupçonneux. Sa mère agissait de façon très étrange. Margaret avait souvent souhaité que sa mère soit moins stricte et catégorique, mais elle ne sétait certainement pas attendue à voir Maman se transformer en une femme qui batifole dans la résidence du duc.

Ne soyez pas aussi collet monté, ma chère, dit Maman. Si je dis que cest convenable, ça lest.

Maman avait toujours été lincarnation de la bienséance, auparavant.

Margaret hésita, mais sa mère la tira dun coup sec vers un escalier imposant. Un frisson, à ne pas mettre uniquement sur le compte du champagne renversé, descendit furtivement le long de la colonne vertébrale de Margaret.

Nous ne devrions pas aller là, dit Margaret. Ce sont les appartements du duc.

Balivernes, chuchota Maman. Vous ne pouvez pas garder du champagne sur votre robe. Cest inconvenant. En outre, le duc est dans la salle de bal.

Les yeux de Maman pétillèrent, et ses lèvres restèrent recourbées dune façon plus communément aperçue chez les gens assistant à un opéra-comique. Elle entreprit lascension des marches de marbre avec détermination, balayant lourlet de sa robe contre la balustrade avec une telle force que certains des rubans qui sy trouvaient cousus se dénouèrent. Visiblement, la femme de chambre de Maman navait pas été préparée à lénergie de Maman.

Margaret frémit à lidée de ce que Maman pourrait faire à létage, où elle risquait de céder à lenvie de fureter partout. Maman pouvait difficilement errer seule dans les recoins privés de la résidence.

Margaret jeta un coup dœil en direction du majordome. Heureusement, il était occupé à surveiller la porte pas ce qui se passait à lintérieur de la résidence. Margaret soupira et suivit sa mère, glissant une main gantée de dentelle sur la rampe. Dans des cadres dorés, des peintures de différents paysages magnifiques, vraisemblablement les immenses terres du duc, garnissaient les escaliers. Tout était superbe, même sil était peu probable que des amateurs dart ne se hissent en haut des marches pour détailler les peintures. Sil y avait dautres peintures dans la résidence, elles devaient être encore plus exceptionnelles.

Le pallier non-éclairé sembla un peu inquiétant, mais une bonne sapprocha bientôt delles en tenant une lanterne. Margaret se recroquevilla. Elles étaient découvertes.

Sapristi.

Margaret se dandina, se préparant à affronter un regard glacé et un mot sévère, comme ceux adressés à ses camarades de classe à leur finishing school, mais qui navaient jamais été dirigés vers elle. Margaret obéissait aux règles, même celles qui nétaient pas écrites. Elle était suffisamment maligne pour ne pas errer dans les étages, même si le duc ne se promenait pas en ce moment dans les couloirs sombres.

La bonne allait leur dire de partir dune minute à lautre. Mais à la place, la bonne hocha la tête à ladresse de Maman.

Par ici.

Margaret cligna des paupières. La bonne avait-elle assisté à lincident et était-elle montée par un autre escalier ? Mais les bonnes nétaient généralement pas présentes lors des bals. Peut-être un valet lavait-il informée ? Margaret fronça les sourcils.

La bonne avançait dun bon pas, passant devant des buffets et des vases démesurés en porcelaine bleu et blanc qui avaient lair somptueux même dans cette pauvre lumière, et Maman et Margaret se dépêchèrent après elle. Leurs pieds senfoncèrent dans des tapis luxueux qui assourdissaient leurs pas, mais létrange silence napaisait pas le cœur battant toujours plus vite de Margaret. Un sourire béat rayonnait sur les lèvres de Maman, alors que dordinaire elle aurait marmonné que la démarche rapide de la bonne nétait pas nécessaire.

Enfin, la bonne sarrêta devant une porte.

Cest ici.

Merci, dit Maman en pressant quelque chose dans les mains de la bonne. Jai bien peur davoir besoin de votre aide.

La bonne hocha gravement la tête.

Bien sûr. Elle est plutôt grande.

Linstant daprès, la bonne saisissait les poignets de Margaret et la trainait à lintérieur de la pièce.

Que faites-vous ? sécria Margaret en luttant contre la solide prise de la bonne.

Margaret était en pleine confusion. Les bonnes nétaient pas supposées tirer quelquun dans les chambres. Personne nétait supposé faire cela.

Maman ? plaida Margaret.

Des mains poussèrent Margaret. Des mains qui nappartenaient pas à la bonne. Les deux mains de la bonne étaient refermées autour des poignets de Margaret, comme des menottes de fortune. Le parfum de lavande préféré de sa mère qui flotta autour de Margaret, ne laissa aucune équivoque : Maman la forçait à entrer dans la pièce. Maman nétait pas encline à faire des câlins, et pourtant, à présent, elle poussait le dos de Margaret.

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