Александр Дюма
Les Trois Mousquetaires. Уровень 1 / Три мушкетера
© Ефимова М. С., адаптация текста, комментарии, упражнения и словарь, 2023
© ООО «Издательство АСТ», 2023
Alexandre Dumas
Les Trois Mousquetaires
Chapitre I
Le premier lundi du mois davril 1625, un jeune homme est arrivé au bourg de Meung. Traçons-nous son portrait dun seul trait de plume[1]: il ressemblait don Quichotte à dix-huit ans. Son visage était long et brun. Dans cet homme on reconnaissait le Gascon, même sans béret, et notre jeune homme portait un béret orné dune plume.
Le jeune homme avait un cheval. Ce cheval était jaune de robe[2], et quand il marchait, sa tête était plus basse que les genoux. Lapparition de ce cheval à Meung produisait une sensation qui était pénible au jeune dArtagnan (ainsi sappelait notre don Quichotte).
Comme il descendait de cheval à la porte de lhôtel du Franc-Meunier[3], dArtagnan a vu dans la fenêtre un haut gentilhomme qui parlait avec deux personnes. DArtagnan a cru, selon son habitude, être lobjet de la conversation[4] et a décidé de lécouter. Mais ce nétait pas de lui dont on parlait, mais de son cheval. Le gentilhomme décrivait toutes ses qualités, et les auditeurs éclataient de rire à tout moment[5]. DArtagnan a été réellement insulté. Il sest avancé, une main sur la garde de son épée.
Eh! Monsieur, il a dit, dites-moi de quoi vous riez, et nous rirons ensemble.
Je ne vous parle pas, monsieur.
Mais je vous parle, moi!
Linconnu la regardé avec un léger sourire. Il est sorti lentement de lhôtel pour venir à deux pas de dArtagnan. DArtagnan, le voyant arriver, a tiré son épée hors du fourreau[6].
Tel rit du cheval qui noserait pas rire du maître[7]! il sest écrié.
Je ne ris pas souvent, monsieur, mais je voudrais conserver le privilège de rire quand il me plaît[8].
Et moi, sest écrié dArtagnan, je ne veux pas quon rie quand il me déplaît!
En verité, monsieur? Eh bien, cest parfaitement juste.
Avec ses mots le gentilhomme sest dépêché de rentrer à lhôtel où il avait un cheval tout sellé[9].
Mais dArtagnan ne voulait pas lâcher un homme qui sétait moqué de lui[10].
Tournez, monsieur, que je ne vous frappe par-derrière[11]!
Mon cher, vous êtes foux!
Le gentilhomme inconnu sest mis en garde[12], mais tout à coup[13], ses deux auditeurs, accompagnés par lhôte, sont tombés sur dArtagnan à grands coups de bâtons[14]. Et cet homme inconnu, qui avait été acteur du combat, est devenu spectateur.
Je vais te tuer, lâche! criait dArtagnan.
Sur mon honneur[15], ces Gascons sont incorrigibles!
Le combat a continué donc quelques secondes encore, mais un coup de bâton a brisé lépée de dArtagnan en deux morceaux[16]. Un autre coup la blessé.
Lhôte a décidé de laider et lui faire accorder les soins nécessaires[17]. Il a raconté au gentilhomme inconnu quil avait trouvé chez dArtagnan une lettre adressée à M. de Tréville, le capitaine des mousquetaires. Cétait une lettre de recommendation[18] que dArtagnan avait reçue de son père.
«Si seulement je pouvais savoir ce que contient cette lettre adressée à Tréville!» a pensé le gentilhomme. Il sest dirigé vers la cuisine.
Pendant ce temps lhôte a expliqué au jeune homme que la police pourrait bien lui faire un mauvais parti[19] pour avoir été chercher querelle à un grand seigneur, cest pourquoi le jeune homme devait continuer son chemin, malgré sa faiblesse. DArtagnan sest levé et a commencé à descendre, mais tout à coup, il a aperçu son provocateur parlant avec une jeune femme. Cétait une pâle et blonde personne, aux longs cheveux bouclés tombant sur ses épaules, aux grands yeux bleus, aux lèvres rosées et aux mains dalbâtre.
Ainsi, Son Éminence[20] mordonne, disait la dame.
De retourner en Angleterre, et de la prévenir si le duc quittait Londres.
Et quant à mes autres instructions? a demandé la belle.
Elles sont renfermées dans cette boîte. Ne louvrez que de lautre côté de la Manche[21].
Et vous allez retourner à Paris sans châtier ce petit garçon?
DArtagnan qui avait tout entendu a crié:
Cest ce petit garçon qui châtie les autres[22]. Devant une femme, vous noserez pas fuir!
Le moindre retard peut tout perdre! a crié Milady au gentilhomme inconnu.
Vous avez raison, a répondu le gentilhomme, partez donc de votre côté[23], moi, je pars du mien.
Les deux interlocuteurs sont partis donc au galop, séloignant chacun par un côté opposé de la rue[24].
Ah! lâche, ah! misérable, ah! faux gentilhomme! a crié dArtagnan, mais elle, bien belle!
Grace au baume, dont la recette lui avait donné sa mère, dArtagnan était à peu près guéri[25] le lendemain. Avant le départ il a commencé à chercher sa lettre, tournant et retournant vingt fois ses poches, mais la lettre était introuvable. DArtagnan est entré dans un accès de rage[26].
Ma lettre de recommendation! Dabord, je vous en préviens, cette lettre est pour M. de Tréville, et il faut quelle se retrouve[27].
Cette lettre nest point perdue[28], a dit lhôte, elle vous a été prise par le gentilhomme dhier. Il est resté seul à la cuisine. Il la volée!
Alors cest mon voleur, a répondu dArtagnan, je men plaindrai à M. de Tréville[29], et M. de Tréville sen plaindra au roi.
Lhôte a accompagné dArtagnan jusquà la porte. Le jeune homme est remonté sur son cheval jaune[30], et sans autre incident la monture lui a conduit jusquà la porte Saint-Antoine à Paris, où son propriétaire la vendue trois écus[31].
À Paris dArtagnan a loué une chambre qui était une éspèce de mansarde[32]. Le jeune homme était heureux de savoir que sa chambre se trouvait près de lhôtel de M. de Tréville.
Chapitre II
M. de Tréville avait commencé comme dArtagnan, sans un sou vaillant[33], mais avec de laudace et de lesprit. Il était lami du roi et le roi lavait fait le capitaine de ses mousquetaires qui étaient dévoués au roi. Quand le cardinal Richelieu avait vu cette formidable élite autour du roi, il avait voulu avoir sa propre garde. Il y avaient beaucoup de querelles entre les gardes du cardinal et les mousquetaires du roi, pendant lesquelles ils étaient tués parfois mais sûrs dêtre pleurés et vengés[34]. Si les mousquetaires tuaient les gardes, M. de Tréville toujours était prêt à les sauver de la prison[35].
La cour de lhôtel de M. de Tréville ressemblait à un camp. DArtagnan est tombé au milieu dune troupe de gens dépée[36] qui se croisaient dans la cour, se querellant et jouant entre eux. Beaucoup de mousquetaires se battaient.
Au centre du groupe le plus animé était un mousquetaire de grande taille. La bizarrerie de son costume attirait sur lui lattention générale. Un long manteau découvrait par-devant seulement[37] le splendide baudrier avec une grande rapière.
Ah! Portos, a dit un de ses interlocuteurs, je crois que ce baudrier ta été donné par la dame voilée[38] avec laquelle je tavais rencontré!
Non, sur mon honneur de gentilhomme, je lai acheté moi-même, et de mes propres deniers[39]! Nest-ce pas, Aramis? a dit Porthos se tournant vers un autre mousquetaire.
Cet autre mousquetaire était un jeune homme à loeil noir et doux et aux joues roses[40]. Il parlait peu et lentement, riait sans bruit[41] en montrant ses belles dents, dont, comme du reste de sa personne, il semblait prendre le plus grand soin[42]. Il a répondu par un signe de tête affirmatif[43] à son ami.
M. de Tréville attend M. dArtagnan, les a interrompus un laquais en ouvrant la porte du cabinet.
Chapitre III
M. de Tréville a salué poliment le jeune homme, mais lui a demandé la permission den finir avec les autres[44] avant de commencer avec lui. Il a appelé trois fois:
Athos! Porthos! Aramis!
Les deux mousquetaires avec lesquels nous avons déjà fait connaissance, sont entrés.
Savez-vous ce que ma dit le roi, a dit M. de Tréville, et cela pas plus tard quhier au soir[45]? le savez-vous, messieurs?
Non, monsieur, ont répondu les mousquetaires.
M. de Tréville était en colère.
Il ma dit quil recruterait désormais ses mousquetaires parmi les gardes de M. le cardinal[46]! Il est vrai que les mousquetaires font triste figure à la cour[47]. M. le cardinal a raconté hier que ses gardes avaient été forcés darrêter[48] les mousquetaires dans un cabaret à cause de leur comportement. Arrêter des mousquetaires! Et je suis sûr que vous êtes ces mousquetaires, le cardinal vous a nommés. Voilà bien ma faute, oui, cest ma faute, parce que cest moi qui choisis mes hommes. Et Athos! je ne vois pas Athos. Où est-il?
Monsieur, a répondu tristement Aramis, il est malade, fort malade.
Voilà encore une glorieuse histoire que vous me racontez! Il est blessé sans doute, tué peut-être
Eh bien, mon capitaine, a dit Porthos hors de lui[49], la vérité est que nous étions six contre six, mais nous avons été pris en traître[50]. Deux dentre nous étaient tombés morts, et Athos, blessé grièvement, ne valait mieux[51]. Il a essayé de se relever deux fois, et il est retombé deux fois. Lon nous a entraînés de force[52]. En chemin, nous nous sommes sauvés[53]. Voilà lhistoire. Que diable, capitaine! on ne gagne pas toutes les batailles.
Et jen ai tué un avec sa propre épée[54], a dit Aramis, car la mienne sest brisée.
Je ne savais pas cela, a répondu M. de Tréville dun ton un peu radouci.
Au même instant la portière sest soulevée et on a vu un homme qui était noble et beau, mais très pâle.
Athos! se sont écriés les deux mousquetaires.
Vous mavez demandé, monsieur, a dit Athos, et je suis ici. Voilà, monsieur, que me voulez-vous?
Jai dit à ces messieurs que les mousquetaires ne doivent pas se mettre en danger sans necéssité, parce que les braves gens sont bien chers au roi, et le roi sait que ses mousquetaires sont les plus braves gens de la terre. Votre main, Athos.
M. de Tréville a pris sa main droite et la serrée. Au même instant Athos, qui avait rassemblé toutes ses forces[55] pour lutter contre la douleur et, vaincu enfin par elle[56], est tombé sur le parquet comme sil était mort.
Un chirurgien! a crié M. de Tréville, le mien, celui du roi, le meilleur! Un chirurgien!
Tout le monde voulait voir le blessé, et la chambre est devenue trop animé. Cest pourquoi on a décidé demporter Athos dans une chambre voisine. Le chirurgien a dit que létat du mousquetaire nétait pas grave, et sa faiblesse était causée par la perte du sang[57].
Puis M. de Tréville a fait un signe de la main, et tout le monde est sorti, excepté dArtagnan qui na pas oublié quil avait audience et était demeuré à la même place.
M. de Tréville a oublié le jeune homme à cause de lévénement qui venait darriver. DArtagnan lui a dit son nom et M. de Tréville sest rappelé tous ses souvenirs du présent et du passé.
Jai beaucoup aimé monsieur votre père, il a dit, que puis-je faire pour son fils?
Monsieur, a dit dArtagnan, je voudrais vous demander une casaque de mousquetaire[58]. Mais après ce que jai vu ici je tremble de ne point la mériter[59].
Je vous annonce avec regret, a répondu M. de Tréville, quon ne reçoit personne mousquetaire avant lépreuve préalable. Mais en faveur de votre père, mon ancien compagnon, je veux faire quelque chose pour vous, jeune homme. Je crois que je peux vous aider avec largent.
DArtagnan sest redressé dun air fier[60] pour montrer quil ne demandait laumône à personne[61].
Cest bien, jeune homme, cest bien, a continué de Tréville, je connais ces airs-là, je suis venu à Paris avec quatre écus dans ma poche, et je me serais battu avec quiconque maurait dit que je nétais pas en état dacheter le Louvre[62]. Vous avez donc besoin de vous perfectionner dans les exercices qui conviennent à un gentilhomme. Aujourdhui jécrirai une lettre au directeur de lacadémie royale, et il vous recevra sans rétribution[63]. Vous apprendrez le manège du cheval[64], lescrime et la danse; vous y ferez de bonnes connaissances.
DArtagnan, déçu par sa réponse, a dit:
Je vois maintenant que jai besoin de la lettre de recommendation de mon pêre. Elle ma été volée!
Et dArtagnan a raconté toute la scène de Meung. Il a décrit le gentilhomme inconnu et la femme qui sappelait Milady. De Tréville lui a conseillé déviter les rencontres avec cet homme très dangereux.
Vous êtes un honnête garçon, il a dit, mais dans ce moment je ne peux faire que ce que je vous ai offert tout à lheure[65]. Mon hôtel vous sera toujours ouvert.
Au même moment de Tréville a vu que dArtagnan rougissait de colère et sest elancé hors du cabinet[66] en criant:
Voilà mon voleur! Il ne méchappera pas, cette fois!
Et le jeune homme a disparu.
Chapitre IV
DArtagnan, furieux, sélançait sur lescalier, et tout à coup, il est allé donner tête baissée dans un mousquetaire[67] qui sortait du cabinet de M. de Tréville.
Excusez-moi, a dit dArtagnan, excusez-moi, mais je suis pressé[68].
Vous me heurtez, vous dites: «Excusez-
moi», et vous croyez que cela suffit? a répondu le mousquetaire.
DArtagnan a reconnu Athos dans cet homme.
Jai dit: «Excusez-moi.» Il me semble donc que cest assez. Je vous prie, et laissez-moi aller où jai affaire[69].
Monsieur, a dit Athos, vous nêtes pas poli.
Ce nest pas vous qui me donnerez une leçon de belles manières[70], je vous préviens. Ah! si je nétais pas si pressé, et si je ne courais pas après quelquun
Monsieur lhomme pressé, vous me trouverez sans courir, entendez-vous?
Et où, sil vous plaît?
Près des Carmes-Deschaux[71].
À quelle heure?
Vers midi.
Vers midi, cest bien, jy serai.
Tâchez de ne pas me faire attendre[72], car à midi un quart je courrai après vous et vous couperai les oreilles.
Bon! lui a crié dArtagnan, jy serai à midi moins dix minutes[73].
Et il sest mis à courir, espérant retrouver encore son inconnu.
Mais, à la porte de la rue, il a vu Porthos avec un garde. DArtagnan a décidé de passer comme une flèche entre eux deux. Mais quand il allait passer, le vent a monté le manteau de Porthos. DArtagnan est venu donner droit dans le manteau[74]. Et maintenant le jeune homme a compris pourquoi Porthos portait ce manteau: cétait un moyen de cacher le côte opposé du magnifique baudrier que nous déjà connaissons. Ce baudrier était dor par-devant et de simple buffle par-derrière[75].
Vous êtes donc enragé de vous jeter comme cela sur les gens! a crié Porthos faisant tous ses efforts pour se débarrasser de dArtagnan[76].
Excusez-moi, mais je suis très pressé, je cours après quelquun, et
Est-ce que vous oubliez vos yeux quand vous courez, par hasard[77]? a demandé Porthos.
Non, a répondu dArtagnan, non, et grâce à mes yeux je vois même ce que ne voient pas les autres.
Porthos a compris ou na pas compris, mais il était en colère. Il a fait un mouvement pour se précipiter sur dArtagnan.
Plus tard, plus tard, lui a crié dArtagnan, quand vous naurez plus votre manteau.
À une heure donc, derrière le Luxembourg[78].
Très bien, à une heure, a répondu dArtagnan en tournant langle de la rue.
Mais dans la rue il na vu personne. Peut-être, le gentilhomme inconnu est entré dans une quelque maison.
Dans la rue près de lhôtel dAiguillon dArtagnan a aperçu Aramis qui parlait avec deux gentilhommes. DArtagnan a salué le mousquetaire, et Aramis a incliné légèrement sa tête. Tout à coup, dArtagnan a remarqué que Aramis avait laissé tomber son mouchoir[79] et avait mis le pied dessus[80]. Le jeune homme a cru que le moment était arrivé de se comporter poliment[81]. Il a tiré le mouchoir avec effort de dessous le pied[82] du mousquetaire.
Je crois, monsieur, que voici un mouchoir que vous avez perdu.
Aramis a rougi excessivement.