Тайны Арсена Люпена. Уровень 1 / Les Confi dences d’Arsène Lupin - Морис Леблан 3 стр.


 Alors?

 Je suis lhomme qui lui a rendu son fils!»

Le signe de lombre

«Jai reçu votre télégramme, me dit. Et me voici. Quy a-t-il?»

«Quy a-t-il? répliquai-je, oh! pas grand-chose, une coïncidence assez bizarre.

 Et alors?

 Vous êtes bien pressé![107]

 Excessivement. Par conséquent[108], droit au but.

 Droit au but[109], allons-y. Et commencez, je vous prie, par jeter un coup dœil[110] sur ce petit tableau.

 Abominable, en effet, dit Lupin, au bout dun instant[111], mais le sujet lui-même ne manque pas de saveur

 Cest authentique, ajoutai-je. La toile, bonne ou mauvaise, na jamais été enlevée de son cadre Empire. Dailleurs, la date est là Tenez, dans le bas, à gauche, ces chiffres rouges, 15-4-2, qui signifient évidemment 15 avril 1802.

 En effet[112] en effet Mais vous parliez dune coïncidence, et, jusquici, je ne vois pas»

Jallai prendre dans un coin une longue-vue que je braquai vers la fenêtre ouverte dune petite chambre située en face de mon appartement, de lautre côté de la rue. Et je priai Lupin de regarder.

«Ah! dit Lupin tout à coup[113], le même tableau!

 Exactement le même! affirmai-je. Et la date vous voyez la date en rouge? 15-4-2.

 Oui, je vois Et qui demeure dans cette chambre?

 Une dame ou plutôt une ouvrière, puisquelle est obligée de travailler pour vivre des travaux de couture qui la nourrissent à peine, elle et son enfant.

 Comment sappelle-t-elle?


 Louise dErnemont»

Il releva la tête et me demanda:

«Lhistoire est intéressante Pourquoi avez-vous attendu pour me la raconter?

 Parce que cest aujourdhui le 15 avril.

 Eh bien?

 Eh bien, depuis hier, je sais un bavardage de concierge que le 15 avril occupe une place importante dans la vie de Louise dErnemont. Le 15 avril, elle sort avec sa petite fille vers dix heures, et ne rentre quà la nuit tombante. Cela, depuis des années, et quel que soit le temps.[114]

 Étrange prononça Lupin dune voix lente. Et lon ne sait pas où elle va?

 On lignore.

 Vous êtes sûr de vos informations?

 Tout à fait sûr.[115] Et voici la preuve.»

Une porte sétait ouverte en face, et on vit une petite fille et une femme.

«Vous voyez, murmurai-je, elles vont sortir.»

De fait, après un moment, la mère prit lenfant par la main, et elles quittèrent la chambre.

Lupin saisit son chapeau.

«Venez-vous?»

Je descendis avec Lupin.

En arrivant dans la rue, nous aperçûmes ma voisine qui entrait chez un boulanger. Elle acheta deux petits pains quelle plaça dans un panier que portait sa fille et qui semblait déjà contenir des provisions.

Louise dErnemont prit une des ruelles étroites et désertes. Il y avait dabord à droite, une maison dont la façade donnait sur la rue Raynouard, puis un mur moisi. Vers le milieu, devant laquelle Louise dErnemont sarrêta, et quelle ouvrit à laide dune clef. La mère et la fille entrèrent.

«En tout cas[116], me dit Lupin, elle na rien à cacher, car elle ne sest pas retournée une seule fois»

Il avait à peine achevé cette phrase quun bruit de pas retentit derrière nous. Cétaient deux vieux mendiants, un homme et une femme. Ils passèrent sans prêter attention à notre présence.[117] Lhomme sortit de sa besace une clef semblable à celle de ma voisine, et lintroduisit dans la serrure. La porte se referma sur eux.

Et tout de suite, au bout de la ruelle, un bruit dautomobile qui sarrête Lupin mentraîna cinquante mètres plus bas. Et nous vîmes descendre, un petit chien sous le bras, une jeune femme très élégante, parée de bijoux, les yeux trop noirs, les lèvres trop rouges, et les cheveux trop blonds. Devant la porte, même manœuvre, même clef La demoiselle au petit chien disparut.

«Ça commence à devenir amusant,» ricana Lupin.

Successivement débouchèrent deux dames âgées, maigres, qui se ressemblaient comme deux sœurs; puis un valet de chambre[118]; puis un caporal dinfanterie; puis un gros monsieur vêtu dune jaquette malpropre; puis une famille douvriers. Et chacun des nouveaux venus arrivait avec un panier rempli de provisions.

«Cest un pique-nique,» mécriai-je.

Nous cherchions vainement un stratagème pour entrer, quand, tout à coup, la petite porte se rouvrit et livra passage[119] à lun des enfants de louvrier.

Le gamin monta en courant jusquà la rue Raynouard. Quelques minutes après, il rapportait deux bouteilles deau. Lorsque lenfant repoussa la porte, Lupin fit un bond[120] et planta la pointe de son couteau dans la gâche de la serrure[121].

«Nous y sommes,» dit Lupin.

Il entra franchement. Je suivis son exemple et je pus constater que, à dix mètres en arrière du mur, un massif de lauriers élevait comme un rideau qui nous permettait davancer sans être vus.

Le spectacle qui soffrit alors à mes yeux était si imprévu, que je ne pus retenir une exclamation, tandis que, de son côté, Lupin jurait entre ses dents:

«Crebleu! celle-là est drôle!»

Le même décor que sur le tableau! Le même décor!

Il était alors une heure et demie. Le mendiant sortit sa pipe, ainsi que le gros monsieur. Les hommes se mirent à fumer près de la rotonde, et les femmes les rejoignirent. Dailleurs, tous ces gens avaient lair de se connaître.

Ils se trouvaient assez loin de nous, de sorte que[122] nous nentendions pas leurs paroles. Soudain il y eut une exclamation et, aussitôt, des cris de colère, et tous, hommes et femmes, ils sélancèrent en désordre vers le puits.

Un des gamins de louvrier en surgissait à ce moment, attaché par la ceinture au crochet de fer qui termine la corde, et les trois autres gamins le remontaient en tournant la manivelle.

Plus agile, le caporal se jeta sur lui, et, tout de suite, le valet de chambre et le gros monsieur lagrippèrent, tandis que les mendiants et les sœurs maigres se battaient avec le ménage ouvrier.

En quelques secondes, il ne restait plus à lenfant que sa chemise.

«Ils sont fous! murmurai-je.

 Mais non, mais non, dit Lupin.»

À la fin, Louise dErnemont qui, dès le début, sétait posée en conciliatrice, réussit à apaiser le tumulte. On sassit de nouveau. Et du temps sécoula. Chaque minute semblait les accabler dune tristesse croissante.

«Vont-ils coucher là?» prononçai-je avec ennui.

Mais, vers cinq heures, le gros monsieur à leut un geste de désespoir, se leva et mit son chapeau.

«Allons-nous-en, dit Lupin.

 Vous croyez que la séance est finie?

 Oui.»

Nous partîmes sans encombre[123]. Lupin tourna sur sa gauche et, me laissant dehors, entra dans la première maison. Après avoir conversé quelques instants avec le concierge, il me rejoignit et nous arrêtâmes une automobile.

«Rue de Turin, trente-quatre,» dit-il au chauffeur.

Nous arrivâmes à une étude de notaire[124]. Lupin se présenta sous le nom du capitaine en retraite[125] Janniot. Il cherchait une maison selon ses goûts, et on lui avait parlé dun terrain près de la rue Raynouard.

«Mais ce terrain nest pas à vendre! sécria M. Valandier, le notaire.

 Ah! on mavait dit.

 Nullement nullement»

Le notaire se leva et prit dans une armoire un objet quil nous montra. Je fus confondu. Cétait le même tableau que javais acheté, le même tableau qui se trouvait chez Louise dErnemont.

«Il sagit du terrain que représente cette toile, le clos dErnemont, comme on lappelle?

 Précisément.

 Eh bien, reprit le notaire, ce clos faisait partie dun grand jardin que possédait le fermier général dErnemont, exécuté sous la Terreur[126]. Tout ce qui pouvait être vendu, les héritiers le vendirent peu à peu. Mais ce dernier morceau est resté et restera dans lindivision à moins que»

Le notaire se mit à rire.

«À moins que? interrogea Lupin.

 Oh! cest toute une histoire assez curieuse.»

Et sans se faire prier, il commença.

«Dès le début de la Révolution, Louis-Agrippa dErnemont, sous prétexte de[127] rejoindre sa femme qui vivait à Genève avec leur fille Pauline, ferma son hôtel et sinstalla dans sa petite maison de Passy, où personne ne le connaissait, quune vieille servante dévouée. Mais on le trouva. Il eut arrêté. Son fils Charles aussi.

 Cela se passait? demanda Lupin.

 Cela se passait le vingt-six germinal, an II, cest-à-dire le»

M. Valandier sinterrompit, les yeux tournés vers le calendrier qui pendait au mur, et il sécria:

«Mais cest justement aujourdhui. Nous sommes le 15 avril, jour anniversaire de larrestation du fermier général.

 Coïncidence bizarre, dit Lupin. Et cette arrestation eut, sans doute[128], étant donné lépoque, des suites graves?

 Oh! fort graves, dit le notaire en riant. Trois mois après, au début de Thermidor, le fermier général montait sur léchafaud. On oublia son fils Charles en prison, et leurs biens furent confisqués.

 Des biens immenses, nest-ce pas? fit Lupin.

 Eh voilà! voilà précisément où les choses se compliquent. Ces biens qui, en effet, étaient immenses, demeurèrent introuvables.

 Il restait tout au moins, dit Lupin, la maison de Passy.

 La maison de Passy fut achetée à vil prix[129] par le délégué même de la Commune qui avait arrêté dErnemont, le citoyen Broquet. Le citoyen Broquet sy enferma, barricada les portes, et lorsque Charles dErnemont, enfin libéré, se présenta, il le reçut à coups de fusil[130]. Le 12 février 1803, le citoyen Broquet vida les lieux[131], mais était fou!

 Bigre! murmura Lupin. Et que devint-il?

 Sa mère, et sa sœur Pauline étant mortes toutes deux, la vieille servante prit soin de lui[132]. Avant de mourir cette servante déclara que, au début de la Révolution, le fermier général avait transporté dans sa maison de Passy des sacs remplis dor et dargent, et que ces sacs avaient disparu quelques jours avant larrestation. Les trésors se trouvaient cachés dans le jardin. Comme preuve la servante montra trois tableaux, ou plutôt, car ils nétaient pas encadrés, trois toiles que le fermier général avait peintes durant sa captivité et quil avait réussi à lui faire passer avec lordre de les remettre à sa femme, à son fils et à sa fille.

 Et ils y sont encore, ricana Lupin.

 Et ils y seront toujours, sécria Me Valandier

 Mais Charles?

 Charles vivait dans la retraite la plus absolue[133]. Il ne quittait pas sa chambre.

 Jamais?

 Une fois lan, Charles dErnemont descendait, suivait exactement le chemin que son père avait suivi, traversait le jardin, et sasseyait tantôt sur les marches de la rotonde, dont vous voyez ici le dessin, tantôt sur la margelle de ce puits. Ce jour-là, cétait le 15 avril, jour de lanniversaire de larrestation.»

M. Valandier ne souriait plus.

Après un instant de réflexion, Lupin demanda:

«Et depuis la mort de Charles?

 Depuis cette époque, reprit le notaire avec une certaine solennité, depuis bientôt cent ans, les héritiers de Charles et de Pauline dErnemont continuent le pèlerinage le quinze avril. Ils attendent. Ils attendent le quinze avril, et lorsque le quinze avril est arrivé, ils attendent quun miracle se produise.»

Un nouveau silence, et Lupin reprit:

«Votre opinion, Maître Valandier?

 Mon opinion est quil ny a rien.

 Cependant les tableaux?

 Oui, évidemment. Mais tout de même[134], est-ce une preuve suffisante?

 Vous avez parlé de trois tableaux? Et chacun deux portait la même date?

 Oui, inscrite par Charles dErnemont La même date,

15-4-2, cest-à-dire le 15 avril, an II, selon le calendrier révolutionnaire, puisque larrestation eut lieu en avril 1794.

 Ah! bien, parfait dit Lupin le chiffre 2 signifie»

Il demeura pensif durant quelques instants et reprit:

«Encore une question, voulez-vous? Personne ne sest jamais offert pour résoudre ce problème?»

Me Valendier leva les bras.

«Que dites-vous là sécria-t-il. Toute personne étrangère qui voulait opérer des recherches devait, au préalable, déposer une certaine somme.

 Quelle somme?

 Cinq mille francs. En cas de réussite, le tiers des trésors revient à lindividu. En cas dinsuccès, le dépôt reste acquis aux héritiers. Comme ça, je suis tranquille.

 Voici les cinq mille francs.»

Le notaire sursauta.

«Hein! que dites-vous?


 Je dis, répéta Lupin en sortant cinq billets de sa poche, je dis que voici le dépôt de cinq mille francs.

 Cest sérieux? articula Me Valandier.

 Absolument sérieux.

 Pourtant je ne vous ai pas caché mon opinion. Toutes ces histoires invraisemblables ne reposent sur aucune preuve.

 Je ne suis pas de votre avis[135], déclara Lupin.»

Le notaire le regarda comme on regarde un monsieur dont la raison nest pas très saine.

«Si vous changez davis, ajouta-t-il, je vous prie de men avertir huit jours davance.»

On se quitta. Aussitôt dans la rue, je mécriai:

«Vous savez donc quelque chose?

 Moi? répondit Lupin, rien du tout. Et cest là, précisément, ce qui mamuse.

 Mais il y a cent ans que lon cherche!

 Il sagit moins de chercher que de réfléchir. Or jai trois cent soixante-cinq jours pour réfléchir.»

Puis il y eut toute une période durant laquelle je neus pas loccasion de le voir[136].

De fait, le matin du 15 avril arriva, et javais fini de déjeuner que Lupin nétait pas encore là. À midi un quart, je men allai et me fis conduire à Passy.

Tout de suite, dans la ruelle, javisai les quatre gamins de louvrier qui stationnaient devant la porte. Averti par eux, Me Valandier accourut à ma rencontre.

«Eh bien, le capitaine Janniot? sécria-t-il.

 Il nest pas ici?

 Non.»

Les groupes se pressaient autour du notaire.

«Ils espèrent, me dit Me Valandier, et cest ma faute.»

Il minterrogea, et je lui donnai, sur le capitaine, des indications quelque peu fantaisistes que les héritiers écoutaient en hochant la tête[137].

Louise dErnemont murmura:

«Et sil ne vient pas?

 Nous aurons toujours les cinq mille francs à nous partager,» dit le mendiant.

À une heure et demie, les deux sœurs maigres sassirent, prises de défaillance. Puis le gros monsieur à la jaquette malpropre eut une révolte subite contre le notaire.

«Parfaitement, Maître Valandier, vous êtes responsable»

Il me regarda dun œil mauvais[138].

Mais laîné des gamins surgit à la porte en criant:

«Voilà quelquun!.. Une motocyclette!..»

Le bruit dun moteur grondait par-delà le mur[139].

«Mais ce nest pas le capitaine Janniot, clama le notaire qui hésitait à le reconnaître.

 Si, affirma Lupin en nous tendant la main, cest le capitaine Janniot, seulement jai fait couper ma moustache Maître Valandier, voici le reçu que vous avez signé.»

Il saisit un des gamins par le bras et lui dit:

«Cours à la station de voitures et ramène une automobile jusquà la rue Raynouard.»

Il y eut des gestes de protestation. Le capitaine Janniot prononça:

«Vous mexcuserez. Le rapide de Marseille a déraillé entre Dijon et Laroche. Il y a une douzaine de morts, et des blessés que jai dû secourir. Alors, dans le fourgon des bagages, jai trouvé cette motocyclette»

Il consulta sa montre.[140]

«Eh! Eh! pas de temps à perdre.»

Je le regardais avec une curiosité ardente. Lentement le capitaine Janniot se dirigea vers la gauche et sapprocha du cadran solaire. Il demanda:

«Un couteau, sil vous plaît?»

Deux heures sonnèrent quelque part.[141] À cet instant précis[142], sur le cadran illuminé de soleil, lombre de la flèche se profilait suivant une cassure du marbre qui coupait le disque à peu près par le milieu[143].

Le capitaine saisit le couteau quon lui tendait. Il louvrit et il commença à gratter le mélange de terre, de mousse et de lichen qui remplissait létroite cassure.

Tout de suite, à dix centimètres du bord, il sarrêta, comme si son couteau eût rencontré un obstacle.

«Tenez, Maître Valandier, voici toujours quelque chose.»

Cétait un diamant énorme.

Le capitaine se remit à la besogne. Presque aussitôt, nouvelle halte. Un second diamant apparut. Puis il en vint un troisième, et un quatrième. Le capitaine avait retiré dix-huit diamants de la même grosseur.

Le gros monsieur murmura:

«Crénom de crénom»

Назад Дальше