Aventures Et Mesaventures Du Baron De Munchhausen - Burger Gottfried August 9 стр.


Des que nous fumes de retour, j’envoyai, au nom du capitaine, quelques jambons aux lords de l’Amiraute, aux lords de l’Echiquier, au lord-maire et aux aldermen de Londres, aux clubs de commerce, et distribuai le surplus entre mes amis. Je recus de tous cotes les remerciements les plus chaleureux; la Cite me rendit mon amabilite en m’invitant au diner annuel qui se celebre lors de la nomination du lord-maire.

J’envoyai les peaux d’ours a l’imperatrice de Russie pour servir de pelisse d’hiver a Sa Majeste et a sa cour. Elle m’en remercia par une lettre autographe que m’apporta un ambassadeur extraordinaire, et ou elle me priait de venir partager sa couronne avec elle. Mais comme je n’ai jamais eu beaucoup de gout pour la souverainete, je repoussai, dans les termes les plus choisis, l’offre de Sa Majeste. L’ambassadeur qui m’avait apporte la lettre avait l’ordre d’attendre ma reponse pour la rapporter a sa souveraine. Une seconde lettre, que quelque temps apres je recus de l’imperatrice, me convainquit de l’elevation de son esprit et de la violence de sa passion. Sa derniere maladie, qui la surprit au moment ou – pauvre et tendre femme – elle s’entretenait avec le comte Dolgorouki, ne doit etre attribuee qu’a ma cruaute envers elle. Je ne sais pas quel effet je produisis aux dames, mais je dois dire que l’imperatrice de Russie n’est pas la seule de son sexe qui du haut de son trone m’ait offert sa main.

On a repandu le bruit que le capitaine Phipps n’etait pas alle aussi loin vers le Nord qu’il l’aurait pu: il est de mon devoir de le defendre sur ce point. Notre batiment etait en bon chemin d’atteindre le pole, lorsque je le chargeai d’une telle quantite de peaux d’ours et de jambons que c’eut ete folie d’essayer d’aller plus loin; nous n’eussions pas pu naviguer contre le plus leger vent contraire, et moins encore contre les glacons qui encombrent la mer a cette latitude.

Le capitaine a depuis declare bien souvent combien il regrettait de ne pas avoir pris part a cette glorieuse journee, qu’il avait emphatiquement surnommee la

Un de mes parents eloignes s’etait mis dans la tete qu’il devait absolument y avoir quelque part un peuple egal en grandeur a celui que Gulliver pretend avoir trouve dans le royaume de Brobdingnag. Il resolut de partir a la recherche de ce peuple, et me pria de l’accompagner. Pour ma part, j’avais toujours considere le recit de Gulliver comme un conte d’enfant, et je ne croyais pas plus a l’existence de Brobdingnag qu’a celle de l’Eldorado; mais comme cet estimable parent m’avait institue son legataire universel, vous comprenez que je lui devais des egards. Nous arrivames heureusement dans la mer du Sud, sans rien rencontrer qui merite d’etre rapporte, si ce n’est cependant quelques hommes et quelques femmes volants qui gambadaient et dansaient le menuet en l’air.

Le dix-huitieme jour apres que nous eumes depasse Otahiti, un ouragan enleva notre batiment a pres de mille lieues au-dessus de la mer, et nous maintint dans cette position pendant assez longtemps. Enfin un vent propice enfla nos voiles et nous emporta avec une rapidite extraordinaire. Nous voyagions depuis six semaines au-dessus des nuages lorsque nous decouvrimes une vaste terre, ronde et brillante, semblable a une ile etincelante. Nous entrames dans un excellent port, nous abordames et trouvames le pays habite. Tout autour de nous, nous voyions des villes, des arbres, des montagnes, des fleuves, des lacs, si bien que nous nous croyions revenus sur la terre que nous avions quittee.

Dans la lune – car c’etait la l’ile etincelante ou nous venions d’aborder -, nous vimes de grands etres montes sur des vautours, dont chacun avait trois tetes. Pour vous donner une idee de la dimension de ces oiseaux, je vous dirai que la distance mesuree de l’extremite d’une de leurs ailes a l’autre est six fois plus grande que la plus longue de nos vergues. Au lieu de monter a cheval, comme nous autres habitants de la terre, les gens de la lune montent ces sortes d’oiseaux.

A l’epoque ou nous arrivames, le roi de ce pays etait en guerre avec le soleil. Il m’offrit un brevet d’officier; mais je n’acceptai point l’honneur que me faisait Sa Majeste.

Tout, dans ce monde-la, est extraordinairement grand: une mouche ordinaire, par exemple, est presque aussi grosse qu’un de nos moutons. Les armes usuelles des habitants de la lune sont des raiforts qu’ils man?uvrent comme des javelots, et qui tuent ceux qui en sont atteints. Lorsque la saison des raiforts est passee, ils emploient des tiges d’asperges. Pour boucliers, ils ont de vastes champignons.

Je vis en outre dans ce pays quelques naturels de Sirius venus la pour affaires; ils ont des tetes de bouledogue et les yeux places au bout du nez, ou plutot a la partie inferieure de cet appendice. Ils sont prives de sourcils; mais lorsqu’ils veulent dormir, ils se couvrent les yeux avec leur langue; leur taille moyenne est de vingt pieds; celle des habitants de la lune n’est jamais au-dessous de trente-six pieds. Le nom que portent ces derniers est assez singulier; il peut se traduire par celui d’

Les joies de l’amour sont completement inconnues dans la lune; car, chez les etres cuisants aussi bien que chez les autres animaux, il n’existe qu’un seul et meme sexe. Tout pousse sur des arbres qui different a l’infini les uns des autres, suivant les fruits qu’ils portent. Ceux qui produisent les etres cuisants ou hommes sont beaucoup plus beaux que les autres; ils ont de grandes branches droites et des feuilles couleur de chair; leur fruit consiste en noix a ecorce tres dure, et longues d’au moins six pieds. Lorsqu’elles sont mures, ce qu’on reconnait a leur couleur, on les cueille avec un grand soin, et on les conserve aussi longtemps qu’on le juge convenable. Quand on veut retirer le noyau, on les jette dans une grande chaudiere d’eau bouillante; au bout de quelques heures, l’ecorce tombe, et il en sort une creature vivante.

Avant qu’ils viennent au monde, leur esprit a deja recu une destination determinee par la nature.

D’une ecorce sort un soldat, d’une autre un philosophe, d’une troisieme un theologien; d’une quatrieme un jurisconsulte, d’une cinquieme un fermier, d’une sixieme un paysan, et ainsi de suite, et chacun se met aussitot a pratiquer ce qu’il connait deja theoriquement. La difficulte consiste a juger avec certitude ce que contient l’ecorce; au moment ou je me trouvais dans le pays,un savant lunaire affirmait a grand bruit qu’il possedait ce secret. Mais on ne fit pas attention a lui, et on le tint generalement pour fou.

Lorsque les gens de la lune deviennent vieux, ils ne meurent pas, mais ils se dissolvent dans l’air et s’evanouissent en fumee.

Ils n’eprouvent pas le besoin de boire, n’etant asservis a aucune excretion. Ils n’ont a chaque main qu’un seul doigt avec lequel ils executent tout beaucoup mieux que nous ne le faisons avec notre pouce et ses quatre aides.

Ils portent leur tete sous le bras droit, et, lorsqu’ils vont en voyage ou qu’ils sont a executer quelque travail qui exige beaucoup de mouvement, ils la laissent habituellement a la maison; car ils peuvent lui demander conseil a n’importe quelle distance.

Les hauts personnages de la lune, lorsqu’ils veulent savoir ce que font les gens du peuple, n’ont pas coutume d’aller les trouver; ils restent a la maison, c’est-a-dire que leur Corps reste chez eux, et qu’ils envoient leur tete dans la rue pour voir incognito ce qui s’y passe. Une fois les renseignements recueillis, elle revient des que le maitre la rappelle.

Les pepins de raisin lunaire ressemblent exactement a nos grelons, et je suis fermement convaincu que, lorsqu’une tempete detache les grains de leur tige, les pepins tombent sur notre terre et forment notre grele. Je suis meme porte a croire que cette observation doit etre connue depuis longtemps de plus d’un marchand de vin; du moins j’ai bien souvent bu du vin qui m’a paru fait de grelons, et dont le gout rappelait celui du vin de la lune.

J’allais oublier un detail des plus interessants. Les habitants de la lune se servent de leur ventre comme des gibecieres; ils y fourrent tout ce dont ils ont besoin, l’ouvrent et le ferment a volonte comme leur estomac, car ils ne sont pas embarrasses d’entrailles, ni de c?ur, ni de foie; ils ne portent non plus pas de vetements, l’absence de sexe les dispensant de pudeur.

Ils peuvent a leur gre oter et remettre leurs yeux, et, lorsqu’ils les tiennent a la main, ils voient aussi bien que s’ils les avaient sur la figure. Si, par hasard, ils en perdent ou en cassent un, ils peuvent en louer ou en acheter un nouveau, qui leur fait le meme service que l’autre; aussi rencontre-t-on dans la lune, a chaque coin de rue, des gens qui vendent des yeux; ils en ont les assortiments les plus varies, car la mode change souvent: tantot ce sont les yeux bleus, tantot les yeux noirs, qui sont mieux portes.

Je conviens; messieurs, que tout cela doit vous paraitre etrange; mais je prie ceux qui douteraient de ma sincerite de se rendre eux-memes dans la lune, pour se convaincre que je suis reste plus fidele a la verite qu’aucun autre voyageur.

CHAPITRE XVII Voyage a travers la terre et autres aventures remarquables.

Si je m’en rapporte a vos yeux, je suis sur que je me fatiguerais plus vite a vous raconter les evenements extraordinaires de ma vie que vous a les ecouter. Votre complaisance est trop flatteuse pour que je m’en tienne, ainsi que je me l’etais propose, au recit de mon second voyage dans la lune. Ecoutez donc, s’il vous plait, une histoire dont l’authenticite est aussi incontestable que celle de la precedente, mais qui la surpasse par l’etrangete et le merveilleux dont elle est empreinte.

La lecture du

Un matin de bonne heure, je sortais d’une chaumiere situee au pied de la montagne, fermement resolu a examiner, dut-il m’en couter la vie, l’interieur de ce celebre volcan. Apres trois heures d’une marche des plus penibles, j’atteignis le sommet de la montagne. Depuis trois semaines le volcan grondait sans discontinuer. Je ne doute pas, messieurs, que vous ne connaissiez l’Etna par les nombreuses descriptions qui en ont ete faites: je n’essayerai donc pas de vous redire ce que vous savez aussi bien que moi, et j’epargnerai a moi une peine et a vous une fatigue inutile.

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