Aristophane; Traduction nouvelle, tome premier - Аристофан 4 стр.


C'est donc comme cela, misérable, infâme? Vil mendiant, tu oses nous parler ainsi! Et s'il y a ici quelque sykophante, tu l'outrages!

DEUXIÈME DEMI-CHŒUR

Par Poséidôn! tout ce qu'il dit est justement dit, et il ne ment pas d'un mot.

PREMIER DEMI-CHŒUR

Si c'est juste, fallait-il le dire? Mais tu n'auras pas à te réjouir de l'audace de tes paroles.

DEUXIÈME DEMI-CHŒUR

Où cours-tu donc? Ne bouge pas. Si tu frappes cet homme, je te ferai danser.

PREMIER DEMI-CHŒUR

O Lamakhos, ô toi dont les regards lancent des éclairs, viens-nous en aide; toi dont l'aigrette est une Gorgôn, parais, ô Lamakhos, mon ami, citoyen de ma tribu. S'il y a là un taxiarkhe, un stratège, des défenseurs des remparts, venez vite à notre aide; on porte la main sur moi.

LAMAKHOS

Quel cri de bataille me frappe l'oreille? Où faut-il courir à l'aide? Où dois-je lancer l'épouvante? Qui tire ma Gorgôn de son étui?

PREMIER DEMI-CHŒUR

O Lamakhos, héros redoutable par tes aigrettes et par tes bataillons!

DEUXIÈME DEMI-CHŒUR

O Lamakhos, cet homme n'en finit pas d'outrager notre ville tout entière.

LAMAKHOS

C'est toi, mendiant, qui as l'audace de tenir ce langage?

DIKÆOPOLIS

O Lamakhos, grand héros, pardonne à un mendiant qui, en prenant la parole, a dit quelque sottise.

LAMAKHOS

Qu'as-tu dit de nous? Parleras-tu?

DIKÆOPOLIS

Je n'en sais plus rien. La peur des armes me donne le vertige. Mais, je t'en prie, éloigne de moi cette Mormo.

LAMAKHOS

C'est fait.

DIKÆOPOLIS

Maintenant mets-lui la face contre terre.

LAMAKHOS

Elle y est.

DIKÆOPOLIS

Donne-moi à présent une plume de ton casque.

LAMAKHOS

Voilà la plume.

DIKÆOPOLIS

Maintenant prends-moi la tête, pour que je vomisse: les aigrettes me donnent la nausée.

LAMAKHOS

Hé! l'homme! que veux-tu faire? Tu veux te faire vomir à l'aide de cette plume?

DIKÆOPOLIS

C'est une plume, en effet. Dis moi, de quel oiseau est-elle? Est-ce du fanfaron? Est-ce du «kompolâkythos» (fanfaron)?

LAMAKHOS

Ah! tu vas y passer!

DIKÆOPOLIS

Non, Lamakhos: il ne s'agit pas de force. Puisque tu es fort, pourquoi ne pas me circoncire? Tu es bien armé?

LAMAKHOS

Un mendiant parler ainsi à un stratège!

DIKÆOPOLIS

Moi, un mendiant?

LAMAKHOS

Qu'es-tu donc?

DIKÆOPOLIS

Ce que je suis? Un bon citoyen, exempt d'ambition, et, depuis le commencement de la guerre, un bon soldat, tandis que toi tu es, depuis le commencement de la guerre, un général gagé.

LAMAKHOS

On m'a élu.

DIKÆOPOLIS

Oui, trois coucous. Et moi, indigné de ce fait, j'ai conclu une trêve, voyant des hommes à cheveux blancs dans les rangs des soldats, et des jeunes comme toi se dérobant au service, les uns en Thrakè, pour une solde de trois drakhmes, des Tisaménos, des Phænippos, et ce coquin d'Hipparkhidas; les autres auprès de Kharès; ceux-ci en Khaonie, Gérés, Théodoros, et ce vantard de Diomée; ceux-là à Kamarina, à Géla, à Katagéla.

LAMAKHOS

On les a élus.

DIKÆOPOLIS

Et pourquoi les salaires vont-ils toujours à vous, et à eux rien? Dis-moi, Mariladès, toi dont les cheveux blanchissent, as-tu jamais eu une pareille mission? Il fait signe que non. Il est cependant prudent et actif. Et vous, Drakyllos, Euphoridès, Prinidès, quelqu'un de vous connaît-il Ekbatana ou les Khaoniens? Ils disent que non. C'est affaire au fils de Kœsyra et à Lamakhos, qui ne pouvaient hier encore payer leur écot ou leurs dettes, et à qui tous leurs amis, comme font le soir les gens qui jettent dehors leurs bains de pieds, criaient: Gare!

LAMAKHOS

O démocratie! est-ce tolérable?

DIKÆOPOLIS

Non certes, si Lamakhos n'était pas bien payé.

LAMAKHOS

Mais moi, je veux faire une guerre éternelle à tous les Péloponésiens, jeter partout le désordre, sur mer et sur terre, et de la bonne sorte.

DIKÆOPOLIS

Et moi, je déclare à tous les Péloponésiens, aux Mégariens, aux Bœotiens, qu'ils peuvent vendre et acheter chez moi; mais Lamakhos, non.

LE CHŒUR

Cet homme a la parole triomphante, et il va convaincre le peuple au sujet de la trêve. Mais changeons notre habit contre des anapestes.

Depuis que notre directeur préside à des chœurs trygiques, il ne s'est point encore avancé sur le théâtre pour parler de son talent. Mais diffamé par ses ennemis auprès des Athéniens au jugement hâtif, comme ridiculisant la ville et outrageant le peuple, il faut qu'il se disculpe maintenant auprès des Athéniens au jugement réfléchi. Notre poète dit donc qu'il est digne de tous biens, en vous empêchant d'être trop dupés par les discours des étrangers ou séduits par la flatterie, vrais citoyens de la ville des sots. Jadis les envoyés des villes commençaient, afin de vous tromper, par vous appeler les gens aux couronnes de violettes. Et aussitôt que le mot de couronnes était prononcé, vous n'étiez plus assis que du bout des fesses. Si un autre, d'un ton flatteur, parlait de la «grasse Athènes», il obtenait tout pour ce mot «grasse», dont il vous honorait comme des anchois. En agissant de la sorte, le poète a été pour vous la cause de grands biens, ainsi qu'en faisant voir au peuple des autres villes ce qu'est une démocratie. Voilà pourquoi, lorsque les envoyés de ces villes viendront vous apporter leur tribut, ils désireront voir le poète éminent qui ne craint pas de dire aux Athéniens ce qui est juste. Aussi le bruit de son audace s'est-il déjà répandu si loin, que le Roi, questionnant un jour les envoyés de Lakédæmôn, après leur avoir demandé quel était le peuple le plus puissant par ses vaisseaux, les interrogea ensuite sur ce poète et sur ceux dont il disait tant de mal; et il ajouta que ces hommes étaient devenus de beaucoup meilleurs, et qu'à la guerre, ils seraient tout à fait victorieux, en ayant un tel conseiller. C'est pour cela que les Lakédæmoniens vous proposent la paix et redemandent Ægina, non que de cette île ils aient grand souci, mais pour dépouiller ce poète. Pour vous, ne l'abandonnez jamais: sa comédie frappera juste. Il dit qu'il vous enseignera mille bonnes choses pour que vous soyez heureux, et cela sans vous cajoler, sans vous leurrer de récompenses, sans vous duper, sans user de fourberie, sans vous mettre l'eau à la bouche, mais ne vous donnant que les meilleurs conseils. Qu'après cela, Kléôn dresse ses machines, qu'il ourdisse contre moi toutes ses trames, j'aurai pour alliées la probité et la justice, et jamais on ne me prendra à être, comme lui, pour la ville, un fléau et un derrière maudit.

Viens ici, Muse brûlante, qui as la force du feu, fille véhémente d'Akharnæ. Semblable à l'étincelle qui jaillit des charbons d'yeuse, excitée par un vent favorable, quand on étend dessus une grillade de poissons, les uns tournant une grasse marinade de Thasos, les autres maniant la pâte, viens de même, mélodie fière, intense, aux accents rustiques, et traite-moi en citoyen.

Vieillards chargés d'ans, nous accusons cette ville. Loin de recevoir de vous la nourriture due à nos victoires navales, nous en souffrons de cruelles; tout vieux que nous sommes, vous nous impliquez dans des procès et vous nous faites servir de risée à de jeunes orateurs; réduits à rien, nous restons muets, usés comme de vieilles flûtes: votre Poséidôn tutélaire est un bâton. La vieillesse nous fait balbutier devant la pierre du tribunal où nous ne voyons rien que l'ombre de la Justice. Mais le jeune homme, soucieux de faire valoir son éloquence, se hâte de frapper par l'agencement de ses périodes arrondies. Puis, traînant l'accusé, il le questionne, le prend au piège de ses paroles, tourmentant, troublant, bouleversant ce pauvre Tithôn. Le vieux mâchonne, se retire frappé d'une amende, sanglote, pleure, et dit à ses amis: «Ce qui devait payer ma bière, c'est l'amende dont je suis frappé. »

Est-il décent de ruiner ainsi un vieillard blanc devant la klepsydre, un compagnon qui a beaucoup peiné, qui s'est mouillé tant de fois d'une sueur chaude et glorieuse, un brave qui s'est battu à Marathôn pour la République? Oui, nous qui étions à Marathôn, à la poursuite de l'ennemi; aujourd'hui nous sommes poursuivis à outrance par des hommes méchants, et puis après condamnés. A cela que répondrait un Marpsias?

Et de fait, est-il juste qu'un homme, courbé par l'âge comme Thoukydidès, périsse enfermé dans les déserts de la Skythia parce qu'il a maille à partir avec Képhisodèmos, cet avocat bavard? Je me suis senti pris de pitié, et j'ai versé des larmes, en voyant maltraité par un archer ce vieil homme qui, j'en atteste Dèmètèr, lorsqu'il était le Thoukydidès qui eût aisément tenu tête à la Déesse Gémissante (Dèmètèr pleurant Kora), aurait d'abord terrassé dix Evathlos, effrayé de ses cris trois mille archers, et percé de flèches le père et toute la lignée. Ah! puisque vous ne permettez pas que les vieillards jouissent du sommeil, décrétez que les causes soient divisées, de manière qu'un vieux édenté plaide contre un vieux, et les jeunes contre un homme à l'anus élargi, un bavard, le fils de Klinias. Il faut désormais exercer des poursuites, et, s'il y a un coupable, que le vieillard soit frappé d'amende par le vieillard, et le jeune homme par le jeune homme.

DIKÆOPOLIS

Voici les limites de mon marché. Tous les Péloponésiens, Mégariens et Bœotiens ont le droit de trafiquer ici, à la condition de vendre à moi, et à Lamakhos rien. J'institue pour agoranomes de mon marché ces trois fouets en cuir de Lépros désignés par le sort. Entrée interdite à tout sykophante et à tout habitant du Phasis. Pour moi, je fais apporter la colonne sur laquelle est mon traité, afin qu'il soit bien en vue sur l'Agora.

UN MÉGARIEN. (Il parle en dialecte dorien.)

Agora d'Athènes, salut, toi qui es chère aux Mégariens. Par le dieu de l'amitié! je te regrettais comme une mère. Allons, pauvres fillettes d'un père malheureux, montez les marches pour trouver des galettes, s'il y en a. Écoutez-moi, et que votre ventre soit tout attention. Qu'aimez-vous mieux, être vendues ou souffrir de la faim?

LES FILLETTES

Être vendues! être vendues!

LE MÉGARIEN

C'est aussi ce que je dis. Mais qui serait assez sot pour vous acheter, sûr d'y perdre? Toutefois il me vient à l'esprit une invention mégarienne. Je vais vous déguiser en petits cochons et dire que j'en ai à vendre. Ajustez-vous ces pattes de cochon, et faites qu'on vous croie issues d'une bonne truie. Par Hermès! si vous reveniez à la maison, vous souffririez tout de suite les horreurs de la faim. Ensuite mettez ces groins, et puis entrez dans ce sac. Là, grognez, et faites coï, comme les cochons dans les Mystères. Moi, je vais appeler Dikæopolis du côté par où il est Dikæopolis, veux-tu acheter des petits cochons?

DIKÆOPOLIS

Qu'est-ce? Un Mégarien?

LE MÉGARIEN

Nous venons à ton marché.

DIKÆOPOLIS

Comment allez-vous?

LE MÉGARIEN

Nous mourons de faim, assis auprès du feu.

DIKÆOPOLIS

Eh! de par Zeus! c'est bien agréable, si on a là un joueur de flûte. Mais que faites-vous encore à Mégara à l'heure qu'il est?

LE MÉGARIEN

Tu le demandes! Quand je suis parti de là-bas pour le marché, les gens du Conseil faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour que notre ville pérît le plus vite et le plus mal.

DIKÆOPOLIS

Vous allez donc bientôt être tirés d'embarras.

LE MÉGARIEN

C'est vrai.

DIKÆOPOLIS

Et qu'y a-t-il encore à Mégara? Combien le blé s'y vend-il?

LE MÉGARIEN

Chez nous il est à très haut prix, comme les dieux.

DIKÆOPOLIS

Apportes-tu du sel?

LE MÉGARIEN

Ne tenez-vous pas nos salines?

DIKÆOPOLIS

Est-ce de l'ail?

LE MÉGARIEN

Comment de l'ail? Mais dans toutes vos incursions, vrais mulots, vous déterrez les têtes avec vos piquets!

DIKÆOPOLIS

Eh bien, qu'apportes-tu?

LE MÉGARIEN

Des truies mystiques.

DIKÆOPOLIS

A merveille! Montre-les-moi.

LE MÉGARIEN

Hé! Elles sont belles. Soupèse-les si cela te plaît. Comme c'est gras et beau!

DIKÆOPOLIS

Mais qu'est-ce donc?

LE MÉGARIEN

Une truie, par Zeus!

DIKÆOPOLIS

Que dis-tu? D'où vient-elle?

LE MÉGARIEN

De Mégara. Ce n'est pas là une truie?

DIKÆOPOLIS

Cela ne m'en a pas l'air.

LE MÉGARIEN

N'est-ce pas absurde? Voilà un incrédule! Il dit que ce n'est pas une truie. Moi, si tu veux bien, gageons une mesure de sel parfumé de thym, si ce n'est pas là une truie, en bon grec!

DIKÆOPOLIS

Pas du tout, elle tient de l'homme.

LE MÉGARIEN

Sans doute, par Dioklès, elle tient de moi. Et toi, de qui crois-tu qu'elle soit? Veux-tu l'entendre grogner?

DIKÆOPOLIS

Oui, de par les dieux! je veux bien.

LE MÉGARIEN

Grogne vite, petite truie! Tu ne dis rien? Est-ce que tu te tais? Oh! tu vas mourir de male mort. Par Hermès! je te remporte à la maison.

LA FILLETTE

Coï! Coï!

LE MÉGARIEN

N'est-ce pas une truie?

DIKÆOPOLIS

Oui, cela m'en a l'air. Bien nourrie, dans cinq ans, elle aura son bijou parfait.

LE MÉGARIEN

Sache-le bien, elle sera pareille à sa mère.

DIKÆOPOLIS

Mais on ne peut pas l'immoler en sacrifice.

LE MÉGARIEN

Pourquoi donc? Qui empêche qu'elle ne soit immolée?

DIKÆOPOLIS

Elle n'a pas de queue.

LE MÉGARIEN

C'est qu'elle est jeune, mais devenue une vraie bête porcine, elle en aura une grande, grasse et rouge. Si tu veux la nourrir, ce sera une truie superbe.

DIKÆOPOLIS

Comme le bijou de la sœur est semblable à celui de l'autre!

LE MÉGARIEN

Elles sont de la même mère et du même père. Qu'elle engraisse, qu'il lui fleurisse des poils, et ce sera la plus belle truie qu'on puisse immoler à Aphroditè.

DIKÆOPOLIS

Mais on n'immole pas de truies à Aphroditè.

LE MÉGARIEN

Pas de truies à Aphroditè! Mais c'est la seule déesse à qui la chair des truies soit très agréable, quand elle est bien embrochée.

DIKÆOPOLIS

Mangent-elles seules maintenant sans leur mère?

LE MÉGARIEN

Oui, par Poséidôn! et aussi sans leur père.

DIKÆOPOLIS

Que mangent-elles de préférence?

LE MÉGARIEN

Tout ce que tu voudras leur donner. Mais demande-le-leur.

DIKÆOPOLIS

Petite truie, petite truie!

LA FILLETTE

Coï, coï!

DIKÆOPOLIS

Mangerais-tu bien des pois chiches montants?

LA FILLETTE

Coï, coï, coï!

DIKÆOPOLIS

Et puis encore! Des figues de Phibalis?

LA FILLETTE

Coï, coï!

DIKÆOPOLIS

Quels cris aigus vous poussez à propos de figues! Que quelqu'un de l'intérieur apporte des figues à ces petites truies. En mangeront-elles? Ah! ah! comme elles les croquent, ô vénérable Hèraklès! De quel pays sont ces truies? On les croirait de Tragasa-la-Goulue.

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